Quand vous aurez vu cette image, vous ne demanderez plus la mort pour Vincent Lambert

Nouvelles internationales de la culture de vie et de la culture de mort
Libellés : arrêt des soins, déshydratation, euthanasie, faim, image, mort, soif, Terri Schiavo, Vincent Lambert
J'étais mercredi au tribunal administratif qui a jugé en séance plénière le référé-liberté introduit par les parents, un frère et une sœur de Vincent Lambert. Cet article a paru dans Présent, il a été pendant un jour en libre accès sur le site du seul quotidien de la presse écrite qui ne fait pas de concession à la culture de mort. Ce quotidien a besoin d'abonnés pour pouvoir poursuivre son travail d'information et de vérité. On peut s'abonner sur le site, ou encore bénéficier d'une offre de découverte en m'écrivant via les commentaires sous cet article (ces commentaires ne seront pas publiés). Merci de votre soutien, il nous est indispensable.
Qui l’eût cru ? Alors que le rouleau compresseur de la culture de mort semble n’avoir jamais été aussi pesant, aussi destructeur, alors que le président de la République venait d’inscrire parmi ses urgences, la veille à sa conférence de presse, le vote d’une « assistance médicalisée en fin de vie », Mme le rapporteur public dans l’affaire Vincent Lambert a demandé mercredi la suspension de la décision de le faire mourir de déshydratation et d’inanition.
Elle l’a fait au terme d’une intervention de cinquante minutes, très structurée, très travaillée, très juridique. Ce fut le moment le plus intense de cette audience exceptionnelle au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, où se pressaient de nombreux journalistes mais aussi des gens du cru, la curiosité piquée par cette cause célèbre et, à en juger d’après leurs réactions, touchés par les arguments contre la mise à mort de Vincent Lambert par une « procédure de fin de vie » alors qu’il n’est pas malade, mais handicapé. Et si demain c’était moi qu’on voulait débrancher ?
Cette femme jeune, profil volontaire et coiffure moderne – elle n’a pas l’allure d’une « intégriste » repliée sur ses certitudes religieuses, pour parler comme nos confrères des médias de progrès – n’a pas donné raison en tous points aux arguments développés par les défenseurs de la vie de Vincent Lambert. Mais, observant avec Montaigne que « Tu ne meurs pas de ce que tu es malade, tu meurs de ce que tu es vivant », elle a souligné l’état de « vulnérabilité complète » de ce jeune homme handicapé, qui l’empêche de s’exprimer. C’est à ce titre qu’elle va demander la protection de sa vie, « sauvegarde d’une liberté fondamentale ».
Garanties
Car dans le cas contraire, observe le rapporteur public, si l’on appliquait à Vincent Lambert une mesure qui a pour but de protéger des personnes mourantes d’une obstination déraisonnable, on aboutirait pour toute personne en cet état mais « non en fin de vie à des garanties moindres si on pouvait interrompre tout traitement en mettant sa vie en danger ». Elle a cité longuement le Pr Xavier Ducrocq, spécialiste en neurologie et membre du comité d’éthique du CHU de Nancy, et le Pr Jeanblanc, chef d’une unité de soins pour patients en état pauci-relationnel – ils avaient tous deux fait le voyage de Châlons pour soutenir de leur science et de leur compassion les parents, le frère et la sœur de Vincent Lambert.
Elle a noté que décider de la mort de Vincent Lambert en raison de son état de conscience minimale (mais c’est un état de conscience !) « revient à porter un jugement sur sa qualité de vie, sur la qualité de la vie, sur le sens d’une vie – et cela n’a pas à être apprécié par vous », lance-t-elle aux neuf juges qui siègent, solennellement, donnant un poids exceptionnel à cette décision de référé.
Alimenter Vincent Lambert constitue-t-il pour lui une « lourdeur, de la douleur, de la douleur ressentie ? » Elle répond à sa propre question : « Rien ne permet de déterminer que la nourriture et l’hydratation artificielles lui apportent plus de souffrance que de bienfaits. » Comme rien, chez ce jeune homme qui ne peut exprimer ce qu’il ressent, ne permet d’interpréter ses réactions de « refus de soins », invoqués par certains de ses soignants, comme un refus de vivre.
Pas d’obstination déraisonnable
« Cela n’est pas suffisant pour affirmer une disproportion du traitement, il n’y a pas d’obstination déraisonnable », et la décision de le faire mourir est une « atteinte manifestement illégale » à ses droits. C’est pour les juges « le devoir de faire cesser l’illégalité introduite par la décision ».
Il faut le noter : dans 80 % des cas, le juge administratif suit l’avis du représentant de l’Etat.
Il faut noter aussi combien cette prise de position de Mme le rapporteur est étonnante, non du point de vue juridique, mais par rapport au contexte : les médias quasi unanimes ont pris position pour le Dr Kariger, de l’unité de gériatrie et soins palliatifs, qui défendra à l’audience sa décision de « laisser mourir » – faire mourir en réalité ! – ce garçon qui n’est pas en fin de vie. Libération a bien salué en lui un « chrétien social » très engagé !
Parti pris
Le parti pris médiatique est tel qu’à mon arrivée au tribunal, mercredi matin, un aimable greffier m’oriente aussitôt vers François Lambert, demi-neveu de Vincent, qui n’a cessé de donner des interviews depuis samedi pour affirmer que son oncle aurait voulu mourir plutôt que d’être tétraplégique et en état de conscience minimale. Il ne cache rien de son engagement en faveur de la « mort choisie » : il est même intervenu au 33e congrès de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité à Bordeaux, en septembre dernier.
Je remercie poliment. C’est la salle d’audience que je cherche. Les journalistes y sont déjà nombreux. L’affaire Vincent Lambert sera un élément clef de l’évolution du débat sur l’euthanasie que la loi Leonetti a tenté de clore subrepticement en l’introduisant par le biais du refus de soins. Faut-il s’en étonner ? Jean Leonetti a répété mercredi dans les médias qu’il estimait sa loi applicable à Vincent Lambert, un jeune homme dont il ne connaît pas le dossier médical…
La salle d’audience ne sera même pas traversée par un frémissement au moment de la conclusion détonante de l’intervention du rapporteur public. Il faut dire que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme a imposé à l’Etat français de faire communiquer au préalable aux avocats dans les causes où il intervient le sens de l’injonction qu’il défendra.
Les avocats du Dr Kariger, de Rachel Lambert, épouse de Vincent, du CHU de Reims et de François Lambert sont intervenus en dernier. Ils ont joué sur la corde sensible, invoqué les explications de Jean Leonetti sur sa loi, plutôt que de s’appuyer sur son texte littéral. Et l’un d’entre eux pousse même l’odieux jusqu’à relier sa demande à l’étalage d’éléments de la vie privée de la famille Lambert du temps où Vincent était petit…
Dignité humaine
Beaucoup plus juridiques étaient les interventions de Me Jérôme Triomphe et de Me Jean Paillot, spécialiste des questions éthiques. La presse aura retenu de l’intervention du premier ses premiers mots : « Je plaide pour la première fois depuis 1981 pour un condamné à mort. » Mais il s’attachera surtout à montrer que le maintien de la nourriture et de l’hydratation – dont l’arrêt provoque une atroce « traversée du désert » – n’est pas un traitement, mais un soin dû à une personne qui n’est nullement sur le point de mourir. Que la lettre de la loi Leonetti ne permet pas la mise à mort d’un homme qui n’est pas en état de vie artificielle mais qui vit – je pourrais en témoigner comme Jérôme Triomphe l’a fait.
Me Jean Paillot a souligné de son côté que Vincent Lambert est « handicapé, il n’est pas malade » : c’est en posant deux « mauvaises questions » qui n’auraient jamais dû l’être qu’est née cette affaire qui a jeté toute une famille dans l’incompréhension et la division. « S’interroger sur la qualité de sa vie, c’est se mettre en contradiction avec la dignité humaine » ; sa « condamnation à mort date du 12 novembre 2012 », où le « constat » que sa vie relationnelle ne progresserait plus a justifié l’idée qu’il ne « méritait plus de vivre ».
Deuxième mauvaise question : « Qu’aurait voulu Vincent ? Car cela, personne ne peut le dire. »
Réponses aux questions de la Conférence épiscopale des Etats-Unis concernant l’alimentation et l’hydratation artificielles
Première question : L’administration de nourriture et d’eau (par des voies naturelles ou artificielles) au patient en « état végétatif », à moins que ces aliments ne puissent pas être assimilés par le corps du patient ou qu’ils ne puissent pas lui être administrés sans causer une privation grave sur le plan physique, est-elle moralement obligatoire ?
Réponse : Oui. L’administration de nourriture et d’eau, même par des voies artificielles, est en règle générale un moyen ordinaire et proportionné de maintien de la vie. Elle est donc obligatoire dans la mesure et jusqu’au moment où elle montre qu’elle atteint sa finalité propre, qui consiste à hydrater et à nourrir le patient. On évite de la sorte les souffrances et la mort dues à l’inanition et à la déshydratation.
Seconde question : Peut-on interrompre la nourriture et l’hydratation fournies par voies artificielles à un patient en « état végétatif permanent », lorsque des médecins compétents jugent avec la certitude morale que le patient ne reprendra jamais conscience ?
Réponse : Non. Un patient en « état végétatif permanent » est une personne, avec sa dignité humaine fondamentale, à laquelle on doit donc procurer les soins ordinaires et proportionnés, qui comprennent, en règle générale, l’administration d’eau et de nourriture, même par voies artificielles.
Le souverain pontife Benoît XVI, au cours de l’audience accordée au cardinal Préfet soussigné, a approuvé les présentes réponses, décidées par la session ordinaire de la Congrégation, et en a ordonné la publication.
Rome, le 1er août 2007, au Siège de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
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Eric Kariger a convoqué une nouvelle réunion pour le 11 janvier, pour signifier sa décision. |
Libellés : arrêt soins ordinaires, euthanasie, France, Terri Schiavo, Vincent Lambert
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Dans une rue de Neuquén, un graffiti rappelle le droit de vivre de Marcelo. Source : ici |
Sourire avantageux, l’air détendu de celui qui parle en terrain de connivence : mardi soir à Neuilly-Saint-Front, Jean Leonetti, député maire d’Antibes, ancien ministre, auteur d’une loi sur la fin de vie qui porte son nom, venait animer une réunion-débat en présence de la fine fleur locale de l’UMP. Rendez-vous improbable devant une cinquantaine de personnes se serrant au centre des gradins amovibles de la sépulcrale salle municipale : pourquoi cette réunion publique a-t-elle déplacé un ponte à la fois médical et politique – Leonetti est tout de même vice-président de l’UMP – dans un bourg un peu perdu de 2.000 âmes ?
La réponse se trouve dans l’identité de l’ancien député de l’Aisne, Isabelle Vasseur : infirmière de profession, elle a collaboré à l’Assemblée avec Jean Leonetti à la présentation de textes sur la dépendance. Leonetti est venu en ami. En apôtre aussi : mais apôtre d’une doctrine de sables mouvants. Il est là, dit-il, avant de commencer et pour conclure, non pour apporter des réponses à des questions, mais pour susciter des « questionnements ». Son rêve ? Que l’auditoire quitte la salle dépouillé de ses certitudes sur « la dépendance, la fin de vie, les soins palliatifs » pour se plonger dans une « complexité » propre à faire comprendre qu’il y a des cheminements différents, des réponses diverses, des raisons toujours de se méfier des lois trop précises et des recettes toutes faites. Un relativisme qui débouche sur la confusion, la disparition des repères moraux.
Libellés : euthanasie, euthanasie par omission, fin de vie, France, loi leonetti, Terri Schiavo, Vincent Lambert
Le Dr Kariger, conseiller général de la Marne |
Mgr Philip Egan, évêque de Portsmouth, a accusé la British Medical Association (BMA) de favoriser l'euthanasie en limitant le droit des médecins à l'objection de conscience quand il leur est demandé de faire mourir un patient de faim et de déshydratation.
Il a déclaré cela alors que des directives révisées de la BMA ont fait savoir aux médecins qu'ils auraient le soutien de leur association s'ils décidaient de ne pas stopper l'alimentation ou l'hydratation pour des motifs religieux ou moraux – mais uniquement s'ils s'organisaient pour qu'un autre médecin le fasse.
« Il est immoral de provoquer la mort d'une personne en lui retirant l'alimentation et l'hydratation », a déclaré Mgr Egan. « La BMA a fait évoluer sa position en faveur de l'euthanasie, plutôt que de se prononcer contre. »
« Le problème sous-jacent est bien que la loi n'est pas en phase avec la moralité authentique. »
« La loi britannique est dissociée des principes moraux sur les soins légitimes dus à une personne en fin de vie. »
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Marcelo Diez |
Manifestation pour la vie de Marcelo Diez |
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On ne peut penser qu’une société puisse combattre efficacement le crime quand elle le légalise elle-même dans le cadre de la vie naissante.
(Benoît XVI, 16 septembre 2006)