Affichage des articles dont le libellé est Terri Schiavo. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Terri Schiavo. Afficher tous les articles

10 juin, 2015

Quand vous aurez vu cette image, vous ne demanderez plus la mort pour Vincent Lambert

Attention, image choquante à la fin de ce message.

Il y a dix ans mourait la « Vincent Lambert » des Etats-Unis : Terri Schiavo. L'histoire de cette jeune
femme a beaucoup de traits communs avec celle de Vincent Lambert : comme lui, elle était polyhandicapée et jugée dans un « état végétatif » à la suite d'un traumatisme, comme lui, elle avait des parents, les Schindler, qui désiraient la sortir de l'établissement de soins palliatifs où elle était claquemurée à la demande de son mari, pour l'accueillir chez eux. Et comme lui, elle a été au centre d'une longue bataille judiciaire où le mari de Terri, Mike Schiavo, demandait l'arrêt de la nourriture et de l'hydratation de sa femme pour qu'elle meure. Il était son tuteur légal. La décision finale a été prise en mars 2005 ; l'alimentation et l'hydratation de Terri ont été définitivement stoppées le 18 mars et Terri est morte 13 jours plus tard, gardée par des policiers armés.

Ses parents, son frère et sa sœur n'ont pas eu le droit d'être auprès d'elle pendant ses derniers moments, malgré leurs supplications. Leur temps auprès de Terri était minutée. Par ordre du tribunal, il ne leur était pas permis de prendre des photos ou des films pendant les longs jours d'agonie de Terri Schiavo.

Les démarches, décisions et contre-décisions allaient se succéder pendant 7 ans. Le « processus de fin de vie » fut engagé par deux fois, puis interrompu par des ordres judiciaires, mais Mike Schiavo s'acharnait…

L'avocat de son mari – homme à la personnalité étrange, George Felos s'était réfugié dans le yoga et dans l'idée que la mort est une manière d'auto-réalisation, la grande expérience spirituelle d'auto-divinisation – devait dire à la presse juste avant le décès de Terri, le 31 mars 2005 : « Elle était si belle. Je ne lui avais jamais vu un tel air de paix et de beauté. »

Mensonge ! Le P. Franck Pavone, directeur national de l'organisation sacerdotale américaine « Priests for Life », très proche de la famille Schindler, a fait partie des rares personnes qui ont pu visiter Terri pendant les derniers jours de sa vie. Il a témoigné des souffrances de la jeune femme, et de l'horreur de la vision de son corps assoiffé. Il a déclaré que de toute sa vie de prêtre, il n'avait pas vu une mort aussi affreuse. Elle avait un air de « tristesse terrifiée » ; elle haletait ; ses lèvres et sa langue étaient gercées mais personne n'avait même le droit de lui humecter la bouche, les policiers armés veillaient.

Bobby Schindler, le frère de Terri, a publié le 31 mars une tribune pour marquer les 10 ans de cette mort qui était tout sauf belle et paisible.

Comme tous ceux qui ont pu approcher Terri au cours de ces treize terribles jours, Bobby n'avait pas le droit de prendre de photo. Mais il a voulu restituer ce qu'il a vu, l'image qui le hante depuis.

« Voici la dure réalité avec laquelle ma famille et moi devrons vivre pour le restant de nos jours : après près de deux semaines sans nourriture et sans eau, les lèvres de ma sœur étaient terriblement gercées, au point de présenter des cloques. Elle avait une peau jaunie comme par une hépatite, et bleue à certains endroits. Sa peau était visiblement déshydratée, faute d'eau. La respiration de Terri est devenue rapide et incontrôlable, comme si elle faisait de la course de vitesse. Ses gémissements, par moments, étaient rauques, nous indiquant la douleur insupportable qu'elle subissait. Le visage de Terri est devenu squelettique, le sang s'accumulait dans ses yeux profondément creusés, ses dents étaient saillantes. Même en essayant de l'écrire, je ne pourrai jamais décrire exactement le cauchemar que j'ai vécu en devant voir ma sœur mourir de cette façon. Et ce qui sera à jamais gravé dans ma mémoire, c'est l'air d'horreur absolue sur le visage de ma sœur lorsque nous sommes allés la voir juste après sa mort. »

Pourquoi les photos étaient-elles interdites ? Bobby Schindler le sait, lui qui a décidé, au vu de la propagande incessante à propos de la « mort douce », de la « mort digne » et « paisible », de publier une image de sa sœur très peu d'heures avant sa mort, ainsi qu'il s'en souvient.

Et qu'on ne vienne pas nous dire que les choses auraient été différentes si elle avait « bénéficié » d'une sédation profonde. La réalité est là, dans cette image, qu'on cherche ou non à la masquer.




Vincent Lambert doit-il lui aussi mourir de faim et de soif ? 


• Voulez-vous être tenu au courant des informations originales paraissant sur ce blog ? Abonnez-vous gratuitement à la lettre d'informations. Vous recevrez au maximum un courriel par jour. S'abonner



© leblogdejeannesmits



15 février, 2014

Vincent Lambert a-t-il le droit de vivre ? Des experts en neurologie sollicités par le Conseil d'Etat

Eric Kariger, le médecin qui a par deux fois décidé
que Vincent Lambert « n'aurait pas voulu vivre ».
Il est « désavoué » par la décision du Conseil d'Etat,
note Jérôme Triomphe, avocat des parents du jeune homme.
Car les juges veulent en savoir plus sur l'état réel de
Vincent Lambert avant de prendre une décision
de vie ou de mort à son égard.
17 juges du Conseil d'Etat – son vice-président et les présidents de section – ont décidé aujourd'hui de remettre à plus tard, en tout cas avant l'été, leur décision dans l'affaire Vincent Lambert. Ils ont décidé de demander un rapport d'experts à trois neurologues d'une part, trois spécialistes qui vont devoir déterminer si l'état de Vincent Lambert peut s'améliorer, et s'il est possible d'interpréter certains de ses gestes comme des « refus de vivre », et d'autre part Jean Leonetti, auteur de la loi sur la fin de vie qui est au cœur de ce débat.

Rien n'est donc joué mais un point est déjà acquis : la possibilité de l'utilisation de la loi Leonetti en vue de faire mourir une personne diminuée, mais en bonne santé. L'euthanasie justifiée par l'absence de qualité de vie

Voici  ce que j'en écrivais dans Présent ce matin, avant de connaître la décision du Conseil d'Etat rendue publique à 16 h cet après-midi.

L’affaire Vincent Lambert, un révélateur

A l’heure d’écrire ces lignes la décision du Conseil d’Etat, réuni en formation plénière à propos de la vie ou de la mort de Vincent Lambert, n’était pas encore connue. Mais quelle qu’elle soit, l’affaire aura révélé ce qu’à Présent nous disions depuis 2005 : la loi Leonetti sur la fin de vie est déjà une loi d’euthanasie.

Vincent Lambert a 38 ans. Il a été victime d’un accident de la route, il y a cinq ans, qui l’a laissé très gravement handicapé et, après une période en coma artificiel et en « état végétatif », il se trouve dans un état de « conscience minimale plus » qui lui permet de percevoir le monde qui l’entoure et d’éprouver des sensations ; son néocortex – « siège de la conscience » comme ils disent – étant particulièrement préservé.

Il est par ailleurs en bonne santé.

Comme quelque 1 700 patients traumatisés crâniens dans son état en France, il est tout sauf « en fin de vie ». Mais son épouse s’est rangée à l’avis du médecin du CHU de Reims qui a décidé que, étant « suspecté un refus de vivre » du fait du refus de soins (toilette, rasage) constatés à la fin de 2012, il fallait suivre la « volonté » de Vincent Lambert et le « laisser mourir » en lui supprimant l’alimentation et l’hydratation qui lui sont actuellement administrées directement dans l’estomac.

Au terme d’un long feuilleton devant les juridictions administratives – une première décision d’urgence lui avait sauvé la vie en mai dernier alors qu’il avait été privé de nourriture depuis 31 jours ! – on arrive à une croisée des chemins, celui du respect pur et simple de la vie étant définitivement barré.

Jeudi matin, un rapporteur public s’est en effet exprimé pour donner le point de vue du gouvernement devant les dix-sept présidents de section du Conseil d’Etat réunis pour donner leur avis sur cette affaire « exceptionnelle et dramatique », comme il l’a dit.

Rémi Keller a un à un rejeté les arguments contestant l’interprétation de la loi Leonetti dans le sens de l’euthanasie, c’est-à-dire de la possibilité offerte à un médecin, après avoir consulté un autre médecin et les proches d’un patient, de décider de provoquer la mort d’un patient qui n’est pas en fin de vie en le privant d’eau et de nourriture.

Il l’a fait en invoquant le droit des pays européens ou américains qui ont pris ces dernières années des décisions similaires – c’est dire l’importance de la dimension internationale des progrès de la culture de mort, et du combat qu’il faut lui livrer à ce niveau.

Il l’a fait en estimant que nourrir et hydrater un patient par sonde gastrique au motif que les « fonctions vitales de la mastication et de la déglutition » sont atteintes constitue un « traitement médical » et non un soin, et qu’on peut à ce titre le suspendre ou le refuser dès lors que l’un ou l’autre des critères de la loi Leonetti est rempli. Ce traitement doit être « inutile » : pour Vincent Lambert, Rémi Keller reconnaît qu’il est « inopérant ». Ou il doit être « disproportionné » : comme, dans le cas de Vincent Lambert, il ne s’agit pas d’une technique lourde ou qui entraîne des « souffrances » : on ne le retiendra pas non plus.

Reste « l’obstination déraisonnable » qui se juge d’après le maintien en « survie artificielle ». Sur ce point, Rémi Keller se fait prudent, se référant, comme fréquemment au cours de sa longue intervention, aux travaux préparatoires à la loi Leonetti et au rapport d’évaluation signé par le même Jean Leonetti en 2008. Tout va tourner autour d’un seul point : l’état de Vincent Lambert peut-il s’améliorer ? Si oui, l’obstination n’est pas déraisonnable et il faut le laisser vivre. Si non, le retrait de nourriture en vue de le faire mourir entre bien dans le cadre de la loi.

Et à cette fin, le rapporteur public a suggéré qu’on soumette Vincent Lambert à de nouvelles expertises à faire en moins de six semaines, et que Leonetti (qui a fait savoir partout que sa loi s’applique selon lui aux « pauci-relationnels » comme lui) soit aussi consulté.

Trois solutions étaient donc possibles lors de l’annonce publique du résultat de l’affaire vendredi à 16 heures. Les juges pouvaient choisir de ne pas suivre Rémi Keller et voter pour la vie de Vincent Lambert, en décidant que nul ne peut connaître sa volonté aujourd’hui, mais cela laisserait ouverte la possibilité de mise à mort dans le cadre de directives anticipées. Ou bien ils pouvaient demander une expertise, instaurant – comme l’a plaidé le conseil des parents de Vincent Lambert, Me Claire Le Bret-Desaché – un jugement sur la qualité et la valeur d’une vie humaine. Ou enfin décider de la mise en œuvre immédiate du « protocole de fin de vie ».

Dans tous les cas, sur le plan médiatique, politique et probablement judiciaire, c’est l’interprétation euthanasique de la loi Leonetti qui est justifiée en plein jour.


Article extrait du n° 8044 de Présent, du Samedi 15 février 2014  



• Voulez-vous être tenu au courant des informations originales paraissant sur ce blog ? Abonnez-vous gratuitement à la lettre d'informations. Vous recevrez au maximum un courriel par jour. S'abonner


© leblogdejeannesmits



18 janvier, 2014

Vincent Lambert : compte-rendu d'audience devant le tribunal de Châlons-en-Champagne

J'étais mercredi au tribunal administratif qui a jugé en séance plénière le référé-liberté introduit par les parents, un frère et une sœur de Vincent Lambert. Cet article a paru dans Présent, il a été pendant un jour en libre accès sur le site du seul quotidien de la presse écrite qui ne fait pas de concession à la culture de mort. Ce quotidien a besoin d'abonnés pour pouvoir poursuivre son travail d'information et de vérité. On peut s'abonner sur le site, ou encore bénéficier d'une offre de découverte en m'écrivant via les commentaires sous cet article (ces commentaires ne seront pas publiés). Merci de votre soutien, il nous est indispensable.

Qui l’eût cru ? Alors que le rouleau compresseur de la culture de mort semble n’avoir jamais été aussi pesant, aussi destructeur, alors que le président de la République venait d’inscrire parmi ses urgences, la veille à sa conférence de presse, le vote d’une « assistance médicalisée en fin de vie », Mme le rapporteur public dans l’affaire Vincent Lambert a demandé mercredi la suspension de la décision de le faire mourir de déshydratation et d’inanition.

Elle l’a fait au terme d’une intervention de cinquante minutes, très structurée, très travaillée, très juridique. Ce fut le moment le plus intense de cette audience exceptionnelle au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, où se pressaient de nombreux journalistes mais aussi des gens du cru, la curiosité piquée par cette cause célèbre et, à en juger d’après leurs réactions, touchés par les arguments contre la mise à mort de Vincent Lambert par une « procédure de fin de vie » alors qu’il n’est pas malade, mais handicapé. Et si demain c’était moi qu’on voulait débrancher ?

Cette femme jeune, profil volontaire et coiffure moderne – elle n’a pas l’allure d’une « intégriste » repliée sur ses certitudes religieuses, pour parler comme nos confrères des médias de progrès – n’a pas donné raison en tous points aux arguments développés par les défenseurs de la vie de Vincent Lambert. Mais, observant avec Montaigne que « Tu ne meurs pas de ce que tu es malade, tu meurs de ce que tu es vivant », elle a souligné l’état de « vulnérabilité complète » de ce jeune homme handicapé, qui l’empêche de s’exprimer. C’est à ce titre qu’elle va demander la protection de sa vie, « sauvegarde d’une liberté fondamentale ».

Garanties

  Car dans le cas contraire, observe le rapporteur public, si l’on appliquait à Vincent Lambert une mesure qui a pour but de protéger des personnes mourantes d’une obstination déraisonnable, on aboutirait pour toute personne en cet état mais « non en fin de vie à des garanties moindres si on pouvait interrompre tout traitement en mettant sa vie en danger ». Elle a cité longuement le Pr Xavier Ducrocq, spécialiste en neurologie et membre du comité d’éthique du CHU de Nancy, et le Pr Jeanblanc, chef d’une unité de soins pour patients en état pauci-relationnel – ils avaient tous deux fait le voyage de Châlons pour soutenir de leur science et de leur compassion les parents, le frère et la sœur de Vincent Lambert.

Elle a noté que décider de la mort de Vincent Lambert en raison de son état de conscience minimale (mais c’est un état de conscience !) « revient à porter un jugement sur sa qualité de vie, sur la qualité de la vie, sur le sens d’une vie – et cela n’a pas à être apprécié par vous », lance-t-elle aux neuf juges qui siègent, solennellement, donnant un poids exceptionnel à cette décision de référé.

Alimenter Vincent Lambert constitue-t-il pour lui une « lourdeur, de la douleur, de la douleur ressentie ? » Elle répond à sa propre question : « Rien ne permet de déterminer que la nourriture et l’hydratation artificielles lui apportent plus de souffrance que de bienfaits. » Comme rien, chez ce jeune homme qui ne peut exprimer ce qu’il ressent, ne permet d’interpréter ses réactions de « refus de soins », invoqués par certains de ses soignants, comme un refus de vivre.

 Pas d’obstination déraisonnable

« Cela n’est pas suffisant pour affirmer une disproportion du traitement, il n’y a pas d’obstination déraisonnable », et la décision de le faire mourir est une « atteinte manifestement illégale » à ses droits. C’est pour les juges « le devoir de faire cesser l’illégalité introduite par la décision ».

Il faut le noter : dans 80 % des cas, le juge administratif suit l’avis du représentant de l’Etat.

Il faut noter aussi combien cette prise de position de Mme le rapporteur est étonnante, non du point de vue juridique, mais par rapport au contexte : les médias quasi unanimes ont pris position pour le Dr Kariger, de l’unité de gériatrie et soins palliatifs, qui défendra à l’audience sa décision de « laisser mourir » – faire mourir en réalité ! – ce garçon qui n’est pas en fin de vie. Libération a bien salué en lui un « chrétien social » très engagé !

Parti pris

Le parti pris médiatique est tel qu’à mon arrivée au tribunal, mercredi matin, un aimable greffier m’oriente aussitôt vers François Lambert, demi-neveu de Vincent, qui n’a cessé de donner des interviews depuis samedi pour affirmer que son oncle aurait voulu mourir plutôt que d’être tétraplégique et en état de conscience minimale. Il ne cache rien de son engagement en faveur de la « mort choisie » : il est même intervenu au 33e congrès de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité à Bordeaux, en septembre dernier.

Je remercie poliment. C’est la salle d’audience que je cherche. Les journalistes y sont déjà nombreux. L’affaire Vincent Lambert sera un élément clef de l’évolution du débat sur l’euthanasie que la loi Leonetti a tenté de clore subrepticement en l’introduisant par le biais du refus de soins. Faut-il s’en étonner ? Jean Leonetti a répété mercredi dans les médias qu’il estimait sa loi applicable à Vincent Lambert, un jeune homme dont il ne connaît pas le dossier médical…

La salle d’audience ne sera même pas traversée par un frémissement au moment de la conclusion détonante de l’intervention du rapporteur public. Il faut dire que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme a imposé à l’Etat français de faire communiquer au préalable aux avocats dans les causes où il intervient le sens de l’injonction qu’il défendra.

Les avocats du Dr Kariger, de Rachel Lambert, épouse de Vincent, du CHU de Reims et de François Lambert sont intervenus en dernier. Ils ont joué sur la corde sensible, invoqué les explications de Jean Leonetti sur sa loi, plutôt que de s’appuyer sur son texte littéral. Et l’un d’entre eux pousse même l’odieux jusqu’à relier sa demande à l’étalage d’éléments de la vie privée de la famille Lambert du temps où Vincent était petit…

Dignité humaine

Beaucoup plus juridiques étaient les interventions de Me Jérôme Triomphe et de Me Jean Paillot, spécialiste des questions éthiques. La presse aura retenu de l’intervention du premier ses premiers mots : « Je plaide pour la première fois depuis 1981 pour un condamné à mort. » Mais il s’attachera surtout à montrer que le maintien de la nourriture et de l’hydratation – dont l’arrêt provoque une atroce « traversée du désert » – n’est pas un traitement, mais un soin dû à une personne qui n’est nullement sur le point de mourir. Que la lettre de la loi Leonetti ne permet pas la mise à mort d’un homme qui n’est pas en état de vie artificielle mais qui vit – je pourrais en témoigner comme Jérôme Triomphe l’a fait.

Me Jean Paillot a souligné de son côté que Vincent Lambert est « handicapé, il n’est pas malade » : c’est en posant deux « mauvaises questions » qui n’auraient jamais dû l’être qu’est née cette affaire qui a jeté toute une famille dans l’incompréhension et la division. « S’interroger sur la qualité de sa vie, c’est se mettre en contradiction avec la dignité humaine » ; sa « condamnation à mort date du 12 novembre 2012 », où le « constat » que sa vie relationnelle ne progresserait plus a justifié l’idée qu’il ne « méritait plus de vivre ».

Deuxième mauvaise question : « Qu’aurait voulu Vincent ? Car cela, personne ne peut le dire. »



Article extrait du n° 8023 de Présent, du Vendredi 17 janvier 2014 

• Voulez-vous être tenu au courant des informations originales paraissant sur ce blog ? Abonnez-vous gratuitement à la lettre d'informations. Vous recevrez au maximum un courriel par jour. S'abonner



© leblogdejeannesmits



Des questions autour de l’ordonnance en faveur de la vie de Vincent Lambert

Réponses aux questions d’un lecteur

Q. – Kariger se dit contre l’euthanasie, pour lui le cas Vincent Lambert relève de la loi Leonetti et il ne s’agit donc pas d’une euthanasie. Alors ?

R. – La frontière entre l’euthanasie et la « sédation terminale » avec cessation de l’alimentation et de l’hydratation est parfois bien ténue et se juge au cas par cas.

Elle consiste, lorsqu’elle correspond effectivement à une démarche juste, à endormir très profondément un patient arrivé à une très douloureuse agonie et qui va mourir.

Elle est parfois ? souvent ? utilisée en vue d’obtenir la mort : on décide que le patient a assez vécu, qu’il n’y a plus rien à faire, on cesse de l’alimenter et de l’hydrater et on l’endort profondément avec la certitude que la mort interviendra dans les quinze jours.

Tout est donc question d’intention et dépend des circonstances concernant le patient. Cela peut être bien, cela peut être assassin.

Ainsi Vincent Lambert n’est ni malade (contrairement à ce que prétend le Dr Kariger) ni en fin de vie, mais lourdement handicapé, ayant la perception de ce qui se passe autour de lui. Il ne peut communiquer de manière compréhensible mais il est vivant, bien vivant, il est capable de partir chez ses parents, il ne nécessite aucun traitement médical, seulement des soins, parmi lesquels l’alimentation qui lui est administrée artificiellement pour éviter les fausses routes.

Le tribunal a jugé qu’il n’était pas en état de survie « artificielle », ou « artificiellement maintenu en vie ».

Si on lui supprime son alimentation, il ne mourra pas d’une affection qu’il a déjà et que cette alimentation permet de juguler, mais de faim et de soif, comme vous et moi mourrions si l’on nous supprimait le boire et le manger.

Q. – Remettez-vous en question la loi Leonetti, et (ou) l’interprétation qu’en fait E. Kariger ?

R. – La loi Leonetti est un ensemble simple d’amendements et d’ajouts apportés au code de la santé publique. Si on s’en tient à l’exacte lettre de la loi, elle ne s’applique pas au cas Lambert qui n’est pas en fin de vie. Cela exigerait des développements techniques : c’est une question de formulation précise de la loi.

Donc, oui, je remets en cause l’interprétation qu’en fait Kariger… mais aussi Leonetti, parce qu’elle ne correspond pas à l’interprétation stricte de sa loi.

Je pense en effet que cette interprétation est celle voulue par Leonetti depuis le début. C’est si vrai que lorsqu’on lit les travaux préparatoires, ce que j’avais fait avant le vote de la loi, on perçoit bien qu’elle cherche à légaliser (c’était juste après l’affaire Vincent Humbert) l’arrêt de nourriture pour offrir une porte de sortie euthanasique discrète aux personnes non pas « en fin de vie », mais gravement handicapées, conscientes ou non. Ces travaux parlementaires excluaient l’arrêt de l’hydratation, considéré comme trop cruel. Celui-ci a été préconisé (dans la suite de l’affaire Hervé Pierra) par Leonetti en 2008 dans un rapport d’évaluation de sa propre loi qui est invoqué par Kariger et par les avocats pour la mort de Vincent Lambert. Mais le rapport n’est pas la loi.

Cela dit, dès avant le vote en 2005, j’ai écrit dans Présent que la loi Leonetti était déjà une loi d’euthanasie, et je le pense encore. C’était aussi l’avis d’Yves Daoudal. Nous nous sommes trouvés bien seuls, car la plupart des commentateurs saluaient le caractère respectueux de la vie de cette loi qui est la seule de la Ve République à avoir été adoptée à l’unanimité. Mais, de mémoire, il y a eu assez rapidement quelques discrètes analyses en ce sens de la part de l’Eglise de France.

Beaucoup plus spectaculaire : en 2007, Mgr Vingt-Trois et le grand rabbin David Messas publiaient un texte fort apportant ce même éclairage inquiet.

Q. – Comment définiriez-vous un acharnement thérapeutique ? Dans quel cas diriez-vous qu’il n’y aurait pas d’acharnement thérapeutique ? Même en respectant la dignité humaine de sa conception à sa mort naturelle, beaucoup de cas relèvent aujourd’hui de l’avancée de la médecine et de l’assistance médicale qui n’existait pas il y a 50 ans… On tend à présenter ceux qui luttent sur le devant de la scène contre l’euthanasie comme « idéologues » de l’acharnement thérapeutique. Ne faut-il pas communiquer là-dessus ?

R. – L’acharnement thérapeutique consiste, il me semble, à imposer des traitements ou des recherches qui font plus de mal que de bien : qui font inutilement souffrir alors que la mort est inéluctable.

Etre contre l’euthanasie, ce n’est pas prôner l’acharnement, c’est demander que le médecin ne prenne pas une décision qui a pour objectif de provoquer ou de hâter la mort. En revanche il peut donner un médicament pour soulager une forte souffrance, quitte à risquer de hâter la mort. Rien d’idéologique là-dedans. Et oui, il faut communiquer là-dessus.

Q. – Ne croyez-vous pas que ce jugement va augmenter la détermination de ceux qui prônent l’euthanasie ?

R. Oui, ceux qui prônent l’euthanasie font feu de tout bois. Et cela les rend furieux qu’une euthanasie ait été aujourd’hui empêchée. Mais il y avait une vie à sauver et à l’inverse, cela permet aussi de montrer l’hypocrisie de la loi Leonetti.

Q. – Comment en est-on arrivé à un jugement autant médiatisé ?

R. – Le jugement a été très médiatisé parce que Kariger, parmi d’autres partisans de la mort de Vincent Lambert, s’est répandu dans la presse en imposant son point de vue. Il est vrai que Présent a dégainé le premier, avant même la décision d’engager un premier référé en mai, mais croyez bien que s’il n’y avait eu que Présent, on n’en aurait pas tellement parlé. La presse locale de Reims s’est emparée de l’affaire et les prises de position idéologiques ont fait le reste.

Q. – Du côté de l’Eglise, y a-t-il eu un texte qui dit que l’alimentation n’est pas un traitement mais normale dans tous les cas ?

R. – La Congrégation pour la doctrine de la foi s’est prononcée sur le refus d’alimentation pour faire mourir, Jean-Paul II l’a appelé « euthanasie par omission » au moment de l’affaire Terri Schiavo aux Etats-Unis en 2005 – or Terri Schiavo ne bénéficiait même pas d’un diagnostic de « conscience minimale plus ». Ne pas nourrir – parce que la nourriture est un soin ordinaire, toujours dû – n’est autorisé que lorsque la nourriture ne remplit plus son rôle, fait souffrir inutilement ou n’a pas de sens (patient à l’agonie).

Ledit document, daté du 1er août 2007, répondant aux questions des évêques des Etats-Unis, donne un éclairage très précis sur la question de l’alimentation et de l’hydratation artificielles. Voir le texte suivant. – J.S.


Réponses aux questions de la Conférence épiscopale des Etats-Unis concernant l’alimentation et l’hydratation artificielles 
Première question : L’administration de nourriture et d’eau (par des voies naturelles ou artificielles) au patient en « état végétatif », à moins que ces aliments ne puissent pas être assimilés par le corps du patient ou qu’ils ne puissent pas lui être administrés sans causer une privation grave sur le plan physique, est-elle moralement obligatoire ? 
Réponse : Oui. L’administration de nourriture et d’eau, même par des voies artificielles, est en règle générale un moyen ordinaire et proportionné de maintien de la vie. Elle est donc obligatoire dans la mesure et jusqu’au moment où elle montre qu’elle atteint sa finalité propre, qui consiste à hydrater et à nourrir le patient. On évite de la sorte les souffrances et la mort dues à l’inanition et à la déshydratation.
Seconde question : Peut-on interrompre la nourriture et l’hydratation fournies par voies artificielles à un patient en « état végétatif permanent », lorsque des médecins compétents jugent avec la certitude morale que le patient ne reprendra jamais conscience ? 
Réponse : Non. Un patient en « état végétatif permanent » est une personne, avec sa dignité humaine fondamentale, à laquelle on doit donc procurer les soins ordinaires et proportionnés, qui comprennent, en règle générale, l’administration d’eau et de nourriture, même par voies artificielles. 
Le souverain pontife Benoît XVI, au cours de l’audience accordée au cardinal Préfet soussigné, a approuvé les présentes réponses, décidées par la session ordinaire de la Congrégation, et en a ordonné la publication. 
Rome, le 1er août 2007, au Siège de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

• Voulez-vous être tenu au courant des informations originales paraissant sur ce blog ? Abonnez-vous gratuitement à la lettre d'informations. Vous recevrez au maximum un courriel par jour. S'abonner

© leblogdejeannesmits



11 janvier, 2014

« Mort cérébrale » : La vie sauvée de Jahi McMath

Jahi McMath est-elle morte ou vive ? Pour les lois de Californie, elle n’est plus qu’un cadavre. Cette petite jeune fille a été déclarée en état de mort cérébrale le 12 décembre dernier, et les Etats-Unis se passionnent pour la bataille judiciaire victorieusement menée par sa famille pour empêcher que son ventilateur artificiel ne soit débranché, ce qui aurait entraîné… la cessation de ses fonctions vitales : l’arrêt cardiaque et respiratoire. Soit, pour employer un terme plus cru, plus technique, radicalement exact : la mort. Mais donc, elle n’est pas morte, malgré le certificat de décès établi à son nom vendredi dernier et portant la date du 12 décembre !

Nailah Winkfield n’est pas seulement sa maman, une maman blessée au cœur par les souffrances de sa fille, c’est une maman chrétienne, très croyante. Qui respecte la vie et qui veut voir la vie de sa fille Jahi, 13 ans, respectée jusqu’au bout – tout en priant pour qu’elle guérisse. Elle a obtenu dimanche dernier le transfert de sa fille, que l’hôpital pour enfants d’Oakland, Californie, refusait de soigner, vers un établissement médical catholique qui a accepté enfin de ne pas débrancher son ventilateur, de la nourrir et de lui donner les antibiotiques et les soins dont elle a besoin.

A l'heure qu'il est, rien ne dit que Jahi vivra. Il n'y a peut-être rien à faire : l'état de l'adolescente ne peut que se détériorer, répètent des experts dans la presse américaine. Mais là n'est pas la question. Il ne s'agit pas de nier la mort qui surviendra peut-être, ni de maintenir artificiellement en vie un corps qui serait déjà décédé, mais de reconnaître que le corps de Jahi « fonctionne » comme une unité vivante, son cœur bat, son sang circule, lorsqu'on la nourrit et qu'on l'hydrate, son état s'améliore.

Existe-t-il une obligation morale absolue de continuer de ventiler un patient dans un tel état ? C'est-à-dire : de retirer un moyen mécanique externe qui soutient la vie existante avec la quasi certitude que le patient en mourra ? Sans doute non. C'est dans la situation concrète qu'une telle décision se prend, au terme d'un discernement qui ne peut évacuer les questions morales ni la volonté des proches.

Mais dans l'affaire de Jahi, la question est posée à l'envers. Existe-t-il une obligation absolue de cesser de ventiler et de soigner un patient sous prétexte qu'il a été décrété en état de mort cérébrale (notion fluctuante et qui fait l'objet d'une multitude de définitions juridiques divergentes) ? C'est ainsi que la posent les autorités médicales de Californie, et elles répondent oui. Le problème fondamental de cette approche est bien qu'elle considère comme déjà mort un corps encore vivant.

Un problème qui se manifeste dans les cas, certes rares mais pas inédits, où des patients en « mort cérébrale » se réveillent – parfois au moment où leurs organes vont être prélevés en vue d'une transplantation. L'approche aboutit aussi à décréter purement « réflexe » toute réaction constatée par les proches sur leur malade lorsqu'ils lui parlent ou le touchent.

Dans le cas de Jahi, tout commence le 9 décembre avec une banale opération des amygdales et des végétations nécessaire pour en finir avec ses apnées du sommeil. La jeune adolescente se réveille normalement – elle qui avait si peur avant l’opération de rester pour toujours endormie – et réclame une glace. Elle a mal. Et elle commence à saigner. Les soignants demandent à Nailah de recueillir le sang qui coule de sa bouche. Le récipient qu’ils lui ont donné n’y suffit pas : de gros caillots remontent, Nailah appelle au secours. On lui tend un récipient plus grand…

Ce n’est que lorsque Jahi, à force de perdre du sang, subit un arrêt cardiaque, que les médecins se dérangent enfin. Massage cardiaque, soins intensifs : le cœur de Jahi recommence à battre. Mais le 12 décembre, la jeune fille est prononcée en état de mort cérébrale : on explique à sa mère que son cerveau est définitivement sans activité. Tous les soins, la nourriture sont à partir de ce moment-là coupés. Jahi a toujours un ventilateur – qui insuffle l’air, mais c’est elle qui expire – que les médecins veulent retirer au plus vite. L’hôpital ne l’évoque plus par son prénom : on parle du « corps ».


« Elle veut hurler ! »


Nailah refuse. « Je la sens. Je sens ma fille. J’ai le sentiment qu’elle est prisonnière dans son propre corps. Elle veut hurler, et me dire quelque chose ! » Avec l’aide de toute sa famille et d’un avocat rompu aux confrontations avec les puissants, elle obtient le 18 décembre que le ventilateur de Jahi ne soit pas coupé. Et le 5 janvier, l’hôpital a dû plier, en mettant en mesure la jeune fille de quitter les lieux avec le minimum nécessaire pour qu’elle ne meure pas pendant le transfert entre les mains du médecin légiste, qui l’a remise à sa famille. L’avocat, Chris Dolan, avait plaidé le respect de la vie privée et des convictions religieuses de la famille de Jahi, contre le droit revendiqué aux termes de la loi californienne par l’hôpital d’Oakland de prendre unilatéralement la décision de « débrancher ».

Ledit avocat a été l’objet de maintes menaces de mort pour avoir donné de « faux espoirs » à la famille et profité de leur détresse. Ce que les journaux ne disent généralement pas, c’est qu’il la défend bénévolement, sans demander un sou : « J’ai des tonnes d’argent. Ça m’est égal. Je perdrai de l’argent. C’est peut-être pour cela que les gens ont tant de mal à comprendre ce qui m’anime. Cette dame m’a demandé d’empêcher que sa fille soit tuée. »

Jeudi matin, l’alimentation de la jeune fille, coupée depuis le 12 décembre, a pu être rétablie et une trachéotomie facilite sa respiration. Son état de dénutrition avait fait craindre le pire jusqu’à mercredi – l’oncle de Jahi, Omari Sealey, expliquait alors : « Si son cœur cesse de battre pendant qu’elle est ventilée, nous pouvons l’accepter. »

Ce qu’ils n’acceptent pas ? Qu’elle ait été maintenue pendant un mois dans une sorte de « couloir de la mort », comme le dit Nailah. Qu’on la considère morte alors qu’elle est chaude, qu’elle respire, qu’elle digère, que ses organes fonctionnent en maintenant son intégrité corporelle – et qu’elle réagit lorsque sa mère lui parle et la touche, comme en atteste sa grand-mère, infirmière.

La petite Jahi a failli être victime, volée de sa guérison espérée ou de sa mort naturelle, des lois sur la « mort cérébrale » qui toutes, rappelle le pédiatre Paul Byrne, ont été adoptées en vue de faciliter le prélèvement d’organes vitaux « à cœur battant ». Le Dr Paul Byrne (qui avait accordé un long entretien à Présent, dans nos numéros des 6 et 10 mars 2011, repris ici sur ce blog) a examiné Jahi et constaté qu’elle est en vie, qu’elle répond par des mouvements à la voix de sa grand-mère. « Je suis sûr qu’elle est en train de guérir de son amygdalectomie. La guérison ne se produit que chez une personne vivante. » « Les gens ne deviennent pas “morts” parce que des médecins les déclarent “morts” », a-t-il commenté sur le site pro-vie LifeSiteNews : « Si les médecins y arrivent, ils prendront les organes de cette jeune fille. »

Il s’exprimait alors que Jahi était encore dans l’hôpital qui voulait programmer sa mort. Aujourd’hui il y a un espoir – ténu – pour que Jahi, soignée, aille mieux. Et en tout cas la certitude que sa vie sera respectée jusqu’au bout.

Cela vaut la peine de se battre. Et cela vaut la peine de saluer cette bataille alors que ce samedi 11 janvier, un arrêt de mort – une décision d’euthanasie par arrêt de l’alimentation – risque d’être signé en France par un médecin de Reims contre Vincent Lambert qui, lui, est en état de conscience minimale, capable de ressentir bien-être ou douleur.

• Article paru dans le n° 8018 de Présent, du vendredi 10 janvier 2014, et mis à jour le 11 janvier.

• Voulez-vous être tenu au courant des informations originales paraissant sur ce blog ? Abonnez-vous gratuitement à la lettre d'informations. Vous recevrez au maximum un courriel par jour. S'abonner



© leblogdejeannesmits



26 décembre, 2013

Vincent Lambert : les partisans de sa mort s’acharnent tous azimuts. Mais ils ont perdu une bataille

Eric Kariger a convoqué une
nouvelle réunion pour le
11 janvier, pour signifier
sa décision.
Rien n’aura été épargné aux parents de Vincent Lambert, 38 ans, tétraplégique et dans un état de conscience très diminué, dans l’affreux feuilleton que son médecin voudrait voir s’achever sur un macabre happy end : la mort du patient par privation de nourriture et d’hydratation. Pierre et Vivianne Lambert ont dû confronter – mais victorieusement ! – une nouvelle épreuve devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, où un neveu de Vincent, François Lambert, tentait la semaine dernière de faire reconnaître qu’il avait un intérêt à contester l’ordonnance du 11 mai dernier par laquelle un référé-liberté jugeait illégale la décision du Dr Eric Kariger, du CHU de Reims, de chercher à provoquer la mort de Vincent en le privant des soins d’alimentation.

Vincent avait déjà vécu 31 jours sans autre apport que 500 ml d’eau quotidiens. La réalimentation s’était faite in extremis sur injonction du juge. Depuis lors, comme le disent les médias, dans leur immense majorité favorables au « débranchement » du jeune homme, « la famille se déchire » autour de Vincent, et son médecin a engagé une nouvelle « procédure collégiale » pour effacer le souvenir de la précédente, qui n’avait en rien respecté les dispositions de la loi Leonetti sur la fin de vie. Eric Kariger, spécialiste des soins palliatifs et non des « états pauci-relationnels » comme celui où se trouve Vincent – le jeune homme est capable de ressentir des sentiments de bien-être et de douleur – veut qu’il meure, il ne s’en cache pas. Parce que sa femme souffre de la situation. Parce que Vincent l’aurait voulu et que son attitude laisse suspecter un refus de vivre – lui qui ne peut rien exprimer de manière incontestable. Euthanasie avant la lettre ? Non, cette forme d’euthanasie est déjà utilisée en France, et les médecins s’appuient toujours sur la loi Leonetti pour l’appliquer.

Donc, nouvelle affaire judiciaire. Une démarche de précaution, probablement. La « réunion collégiale » qui s’est tenue début décembre était manifestement destinée à faire valoir l’unanimité des équipes médicales du CHU de Reims en faveur de la mort de Vincent Lambert, au point qu’un spécialiste des états pauci-relationnels amené par Pierre et Vivianne Lambert en avait été délibérément exclu. Mais l’ordonnance de mai gênait.

Brusque « réveil » de François Lambert, fils d’un demi-frère de Vincent : il a voulu faire admettre par le tribunal que les souhaits du patient n’avaient pas été entendus et qu’il a donc, en tant que membre de la famille, le droit de manifester sa « tierce opposition » à la décision prise. Afin que Kariger puisse tranquillement passer à l’acte dont il doit, aux termes de la loi, décider en dernier ressort.

Le tribunal ne s’est pas étendu sur l’intérêt de François Lambert à agir. Le juge des référés, Mme Junin, a préféré aller aux faits et constater les irrégularités graves qui avaient accompagné la décision du Dr Kariger d’engager le processus de fin de vie de Vincent Lambert qui, mis à part son handicap, était en bonne santé. De fait, ceux qui depuis le printemps dernier se battent pour défendre sa vie ont failli être mis devant le fait accompli de sa mort, n’ayant appris que par hasard que l’alimentation du jeune homme avait été stoppée.

« Il n’est pas établi que l’avis des parents de M. Vincent Lambert ait (été) pris en compte avant la décision d’arrêt des soins », constate le juge. Ce qui jette de nouveau un discrédit total sur la manière d’agir du Dr Kariger dans cette affaire. Mais, pour autant, Pierre et Vivianne Lambert se heurtent à un mur lorsqu’ils demandent la récusation d’un médecin aussi enferré dans son désir de mort pour un de ses patients.

De même qu’ils n’obtiennent pas le transfert de leur fils vers un service spécialisé dans les états pauci-relationnels où une place l’attend, à Strasbourg, auprès du spécialiste Bernard Jeanblanc. Ce dernier a fait remarquer dans une interview au Figaro (voir Présent de mercredi dernier) que si l’on met à mort Vincent Lambert, il n’y a aucune raison de ne pas euthanasier les 1 500 personnes qui sont dans le même état en France. « On les élimine ? Sur quels critères ? Parce qu’ils sont handicapés ? Qu’ils ne servent à rien ? »

C’était ce que disait en substance au Figaro, le 26 septembre dernier, le Dr Kariger à propos de Vincent : « Il n’y a plus d’espérance qu’il recouvre une vie relationnelle normale. Si les parents trouvent un sens à cette existence, qu’ils apportent les preuves ! »

Madame le juge de Reims l’a bien compris qui répond avec aplomb à l’argument de François Lambert selon lequel, procédure collégiale régulière ou pas, la décision du Dr Kariger eût été la même : « Il résulte de l’instruction que les irrégularités procédurales invoquées par les consorts Lambert étaient susceptibles d’exercer une influence sur le sens de la décision d’arrêt de soins et privaient incontestablement M. Vincent Lambert d’une garantie. »

Il faut s’arrêter sur ce mot : « garantie ». Il est primordial. Il vise le droit de Vincent Lambert de voir sa vie protégée, et si Kariger a décidé d’y mettre fin, ajoute le juge Junin, « les manquements procéduraux relevés par l’ordonnance du 11 mai 2013 caractérisaient une atteinte grave et immédiate à une liberté » que la loi est chargée de défendre.

La vie de Vincent Lambert n’est pas sauvée. Pas encore. Mais grâce à la ténacité de Me Jérôme Triomphe, qui vient de remporter avec éclat cette deuxième victoire au service de ceux qui refusent de le voir tué, au service du respect de toute vie, les parents de Vincent continuent d’espérer.

Mais il reste à remporter la victoire définitive. Difficile, alors que Jean Leonetti lui-même a justifié l’interprétation de sa loi par Kariger et que celui-ci se répand depuis des mois dans la presse pour présenter la mort programmée de Vincent comme une exécution de la volonté du patient. Et que, figure du Parti chrétien démocrate, Kariger n’est pas désavoué par les gens convenables. N’est-il pas « droit dans ses bottes, médecin, social, catholique pratiquant », aux dires de Libération (le 16 octobre) ? C’est donc qu’il a raison, et qu’il ne faut pas réfléchir aux faits.

Et c’est ainsi que s’imposera demain une nouvelle loi hypocrite sur l’euthanasie. Refusons-le !


• Article extrait du n° 8008 de Présent, du Mercredi 25 décembre 2013


• Voulez-vous être tenu au courant des informations originales paraissant sur ce blog ? Abonnez-vous gratuitement à la lettre d'informations. Vous recevrez au maximum un courriel par jour. S'abonner

© leblogdejeannesmits



21 novembre, 2013

Le cas du “Vincent Lambert argentin” a été signifié au pape

Depuis un peu moins d'une semaine le pape François est en possession du dossier du « Vincent Lambert argentin », Marcelo Diez, sous le coup d'une demande de privation d'aliments et d'hydratation de la part de sa famille alors qu'il est dans un état décrété végétatif depuis 19 ans.

Deux habitants au moins de la ville où il est entouré par des soignants dévoués qui s'opposent à sa mise à mort par retrait des soins se sont rendus à Rome et y ont eu la chance de parler avec le saint-père. Ces habitants de Neuquén lui ont remis une chemise avec toutes les données concernant Marcelo et lui ont demandé de se prononcer sur le cas lorsqu'il en aurait pris connaissance. Interrogés par la presse argentine, ils ont souhaité conserver leur anonymat, assurant que personne importante dans cette histoire est bien Marcelo Diez, qui a l'instar de Vincent Lambert, menacé pour sa part d'une « procédure collégiale » en vue de le mettre « en fin de vie », est nourri par sonde gastrique.

Dans le cas de Marcelo Diez, ce sont ses frère et sœur qui demandent le retrait de la sonde devant la justice, l'ensemble du personnel de la maison de soins où il se trouve étant hostiles à cette manœuvre, alors que pour Vincent Lambert, c'est le médecin du service où il est hospitalisé, le Dr Eric Kariger, qui souhaite passer à l'acte, même contre la volonté des parents de son patient.

Dans une rue de Neuquén, un graffiti rappelle
le droit de vivre de Marcelo. Source : ici 
On sait aussi que l'évêque de Neuquén, Mgr Bressanelli, qui a pris publiquement et de manière répétée
fait et cause pour Marcelo Diez en dénonçant le projet de le « laisser mourir », a eu un entretien avec le pape François il y a un mois, mais il n'a pas révélé si cette affaire avait été évoquée.

Il est intéressant de noter que l'Argentine, comme la France, s'est dotée d'une loi de protection des « droits du patient » qui est invoquée pour justifier l'atteinte au premier droit de tous, celui de vivre et de ne pas voir attenter à sa vie. En récusant l'acharnement thérapeutique, ces types de loi veulent certes éviter que des patients soient soumis contre leur gré à des traitements lourds, voire pénibles, avec pour seul objet de prolonger une vie qui naturellement s'éteindrait. Mais ce même rejet, au moyen d'une confusion entre les traitements et les soins ordinaires, sert aussi à faciliter les atteintes à la vie de personnes qui ne sont nullement en fin de vie, mais qui ont un handicap très sérieux. Ce qui justifie entre autres le tri entre malades qui n'ont, de l'avis de tel médecin, ni qualité de vie ni espoir d'amélioration de leur niveau de conscience, et les autres qui méritent d'être considérés comme des personnes à part entière.

• Voulez-vous être tenu au courant des informations originales paraissant sur ce blog ? Abonnez-vous gratuitement à la lettre d'informations. Vous recevrez au maximum un courriel par jour. S'abonner

© leblogdejeannesmits



17 novembre, 2013

Fin de vie, euthanasie : Jean Leonetti défend sa loi et sème la confusion

Sourire avantageux, l’air détendu de celui qui parle en terrain de connivence : mardi soir à Neuilly-Saint-Front, Jean Leonetti, député maire d’Antibes, ancien ministre, auteur d’une loi sur la fin de vie qui porte son nom, venait animer une réunion-débat en présence de la fine fleur locale de l’UMP. Rendez-vous improbable devant une cinquantaine de personnes se serrant au centre des gradins amovibles de la sépulcrale salle municipale : pourquoi cette réunion publique a-t-elle déplacé un ponte à la fois médical et politique – Leonetti est tout de même vice-président de l’UMP – dans un bourg un peu perdu de 2.000 âmes ?

La réponse se trouve dans l’identité de l’ancien député de l’Aisne, Isabelle Vasseur : infirmière de profession, elle a collaboré à l’Assemblée avec Jean Leonetti à la présentation de textes sur la dépendance. Leonetti est venu en ami. En apôtre aussi : mais apôtre d’une doctrine de sables mouvants. Il est là, dit-il, avant de commencer et pour conclure, non pour apporter des réponses à des questions, mais pour susciter des « questionnements ». Son rêve ? Que l’auditoire quitte la salle dépouillé de ses certitudes sur « la dépendance, la fin de vie, les soins palliatifs » pour se plonger dans une « complexité » propre à faire comprendre qu’il y a des cheminements différents, des réponses diverses, des raisons toujours de se méfier des lois trop précises et des recettes toutes faites. Un relativisme qui débouche sur la confusion, la disparition des repères moraux.

« Le droit de ne pas souffrir »

Ce sont des amis sur place qui m’ont invitée à les accompagner dans cette réunion où l’on découvrira Jean Leonetti tel qu’en lui-même. La perspective était alléchante et je n’ai pas résisté. Car d’une part il y a le fin philosophe, l’éthicien de talent qui a réussi à faire une loi de fin de vie saluée – y compris par les catholiques dans leur grande majorité – comme ayant fermé la porte à l’euthanasie, et votée à l’unanimité ; de l’autre, moins mis en avant, le promoteur clandestin de « l’euthanasie par omission » dont la loi autorise de cesser de nourrir un patient pour qu’il meure.

Le pivot de sa loi – telle qu’il la défend devant son auditoire choisi – est le refus de la souffrance. « Le droit de ne pas souffrir en fin de vie est ce droit opposable de dormir, s’il le faut, avant de mourir » : voilà qui justifie les sédations lourdes, les doses de morphine qui peuvent même hâter la mort lorsque l’agonisant est accablé de douleurs insupportables ou que ses dernières heures sont marquées par l’angoisse des étouffements…

Passons, pour l’instant, sur le « droit » de ne pas souffrir, notion à la fois irréelle et excessive. Oui, le médecin se sent ou devrait se sentir le devoir de tout faire, sauf tuer, pour soulager le malade qu’il ne peut plus guérir, et c’est de la bonne doctrine que de distinguer entre la volonté d’atténuer la douleur, quitte à hâter un peu la mort, et celle de donner celle-ci volontairement.

Les arguments de Leonetti pour en venir là, devant un auditoire qu’il tient en haleine avec anecdotes et contre-exemples, sont moins nets. Car en fait il va insister non sur le cas des mourants à court terme, – ceux dont on dit parfois « Il aurait mieux valu qu’il meure avant, c’est la bonne question » – mais sur celui des diminués par les maladies neurovégétatives, par les accidents cérébraux, la démence. « Le vrai problème est d’éviter la survie sans raison de ceux qu’on aime. »

Non à la transgression

Au fil des raisonnements qui tirent à hue et à dia, une image générale va surgir du discours de Leonetti dont je rapproche ici à dessein des citations qui ne s’y suivaient pas : il y a d’une part l’éthique, le devoir de la loi d’interdire la transgression. « Ne demandez pas à la société de faire le mal, de tuer », parce qu’« il n’y a rien comme valeur au-dessus de la vie », la vie humaine, d’ailleurs « à partir du moment où le singe a enterré ses morts il est devenu un homme » car il signifie alors sa conscience de ce qu’il va lui-même mourir. C’est « l’éthique de la vulnérabilité », dit-il, en face de « l’éthique de l’autonomie » qui est, en gros, le « droit de se jeter dans la Seine » de celui qui s’apprend atteint d’un Alzheimer déjà avancé. « Je veux mourir avant ! C’est ma liberté. »

Et cette liberté, il ne faut pas la codifier, fait comprendre Leonetti, encore moins l’organiser (comme par le suicide assisté en Suisse) parce qu’une telle loi obligerait la société à ne plus reconnaître la dignité qui est en chaque homme. Et qu’elle pèserait sur les libertés individuelles : oserait-on encore aller se faire soigner d’un Alzheimer si celui-ci justifie de mettre fin à la vie ? « C’est un droit liberté, pas un droit créance ! »

Le relativisme qui se glisse dans ce raisonnement explique le versant contraire de la conférence de Leonetti. Il posera d’emblée la question : « Toute vie est-elle semblable ? » pour ajouter plus loin : « Faut-il réanimer une vie qui ne semble pas possible ? » Et lui qui dénonce l’euthanasie des enfants en Belgique explique sur le même ton plaisant que la réanimation néonatale sur un enfant qui a des lésions cérébrales majeures, « une personne humaine mais qui n’a pas une vie relationnelle », pose des problèmes : « Je dois essayer de garder la vie mais je ne dois pas prolonger cette vie, je dois arrêter cette survie intolérable : j’arrête la survie mais je ne donne pas la mort. »

Et Vincent Lambert ?

Nous voici arrivés à l’idée de « sédation terminale » avec arrêt de l’alimentation qui, dans les pays d’euthanasie, se répand bien plus vite encore que l’euthanasie elle-même. Je pose à Jean Leonetti la question de cette pratique peu nette. Leonetti sait faire les distinctions morales qui s’imposent : oui, on peut endormir profondément un patient sur le point de mourir et cesser de le nourrir. Mais la « sédation terminale à but terminal », celle qu’on met en place pour faire mourir ? « C’est un acte euthanasique », posé « parce qu’on n’ose pas faire l’euthanasie ».

Mais alors, Vincent Lambert, qui est en état de conscience minimale et que son médecin veut mettre « en fin de vie » en cessant de l’alimenter, est menacé d’euthanasie, proclame ma voisine.

« Il est en état végétatif », rétorque Leonetti (ce qui n’est pas vrai). « La loi Leonetti oblige le médecin à annuler la souffrance », s’il consulte les proches et respecte le devoir d’interroger « sa collégialité », c’est l’équipe médicale qui peut décider de mettre fin à la « survie artificielle » de Vincent Lambert qui n’est pas en état d’exprimer sa propre volonté. A écouter Leonetti, ce serait même un devoir.

Pourtant il s’agit là d’un arrêt d’alimentation « à but terminal ». Alors ?

Alors – mais m’est avis que les braves auditeurs médecins, ou UMP, ou les deux, ne l’ont pas saisi – c’est qu’il y a des vies dont l’absence de qualité ne permet pas qu’elles se poursuivent, et cela est déjà inscrit dans la loi. Le débat sur l’euthanasie est derrière nous.


Article extrait du n° 7980 de Présent, du vendredi 15 novembre 2013 


• Voulez-vous être tenu au courant des informations originales paraissant sur ce blog ? Abonnez-vous gratuitement à la lettre d'informations. Vous recevrez au maximum un courriel par jour. S'abonner



© leblogdejeannesmits



05 octobre, 2013

Vincent Lambert : l’arrêt de mort n’est pas levé

Eric KARIGER
Le Dr Kariger, conseiller général
de la Marne
Vincent Lambert, ce jeune homme profondément handicapé que son médecin veut faire mourir en cessant de l’alimenter, reste au centre d’une prise d’otage indigne par le lobby de la mort. Il y a une semaine, un « conseil de famille » a eu lieu où les parents du patient étaient convoqués pour entendre le Dr Eric Kariger présenter, avec l’approbation de l’épouse de Vincent et de certains de ses frères et sœurs, son projet de « fin de vie » qui avait capoté une première fois au mois de mai.

Réunion tendue : on ne trahit pas de secret en révélant que les parents du jeune homme, qui s’y opposent, ont été froidement accueillis. Une nouvelle réunion est programmée pour le 16 novembre. L’objectif annoncé par le Dr Kariger est bien de respecter – cette fois ! – l’obligation de collégialité et d’information des proches de son patient, et même de rechercher un consensus. Mais il a bien souligné dans la presse qu’il prendra sa décision seul. La mort de Vincent sera-t-elle son macabre cadeau de Noël ? D’un autre côté, on imagine que les risques de poursuites pénales pour assassinat ou tentative d’assassinat sur personne vulnérable pourraient faire évoluer la situation.

L’affaire Vincent Lambert est marquée par une prise d’otage physique : le Dr Kariger refuse son transfert vers une unité de soins adapté à son état, qui est celui d’un tétraplégique en état de conscience minimale, alors qu’il est gardé dans le service de gérontologie-soins palliatifs du CHU de Reims. Pourtant, à 37 ans, il n’est ni vieux ni, surtout, en « fin de vie ». La nourriture solide qui lui est administrée par sonde, pour éviter un problème de « fausse route », le fait vivre comme n’importe lequel d’entre nous. Lui couper les vivres, c’est le condamner à mort.

La prise d’otage est aussi médiatique : le Dr Eric Kariger, au mépris de tout respect de la vie privée de « son » patient et de sa famille, se répand dans la presse pour justifier sa démarche. Non sans mensonges par omission et par action. Il laisse supposer que Vincent Lambert ne vit qu’au prix d’un acharnement thérapeutique, à telle enseigne que des personnes de bonne foi en sont persuadées. Il a déclaré avoir fait l’objet d’une plainte pour assassinat et d’une plainte devant le conseil de l’Ordre, toutes deux classées sans suite : il n’en est rien. Si poursuites il doit y avoir, elles restent à venir.

A la veille de la réunion du 27 septembre, le Dr Kariger expliquait à Marc-Olivier Fogiel sur RTL qu’il avait tenu compte notamment de « la souffrance familiale qu’il y avait autour » de Vincent pour se persuader que « cette alimentation et cette hydratation étaient devenues déraisonnables car elles n’avaient comme seule finalité que de prolonger la vie pour prolonger la vie ».

Voilà le point névralgique de cette affaire, du point de vue des pro-mort : il consiste à considérer qu’un être humain dont toutes les fonctions vitales sont en état de bon fonctionnement mais dont la qualité de vie est diminuée par un handicap physique consécutif à une grave lésion cérébrale serait en état de survie artificielle.

Pourtant Vincent ne survit pas « artificiellement ». C’est seulement le mode d’alimentation qui est en cause. L’alimentation et l’hydratation, dès lors qu’elles ne sont pas sans objet (sur un patient qui est en train de mourir) ou qu’elles n’augmentent pas inutilement la souffrance d’un malade, sont des soins ordinaires dus à chacun. Tout comme l’hygiène, les vêtements, le toit qu’il faut donner à Vincent parce qu’il ne peut plus se les assurer lui-même. Tiens, pourquoi ne pas attendre l’hiver et exposer Vincent dans la neige, au motif qu’il ne « veut » plus vivre ou plutôt au motif que sa qualité de vie est insuffisante ? Ce serait moralement équivalent. On lui a bien supprimé la kinésithérapie – au motif qu’elle coûte trop cher !

Le Dr Kariger a reconnu par ailleurs sur RTL qu’il parle aux patients comme Vincent, « même s’ils sont très pauci, pauci sensoriels (en fait : relationnels, ndlr), car il n’y a pas de retour objectivable de ce qu’ils entendent, de ce qu’ils comprennent, (…) jusqu’à preuve du contraire, on considère qu’il entend, on considère qu’il comprend, on considère qu’il peut intégrer tout ou partie de ce qu’on lui délivre ».

Pourtant son équipe a « objectivé » des manifestations d’inconfort de Vincent lors de certains soins pour en déduire une « suspicion » voire (quand Kariger parle aux médias) une « certitude » de son refus de vivre. Au Figaro, il a déclaré que Vincent « est capable d’un certain nombre de réponses réflexes mais n’a pas de capacité vraiment fiable à trouver un mode de communication ».

Voilà qui pose nombre de nouvelles questions – nous y reviendrons !

Cet article a paru dans Présent du mardi 1er octobre 2013.

• Voulez-vous être tenu au courant des informations originales paraissant sur ce blog ? Abonnez-vous gratuitement à la lettre d'informations. Vous recevrez au maximum un courriel par jour. S'abonner



© leblogdejeannesmits



30 septembre, 2013

Affaire Vincent Lambert : l'assourdissant silence des évêques

Un évêque anglais dénonce la suppression de l'alimentation

John Smeaton, de SPUC (la plus ancienne et plus importante organisation de défense de la vie à naître au Royaume-Uni), publie sur son blog un court article paru dans The Catholic Herald. Assez important pour que je le traduise mot à mot.

Mgr Philip Egan, évêque de Portsmouth, a accusé la British Medical Association (BMA) de favoriser l'euthanasie en limitant le droit des médecins à l'objection de conscience quand il leur est demandé de faire mourir un patient de faim et de déshydratation. 
Il a déclaré cela alors que des directives révisées de la BMA ont fait savoir aux médecins qu'ils auraient le soutien de leur association s'ils décidaient de ne pas stopper l'alimentation ou l'hydratation pour des motifs religieux ou moraux – mais uniquement s'ils s'organisaient pour qu'un autre médecin le fasse. 
« Il est immoral de provoquer la mort d'une personne en lui retirant l'alimentation et l'hydratation », a déclaré Mgr Egan. « La BMA a fait évoluer sa position en faveur de l'euthanasie, plutôt que de se prononcer contre. » 
« Le problème sous-jacent est bien que la loi n'est pas en phase avec la moralité authentique. » 
« La loi britannique est dissociée des principes moraux sur les soins légitimes dus à une personne en fin de vie. »
Voilà le point de vue catholique (mais aussi simplement humain) sur la question de l'alimentation et l'hydratation d'une personne en phase terminale de sa maladie, qu'on n'a pas le droit de stopper en vue de provoquer la mort.

En l'occurrence, Mgr Egan n'évoque pas explicitement le cas des personnes qui ne seraient pas en fin de vie, pour qui le principe vaut à plus forte raison. Et si cela fait vous penser au cas de Vincent Lambert, vous avez évidemment parfaitement raison.

A Neuquén, en Argentine, un évêque se bat pour la vie d'un homme menacé de mort par retrait de la nourriture et de l'hydratation

Une affaire semblable à celle de Vincent Lambert agite actuellement la province de Neuquén, en Argentine, où un homme victime il y a 19 ans d'un accident de moto, et déclaré depuis lors en état végétatif permanent, est menacé lui aussi de mort. Ses parents sont morts, ses frère et sœur aimeraient le « laisser partir », comme ils disent. J'en avais parlé ici.

Son affaire a été portée devant la Cour suprême de justice en juillet, après que le tribunal supérieur de justice de Neuquén eut refusé de se prononcer, jugeant que la décision de couper les vivres à Marcelo Diez ne requiert pas une autorisation de justice aux termes de la loi argentine pour la « fin de vie digne ». C'est à la demande du « défenseur général » (représentant les pouvoirs publics) et de l'institution où Marcelo réside depuis la mort de ses parents (auparavant, ceux-ci l'avaient gardé auprès d'eux) que ce recours extraordinaire devant la plus haute juridiction fédérale a été accepté.

Marcelo Diez
Cette affaire est désormais pendante et, comme il l'a déjà fait à plusieurs reprises, l'évêque de Neuquén a pris fait et cause pour le patient.
Soulignant que la vie de Marcelo est entre les mains de la Cour suprême, Mgr Bressanelli a demandé qu'un diagnostic actualisé puisse être réalisé sur le patient : « Il y a  des indices laissant supposer qu'aujourd'hui, sa situation est différente » : il « est vivant » et il y a lieu de croire que l'état végétatif qui figure dans le dossier porté devant la Cour a pu évoluer. Et de rappeler que Marcelo respire sans aide, qu'il n'est « branché à aucune machine », et qu'il « répond à des stimuli extérieurs ». Il est, simplement, « profondément handicapé ».

« Il se retourne dans son lit et se met à l'aise tout seul, il se frotte ou se gratte là où il ressent une gêne. Parfois, il serre doucement la main de celui qui lui prend la sienne. A ce que croient ceux qui le connaissent et qui l'accompagnent, sa réponse aux stimuli extérieurs n'est pas seulement réflexe, mais constitueraient par moments des actes dirigés », écrit-il dans un communiqué. « Il est sensible aux démonstrations d'affection et à l'égard de ceux qui lui parlent ; son visage rayonne quand il écoute de la musique ; il donne des signes visibles de désagrément ou de fatigue lorsqu'il n'aime pas quelque chose. » (…)

« Marcelo a le droit de voir son intimité respectée. C'est un droit très personnel qui exige de ne pas l'exposer au regard des curieux. Il n'est pas une pièce de musée, mais une personne humaine. Pour autant, il a le droit de ne pas être isolé, de ne pas être discriminé, quel que soit son état de santé. Personne ne peut imposer à un malade de rester seul, relégué dans une chambre, à moins qu'il ne constitue un danger pour la société. Ainsi que l'exige la morale et que l'ordonne la loi, Marcelo a le droit de recevoir les soins qu'il a toujours reçus dans l'institut qui l'accueille, c'est une assistance personnelle, un soutien affectif et spirituel constitué par sa relation avec les médecins, les infirmiers, le personnel de cette maison, les autres malades et les bénévoles qui par leur présence et leur assistance comblent des temps creux. Cela ne fait que poursuivre ce qu'ont accompli ses parents, spécialement le papa, lorsqu'ils l'ont confié à LUNCEC [l'institut de cancérologie choisi pour la qualité humaine de ses soins], qui en outre n'a jamais mis d'obstacle à ce que Marcelo puisse être en contact avec d'autres personnes. De fait, lui-même emmenait parfois son fils dans la rue. »

Mgr Bressanelli porte l'accent sur le diagnostic posé sur Marcelo Diez, puisqu'en face on objecte qu'il vit comme un légume, sans conscience, sans volonté, sans relation à autrui, pour demander qu'on le « laisse partir ». Cela ne veut pas dire qu'on aurait le droit de cesser de donner des soins ordinaires à une personne vivant dans cet état – ou alors il faut redéfinir la vie. Mais à plus forte raison, si Marcelo est en état de conscience minimale, sa vie doit être protégée.

Le communiqué conclut : « Marcelo est un fils de Dieu, et notre frère. Soutenons-le par notre prière. Pour lui, comme pour tout être humain, nous voulons le meilleur : la dignité qui est la sienne, la qualité de vie qu'il est possible pour lui d'atteindre dans son état actuel, et une vie de plénitude dans le Christ. C'est pourquoi nous le confions au Père au nom de Jésus-Christ. Nous implorons le Saint Esprit d'éclairer l'intelligence et de toucher le cœur de nous tous qui sommes affectés par la situation de Marcelo, dont la vie dépend aujourd'hui de décisions étrangères à sa personne. »

Manifestation pour la vie de Marcelo Diez
Un journaliste qui connaissant Marcelo depuis l'enfance, intrigué par la polémique autour de sa vie, lui a rendu visite en mai dernier et raconte cette heure intense qu'il a vécue aux côtés d'un homme choyé par le personnel de LUNCEC, qui rejette unanime la demande du frère et de la sœur de cet homme que tous ont appris à aimer – et qui paradoxalement, est une « icône de vie » au sein d'un centre où viennent des cancéreux pour des traitements ou des soins palliatifs. Lui, cela fait 19 ans qu'il survit ! Près de 9 ans qu'il est là !

Il est frappé par le calme, la douceur, la compétence de ceux qui prennent soin de Marcelo, le lèvent, le conduisent au jardin où il aime écouter les oiseaux, disent les infirmières, qui lui mettent de la musique des années 1980, celle de « son temps » (il se renfrogne quand on lui met de la musique tropicale) ; on le conduit parmi les autres patients, il assiste aux anniversaires, à la messe. Un crucifix et un rosaire ornent les murs de sa chambre. Il est nourri par sonde (comme Vincent). Il montre parfois son refus, son inconfort – quand on lui fait des nébulisations dans le nez, par exemple, les rares fois où il prend froid.

Et ce journaliste, Mario Cipitelli, souligne que son regard a vraiment croisé celui, bleu et profond, de son ami, lorsqu'il s'est décidé à lui parler et à lui caresser la main. Presque aussitôt, Marcelo a refermé les yeux, plus calme. Maintenant, écrit-il, il « comprend pourquoi chaque mouvement réflexe fait naître tant de tendresse et de compassion » ; « pourquoi surgit tant d'espérance chaque fois qu'on croise le regard de Marcelo ».

Et voilà pourquoi les infirmières et le personnel de LUNCEC, où l'on « défend la vie », refusent d'envisager qu'on puisse priver Marcelo d'aliments – une polémique dont Cipitelli note qu'elle divise la société « parce qu'il n'y a aucun autre moyen de le tuer ou – pour utiliser un euphémisme – de le “laisser partir” ». En voilà un qui a tout compris.

***

Comme l'ont compris, du reste, les journalistes français qui traitent de l'affaire Vincent Lambert. Ils parlent d'« euthanasie », au grand dam du Dr Eric Kariger qui n'aime pas le mot : mais comment qualifier autrement un acte, un « protocole » résultant de la volonté de faire mourir quelqu'un parce qu'on estime que son état ne s'améliorera pas et que sa qualité de vie est insuffisante ? Où s'arrête-t-on dans cette logique ?

Comite consultatif national d'éthique


On s'est plaint ces derniers temps des manipulations autour du Conseil consultatif national d'éthique, où l'Eglise catholique est représentée par un théologien et professeur laïque, Xavier Lacroix. Fort bien. Mais quand il s'agit dans la pratique de réagir à un cas qui agite le monde médiatique, ce n'est pas sur le CCNE qu'il faut compter pour éclairer les consciences – ni avant, ni après les nouvelles nominations qui l'ont chamboulé. Et si l'Eglise catholique « qui est en France » a réellement son mot à dire, elle peut le faire sans le CCNE.

Dans le cas de Vincent Lambert, le silence des évêques est assourdissant. Trouvent-ils vraiment normal qu'aujourd'hui, on veuille pratiquer aujourd'hui l'euthanasie en France sur un homme profondément handicapé, mais vivant et qui n'est même pas en « fin de vie » ? Plusieurs d'entre eux sont au courant de l'affaire Vincent Lambert, appelés au secours par les parents du jeune homme qui se battent opur sa vie. On attend toujours. Ils n'ont pas pris position, ni à titre privé, ni à titre public.

La charité et la justice l'exigent pourtant – et pas seulement pour Vincent Lambert, mais pour toute personne qui risque un jour de se trouver dans sa situation. Le silence fait grandir dans l'opinion publique l'idée que l'on peut mettre à mort quelqu'un parce qu'il « n'aurait pas souhaité » vivre de telle ou telle manière. Pesons les mots… C'est un silence complice.

• Voulez-vous être tenu au courant des informations originales paraissant sur ce blog ? Abonnez-vous gratuitement à la lettre d'informations. Vous recevrez au maximum un courriel par jour. S'abonner

© leblogdejeannesmits



22 septembre, 2013

Prier pour empêcher l'euthanasie de Vincent Lambert

A la demande de sa famille, une neuvaine a été lancée pour Vincent Lambert, handicapé et en état de conscience minimale mais bien vivant, menacé de mort par suppression de l'alimentation au CHU de Reims où l'on veut le mettre en "fin de vie".

La neuvaine choisie est celle de "Marie qui défait les nœuds" (texte ici).

La prière est urgente : le médecin qui s'occupe de Vincent, 37 ans, en service de gériatrie-soins palliatifs, le Dr Eric Kariger du CHU de Reims, refuse son transfert vers un autre hôpital prêt à l'accueillir dans un service adapté à son état. Vincent n'est ni vieux, ni malade…

Et il a convoqué un « conseil de famille » afin de relancer le « protocole de fin de vie » dont il pourra décider seul une fois accomplie la formalité de consulter les proches de son patient et au moins un autre médecin : c'est pour le 27 septembre.


• Voulez-vous être tenu au courant des informations originales paraissant sur ce blog ? Abonnez-vous gratuitement à la lettre d'informations. Vous recevrez au maximum un courriel par jour. S'abonner




© leblogdejeannesmits



19 septembre, 2013

Vincent Lambert de nouveau menacé de mort

“Un meurtre sera commis le…”


  • Cet article a paru dans Présent du 18 septembre. Vous pouvez soutenir le seul quotidien qui ne transige jamais avec la culture de mort en profitant d'un abonnement parrainé (réservé aux nouveaux lecteurs ou au « revenants ») de six mois : 84 € (minimum) au lieu de 168. Abonnement possible par téléphone au 01 42 97 51 30.


Les fans d’Agatha Christie auront reconnu le titre d’un de ses très bons polars : tout commence avec l’annonce par la presse, façon faire-part de mariage, d’un meurtre, « le vendredi 29 octobre à six heures trente de l’après-midi à Little Paddocks ». Angleterre des années 50, Miss Marple et tasses de thé : le décor est planté avec ses cadavres exquis et ses conversations tout en finesse et perspicacité qui aboutiront au dénouement spectaculaire où tout est dévoilé dans les dernières pages du roman. On se régale et le sens de la justice est satisfait : on part à la recherche du méchant, on le découvre, il est puni.

France, 2013. Les temps ont bien changé. La chronique d’une mort annoncée peut envahir les quotidiens nationaux, les journaux professionnels des médecins multiplier les articles, et il n’y a aucun suspense quant à l’identité de l’exécuteur.

Vincent Lambert, 37 ans, doit mourir. Tétraplégique et en état de conscience minimale, il ne demande que ça, a décidé son médecin, Eric Kariger. Après une première tentative qui a échoué, celui-ci vient de convoquer, par une lettre sèche et sans objet, les parents du jeune homme et ses frère et sœur opposés au « protocole de fin de vie » déjà engagé une première fois au mois d’avril, à un « conseil de famille » le 27 septembre. Sans même prendre la peine de les consulter pour se mettre d’accord sur une date.

Les parents de Vincent Lambert savent évidemment de quoi il retourne : le 27 septembre, on leur dira que leur fils doit mourir, qu’ils le veuillent ou non. Le Dr Kariger l’avait annoncé rageusement au mois de mai lorsqu’il avait été contraint par la justice de réalimenter Vincent Lambert : il entend relancer la « procédure collégiale » mise en place par la loi Leonetti sur la « fin de vie » pour prendre une décision de mise à mort par suppression de l’alimentation. Dans les clous, cette fois : sans omettre de « consulter » les proches de son patient comme il l’avait fait dans un premier temps, ce qui lui avait valu d’être désavoué par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, le 11 mai, qui à la demande de M. et Mme Lambert et d’une sœur et d’un frère de Vincent avait constaté une « atteinte grave et manifestement illégale » à « une liberté fondamentale » : le droit de vivre de Vincent Lambert et le droit de ses proches qui ne souhaitent pas le voir tué.

Mais même si le médecin n’avait pas caché son intention de recommencer, les parents Lambert l’auraient appris ces derniers jours par voie de presse. Partout on parle de cette réunion de famille, de la volonté de remettre en route l’« euthanasie passive ». « Compte tenu de l’état de Vincent, une réunion a été programmée pour la fin du mois avec toutes les parties concernées pour expliquer notre position avant d’engager un protocole de fin de vie », a déclaré Kariger, alors que de nombreux éléments du dossier médical de Vincent Lambert sont donnés au public.

On ne saurait être plus clair. D’autant que l’avocat de l’épouse du jeune homme abonde dans son sens en expliquant qu’au sens de la loi Leonetti, la décision finale appartient au médecin et à lui seul : il ne lui appartient que de prendre l’avis de confrères, d’écouter celui de la famille, après quoi il agit seul et sans appel.

Et donc le Dr Kariger se répand dans la presse. Dans Le Monde du 16 septembre, il explique : « Il fallait laisser passer l’été pour que chacun puisse se reconstruire. J’ai convoqué un conseil de famille pour la fin du mois, où tous les membres de la famille de Vincent Lambert seront représentés : sa femme, ses parents, ses frères, sœurs, demi-frères et demi-sœurs… Cette commission familiale, qui ne m’est pas imposée juridiquement, vise d’abord à valider une méthode et un calendrier. »

Méthode ? Calendrier ? Combien d’eau administrer au jeune homme qui sera privé d’alimentation ? Quels sédatifs ? Quand commencera le processus ? Quand peut-on raisonnablement penser qu’il aboutira par la mort de Vincent Lambert ? La manière de répondre indique clairement qu’il ne s’agit pas de savoir si une euthanasie, « passive » comme ose le dire la presse, sera pratiquée sur Vincent Lambert en raison de sa « qualité de vie » jugée insuffisante par le corps médical, mais quand.

« La seule chose qui doit nous animer » ose-t-il poursuivre, « c’est l’intérêt de Vincent Lambert. Je suis là pour défendre l’intérêt d’un malade, pas des convictions. »

C’est ainsi qu’on évacue les lois non écrites et la morale, l’éthique et la déontologie médicale, le serment d’Hippocrate et la raison d’être du médecin qui est dans tous les cas de conserver, de protéger la vie et de soulager la souffrance – et non de donner la mort.

Qu’on ne nous parle pas de « laisser mourir ». Vincent Lambert n’est pas en fin de vie. Il n’est pas malade. Il est handicapé, profondément handicapé – mais il n’est plus en état végétatif comme il le fut un temps après l’accident de la route dont il a été victime il y a cinq ans : il est dans un état « pauci-relationnel », de conscience minimale, ce qui veut dire qu’il a conscience (combien ?) de son entourage, qu’il réagit (comment ?) à la présence de ceux qu’il aime et qu’il éprouve des sentiments. On ne sait quel est son degré de conscience. Mais on sait qu’il existe.

Et quand bien même ! Quand bien même les relations seraient totalement coupées avec son entourage, c’est un homme qui vit. Et sa vie doit être respectée. Ce n’est pas une question de « convictions » dans la mesure où celles-ci peuvent être celles d’une conscience mal formée… mais de bien et de mal, de respect de l’interdit fondamental : « Tu ne tueras pas l’innocent. »

Cesser d’alimenter une personne est d’une rare violence. Les journalistes de la presse « convenable » semblent ne même plus s’en apercevoir – c’est dire l’extrémisme insidieux de ces gros médias qui ne s’étonnent même pas de voir un homme s’arroger un droit de vie et de mort sur son semblable.

Vincent Lambert est aujourd’hui dans un service où il n’a rien à faire – ni vieux, ni en fin de vie, il devrait être accueilli par un service spécialisé pour les grands handicapés, et d’ailleurs un professeur en neurologie, spécialiste d’éthique, lui offre une place dans un hôpital de l’Est de la France. Kariger ne veut pas. Vincent Lambert devrait recevoir des soins adaptés à son état : on lui a supprimé la kinésithérapie.

Ses parents vont engager plusieurs procédures pour sauvegarder sa vie.

Mais c’est toute une mobilisation qu’il faudrait. Présent s’y engage, à fond.



• Voulez-vous être tenu au courant des informations originales paraissant sur ce blog ? Abonnez-vous gratuitement à la lettre d'informations. Vous recevrez au maximum un courriel par jour. S'abonner

© leblogdejeannesmits



 
[]