06 mars, 2024

Avortement dans la constitution : avez-vous entendu le ricanement du démon ?

Quel était le sens des scènes de liesse après l’entrée de la liberté de l’« IVG » dans la Constitution ? La salle du Congrès à Versailles a vibré au son d’une « standing ovation ». Les hurlements de joie et les danses au rythme d’ABBA ont explosé au Trocadéro, comme un sabbat de sorcières ou une danse païenne rituelle célébrant le sacrifice humain… Mon article est en ligne sur reinformation.tv : clic !

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08 février, 2024

L'Equateur innove en autorisant l’euthanasie « avolontaire » : un nouveau pas dans l'abomination

La Cour constitutionnelle de l'Equateur n’a pas seulement dépénalisé l’euthanasie, comme le répètent les médias du monde entier, ravis de voir un pays qui demeure à majorité catholique prendre ainsi le même chemin qu’ont emprunté seulement 8 autres pays dans le monde. Les juges ont innové – il me semble que c’est une première mondiale – en autorisant l’euthanasie décidée par un tiers sur un patient qui ne peut pas exprimer sa propre volonté et dont la vie n’est plus jugée « digne ». J’ai commenté ce nouveau pas vers la gestion publique de la mort sur reinformation.tv ; mon article est à lire ici.

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19 décembre, 2023

“Fiducia supplicans” : le pape François autorise la bénédiction de couples homosexuels, sous conditions

Pour les médias 
mainstream, l’affaire est dans le sac. « Le Vatican autorise la bénédiction hors-liturgie des couples de même sexe », proclamait article après article le 18 décembre ; BFMTV ajoutait : « Une première. » L’idée que l’Eglise catholique accepte désormais de bénir les paires homosexuelles en tant que telles est dès lors acquise dans les esprits ; d’ailleurs Vatican News dit à peu près la même chose…

La suite de l’analyse de Fiducia supplicans que j’ai écrite hier pour reinformation.tv est accessible ici dans son intégralité.

Une nouvelle fois, le pape introduit une révolution au moyen de la confusion. Les concubins et les divorcés remariés sont aussi concernés…


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06 décembre, 2023

Reinformation.tv vous donne rendez-vous à la Fête du Livre de Renaissance catholique




Reinformation.tv sera heureux de vous accueillir à son stand lors de la Fête du Livre qui se déroulera ce dimanche 10 décembre 2023 de 12 h 00 à 19 h 00 à l’Espace Les Pyramides (Le Port-Marly – 78).

C’est une belle édition qui s’annonce avec quatre conférences (Jean Sévillia, Mathieu Bock-Coté, Patrick Buisson, Philippe de Villiers), cent auteurs en dédicace, 1.000 titres et 10.000 livres, et de nombreux stands d’associations et de médias, ainsi que des produits du terroir.

Ouverture au public dès midi !

On peut se restaurer sur place et une garderie sera assurée dès 13 h 30.

Grand parking surveillé et gratuit, accès facile par les transports en commun.

Tous renseignements sur www.renaissancecatholique.fr.

Je serais ravie de vous y retrouver !
Jeanne Smits




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14 novembre, 2023

Mgr Strickland réagit à son éviction de son diocèse. Une parole lucide, noble et très surnaturelle

Le 11 novembre au matin le pape François a décidé de retirer Mgr Joseph Strickland de ses fonctions à la tête du diocèse de Tyler, au Texas. Cette décision personnelle du pape (surtout si elle a été prise « in forma specifica ») n’est pas susceptible d’un recours canonique, c’est le fait du prince. Vu le rôle et le pouvoir du pape, qui est un monarque au sommet d’une structure hiérarchique, monarque que nul dans l’Eglise ne peut juger, il ne s’agit pas d’un scandale en soi. Reste le goût amer de l’injustice qu’il est impossible de contester canoniquement, d’autant plus qu’aucune raison de fond n’a été avancée pour justifier cette brutale éviction d’un évêque fidèle, qui ne comptait l’an dernier, pour un troupeau modeste de quelque 120.000 âmes, pas moins de 21 séminaristes.

Mgr Strickland a réagi à sa destitution de manière admirablement surnaturelle ; le texte de son premier entretien sur le sujet est intégralement disponible ici sur reinformation.tv.


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11 octobre, 2023

Le 19 octobre à Paris, ma conférence au Centre Charlier sur les pandémies cachées : avortement, euthanasie, dénatalité



Venez nombreux, et n’hésitez pas à vous inscrire !


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08 octobre, 2023

La conférence du cardinal Burke au colloque international “La Tour de Babel synodale” (Traduction intégrale)

Le cardinal Raymond Burke a participé à Rome, le 3 octobre, à la veille de l’ouverture du synode sur la synodalité, à un colloque organisé par La Nuova Bussola Quotidiana où il a pris la parole avec le P. Gerald Murray et du Pr Stefano Fontana, sous la conduite de Riccardo Cascioli, pour évoquer divers aspects inquiétants de cette réunion vaticane qui vise clairement à transformer l’Eglise.

Le cardinal Burke a plus particulièrement abordé la question de la nature de l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique en laquelle nous croyons, qui est une « communion hiérarchique », chose aujourd’hui contestée au nom d’une « synodalité » dont on n’a pas de définition claire.

Je vous propose ci-dessous la traduction intégrale de cette conférence, visée par le cardinal Burke, que je remercie de son aimable autorisation de publier ici ses propos. Lr texte original italien, avec toutes les références des documents cités,  se trouve ici sur le site du cardinal. – J.S.

*


La Nuova Bussola Quotidiana

Conférence internationale “La Tour de Babel synodale”
Teatro Ghione, Via delle Fornaci 37, Rome
3 octobre 2023

La Synodalité face à la véritable identité de l’Eglise en tant que Communion hiérarchique


Je voudrais tout d’abord remercier les organisateurs de cette conférence, en particulier Riccardo Cascioli, ainsi que toute l’équipe de La Nuova Bussola Quotidiana de nous avoir donné aujourd’hui l’occasion de traiter de sujets qui sont de la plus grande importance pour chacun d’entre nous, parce qu’ils touchent au bien le plus fondamental de notre Sainte Mère à tous, l’Église catholique, le Corps mystique du Christ qui seul est le Sauveur du monde. Je voudrais remercier tout particulièrement le père Gerald Murray et le professeur Stefano Fontana pour les réflexions essentielles qu’ils nous ont présentées aujourd’hui. Ils viennent d’exposer, de démasquer je dirais, de manière très convaincante, les erreurs philosophiques, canoniques et théologiques, aujourd’hui largement répandues, concernant le Synode des évêques et sa prochaine session intitulée « Pour une Église synodale : communion - participation – mission ».

Je voudrais d’emblée recommander à votre lecture le livre de Julio Loredo et José Antonio Ureta, Le Processus synodal : Une boîte de Pandore. 100 questions et 100 réponses, disponible en italien et dans de nombreuses autres langues. L’étude sereine et profonde qui sous-tend ce livre offre une aide très précieuse pour affronter la confusion généralisée régnant autour de la session du Synode des évêques qui s’ouvrira demain.

Le professeur Fontana a déclaré : « La nouvelle synodalité, considérée suivant ses catégories propres de temps, de pratique et de procédure, est le moment final d’un long parcours qui a englobé toute la modernité. » En attirant notre attention sur les sources philosophiques de la soi-disant synodalité, il démasque sa mondanité. C’est pourquoi notre Seigneur Jésus-Christ, qui seul est notre Sauveur, n’est ni la racine ni le centre de la synodalité. C’est pourquoi la nature divine de l’Église dans sa fondation et dans sa vie organique et durable est laissée de côté et, à dire vrai, oubliée.

Le Saint-Esprit est très souvent invoqué dans la perspective du synode. L’ensemble du processus synodal est présenté comme une œuvre du Saint-Esprit qui guidera tous les membres du synode, mais on ne trouve pas un seul mot sur l’obéissance due aux inspirations du Saint-Esprit qui sont toujours conformes à la vérité de la doctrine pérenne et à la bonté de la discipline pérenne qu’Il a inspirée au cours des siècles. Il est malheureusement tout à fait manifeste que l’invocation, par certains, du Saint-Esprit a pour but de faire avancer un programme qui est plus politique et humain qu’ecclésial et divin. Le programme de l’Église est un, c’est la poursuite du Bien commun de l’Église, c’est-à-dire le salut des âmes, le salus animarum, qui « in Ecclesia suprema semper lex esse debet » [« doit toujours être la loi suprême de l’Église »].

Le Synode sur la « synodalité » est à la remorque de certaines perspectives très répandues dans l’Église d’aujourd’hui, qui ont également été illustrées par la récente reconstruction de la Curie romaine au moyen de la Constitution Apostolique Praedicate Evangelium. Celle-ci insiste principalement sur la nature missionnaire et la synodalité de l’Église comme étant les « caractéristiques »  [marques], les « traits essentiels » de la vie ecclésiale, et semble faire découler la structure de la Curie romaine de ce point de départ. Mais, comme nous le professons dans le Credo et comme l’enseigne la Constitution dogmatique du Concile œcuménique Vatican II sur l’Église, Lumen Gentium, la Sainte Mère Église est, dans ses caractéristiques, dans ses caractères essentiels, « une, sainte, catholique et apostolique ».

La confusion qui règne dans les domaines de la théologie, de la morale et même de la philosophie élémentaire est alimentée par un important manque de clarté du vocabulaire utilisé, et cela est probablement voulu par certains. On assiste à un glissement sémantique de certains mots ou expressions, qui rend incompréhensible l’enseignement de l’Église sur certains points. Je pourrais citer l’expression « miséricorde de Dieu », par exemple. Mais parfois, de nouveaux mots sont lancés ou exagérés sans définition claire, comme c’est le cas pour le mot synodalité. Dans un tel état de confusion au sujet des caractères essentiels de l’Église, le risque existe de perdre l’identité de l’Église, et notre identité en tant que membres du Corps mystique du Christ, en tant que sarments de la « vraie vigne » qu’est le Christ, dont le Père éternel « est le vigneron ».

Dès lors que ces concepts prennent une place centrale et ne sont pas clairement définis, la porte est ouverte à tous ceux qui veulent les interpréter d’une manière qui rompt avec l’enseignement constant de l’Église en la matière. En effet, l’histoire de l’Église nous enseigne que la résolution des crises les plus graves, comme la crise arienne, commence toujours par une grande précision dans le vocabulaire et les concepts utilisés.

Revenons aux caractères essentiels de l’Église que propose Praedicate Evangelium pour mieux comprendre l’orientation que prend le synode : la nature missionnaire et la synodalité. Il s’agit de deux caractéristiques en un sens connues, mais leur élévation au rang de caractéristiques essentielles de l’Église et, par conséquent, de critères fondamentaux de la restructuration de la Curie romaine – et désormais, par ce synode, des caractères essentiels de la totalité de l’Église universelle – conduit à des ambiguïtés et à des malentendus qu’il est nécessaire de reconnaître et dissiper.

Il est légitime de dire que l’Église tout entière est missionnaire. Tous les fidèles sont appelés, en fonction de leur vocation et de leurs dons personnels, à témoigner du Christ dans le monde. Mais pour témoigner du Christ, les fidèles ont besoin de le rencontrer vivant dans l’Église à travers la Sainte Tradition, qui est doctrinale, liturgique et disciplinaire. Ils ont besoin de bons pasteurs – le Pontife romain et les évêques en communion avec lui, ainsi que les prêtres, principaux collaborateurs des évêques – qui les guident vers le Christ et qui sauvegardent pour eux la vie dans le Christ, en particulier par l’enseignement de la saine doctrine et de la bonne morale et, de façon plus parfaite et plus complète, par la sainte liturgie, le culte de Dieu « en esprit et en vérité ».   En effet, ce sont l’enseignement de la vérité et le culte divin « en esprit et en vérité » qui favorisent la croissance de la vie dans le Christ de chaque croyant et de l’Église tout entière. Comme nous l’enseigne saint Paul, dans l’Église, il faut que « nous ne soyons plus des enfants ballottés et que nous ne soyons plus emportés à tout vent de doctrine, par la malice des hommes, par les artifices séduisants de l’erreur », mais que, « pratiquant la vérité dans la charité, nous croissions à tout égard en celui qui est le chef, le Christ ».

Selon l’enseignement constant de l’Église, le Christ a institué l’Office pétrinien pour que tous les évêques, et donc tous les fidèles, soient unis dans la foi.   Le Concile Vatican II, dans la Constitution dogmatique sur l’Église, a déclaré que « pour que l’épiscopat lui-même fût un et indivis, il a mis saint Pierre à la tête des autres Apôtres, instituant, dans sa personne, un principe et un fondement perpétuels et visibles d’unité de la foi et de communion ».  Voici comment le Concile définit l’Office pétrinien : « Le pontife romain, comme successeur de Pierre, est le principe perpétuel et visible et le fondement de l’unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles. »

La Curie romaine est l’instrument principal du Pontife romain dans le cadre de son service irremplaçable à l’Église universelle. Selon les mots des Pères du Concile : « Dans l’exercice de son pouvoir suprême, plénier et immédiat sur l’Église universelle, le Pontife romain se sert des dicastères de la Curie romaine ; c’est donc en son nom et par son autorité que ceux-ci remplissent leur tâche pour le bien des Églises et le service des pasteurs sacrés. »  Le successeur de saint Pierre, par l’intermédiaire de la Curie romaine, aide les évêques à accomplir leur service fondamental, que le Concile décrit en ces termes : « Tous les évêques, en effet, doivent promouvoir et servir l’unité de la foi et la discipline commune de l’ensemble de l’Église, former les fidèles à l’amour envers tout le Corps mystique du Christ, surtout envers ses membres pauvres, souffrants, et envers ceux qui souffrent persécution pour la justice (cf. Mt 5, 10), ils doivent enfin promouvoir toute l’activité qui est commune à l’ensemble de l’Église, surtout en vue du progrès de la foi et pour que la lumière de la pleine vérité se lève sur tous les hommes. »

La nature missionnaire de l’Église est le fruit de cette unité de doctrine, de liturgie et de discipline ; elle est le fruit du Christ vivant qui est dans l’Église, dans les membres de son Corps mystique dont Il est la tête. C’est le Christ seul qui est proclamé et prêché à toutes les nations pour que beaucoup soient baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Telle est la mission de l’Église qui lui a été confiée par le Seigneur :

« Toute puissance M’a été donnée dans le Ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et leur enseignant à observer tout ce que Je vous ai commandé. Et voici que Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles. »

La mission du Christ est antérieure à toute activité missionnaire, à n’importe quelle caractéristique de la nature missionnaire. En réalité, la nature missionnaire n’est qu’une manifestation de la présence vivante du Christ dans l’Église pour faire « de toutes les nations des disciples », le Christ qui demeure toujours vivant dans l’Église « jusqu’à la consommation des siècles ».

La synodalité, en tant que terme abstrait, est un néologisme dans la doctrine relative à l’Église. Il est bien connu que le Concile Vatican II a voulu éviter les termes abstraits de conciliarité et de collégialité, qui ne se trouvent pas dans les textes conciliaires. On doit supposer que le Concile lui-même aurait cherché à éviter un terme abstrait comme celui de synodalité, s’il l’avait seulement connu.

La tradition canonique connaît l’institution du Synode comme un instrument chargé de conseiller les pasteurs sacrés ; l’Église n’est pas décrite comme synodale, mais au contraire comme communion hiérarchique.  Ce sont les pasteurs au sein de la communion sauvegardée et renforcée par l’Office pétrinien, c’est-à-dire la hiérarchie, qui ont la responsabilité de la conduite doctrinale, liturgique et morale de l’Église. Le synode est une aide offerte aux pasteurs pour qu’ils puissent accomplir leur service. Il ne remplace jamais et ne peut pas remplacer l’office pastoral voulue et instituée par le Christ lui-même.

Le Synode des évêques est décrit comme « la réunion des Évêques qui, (…) se rassemblent à des temps fixés afin de favoriser l’étroite union entre le Pontife Romain et les Évêques et d’aider de ses conseils le Pontife Romain pour le maintien et le progrès de la foi et des mœurs, pour conserver et affermir la discipline ecclésiastique, et aussi afin d’étudier les questions concernant l’action de l’Église dans le monde. »   Le P. Murray nous a magistralement rappelé la nature du Synode des évêques, suivant le canon 342 du Code de droit canonique que je viens de citer.

Je me contenterai d’ajouter que, dans le même ordre d’idées, le synode diocésain est décrit comme « la réunion des délégués des prêtres et des autres fidèles de l’Église particulière qui apportent leur concours à l’Évêque diocésain pour le bien de la communauté diocésaine tout entière ».  Le synode, en tant qu’institut canonique, désigne un moyen solennel parmi plusieurs autres par lesquels tous les fidèles, par leur vocation et au moyen de leurs talents, aident leurs pasteurs sacrés à remplir leurs responsabilités en tant que véritables maîtres de la foi. Le canon 212 du Code de droit canonique, qui a sa source originelle dans l’enseignement du Seigneur sur la correction fraternelle,  fournit les normes qui régissent les rapports entre les pasteurs sacrés et les fidèles au sein de la communion hiérarchique de l’Église. Parmi ces modes, l’institution du synode est extraordinaire, exigeant une préparation longue et adéquate, et une célébration bien disciplinée afin d’éviter les malentendus qui peuvent facilement, surtout dans une culture totalement sécularisée et mondaine, rendre le processus synodal néfaste pour l’Église.

Je voudrais maintenant partager avec vous quelques réflexions que j’ai exposées aux autres vénérables confrères du Collège des Cardinaux lors de la réunion des Cardinaux, il y a un peu plus d’un an. Elles concernent plus directement la structure de la Curie romaine, mais elles sont très étroitement liées à notre sujet.

La nature missionnaire et la synodalité en tant que qualités, et non pas en tant qu’« attributs » ou « caractères essentiels » [marques] de la vie ecclésiale, ne changent pas la nature de l’Office pétrinien ou le service que rend la Curie romaine au Successeur de Pierre en tant que « fondement perpétuel et visible d’unité de la foi et de communion ». En effet, ils présupposent l’Office pétrinien assisté par la Curie romaine. À la lumière de ce qui précède, voici quelques observations.

Premièrement. La Constitution apostolique insiste sur le fait que la Curie romaine « est au service du Pape, Successeur de Pierre, et des évêques, successeurs des apôtres ».  Mais le service de la Curie romaine se rapporte au successeur de saint Pierre. En servant le Pontife romain, la Curie romaine sert également les évêques dans leur relation avec le Pape. Il n’est pas réaliste d’exiger que la Curie romaine soit au service de tous les évêques. En réalité, ceux-ci ont leurs propres curies pour les aider à remplir leurs responsabilités de vrais pasteurs. En cela, le service distinct du successeur de saint Pierre doit demeurer clairement perceptible.

En même temps, définir la Curie romaine comme étant au service des évêques individuels risquerait d’aboutir à une vision mondaine de l’Église dans laquelle les Églises particulières seraient des branches ou des filiales de l’Église de Rome, toutes servies par la même Curie romaine. Ce serait une distorsion de la relation du Successeur de Pierre avec les évêques.

Deuxièmement. Utiliser le terme dicastère, en tant que terme générique séculier, tiré du droit romain, pour les divers offices de nature différente au sein de la Curie romaine, n’exprime pas suffisamment l’aspect de communion hiérarchique inhérent au traitement des questions doctrinales, liturgiques, éducatives, missionnaires, etc. et n’exprime pas la différence réelle, non pas de rang (tous les dicastères sont juridiquement égaux), mais de matière et de compétence.

Troisièmement. Il semble juste de rendre à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, sous une forme ou sous une autre, au plus tard au cours de la prochaine phase de mise en œuvre de la Constitution apostolique, la première place parmi toutes les Congrégations de la Curie romaine, en vertu de sa mission qui est « d’aider le Pontife romain et les évêques dans l'annonce de l'Évangile dans le monde entier, en promouvant et en sauvegardant l'intégrité de la doctrine catholique sur la foi et les mœurs, en puisant au dépôt de la foi et en cherchant à l'approfondir toujours davantage face aux nouvelles questions. »

Quatrièmement. Il serait important de mettre au premier plan des qualités requises des Officiers et des Consulteurs, la saine doctrine et la cohérence à l’égard de la saine discipline ecclésiastique.

Il ne me semble pas nécessaire d’aller dans le détail pour comprendre que le synode qui s’ouvrira demain n’est rien d’autre que le prolongement direct de ce qui a déjà été exposé dans la Constitution Apostolique Praedicate Evangelium. Il est donc pour le moins étrange de dire que l’on ne sait pas dans quelle direction ira le synode, alors qu’il est à ce point manifeste que ce qui est recherché, c’est de modifier profondément la constitution hiérarchique de l’Église. Un processus similaire a été employé dans l’Église d’Allemagne en vue d’atteindre le même, et si néfaste objectif.

On entend souvent dire que cette insistance sur la synodalité de l’Église n’est rien d’autre que la réappropriation d’une caractéristique ecclésiale que l’Église d’Orient a toujours sauvegardée. J’ai des contacts réguliers avec des évêques et des prêtres orientaux, tant catholiques qu’orthodoxes, qui m’ont tous dit que la manière dont le synode actuel est organisé n’a rien à voir avec les synodes orientaux. Cela vaut non seulement en ce qui concerne la place des laïcs dans ces assemblées, mais aussi, plus généralement, pour ce qui est de leur mode de fonctionnement et même des questions qu’elles abordent. Il y a une confusion autour du terme de synodalité, que l’on tente artificiellement de rattacher à une pratique orientale, alors qu’il a en réalité toutes les caractéristiques d’une invention récente, concernant notamment le laïcat.

Un tel changement dans la compréhension que l’Église a d’elle-même a encore pour conséquence l’affaiblissement de l’enseignement de la morale ainsi que de la discipline dans l’Église. Je ne m’attarde pas sur ces points, dont chacun connaît le caractère dramatique : la théologie morale a perdu tous ses repères. Il est urgent de considérer l’acte moral dans sa totalité, et non pas seulement dans son aspect subjectif. L’anniversaire tout proche de la publication de Veritatis Splendor peut nous y aider. Je salue et encourage les initiatives dont j’ai pris connaissance à ce sujet. Les commandements du Décalogue sont et resteront valides comme ils l’ont toujours été, de tout temps, simplement parce qu’ils sont inhérents à la nature humaine.

Compte tenu de tout ce que j’ai observé et que nous approfondissons dans le cadre de notre réunion d’aujourd’hui, j’ai présenté au cours de l’été, avec quatre autres cardinaux, Leurs Éminences le Card. Walter Brandmüller, le Card. Juan Sandoval Íñiguez, le Card. Robert Sarah et le Card. Joseph Zen, tous issus de continents différents, des dubia au Souverain Pontife afin de clarifier un certain nombre de points fondamentaux relatifs au dépôt de la foi qui sont aujourd’hui remis en question, tout particulièrement dans le cadre de ce que l’on appelle la synodalité. De nombreux frères dans l’épiscopat et dans le Collège des cardinaux soutiennent cette initiative, même s’ils ne figurent pas dans la liste officielle des signataires.

Il Giornale a publié aujourd’hui un article du journaliste du Vatican Fabio Marchese Ragona sur les dubia soumis au Pape François. À la fin de l’article, il cite les commentaires sur les dubia de « deux pères synodaux » qu’il a interviewés. Je cite leur commentaire :

Nous sommes désolés, les temps de l’Église ne sont pas ceux de ces frères ! Ils ne peuvent pas dicter l’ordre du jour au Pape, qui plus est en infligeant des blessures et en sapant l’unité de l’Église. Mais nous y sommes désormais habitués : ils cherchent seulement à frapper François.

Ces commentaires révèlent l’état de confusion, d’erreur et de division qui imprègne la session du Synode des évêques qui débutera demain. Les cinq dubia traitent exclusivement de la doctrine et de la discipline pérennes de l’Église, et non d’un programme du pape. Ils ne traitent pas des « temps » passés. Le langage utilisé est très révélateur d’une vision mondaine. Les dubia ne traitent pas non plus de la personne du Saint-Père. Au contraire, ils sont par leur nature même l’expression d’une juste vénération de l’Office pétrinien et du successeur de saint Pierre.

Ces commentaires semblent refléter une erreur fondamentale récemment exprimée par le nouveau Préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi dans une interview qu’il a accordée à Edward Pentin du National Catholic Register. Au cours de cette interview, il a déclaré qu’au-delà du dépôt de la foi, le pontife romain jouit d’un « don vivant et actif » qui se traduit par ce qu’il appelle « la doctrine du Saint-Père ».   Il accuse même d’hérésie et de schisme ceux qui critiquent cette « doctrine du Saint-Père ».

Mais l’Église n’a jamais enseigné que le Pontife romain eût le don spécial de constituer sa propre doctrine. Le Saint-Père est le premier maître du dépôt de la foi, qui est en lui-même toujours vivant et dynamique. C’est ce qu’enseigne la Constitution dogmatique de Divina Revelatione Dei verbum du Concile œcuménique Vatican II :

La sainte Tradition et la Sainte Écriture constituent un unique dépôt sacré de la Parole de Dieu, confié à l’Église ; en s’attachant à lui, le peuple saint tout entier uni à ses pasteurs reste assidûment fidèle à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières (cf. Ac 2, 42 grec), si bien que, pour le maintien, la pratique et la profession de la foi transmise, s’établit, entre pasteurs et fidèles, un remarquable accord.

Il est indispensable de réfléchir à la gravité de la situation de l’Eglise lorsque le Préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi accuse d’hérésie et de schisme ceux qui demandent au Saint-Père d’exercer l’Office pétrinien pour sauvegarder et promouvoir le Depositum Fidei.

On nous dit que l’Église dont nous professons, en communion avec nos ancêtres dans la foi depuis le temps des Apôtres, qu’elle est une, sainte, catholique et apostolique, doit maintenant être définie par la synodalité, un terme qui n’a pas d’histoire dans la doctrine de l’Église et dont il n’y a pas de définition raisonnable. Il s’agit manifestement d’une construction artificielle, qui ressemble davantage à une construction humaine qu’à l’Église bâtie sur le roc qu’est le Christ (cf. 1 Cor. 10, 4). L’Instrumentum Laboris de la prochaine session du Synode des évêques contient incontestablement des déclarations qui s’écartent de manière frappante et grave de l’enseignement pérenne de l’Église. Tout d’abord, nous devons réaffirmer publiquement notre foi. En cela, les évêques ont le devoir de confirmer leurs frères. Les évêques et les cardinaux d’aujourd’hui ont besoin de beaucoup de courage pour affronter les graves erreurs qui viennent de l’intérieur même de l’Église. Les brebis sont tributaires du courage des bergers qui doivent les protéger du poison de la confusion, de l’erreur et de la division.

Je voudrais cependant conclure en vous exhortant à prier pour implorer l’aide du Ciel contre toutes les puissances, humaines et préternaturelles, qui rêvent de la destruction de l’Église. Non prevalebunt !   Nous savons que le bien est toujours tenu en estime aux yeux de Dieu et qu’il sera justement récompensé, tout comme le mal sera puni. De nombreux jeunes en sont conscients et cherchent à vivre, avec le soutien des sacrements, une vie authentique de Foi, d’Espérance et de Charité ; à vivre toujours plus pleinement dans le Christ, avec un cœur qui s’offre toujours davantage, avec le Cœur Immaculé de Marie, à son Sacré Cœur. Voilà où se situe clairement le véritable avenir de l’Église, le seul qui portera vraiment du fruit (cf. Mt 7, 15-17).

Aujourd’hui, les bons chrétiens doivent être prêts à souffrir le martyre blanc de l’incompréhension, du rejet et de la persécution, et parfois le martyre rouge de l’effusion de sang, afin d’être des témoins fidèles du Christ, ses « coopérateurs dans la vérité ».   Bien que la confusion actuelle soit particulièrement grande, et même d’importance historique, pour ne pas dire sans précédent, nous ne pouvons pas croire que la situation soit irréversible. Comme je viens de le dire, les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre l’Église. Le Seigneur a promis de demeurer avec nous dans l’Église « jusqu’à la consommation des siècles ».   Il ne ment pas. Il est toujours fidèle à ses promesses. Nous pouvons toujours faire confiance au Seigneur qui vit pour nous dans l’Église. Et il est certain que nous ne devons jamais abandonner le Seigneur, mais rester avec lui dans l’Église qui est son Corps mystique. Nous devons toujours demeurer des sarments fermement unis à la vigne qu’est le Seigneur. Cependant, force est de constater que beaucoup d’âmes prennent le chemin de la perdition à cause de cette confusion, c’est pourquoi nous devons beaucoup prier et agir pour la dissiper au plus vite.

Invoquons la Bienheureuse Vierge Marie, en particulier son Cœur Immaculé, saint Joseph, Protecteur de la Sainte Église, les saints Apôtres Pierre et Paul, et tous les saints, afin que chacun de nous reste fidèle au Christ et à Son Église, Une, Sainte, Catholique et Apostolique, la Sainte Église Romaine ; et que l’Église elle-même, sans tache ni ride, puisse se libérer au plus vite de l’état actuel de confusion et de division pour abréger ces temps où le risque de perte d’âmes est grand. Salus animarum « in Ecclesia suprema semper lex esse debet ».
Je vous remercie de votre attention. Que Dieu vous bénisse toujours, vous et vos foyers, et que la Vierge Mère de Dieu, saint Joseph, les saints Pierre et Paul et tous les saints vous guident et protègent votre chemin.

Raymond Leo Cardinal BURKE



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05 octobre, 2023

“Laudate Deum”, ou le travestissement de notre foi

Le pape François publie “Laudate Deum”, ou le travestissement de notre foi

François Laudate Deum foiSans doute les commentaires au sujet de l’exhortation apostolique Laudate Deum se focaliseront-ils sur les recommandations du pape François pour la sauvegarde de la « Maison Commune » – expression forgée par Gorbatchev au temps de la chute de l’Union soviétique – dans la suite qu’il a voulu donner à l’encyclique « écologique » Laudato si’. Mais quoi que l’on pense de cette ingérence du pape dans un domaine qui ne relève pas de son devoir de conforter ses frères dans la foi, il y a bien plus grave, précisément au sujet de la foi. Et c’est cela qui devrait être l’objet de nous inquiétudes et de nos supplications à Dieu pour mettre fin à une crise qui semble atteindre ces jours-ci dans l’Eglise un point climatérique.

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02 octobre, 2023

La réponse du pape François aux premiers “dubia” soumis par les cardinaux Burke, Sarah, Brandmüller, Sandoval et Zen

Après la publication des dubia au sujet de thèmes à traiter par le synode, et de leur version reformulée, je vous propose ci-dessous la version intégrale de la réponse adressée dans un premier temps par le pape François : celle qui a conduit les cardinaux Brandmüller, Burke, Sandoval, Sarah et Zen a reformuler leurs questions et à demander ce qu'il est d'usage d'obtenir en ce cas de figure, des réponses par oui ou par non.

La réponse du pape n'est en effet plus considérée comme privée depuis que le Dicastère pour la Doctrine de la foi en a publié de larges extraits. La réponse du pape était datée du lendemain du jour où les premiers dubia étaient soumis. Vu son style, ses idées force et ses méandres, je soupçonne à titre privé Mgr Victor Manuel Tucho Fernandez d'en être l'auteur.  Si je me trompe, j'observe en tout cas que c'est le dicastère qu'il préside qui, ne perdant guère de temps, a réagi aussitôt que les cinq cardinaux ont rendu leurs dubia publics.

Voici ce texte, dont une apparente maladresse de traduction (« Je crois que ces réponses pourront satisfaire vos questions ») correspond au charabia du texte original…

Saluons tout de même le tour de force de que constitue cette réponse de plus de 2.700 mots en moins de 24 heures après la soumission des dubia.  Il faut croire que tous les dossiers sont prêts pour justifier la grande révolution en cours.

J.S.

*

Vatican, Santa Marta, 11 juillet 2023


Aux très éminents cardinaux
Walter BRANDMÜLLER
Raymond Leo BURKE


Mes chers frères,

Je vous écris pour faire suite à votre lettre du 10 juillet dernier. Dans cette lettre, vous avez voulu attirer mon attention sur quelques dubia qui, à votre avis, sont liés, dans une certaine mesure, au processus mis en œuvre en vue du prochain Synode des évêques sur le thème de la synodalité.

À cet égard, je voudrais partager avec vous quelques apects très importants. Avec le prochain synode, j’ai fortement désiré mettre en œuvre un processus qui implique la participation d’une partie vraiment significative de tout le peuple de Dieu.

Tout au long de ce chemin, avec l’aide et l’inspiration de l’Esprit Saint, nous avons pu recueillir « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes d’aujourd’hui, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent » et nous avons pu, une fois de plus, faire l’expérience que ces joies, ces espoirs, ces tristesses et ces angoisses « sont ont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur » (Gaudium et spes, 1).

C’est précisément pour répondre pleinement à tout cela que, dans ce processus – dont il est bon de rappeler qu’il se poursuivra jusqu’en octobre 2024 – ont été également recueillies des questions et des consultations sur la structure (participation et communion) et la mission de l’Église dans le temps qu’il nous revient de vivre.

Avec une grande sincérité, je vous dis qu’il n’est pas très bon d’avoir peur de ces points d’interrogation et de ces questions. Le Seigneur Jésus, qui a promis à Pierre et à ses successeurs une assistance indéfectible dans la tâche de prendre soin du peuple saint de Dieu, nous aidera, également grâce à ce Synode, à nous maintenir toujours davantage dans un dialogue constant avec les hommes et les femmes de notre temps et dans une fidélité totale au saint Évangile.

Cela dit, bien qu’il ne me semble pas toujours prudent de répondre aux questions qui me sont directement adressées (parce qu’il serait impossible de répondre à chacune d’entre elles), dans le cas présent, je pense qu’il est opportun de le faire en raison de la proximité du Synode.

Concrètement :

Question 1

a) La réponse dépend du sens que vous, vous donnez au mot « réinterpréter ». Si l’on entend par là « mieux interpréter », l’expression est valide. En ce sens, le Concile Vatican II a affirmé qu’il est nécessaire que le travail des exégètes – et j’ajoute, celui des théologiens – « mûrisse le jugement de l’Église » (Concile œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum, 12).

b) Par conséquent, s’il est vrai que la Révélation divine est immuable et qu’elle lie toujours, l’Église doit être humble et reconnaître qu’elle n’en épuise jamais l’insondable richesse et qu’elle a besoin de grandir dans sa compréhension.

c) Par conséquent, elle mûrit également dans la compréhension de ce qu’elle a elle-même affirmé dans son Magistère.

d) Les changements culturels et les nouveaux défis de l’histoire ne modifient pas la Révélation, mais ils peuvent en revanche nous stimuler à mieux expliquer certains aspects de sa richesse débordante qui offre toujours davantage.

e) Il est inévitable que cela conduise à une meilleure expression de certaines déclarations passées du Magistère, et de fait, c’est ainsi que les choses se sont passées tout au long de l’histoire.

f) D’un autre côté, il est certain que le Magistère n’est pas supérieur à la Parole de Dieu, mais il est également vrai que tant les textes de l’Écriture que les témoignages de la Tradition nécessitent une interprétation qui permet de distinguer leur substance pérenne des conditionnements culturels. Cela est évident, par exemple, dans les textes bibliques (comme Ex. XXI, 20-21) et dans certaines interventions magistérielles qui toléraient l’esclavage (cf. Nicolas V, Bulle Dum Diversas, 1452). Il ne s’agit pas d’un thème mineur, étant donné son rapport intime avec la vérité éternelle de la dignité inaliénable de la personne humaine. Ces textes doivent être interprétés. Il en va de même pour certaines considérations du Nouveau Testament sur les femmes (1 Cor. XI, 3-10 ; 1 Tm II, 11-14) et pour d’autres textes de l’Écriture et témoignages de la Tradition qui aujourd’hui, ne peuvent être matériellement répétés.

g) Il est important de souligner que ce qui ne peut pas changer, c’est ce qui a été révélé « pour le salut de toutes les nations » (Concile œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum, 7). C’est pourquoi l’Église doit constamment discerner entre ce qui est essentiel au salut et ce qui est secondaire ou moins directement lié à cet objectif. À cet égard, je trouve intéressant de rappeler ce que disait saint Thomas d’Aquin : « plus on aborde les choses particulières, plus on rencontre de défaillances » (Summa Theologiae I-II, q. 94, art. 4).

h) Enfin, une formulation unique d’une vérité ne sera jamais correctement comprise si elle est isolée du contexte riche et harmonieux de l’ensemble de la Révélation. La « hiérarchie des vérités » implique également de placer chacune d’entre elles en relation avec les vérités plus centrales et avec la totalité de l’enseignement de l’Église. En fin de compte, cela peut donner lieu à différentes manières d’exposer la même doctrine, même si « à ceux qui rêvent une doctrine monolithique défendue par tous sans nuances, cela peut sembler une dispersion imparfaite. Mais la réalité est que cette variété aide à manifester et à mieux développer les divers aspects de la richesse inépuisable de l’Évangile » (Evangelii Gaudium, 40). Chaque ligne théologique comporte ses risques, mais aussi ses opportunités.

Question 2

a) L’Eglise a une conception très claire du mariage : une union exclusive, stable et indissoluble entre un homme et une femme, naturellement ouverte à la génération d’enfants. Elle n’appelle « mariage » que cette seule union. Les autres formes d’union ne le réalisent qu’« en partie et par analogie » (Amoris Laetitia, 292), c’est pourquoi elles ne peuvent pas être appelées « mariage » au sens strict.

b) Il ne s’agit pas seulement d’une question de noms : au contraire la réalité que nous appelons mariage a une constitution essentielle unique qui requiert un nom exclusif, qu’on ne peut appliquer à d’autres réalités. Sans aucun doute s’agit-il de bien plus qu’un simple « idéal ».

c) C’est pourquoi l’Église évite toute forme de rite ou de sacramental qui pourrait contredire cette conviction et donner à entendre que l’on reconnaît comme mariage ce qui n’en est pas un.

d) Toutefois, dans les relations avec les personnes, il ne faut pas perdre la charité pastorale qui doit passer par toutes nos décisions et nos attitudes. La défense de la vérité objective n’est pas la seule expression de cette charité qui est aussi faite d’amabilité, de patience, de compréhension, de tendresse et d’encouragement. Nous ne pouvons donc pas nous constituer en juges qui ne font que refuser, rejeter, exclure.

e) La prudence pastorale doit donc correctement discerner s’il existe des formes de bénédiction, demandées par une ou plusieurs personnes, qui ne véhiculent pas une conception erronée du mariage. En effet, lorsqu’on demande une bénédiction, il s’agit d’une demande d’aide adressée à Dieu, d’une prière pour pouvoir vivre mieux, d’une confiance en un Père qui peut nous aider à vivre mieux.

f) D’autre part, même s’il existe des situations qui, d’un point de vue objectif, ne sont pas moralement acceptables, la même charité pastorale exige que nous ne traitions autrui de « pécheur », sans plus, alors que la culpabilité ou la responsabilité des personnes peut être atténuée par divers facteurs qui ont une incidence sur l’imputabilité subjective (cf. S. Jean-Paul II, Reconciliatio et Paenitentia, n. 17).

g) Les décisions qui, en des circonstances déterminées, peuvent relever de la prudence pastorale, ne doivent pas nécessairement être converties en normes. En d’autres termes, il n’est pas opportun qu’un diocèse, une Conférence des évêques ou toute autre structure ecclésiale autorise constamment et officiellement des procédures ou des règles pour chaque type d’affaire, puisque tout ce qui « fait partie d’un discernement pratique face à une situation particulière ne peut être élevé à la catégorie d’une norme », car cela « donnerait lieu à une casuistique insupportable » (Amoris Laetitia, n. 304). Le droit canonique ne doit pas et ne peut pas tout englober, et les Conférences épiscopales ne peuvent pas non plus prétendre faire cela avec leurs divers documents et protocoles, parce que la vie de l’Église passe par de nombreux canaux outre les canaux normatifs.

Question 3

a) S’il est vrai que vous reconnaissez bien que l’autorité suprême et pleine de l’Église est exercée soit par le Pape en vertu de sa charge, soit par le collège des évêques en union avec son chef, le Pontife romain (cf. Concile œcuménique II, Const. dogmatique Lumen Gentium, 22), cependant, avec ces dubia, vous manifestez vous-mêmes votre besoin de participer, de donner librement votre opinion et de collaborer, et vous revendiquez ainsi une certaine forme de « synodalité » dans l’exercice de mon ministère.

b) L’Église est un « mystère de communion missionnaire », mais cette communion n’est pas seulement affective ou éthérée, elle implique au contraire nécessairement une participation réelle : il faut que non seulement la hiérarchie, mais tout le Peuple de Dieu, de différentes manières et à différents niveaux, puisse faire entendre sa voix et se sentir partie prenante du cheminement de l’Église. En ce sens, nous pouvons vraiment dire que la synodalité, en tant que style et dynamisme, est une dimension essentielle de la vie de l’Église. Sur ce point, saint Jean-Paul II a dit de très belles choses dans Novo Millennio Ineunte.

c) Il en va tout autrement de sacraliser ou d’imposer une méthodologie synodale particulière qui plaît à un groupe, pour en faire la norme et le canal obligatoire pour tous, car cela ne conduirait qu’à « congeler » le chemin synodal, en ignorant les caractéristiques diverses des différentes Églises particulières et la richesse variée de l’Église universelle.


Question 4

a) « Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel (…) ont entre eux une différence essentielle » (Concile œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen Gentium, 10). Il ne convient pas de soutenir une différence de degré qui implique de considérer le sacerdoce commun des fidèles comme étant de « deuxième catégorie » ou de moindre valeur (« un degré inférieur »). Les deux formes de sacerdoce s’éclairent et se soutiennent mutuellement.

b) Lorsque saint Jean-Paul II a enseigné que l’impossibilité de conférer l’ordination sacerdotale aux femmes doit être affirmée « de manière définitive », il ne dénigrait nullement les femmes et ni ne donnait un pouvoir suprême aux hommes. Saint Jean-Paul II a également affirmé d’autres choses. Par exemple, que lorsque l’on parle de pouvoir sacerdotal, « nous sommes dans le concept de la fonction, non de la dignité et de la sainteté » (saint Jean Paul II, Christifideles Laici, 51). Ce sont des mots que nous n’avons pas suffisamment accueillis. Il a aussi clairement maintenu que s’il est vrai que seul le prêtre préside l’Eucharistie, les tâches « ne justifient aucune supériorité des uns sur les autres » (St. Jean Paul II, Christifideles Laici, note 190 ; cf. Congrégation pour la Doctrine de la foi, Déclaration Inter Insigniores, VI). Il a également déclaré que si la fonction sacerdotale est « hiérarchique », elle ne doit pas être comprise comme une forme de domination, mais comme étant « totalement ordonnée à la sainteté des membres du Christ » (saint Jean-Paul II, Mulieris Dignitatem, 27). Si l’on ne comprend pas cela et qu’on ne tire pas les conséquences pratiques de ces distinctions, il sera difficile d’accepter que le sacerdoce soit réservé aux seuls hommes, et nous ne pourrons pas reconnaître les droits des femmes ni la nécessité pour elles de participer, de diverses manières, à la conduite de l’Église.

c) D’autre part, pour être rigoureux, nous devons reconnaître qu’on n’a pas encore développé une doctrine claire, et qui fasse autorité, sur la nature exacte d’une « déclaration définitive ». Il ne s’agit pas d’une définition dogmatique, et pourtant elle doit être respectée par tous. Personne ne peut la contredire publiquement, et elle peut néanmoins faire l’objet d’études, comme c’est le cas pour la question de la validité des ordinations dans la Communion anglicane.

Question 5

a) Le repentir est nécessaire à la validité de l’absolution sacramentelle et implique l’intention de ne pas pécher. Mais ici il n’y a pas de mathématiques, et une fois de plus je dois vous rappeler que le confessionnal n’est pas un bureau de douane. Nous ne sommes pas des maîtres, mais d’humbles intendants des sacrements qui nourrissent les fidèles, car ces dons du Seigneur, plutôt que des reliques à conserver avec soin, sont des aides de l’Esprit Saint pour la vie des personnes.

b) Il y a de nombreuses façons d’exprimer le repentir. Souvent, chez les personnes dont l’estime de soi est très blessée, se déclarer coupable est une torture cruelle, mais le fait même de s’approcher de la confession est une expression symbolique du repentir et de la recherche de l’aide divine.

c) Je voudrais également rappeler que « parfois, il nous coûte beaucoup de faire place à l’amour inconditionnel de Dieu dans la pastorale » (Amoris Laetitia, 311), mais nous devons apprendre à le faire. À la suite de saint Jean-Paul II, je soutiens non seulement que nous ne devons pas exiger des fidèles des objectifs d’amendement trop précis et certains, qui finissent au fond par être abstraits, voire égocentriques, mais aussi que même la prévisibilité d’une nouvelle chute ne préjuge pas de l’authenticité de l’intention (saint Jean-Paul II, Lettre au cardinal William W. Baum et aux participants au cours annuel de la Pénitencerie apostolique, 22 mars 1996, 5).

d) Enfin, il doit être clair que toutes les conditions habituellement attachées à la confession ne sont généralement pas applicables lorsque la personne se trouve dans une situation d’agonie ou lorsque ses capacités mentales et psychiques sont très limitées.


Mes chers frères,
Je crois que ces réponses pourront satisfaire vos questions.
N’oubliez pas de prier pour moi. Je le fais pour vous.

Fraternellement,
Francisco



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Les cardinaux Burke, Sarah, Zen, Sandoval et Brandmüller présentent des “dubia” au pape et interpellent les laïcs





Honneur aux cardinaux Walter Brandmüller, Raymond Leo Burke, Juan Sandoval Iñiguez, Robert Sarah et Joseph Zen Ze-Kiun ! Ces cinq princes de l’Eglise dont la position éminente dans la hiérarchie ecclésiastique leur confère la lourde responsabilité de conseiller le souverain pontife et les engage à mourir, s’il le faut, pour la défense de la foi, ont présenté au pape François le 10 juillet dernier cinq « dubia », qu’ils rendent publics ce jour en appelant les fidèles à en prendre connaissance et à prier pour l’Eglise. Ils y mettent en exergue les tendances les plus discutables qui se dessinent parmi nombre de participants ou d’agitateurs ecclésiastiques, cardinaux et évêques y compris, qui réclament des changements impossibles sans se voir rappeler à l’ordre.

Leur démarche, qui s’est complétée d’une reformulation des dubia parce qu’une première réponse du pape, adressée de manière privée à deux des signataires (on en saisit partiellement la teneur dans le texte de la reformulation), n’avait pas fait la clarté comme l'exige la formule, est la manifestation d’un grand souci de l’Eglise partagé par cinq cardinaux. Non seulement ils ont dû en discuter ensemble, mais ils se sont mis d’accord sur des idées, des mots, et pour tout dire des questions montrant à quel point ils jugent la situation actuelle grave. Leur approche concertée est ainsi un signe d’espérance. Des membres éminents de la hiérarchie, parmi lesquels deux cardinaux électeurs, Burke et Sarah, sont prêts à se dresser pour défendre la foi.

Leur démarche rappelle la soumission, en 2016, de cinq dubia par quatre cardinaux – les cardinaux Burke et Brandmüller, que l’on retrouve ici, et les cardinaux Meisner et Caffarra, décédés depuis – après la publication d’Amoris laetitia, et l’ouverture à l’accès à la communion pour les divorcés engagés dans une nouvelle union civile alors que leur mariage était valide. Ces questions n’avaient pas reçu la moindre réponse.

Ce n’eût pourtant pas été bien compliqué pour le pape de réagir : le dubium est une question formelle posée par un prélat au Saint-Siège, appelant une réponse par « oui » ou par « non », sans argumentation théologique. Absence de réponse en 2016, réponse ne respectant pas les règles des dubia en 2023 : décidément, c’est la confusion qui demeure le maître mot de ce pontificat.

Cette fois, c’est sur des points essentiels que portent les questions des cardinaux, des questions plus fondamentales et potentiellement plus graves qu’en 2016 car il s’agit de réagir à un état d’esprit révolutionnaire qui s’est installé parmi les cercles apparemment les plus écoutés et les plus influents au synode au sujet de la nature même de l’Eglise.

Comme le montrent les dubia des cardinaux Burke, Brandmüller, Sandoval, Sarah et Zen, il s’agit de points majeurs qui ne souffrent en réalité aucune discussion.

J’en publie ci-dessous, avec l’aimable autorisation du cardinal Burke, les deux versions successives avec en exergue une « notification aux fidèles » signée à la date du 2 octobre par les cinq cardinaux à la veille de l’ouverture de la première étape du synode sur la synodalité.
Il faut bien comprendre en effet que les questions posées par les cardinaux sont des appels à redire sans détours l’enseignement de l’Eglise du Christ, et qu’elles résument en quelque sorte les plus graves des dérives doctrinales de prélats progressistes. Ces derniers mois, la dénonciation de ces dérives s’est faite plus audible : en demandant au pape un simple rappel de l’enseignement de l’Eglise, les dubia mettent le saint-père en mesure de « confirmer ses frères dans la foi » et cela ne saurait être interprété comme une manière de le mettre en porte-à-faux.

Ces points, on les connaît, vu l’effervescence qui les entoure depuis des mois. Il s’agit au premier chef de la volonté, exprimée par certains, de procéder à une « réinterprétation » de la Révélation en fonction des changements culturels de notre temps.

Ou encore – blasphème inouï – de la possibilité de bénir les couples homosexuels, affirmée par exemple par Mgr Heiner Koch, archevêque de Berlin, qui déclarait fin août qu’il ne sanctionnerait pas les prêtres de son diocèse qui procéderaient à de telles bénédictions.

La question de la synodalité présentée comme « dimension constitutive de l’Eglise » est également posée : n’est-on pas en train de transformer un organe consultatif du pape, le synode des évêques, en autorité à part entière ?

On peut ajouter ici en parenthèse la remarque récente du cardinal Müller : « Les évêques participent à leur charge en exerçant une responsabilité collégiale pour toute l’Eglise avec le Pape. Si les laïcs y participent avec le droit de vote, il ne s’agit plus d’un synode d’évêques ou d’une conférence ecclésiastique, puisqu’il n’y a pas l’autorité d’enseignement apostolique du collège épiscopal. »

Ce qui montre bien, et il faudra le dire et le répéter, que ceci n’est pas un synode !

Le 4e dubium porte sur l’affirmation de certains pasteurs et théologiens selon laquelle la « théologie de l’Eglise à changé », de telle sorte qu’au vu des circonstances actuelles on pourrait conférer l’ordination sacerdotale aux femmes – ainsi l’a déclaré récemment l’évêque suisse Mgr Fémix Gmür, président de la conférence épiscopale helvétique.

Le 5e des dubia, enfin, porte sur l’insistance du pape quant au devoir pour le prêtre qui confesse d’absoudre sacramentellement « tout le monde, toujours », sans exiger la contrition (ni, par conséquent, l’intention de ne plus pécher).

Dans tous les cas, les cinq cardinaux rappellent les sources de la doctrine clairement établie de l’Eglise en ces matières.

Dans la deuxième version, adressée au pape François le 21 août dernier et restée sans réponse à ce jour, les cardinaux Brandmüller, Burke, Sandoval, Sarah et Zen précisent la portée de leurs questions et les reformulent de manière plus resserrée, plus vive.

Voici donc ci-dessous la « Notification » des cardinaux aux « fidèles du Christ », suivie des deux versions successives des dubia.

Jeanne Smits

*

Notification aux fidèles du Christ (can. 212 § 3)
au sujet des “Dubia” soumis au Pape François


Chers frères et sœurs dans le Christ,

Nous, membres du Sacré Collège des Cardinaux, en vertu du devoir de tous les fidèles « de donner aux Pasteurs sacrés leur opinion sur ce qui touche le bien de l’Église » (can. 212 § 3), et surtout en vertu de la responsabilité incombant aux Cardinaux d’assister « le Pontife Romain… individuellement… surtout dans le soin quotidien de l’Église tout entière » (can. 349), au vu de diverses déclarations de prélats haut placés se rapportant à la célébration du prochain Synode des Évêques, déclarations ouvertement contraires à la doctrine et à la discipline constantes de l’Église, et qui ont engendré et continuent d’engendrer parmi les fidèles et les autres personnes de bonne volonté une grande confusion ainsi que la chute dans l’erreur, nous avons manifesté au Pontife romain notre très profonde préoccupation. Par notre lettre du 10 juillet 2023, recourant à la pratique éprouvée de la soumission de dubia [questions] à un supérieur pour donner à ce dernier l’occasion de clarifier, par ses responsa [réponses], la doctrine et la discipline de l’Église, nous avons soumis cinq dubia au pape François, dont une copie est jointe [ci-dessous]. Le pape François y a répondu par lettre du 11 juillet 2023.

Ayant étudié sa lettre qui ne suivait pas la pratique habituelle des responsa ad dubia [réponses aux questions], nous avons reformulé les dubia pour obtenir une réponse claire fondée sur la doctrine et la discipline pérennes de l’Église. Par notre lettre du 21 août 2023, nous avons soumis au Pontife romain les dubia reformulés, dont une copie est jointe en annexe. À ce jour, nous n’avons pas reçu de réponse à ces dubia reformulés.

Étant donné la gravité de la matière de ces dubia, et spécialement en raison de l’imminence de la session du Synode des Évêques mentionnée plus haut, nous estimons qu’il est de notre devoir de vous informer, vous les fidèles (can. 212 § 3), afin que vous ne soyez pas sujets à la confusion, à l’erreur et au découragement, mais que vous puissiez prier pour l’Église universelle et, en particulier, pour le Pontife romain, afin que l’Évangile soit enseigné avec toujours plus de clarté, et suivi avec une fidélité toujours croissante.

Bien vôtres dans le Christ,


  Walter Cardinal Brandmüller

Raymond Leo Cardinal Burke

Juan Cardinal Sandoval Íñiguez

Robert Cardinal Sarah

Joseph Cardinal Zen Ze-kiun

Rome, le 2 Octobre 2023


*


Première formulation des “Dubia” 

1. Dubium à propos de l’affirmation selon laquelle nous devons réinterpréter la Révélation divine en fonction des changements culturels et anthropologiques à la mode.

A la suite des déclarations de certains évêques, ni corrigées, ni rétractées, il est demandé si, dans l’Eglise, la Révélation divine doit être réinterprétée en fonction des changements culturels de notre temps et de la nouvelle vision anthropologique que ces changements favorisent ; ou si la Révélation divine lie pour toujours, est immuable et ne peut donc être contredite, comme l’affirme l’enseignement du Concile Vatican II selon lequel à Dieu qui révèle est due l’obéissance de la foi (Dei Verbum 5) ; que ce qui est révélé pour le salut de tous doit demeurer « toujours en son intégrité » et transmis « à toutes les générations » (7) ; et que le progrès de la compréhension n’implique aucun changement dans la vérité des choses et des mots, parce que la foi « leur a été une fois pour toutes transmise » (8), et que le Magistère n’est pas supérieur à la Parole de Dieu, mais qu’il enseigne seulement ce qui a été transmis (10).

2. Dubium à propos de l’affirmation selon laquelle la pratique généralisée de la bénédiction des unions homosexuelles serait en accord avec la Révélation et le Magistère (CEC 2357).

Selon la Révélation divine, confirmée par l’Ecriture Sainte, que l’Eglise « par mandat de Dieu, avec l’assistance de l’Esprit Saint, (…) écoute (…) avec amour, (elle) la garde saintement et l’expose aussi avec fidélité (Dei Verbum 10) : « Au commencement », Dieu créa l’homme à son image, homme et femme il les créa, et les bénit pour qu’ils soient féconds (cf. Gn I, 27-28), et l’apôtre Paul enseigne que la négation de la différence sexuelle est la conséquence de la négation du Créateur (Rm I, 24-32). Il est demandé : l’Église peut-elle déroger à ce « principe », en le considérant, contrairement à ce qu’enseignait Veritatis Splendor 103, comme un simple idéal, et en acceptant comme un « bien possible » des situations objectivement peccamineuses, telles les unions homosexuelles, sans trahir la doctrine révélée ?

3. Dubium à propos de l’affirmation selon laquelle la synodalité est une « dimension constitutive de l’Église » (Constitution apostolique Episcopalis Communio 6), de sorte que l’Église serait, par sa nature même, synodale.

Étant donné que le Synode des évêques ne représente pas le Collège des évêques, n’étant qu’un organe consultatif du Pape, et que les évêques, en tant que témoins de la foi, ne peuvent pas déléguer leur confession de la vérité, il est demandé si la synodalité peut être le critère régulateur suprême du gouvernement permanent de l’Église sans altérer l’ordre constitutif voulu par son Fondateur, selon lequel l’autorité suprême et plénière de l’Église est exercée à la fois par le Pape en vertu de sa charge et par le Collège des évêques en union avec son chef le Pontife romain (Lumen Gentium 22).

4. Dubium à propos du soutien apporté par des pasteurs et des théologiens à la théorie selon laquelle « la théologie de l’Église a changé » et que, par conséquent, l’ordination sacerdotale peut être conférée à des femmes.

A la suite des déclarations de certains prélats, ni corrigées, ni rétractées, selon lesquelles la théologie de l’Eglise et le sens de la Messe ont changé avec Vatican II, il est demandé si l’enseignement du Concile Vatican II est encore valable, selon lequel « [le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique] ont entre eux une différence essentielle et non seulement de degré » (Lumen Gentium 10) et que les presbytres, du fait qu’il sont « investis par l’Ordre du pouvoir sacré d’offrir le Sacrifice et de remettre les péchés » (Presbyterorum Ordinis 2), agissent au nom et en la personne du Christ Médiateur, par qui le sacrifice spirituel des fidèles est rendu parfait. Il est en outre demandé si l’enseignement de la Lettre apostolique Ordinatio Sacerdotalis de saint Jean-Paul II, qui enseigne comme une vérité à tenir définitivement l’impossibilité de conférer l’ordination sacerdotale aux femmes, est toujours valide, de sorte que cet enseignement n’est plus soumis au changement ni à la libre discussion des pasteurs ou des théologiens.

5. Dubium à propos de l’affirmation « le pardon est un droit humain » et de l’insistance du Saint-Père quant au devoir d’absoudre tout le monde et toujours, de sorte que la contrition ne serait pas une condition nécessaire à l’absolution sacramentelle.

Il est demandé si l’enseignement du Concile de Trente, selon lequel la contrition du pénitent, qui consiste à détester le péché commis avec l’intention de ne plus pécher (Session XIV, Chapitre IV : DH 1676), est une condition nécessaire à la validité de la confession sacramentelle, est toujours en vigueur, de sorte que le prêtre doit différer l’absolution lorsqu’il est clair que cette condition n’est pas remplie. 

Cité du Vatican, 10 juillet 2023

Walter Card. BRANDMÜLLER 
 
Raymond Leo Card. BURKE 
 
Juan Card. SANDOVAL ÍÑIGUEZ 
 
Robert Card. SARAH 
 
Joseph Card. ZEN ZE-KIUN, S.D.B.

*

Deuxième formulation des “Dubia” 

A Sa Sainteté
FRANÇOIS
Souverain Pontife

Très Saint Père,

Nous vous sommes très reconnaissants des réponses que vous avez aimablement voulu nous adresser. Nous voudrions tout d’abord vous préciser que si nous vous avons posé ces questions, ce n’est pas par crainte du dialogue avec les hommes de notre temps, ni par peur des questions qu’ils pourraient nous poser au sujet de l’Évangile du Christ. Tout comme Votre Sainteté, nous sommes en effet convaincus de ce que l’Évangile apporte la plénitude à la vie humaine, et qu’il offre des réponses à chacune de nos interrogations. C’est une autre préoccupation qui nous anime : nous sommes inquiets de voir qu’il se trouve des pasteurs qui doutent de la capacité de l’Évangile à transformer le cœur des hommes et finissent par leur proposer non pas une saine doctrine, mais des « enseignements selon leurs propres désirs » (cf. 2 Tm 4, 3). Nous sommes également préoccupés par le fait qu’on ne comprenne pas que la miséricorde de Dieu ne consiste pas à couvrir nos péchés, mais qu’elle est bien plus grande, en ce qu’elle nous permet de répondre à son amour en gardant ses commandements, c’est-à-dire en nous convertissant et en croyant à l’Évangile (cf. Mc 1, 15).

Usant de même sincérité dont vous avez fait preuve à travers vos réponses, nous nous devons d’ajouter que celles-ci n’ont pas levé les doutes que nous avions exprimés, mais qu’elles les ont plutôt aggravés. Nous nous voyons donc dans l’obligation de soumettre à nouveau, en les reformulant, ces questions à Votre Sainteté, vous qui en tant que Successeur de Pierre êtes chargé par le Seigneur de confirmer vos frères dans la foi. Cela est d’autant plus urgent à la veille du prochain Synode, alors que beaucoup souhaitent utiliser celui-ci pour contredire la doctrine catholique, précisément sur les points sur lesquels portent nos dubia. Nous vous soumettons donc à nouveau nos questions, afin que vous puissiez y répondre simplement par « oui » ou par « non ».

1. Sa Sainteté insiste sur le fait que l’Église peut approfondir sa compréhension du dépôt de la foi. C’est en effet ce qu’enseigne Dei Verbum 8 et cela fait partie de la doctrine catholique. Votre réponse, cependant, ne saisit pas le sens de notre préoccupation. De nombreux chrétiens, y compris des pasteurs et des théologiens, soutiennent aujourd’hui que les changements culturels et anthropologiques de notre époque devraient pousser l’Église à enseigner le contraire de ce qu’elle a toujours enseigné. Cela concerne des questions qui ne sont pas secondaires, mais essentielles pour notre salut, telles la confession de foi, les conditions subjectives de l’accès aux sacrements, et l’observance de la loi morale. Nous voulons donc reformuler notre dubium : est-il possible que l’Église enseigne aujourd’hui des doctrines contraires à celles qu’elle enseignait auparavant en matière de foi et de morale, que ce soit par le Pape ex cathedra, ou selon les définitions d’un Concile œcuménique, ou encore selon le Magistère ordinaire universel des Évêques dispersés dans le monde (cf. Lumen Gentium 25) ?

2. Sa Sainteté a insisté sur le fait qu’il ne peut y avoir de confusion entre le mariage et d’autres types d’unions de nature sexuelle et que, par conséquent, tout rite ou bénédiction sacramentelle de couples de même sexe engendrant une telle confusion devrait être évité. Cependant notre préoccupation est d’un autre ordre : nous nous inquiétons du fait que la bénédiction des couples homosexuels puisse dans tous les cas susciter à confusion, pas seulement dans la mesure où elle pourrait les faire apparaître comme analogues au mariage, mais aussi en ce que les actes homosexuels seraient présentés en pratique comme un bien, ou tout au moins comme le bien possible que Dieu demande aux hommes dans leur cheminement vers Lui. Reformulons donc notre dubium : est-il possible que, dans certaines circonstances, un pasteur puisse bénir des unions entre personnes homosexuelles, laissant ainsi entendre que le comportement homosexuel en tant que tel ne serait pas contraire à la loi de Dieu et au cheminement de la personne vers Dieu ? En lien avec ce dubium, il est nécessaire d’en soulever un autre : l’enseignement constant du Magistère ordinaire universel, selon lequel tout acte sexuel en dehors du mariage, et en particulier les actes homosexuels, constituent un péché objectivement grave contre la loi de Dieu, indépendamment des circonstances dans lesquelles ils ont lieu et de l’intention avec laquelle ils sont accompli, est-il toujours valable ?

3. Vous avez insisté sur la dimension synodale de l’Église, en ce sens que tous, y compris les fidèles laïcs, sont appelés à participer et à faire entendre leur voix. Toutefois, notre difficulté est toute autre : le futur Synode sur la « synodalité » est aujourd’hui représenté comme si, en communion avec le Pape, il représentait l’Autorité Suprême de l’Église. Or, le Synode des évêques est un organe consultatif du Pape, il ne représente pas le Collège des évêques et il ne peut pas résoudre les questions qui y sont traitées ni émettre des décrets à leur sujet, à moins que, dans des cas bien déterminés, le Pontife romain, à qui il revient de ratifier les décisions du Synode, ne lui ait expressément conféré un pouvoir délibératif (cf. c. 343 C.I.C.). Il s’agit là d’un point décisif dans la mesure où ne pas impliquer le Collège des évêques dans des questions du genre de celles que le prochain Synode entend soulever et qui ont trait à la constitution même de l’Église, serait précisément en contradiction avec la racine de cette synodalité que le Synode prétend vouloir promouvoir. Permettez-nous donc de reformuler notre dubium : le Synode des évêques qui se tiendra à Rome, et qui ne comprendra qu’une sélection choisie de pasteurs et de fidèles, exercera-t-il, au sujet des questions doctrinales ou pastorales sur lesquelles il sera appelé à s’exprimer, l’autorité suprême de l’Église, qui appartient exclusivement au Pontife romain et, una cum capite suo, au Collège des Évêques (cf. can. 336 C.I.C.) ?

4. Dans sa réponse, Sa Sainteté a précisé que la décision de saint Jean-Paul II dans Ordinatio sacerdotalis doit être tenue pour définitive ; vous avez ajouté à juste titre qu’il est nécessaire de comprendre le sacerdoce, non pas en termes de pouvoir, mais en termes de service, afin de comprendre correctement la décision de notre Seigneur de réserver les Ordres sacrés aux seuls hommes. Néanmoins, dans le dernier point de votre réponse, vous ajoutez que la question peut encore être approfondie. Nous craignons que certains n’interprètent cette déclaration comme signifiant que la question n’a pas encore été définitivement tranchée. En fait, saint Jean-Paul II affirme dans Ordinatio sacerdotalis que cette doctrine a été enseignée infailliblement par le Magistère ordinaire et universel et qu’elle fait donc partie du dépôt de la foi. C’était la réponse de la Congrégation pour la Doctrine de la foi à un dubium soulevé à propos de la lettre apostolique, et cette réponse a été approuvée par Jean-Paul II lui-même. Il nous faut donc reformuler notre dubium : l’Église pourrait-elle à l’avenir avoir la faculté de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes, contredisant ainsi le fait que la réservation exclusive de ce sacrement à des hommes baptisés appartient à la substance même du sacrement de l’ordre, que l’Église ne peut pas changer ?

5. Enfin, Sa Sainteté a confirmé l’enseignement du Concile de Trente selon lequel la validité de l’absolution sacramentelle requiert le repentir du pécheur, ce qui inclut l’intention de ne plus pécher. Et vous nous avez invités à ne pas douter de l’infinie miséricorde de Dieu. Nous voudrions réaffirmer que notre question ne résulte pas d’un doute sur la grandeur de la miséricorde de Dieu ; elle est née au contraire de la conscience de ce que cette miséricorde est assez grande pour nous rendre capables de nous convertir à Lui, de confesser notre faute et de vivre comme Il nous l’a enseigné. Cependant, certains pourraient interpréter votre réponse comme signifiant que le simple fait de s’approcher de la confession est une condition suffisante pour recevoir l’absolution, dans la mesure où cette démarche pourrait inclure implicitement la confession des péchés et le repentir. Nous voudrions donc reformuler notre dubium : un pénitent peut-il validement recevoir l’absolution sacramentelle si, tout en avouant un péché, il refuse de prendre d’une quelconque manière la résolution de ne pas le commettre à nouveau ?

Cité du Vatican, 21 août 2023

Walter Card. BRANDMÜLLER 
 
Raymond Leo Card. BURKE 
 
Juan Card. SANDOVAL ÍÑIGUEZ 
 
Robert Card. SARAH 
 
Joseph Card. ZEN ZE-KIUN

 

 
[Copie à Son Excellence Luis Francisco Card. LADARIA FERRER, S.J.]

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