Vincent Lambert : les partisans de sa mort s’acharnent tous azimuts. Mais ils ont perdu une bataille
Eric Kariger a convoqué une nouvelle réunion pour le 11 janvier, pour signifier sa décision. |
Vincent avait déjà vécu 31 jours sans autre apport que 500 ml d’eau quotidiens. La réalimentation s’était faite in extremis sur injonction du juge. Depuis lors, comme le disent les médias, dans leur immense majorité favorables au « débranchement » du jeune homme, « la famille se déchire » autour de Vincent, et son médecin a engagé une nouvelle « procédure collégiale » pour effacer le souvenir de la précédente, qui n’avait en rien respecté les dispositions de la loi Leonetti sur la fin de vie. Eric Kariger, spécialiste des soins palliatifs et non des « états pauci-relationnels » comme celui où se trouve Vincent – le jeune homme est capable de ressentir des sentiments de bien-être et de douleur – veut qu’il meure, il ne s’en cache pas. Parce que sa femme souffre de la situation. Parce que Vincent l’aurait voulu et que son attitude laisse suspecter un refus de vivre – lui qui ne peut rien exprimer de manière incontestable. Euthanasie avant la lettre ? Non, cette forme d’euthanasie est déjà utilisée en France, et les médecins s’appuient toujours sur la loi Leonetti pour l’appliquer.
Donc, nouvelle affaire judiciaire. Une démarche de précaution, probablement. La « réunion collégiale » qui s’est tenue début décembre était manifestement destinée à faire valoir l’unanimité des équipes médicales du CHU de Reims en faveur de la mort de Vincent Lambert, au point qu’un spécialiste des états pauci-relationnels amené par Pierre et Vivianne Lambert en avait été délibérément exclu. Mais l’ordonnance de mai gênait.
Brusque « réveil » de François Lambert, fils d’un demi-frère de Vincent : il a voulu faire admettre par le tribunal que les souhaits du patient n’avaient pas été entendus et qu’il a donc, en tant que membre de la famille, le droit de manifester sa « tierce opposition » à la décision prise. Afin que Kariger puisse tranquillement passer à l’acte dont il doit, aux termes de la loi, décider en dernier ressort.
Le tribunal ne s’est pas étendu sur l’intérêt de François Lambert à agir. Le juge des référés, Mme Junin, a préféré aller aux faits et constater les irrégularités graves qui avaient accompagné la décision du Dr Kariger d’engager le processus de fin de vie de Vincent Lambert qui, mis à part son handicap, était en bonne santé. De fait, ceux qui depuis le printemps dernier se battent pour défendre sa vie ont failli être mis devant le fait accompli de sa mort, n’ayant appris que par hasard que l’alimentation du jeune homme avait été stoppée.
« Il n’est pas établi que l’avis des parents de M. Vincent Lambert ait (été) pris en compte avant la décision d’arrêt des soins », constate le juge. Ce qui jette de nouveau un discrédit total sur la manière d’agir du Dr Kariger dans cette affaire. Mais, pour autant, Pierre et Vivianne Lambert se heurtent à un mur lorsqu’ils demandent la récusation d’un médecin aussi enferré dans son désir de mort pour un de ses patients.
De même qu’ils n’obtiennent pas le transfert de leur fils vers un service spécialisé dans les états pauci-relationnels où une place l’attend, à Strasbourg, auprès du spécialiste Bernard Jeanblanc. Ce dernier a fait remarquer dans une interview au Figaro (voir Présent de mercredi dernier) que si l’on met à mort Vincent Lambert, il n’y a aucune raison de ne pas euthanasier les 1 500 personnes qui sont dans le même état en France. « On les élimine ? Sur quels critères ? Parce qu’ils sont handicapés ? Qu’ils ne servent à rien ? »
C’était ce que disait en substance au Figaro, le 26 septembre dernier, le Dr Kariger à propos de Vincent : « Il n’y a plus d’espérance qu’il recouvre une vie relationnelle normale. Si les parents trouvent un sens à cette existence, qu’ils apportent les preuves ! »
Madame le juge de Reims l’a bien compris qui répond avec aplomb à l’argument de François Lambert selon lequel, procédure collégiale régulière ou pas, la décision du Dr Kariger eût été la même : « Il résulte de l’instruction que les irrégularités procédurales invoquées par les consorts Lambert étaient susceptibles d’exercer une influence sur le sens de la décision d’arrêt de soins et privaient incontestablement M. Vincent Lambert d’une garantie. »
Il faut s’arrêter sur ce mot : « garantie ». Il est primordial. Il vise le droit de Vincent Lambert de voir sa vie protégée, et si Kariger a décidé d’y mettre fin, ajoute le juge Junin, « les manquements procéduraux relevés par l’ordonnance du 11 mai 2013 caractérisaient une atteinte grave et immédiate à une liberté » que la loi est chargée de défendre.
La vie de Vincent Lambert n’est pas sauvée. Pas encore. Mais grâce à la ténacité de Me Jérôme Triomphe, qui vient de remporter avec éclat cette deuxième victoire au service de ceux qui refusent de le voir tué, au service du respect de toute vie, les parents de Vincent continuent d’espérer.
Mais il reste à remporter la victoire définitive. Difficile, alors que Jean Leonetti lui-même a justifié l’interprétation de sa loi par Kariger et que celui-ci se répand depuis des mois dans la presse pour présenter la mort programmée de Vincent comme une exécution de la volonté du patient. Et que, figure du Parti chrétien démocrate, Kariger n’est pas désavoué par les gens convenables. N’est-il pas « droit dans ses bottes, médecin, social, catholique pratiquant », aux dires de Libération (le 16 octobre) ? C’est donc qu’il a raison, et qu’il ne faut pas réfléchir aux faits.
Et c’est ainsi que s’imposera demain une nouvelle loi hypocrite sur l’euthanasie. Refusons-le !
• Article extrait du n° 8008 de Présent, du Mercredi 25 décembre 2013
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