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31 mai, 2016

Mgr Schneider répond à “The Remnant” : “Amoris laetitia” est il susceptible d’une interprétation authentique ?

Mgr Athanasius Schneider
Rome, 2009 (photo Olivier Figueras)
Dans une lettre ouverte à Mgr Athanasius Schneider, la revue catholique américaine The Remnant posait le 9 mai, sous la plume de Christopher Ferrara, la question de savoir si l'Exhortation apostolique Amoris laetitia est susceptible, comme il a pu sembler le dire, d'une « interprétation authentique ». Interprétation que l'évêque auxiliaire d'Astana suppliait Rome de donner. Mgr Schneider vient de répondre à cette demande par une lettre dont il a autorisé The Remnant à publier le contenu. Je vous en propose ici ma traduction, en commençant par le courriel adressé à Michael Matt, responsable éditorial de la revue, suivie de la réponse à l’auteur de la lettre ouverte. – J.S.
Cher M. Matt,
Merci pour vos salutations. J'ai fait une réponse à la lettre ouverte de The Remnant, que vous trouverez en pièce jointe et que je vous autorise à publier. Que Dieu vous bénisse abondamment, vous et votre apostolat pour la foi catholique. Avec mes salutations cordiales en Jésus et Marie,
+ Athanasius Schneider


26 mai 2016
Cher M. Christopher Ferrara,
Le 9 mai 2016 vous avez publié sur le site de The Remnant une lettre ouverte concernant la question de l'Exhortation apostolique Amoris laetitia.
En tant qu’évêque, j'éprouve de la reconnaissance et en même temps un encouragement à recevoir d'un laïc catholique une manifestation aussi claire et belle du sensus fidei par rapport à la vérité divine sur le mariage et la loi morale.
Je suis en accord avec vos observations par rapport aux expressions d’Amoris laetitia (AL), spécialement dans son huitième chapitre, qui sont fortement ambiguës et trompeuses. En utilisant sa raison et en respectant le sens exact des mots, on peut difficilement interpréter certaines expressions d’AL conformément à la Tradition sainte et immuable de l'Eglise.
Dans AL, il y a évidemment des expressions qui sont évidemment en conformité avec la Tradition. Mais ce n'est pas ce qui est en cause ici. Sont en cause les conséquences naturelles et logiques des expressions ambiguës d’AL.
En vérité, elles contiennent un vrai danger spirituel, qui provoquera de la confusion doctrinale, une diffusion rapide et facile de doctrines hétérodoxes concernant le mariage et la loi morale, ainsi que l'adoption et la consolidation de la praxis qui autorise les divorcés remariés à accéder à la sainte communion, une praxis qui aura pour effet de banaliser et de profaner, pour ainsi dire, d'un seul coup trois sacrements : les sacrement de mariage et de pénitence, et celui de la très Sainte Eucharistie.
En ces temps sombres qui sont les nôtres, ou Notre Bien-aimé Seigneur semble dormir dans la barque de sa Sainte Eglise, tous les catholiques, à commencer par les évêques et jusqu'au plus simple des fidèles, qui prennent encore au sérieux leurs vœux baptismaux, doivent d'une seule voix (una voce) faire une profession de fidélité, en énonçant concrètement et clairement toute ces vérités catholiques qui dans certaines expressions d’AL sont mises à mal, ou défigurées par l'ambiguïté. Cela pourrait prendre la forme d'un « Credo » du peuple de Dieu. AL est à l'évidence un document pastoral (cela veut dire qu’il a par nature un caractère temporel) et il n'a aucune prétention a un caractère définitif. Nous devons éviter de « rendre infaillible » chaque mot et chaque geste d'un pape en exercice. Cela est contraire à l'enseignement de Jésus et à toute la Tradition de l'Eglise.
Une telle appréhension, une telle application totalitaires de l'infaillibilité pontificale ne sont pas catholiques, elles sont en définitive mondaines, comme dans une dictature ; cela va contre l'esprit de l'Evangile et des Pères de l'Eglise. Outre cette possible profession de fidélité commune que je mentionnais plus haut, il doit également être fait à mon sens, par des spécialistes compétents de théologie dogmatique et morale, une analyse solide de toutes les expressions ambiguës et objectivement erronées dans AL. Une telle analyse scientifique doit être faite sans colère ni partialité (sine ira et studio) et par filiale déférence envers le vicaire du Christ.
Je suis convaincu que dans des temps à venir les papes seront reconnaissants de ce que des voix se soient élevées, de quelques évêques, théologiens et laïcs, en des temps d'une grande confusion. Vivons pour l'amour de la vérité et de l'éternité, pro veritate et aeternitate.
+ Athanasius Schneider,

évêque auxiliaire de l’archidiocèse de Sainte Marie d’Astana.

(Traduction non officielle par Jeanne Smits.)

Mgr Schneider et le cardinal Burke (encore évêque à l'époque),
Rome, 17 octobre 2009 lors d'un colloque sur la messe traditionnelle.
© Photo Olivier Figueras

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16 novembre, 2015

Le pape François répond à une luthérienne qui demande comment accéder à la communion eucharistique avec son mari catholique : conscience et unité de foi…


Tout serait-il question de conscience ? Et donc de libre examen ? En soi ce blog n’a pas vocation a accueillir le texte qui suit : la traduction de la réponse du pape François à une femme luthérienne qui regrettait de ne pouvoir communier à la même « Cène du Seigneur » que son mari, catholique. Il s’agit d’une question religieuse. Mais des ballons d’essai ont été lâchés dans l’Instrumentum laboris en même temps que ceux sur la communion des divorcés « remariés », ce qui nous rapproche du sujet, et par ailleurs, la réponse du pape qui invite son interlocutrice à chercher elle-même la solution rappelle les ambiguïtés sur le « for interne » dans le rapport final du synode.
La vidéo a été mise en ligne ici sur le blog de Rocco Palma, chroniqueur catholique de Whispers in the Loggia. Il propose une traduction en anglais des propos du pape, par endroits erronée.

Pour accéder à la vidéo, c'est par là.

A cette femme, donc, qui dit sa « douleur » de ne pas pouvoir communier en même temps que son mari, le pape François a fait la réponse suivante. C’était lors de sa visite, ce 15 novembre, à l’église évangélique luthérienne de Rome à l’occasion d’un dialogue économique, en présence notamment du cardinal Kasper et du cardinal Kurt Koch. « Que pouvons-nous faire pour atteindre enfin la communion sur ce point ? », dit-elle.
Pape François : « La question sur le fait de partager la Cène du Seigneur, il n’est pas facile pour moi d’y répondre. Surtout [gloussement] devant un théologien comme le cardinal Kasper. J’ai peur ! » [Rires dans l’assistance, puis applaudissements.] 
« Je pense que le Seigneur nous a dit, lorsqu’il nous a donné ce commandement, “Faites ceci en mémoire de moi”. Et lorsque nous partageons la Cène du Seigneur, nous rappelons et nous imitons, nous faisons la même chose que ce que le Seigneur Jésus-Christ a fait. La Cène du Seigneur y sera : le banquet final dans la Nouvelle Jérusalem. Il y sera. Mais ce sera le dernier. En attendant, je me demande et je ne sais comment répondre : votre question, je la fais mienne, et je me la pose. Partager la Cène du Seigneur : est-ce la fin d’un chemin ou est-ce le viatique pour cheminer ensemble ? Je laisse la question aux théologiens et à ceux qui comprennent. 
« Il est vrai que dans un certain sens, partager signifier qu’il n’y a pas de différences entre  nous, que nous avons la même doctrine – je souligne ce mot, un mot difficile à comprendre. Mais je me demande : mais n’avons-nous pas le même baptême ? Et si nous avons le même baptême, nous devons cheminer ensemble. Vous êtes vous-même le témoignage d’un chemin tout aussi profond, car c’est un chemin conjugal, un vrai chemin familial, d’amour humain et de foi partagée, non ? Nous avons le même baptême. 
« Quand vous vous sentez pécheresse – et moi je me sens si pécheur –, que votre mari se sent pécheur, vous, vous allez devant le Seigneur, vous demandez pardon. Votre mari fait la même chose, et il va aussi devant le prêtre, et il demande l’absolution. Ce sont des remèdes pour maintenir vivant le baptême. Lorsque vous priez ensemble, ce baptême grandit, il devient fort. Lorsque vous enseignez à vos enfants qui est Jésus, pourquoi Jésus est venu, ce qu’a fait Jésus, vous faites la même chose, que ce soit dans la langue luthérienne ou dans la langue catholique. Mais c’est la même chose. 
« La question ? [Ici le pape dessine un point d’interrogation dans l’air avec son index.] La Cène ? Ce sont des questions auxquelles, seulement si l’on est sincère avec soi-même, et avec le peu de lumières théologiques que j’ai, il faut répondre la même chose. Voyez, vous. 
« “Ceci est mon corps, ceci est mon sang, a dit le Seigneur. Faites ceci en mémoire de moi.” Ceci est un viatique qui nous aide à cheminer. 
« J’ai eu une grande amitié avec un évêque épiscopalien, 48 ans, marié, deux enfants. Il y avait en lui cette inquiétude. Une femme catholique, les enfants catholiques, lui, évêque. Le dimanche, il accompagnait sa femme et ses enfants à la messe. Et après il allait faire le culte avec sa communauté. C’est un pas de participation à la Cène du Seigneur. Puis il est allé de l’avant, puis le Seigneur l’a appelé, un homme juste. 
« A votre question, je réponds seulement par une question. Comment puis-je faire avec mon mari pour que la Cène du Seigneur m’accompagne sur ma route ? C’est un problème auquel chacun doit répondre. Mais un pasteur, ami, me disait : “Mais nous croyons que le Seigneur est présent là. Il est présent. Vous, vous croyez que le Seigneur est présent. Quelle est la différence ?” – “Ce sont les explications, les interprétations…” 
La vie est plus grande que les explications, les interprétations. Faites toujours référence au baptême. Une foi, un baptême, un Seigneur ! C’est ce que nous dit Paul ; et à partir de là, tirez les conséquences. 
« Moi, je n’oserais jamais vous donner la permission de faire cette chose parce que ce n’est pas de ma compétence. Un baptême, un Seigneur, une foi : parlez avec le Seigneur, et allez de l’avant. 
« Je n’ose pas, je n’ose pas dire davantage. » [Forts applaudissements.]
La réaction de la salle, les sourires de la femme qui avait posé la question et d’un homme dans l’assistance sur lesquels la caméra vaticane s’attarde semblent indiquer que les paroles du pape ont été comprises comme une approbation.
Savoir ce qu’est l’Eucharistie, selon la doctrine catholique, serait-ce donc une question à laquelle seuls les théologiens sauraient répondre ? La « présence » est-elle la même ? Alors que les luthériens professent la « consubstantiation », et que pour eux le pain et le vin restent du pain et du vin ?
Demander simplement pardon de ses fautes à Dieu aurait-il la même valeur, la même efficacité que la confession au prêtre, et l’absolution que celui-ci donne ?
Suffit-il de répondre à la question de la communion en se fondant sur l’idée que catholiques et luthériens ont « un même baptême, une même foi, un même Seigneur », et enseignent « la même chose » dans des langues différentes ? Subjectivisme de la conscience, confusion quant au contenu de la foi : il est difficile de voir autre chose dans le discours du pape.
J’en ai délibérément gardé certaines expressions maladroites, car elle est caractéristique de la confusion de son discours.
Tony Palmer (au centre) reçu à Sainte-Marthe en juillet dernier
Quant à l’ami « évêque épiscopalien » évoqué par le pape, il me semble impossible qu’il ne s’agisse pas de Tony Palmer, mort accidentellement à l’âge de 48 ans l’an dernier. Celui-ci a été – comme en témoigne Michael Daly, membre de la communauté franciscaine christiano-syncrétiste « non-dénominationnelle » Companions of Jesus – enterré le 6 août 2014 dans la ville anglaise de Bath en l’église catholique de St John the Evangelist en présence « d’évêques et de prêtres [et prêtresses] de la communion des Eglises épiscopaliennes » avec qui Daly a pu constater une « similarité de vues » à propos de « l’unité dans le Corps du Christ ».
Le curé (catholique) de l’église, le chanoine David Ryan, a dit son regret de ne pas pouvoir concélébrer avec ces évêques et pasteurs, expliquant qu’il avait dû demander la permission à son évêque de célébrer la messe de requiem bien que la veuve et les enfants de Palmer fussent catholiques. « L’évêque était d’accords mais il a dit que Tony ne pouvait être enterré en tant qu’évêque parce qu’il n’était pas un évêque catholique romain. Cependant, le pape François a dit qu’il devait et pouvait être enterré en tant qu’évêque – et cela a donc mis fin à ce petit épisode de balivernes ecclésiastiques. »



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08 février, 2015

Mgr Reig Pla présente un livre important sur les liens entre doctrine et pastorale du mariage

Mgr Juan Antonio Reig Pla
L’évêque d’Alcala de Henares, Mgr Juan Antonio Reig Pla, a présidé à la présentation du livre Eucharistie et divorce, vers un changement doctrinal ?, du P. José Granados Garcia, consulteur de la Congrégation pour la doctrine de la Foi et vice-président de l’Institut pontifical Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille. La cérémonie s’est déroulée en l’université Francisco de Vitoria. Voilà une importante réflexion à verser au débat que certains voudraient voir ouvert sur une nouvelle « pastorale » du mariage – et des divorcés “remariés”. Je vous propose ci-dessous ma traduction de l’allocution de Mgr Reig Pla. –J.S.
Le livre que nous présentons, Eucharistie et divorce, vers un changement doctrinal ?, du Pr José Granados Garcia, publié par la BAC (Biblioteca de Autores Cristianos 2015), est une œuvre de maturité, fruit de nombreuses années d’études sur le mariage et la famille. L’auteur a pour propos d’approfondir les questions débattues lors du synode extraordinaire sur la famille (2014) de telle sorte que la prochaine assemblée synodale puisse être « providentielle, pour recréer de l’espérance sur le chemin des familles ».
Prenant comme point de départ le débat suscité autour de la « possibilité de voir les divorcés remariés accéder de nouveau aux sacrements de la pénitence et de l’Eucharistie » (Relatio synodi, 52), le professeur Granados nous invite à analyser les principes de base sans lesquels il est impossible d'envisager avec lucidité une pastorale familiale en accord avec l'Evangile du mariage et de la famille. A partir de la lecture de ce travail qui a pour fil conducteur le lien inséparable entre la doctrine chrétienne et la pastorale, je voudrais m’attarder sur quelques questions que je considère d’un grand intérêt.
1. Le nécessaire réalisme
Tout au long de cette première étape synodale on a continuellement fait référence à la nécessité d'analyser la réalité actuelle de la famille pour faire face aux nouveaux défis que doit relever une pastorale familiale adéquate. De fait il s'agit là de la première question que la secrétairerie du synode formule en vue la préparation de l’Instrumentum laboris en vue de la prochaine Assemblée synodale en faisant explicitement référence au fait qu'il faut « faciliter le nécessaire réalisme dans la réflexion des divers épiscopats, évitant ainsi que leurs réponses puissent être fournies selon des schémas et perspectives propres à une pastorale qui ne ferait qu’appliquer la doctrine » (Lineamenta pour la XIVe Assemblée générale ordinaire, introduction de la première partie.)
Suivant les règles du livre que nous présentons, et conformément au magistère des derniers papes, il est nécessaire de clarifier ce que nous entendons par « nécessaire réalisme ». Déjà le pape Benoît 16 nous disait : « La Parole de Dieu nous pousse à changer notre idée du réalisme : la personne réaliste est celle qui reconnaît dans le Verbe de Dieu, le fondement de tout. » (Verbum Domini, 10.) Nous devons donc pas confondre le réalisme avec la sociologie ou les statistiques, ou pire encore si c’était possible, en cédant devant la réalité sociologique et en canonisant ce qui détruit les personnes. Imaginons ce qui se serait passé si Pierre et Paul avaient choisi ce type de réalisme au vu de la société de la Rome impériale, où il leur a incombé de vivre. Le réalisme n’est ni pragmatisme, ni l'utilitarisme, ni le conséquentialisme. Le fondement de la réalité est le Christ, c'est-à-dire, le Fils de Dieu qui prend notre chair blessée et faible pour la sauver ; être réaliste c'est se laisser guider par Dieu pour qui rien n’est impossible (Luc, 1, 37).
Comme son prédécesseur, le pape Francois est très clair à cet égard : « Le chrétien est une personne qui pense et qui agit dans la vie quotidienne selon Dieu, une personne qui laisse sa vie être animée, alimenté par le Saint-Esprit, pour qu'elle soit vie en plénitude, la vie même d'enfants véritables. Et cela signifie réalisme et fécondité. Celui qui se laisse guider par le Saint-Esprit est réaliste, il sait comment mesurer et évaluer la réalité, il est aussi fécond. Sa vie engendre la vie autour de lui.
2. La relation entre la doctrine chrétienne et la pastorale
Tout au long de l'étape entre la convocation et la célébration de l'Assemblée synodale extraordinaire sur le mariage et la famille, nous avons entendu continuellement répéter cette proposition de : « Il ne s'agit pas de changer la doctrine sur l'indissolubilité du mariage mais de “rénover” ou de “changer” la pratique pastorale. »
Le livre du Pr Granados
est édité par la
Biblioteca de Autores Cristianos
Devant ce dilemme : « doctrine ou pastorale », l'apport du professeur Granados est à mon avis très abouti et il apporte une grande lumière pour le moment présent. Son étude, pour éclairer ce que signifie la doctrine chrétienne et son lien inséparables avec la pratique pastorale de l'Église, nous entraîne à déterminer tout ce que l'on veut dire à travers les termes « vérité », « doctrine chrétienne » et « dogme », à partir de l'Ancien Testament, du Nouveau Testament et la Tradition chrétienne. La doctrine, conclut l'auteur, s'identifie avec le récit de l'action de Dieu qui en Jésus s'est fait chair et chemin pour notre existence. Pour reprendre les mots du professeur Granados, « la doctrine se met au service de la vérité de notre vie, elle nous dit comment le Christ a vécu, et comment vivre chaque instant à la lumière du Christ. » Cela rend impossible la séparation entre la doctrine et la pratique pastorale, ou encore – et c'est la même chose – on ne peut rompre le Christ, de la vie duquel nous participons dès le baptême en devenant son Corps.
L’auteur explique le lien entre l'indissolubilité du mariage et la pratique eucharistique en analysant la tradition liturgique de l'Église (lex orandi, lex credendi), en s'attardant sur une étude détaillée des textes de saint Irénée de Lyon, de saint Augustin et de saint Thomas d'Aquin. « Le propre du christianisme, conclut-il, est d’avoir introduit un nouveau principe de cohérence, le don de la Charité que nous confère l'Esprit de Jésus. Celui qui aime sait que ce qu'il connaît et ce qu'il aime ne peuvent se séparer, parce que l'amour est un, et qu'il possède à la fois lumière et force. L'unité de doctrine et de pratique ne se trouve pas en se focalisant sur l'individu, qui essaie de les unir en vain, mais à partir de l'amour, qui nous les offre depuis toujours entrelacés. »
Le pape François a lui aussi clairement montré que la vérité la doctrine qu'enseigne l'Eglise n'est pas une idée mais le Christ lui-même, le Bon Pasteur, qui touche et qui guérit la volonté et la vie des personnes – pastorale : Pour transmettre un contenu purement doctrinal, une idée, un livre suffirait sans doute, ou bien la répétition d’un message oral. Mais ce qui est communiqué dans l’Église, ce qui se transmet dans sa Tradition vivante, c’est la nouvelle lumière qui naît de la rencontre avec le Dieu vivant, une lumière qui touche la personne au plus profond, au cœur, impliquant son esprit, sa volonté et son affectivité, et l’ouvrant à des relations vivantes de communion avec Dieu et avec les autres. » « Pour transmettre un contenu purement doctrinal, une idée, un livre suffirait sans doute, ou bien la répétition d’un message oral. Mais ce qui est communiqué dans l’Église, ce qui se transmet dans sa Tradition vivante, c’est la nouvelle lumière qui naît de la rencontre avec le Dieu vivant, une lumière qui touche la personne au plus profond, au cœur, impliquant son esprit, sa volonté et son affectivité, et l’ouvrant à des relations vivantes de communion avec Dieu et avec les autres. » (Pape François, Lumen Fidei, 40 et 41).
3. Indissolubilité du mariage : un idéal où le commandement du Christ ?
Au cours du débat synodal il s’est trouvé des personnes pour défendre la doctrine de l’indissolubilité du mariage comme un idéal auquel il faut tendre mais que certains ne peuvent atteindre en raison de différentes circonstances parfois difficiles et douloureuses. Bien plus, certains aimeraient même voir dans le langage du pape François lorsqu'il parle de l'« idéal évangélique » une expression de cette même opinion.
Comment faut-il donc interpréter les paroles du Saint-Père recueillies dans les Lineamenta pour la prochaine assemblée ordinaire du Synode, au numéro 19 : « Sans diminuer la valeur de l’idéal évangélique, il faut accompagner avec miséricorde et patience les étapes possibles de croissance des personnes qui se construisent jour après jour » (Evangelii gaudium, 44).
C'est le même pape François qui est dans son propre texte (Evangelii gaudium, 50) renvoie à l'Exhortation apostolique Familiaris consortio de saint Jean Paul II qui traite de l'itinéraire moral des époux et qui dit textuellement : « Ils ne peuvent toutefois considérer la loi comme un simple idéal à atteindre dans le futur, mais ils doivent la regarder comme un commandement du Christ Seigneur leur enjoignant de surmonter sérieusement les obstacles. “C'est pourquoi ce qu'on appelle la ‘loi de gradualité’ ou voie graduelle ne peut s'identifier à la ‘gradualité de la loi‘, comme s'il y avait, dans la loi divine, des degrés et des formes de préceptes différents selon les personnes et les situations diverses. Tous les époux sont appelés à la sainteté dans le mariage, selon la volonté de Dieu, et cette vocation se réalise dans la mesure où la personne humaine est capable de répondre au précepte divin, animée d'une confiance sereine en la grâce divine et en sa propre volonté”. »
Les paroles de Jésus : « Ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas » (Mt. 19, 6), outre qu’elles renvoient au dessein créateur de Dieu (« au début il n'en était pas ainsi »), supposent la nouveauté de la grâce de la rédemption par laquelle ce qui n'est pas possible aux hommes est possible à Dieu. Précisément parce que l'indissolubilité est un don de Dieu, qui se reçoit dans le sacrement du mariage (participation de la Charité sponsale du Christ), elle devient un commandement.
C'est ce que ratifie la doctrine enseignée par saint Jean-Paul II dans la Lettre encyclique Veritatis splendor : « Les possibilités “concrètes” de l'homme ne se trouvent que dans le mystère de la Rédemption du Christ. “Ce serait une très grave erreur que d'en conclure que la règle enseignée par l'Eglise est en elle même seulement un ‘idéal’ qui doit ensuite être adapté, proportionné, gradué, en fonction, dit-on, des possibilités concrètes de l'homme, selon un ‘équilibrage des divers biens en question’. Mais quelles sont les ‘possibilités concrètes de l'homme’ ? Et de quel homme parle-t-on ? De l'homme dominé par la concupiscence ou bien de l'homme racheté par le Christ ? Car c'est de cela qu'il s'agit : de la réalité de la Rédemption par le Christ. Le Christ nous a rachetés ! Cela signifie : il nous a donné la possibilité de réaliser l'entière vérité de notre être ; il a libéré notre liberté de la domination de la concupiscence”. » (Veritatis Splendor,103)
4. Peut-on changer la doctrine sur l'indissolubilité du mariage ?
A la suite du débat du synode sur la famille on a entendu des voix réclamer une révision de la doctrine sur l'indissolubilité du mariage et la possibilité d'élargir ce qu'on appelle le pouvoir des clefs où le pouvoir du pape pour dissoudre le lien conjugal.
Pour nous saisir de cette question il convient de rappeler que lorsque nous parlons du caractère absolu de l'indissolubilité du mariage nous nous référons au mariage contracté « entre baptisés, ratifié (valide) et consommé ». En ce sens le professeur Granados nous offre, de la main de John Newman, une explication magnifique sur le développement de la doctrine chrétienne, en prenant comme image ce qui se passe dans un organisme vivant identifié « comme le Corps du Christ, comme extension de la présence de Jésus dans le monde à travers les âges ».
Le Pr José Granados
de l'Institut pontifical Jean-Paul II
Selon l'auteur « ce pouvoir de l'Église s’est clarifié au cours du temps, au fur et à mesure que l'on résolvait des cas difficiles ; le pape pouvait dissoudre un mariage entre non chrétiens (privilège paulin) et aussi un mariage sacramentel non consommé (le mal nommé privilège pétrinien). Dans les deux cas le principe de discernement est le même : ces mariages n'entrent pas pleinement dans l'ordre de la rédemption du Christ, soit parce qu'ils se réalisent entre des non baptisés, soit parce qu'ils ne contiennent pas la plénitude de l'union entre le Christ et de son Eglise en une seule chair.
Face à ceux qui affirment le pouvoir du pape de dissoudre ces unions, saint Jean Paul II a clos la question « de manière définitive » : « Il ressort donc avec clarté que la non-extension de la puissance du Pontife Romain aux mariages sacramentels conclus et consommés est enseignée par le Magistère de l'Eglise comme doctrine à conserver de façon définitive, même si celle-ci n'a pas été déclarée sous une forme solennelle à travers un acte définitif. En effet, cette doctrine a été proposée de façon explicite par les Pontifes Romains en termes catégoriques, de façon constante et sur une période suffisamment longue. Elle a été adoptée et enseignée par tous les évêques en communion avec le Siège de Pierre, dans la conscience qu'elle doit toujours être maintenue et acceptée par les fidèles. Dans ce sens, elle a été reproposée par le Catéchisme de l'Eglise catholique. Il s'agit par ailleurs d'une doctrine confirmée par la pratique pluriséculaire de l'Eglise, maintenue avec une pleine fidélité et avec héroïsme, parfois même face à de graves pressions de la part des puissants de ce monde. » (Discours du 21 janvier 2000.)
5. Une pastorale familiale féconde
Au tréfonds de l'œuvre que nous présentons il y a cette ferme conviction du Pr Granados : la pastorale suit la doctrine parce qu'il s'agit de mener à leur accomplissement les paroles du Seigneur : « Je suis venu pour que vous ayez la vie et que vous l'ayez en abondance » (Jn, 10,10.) Ainsi, « en vertu de la sacramentalité de leur mariage, les époux sont liés l'un à l'autre de la façon la plus indissoluble. S'appartenant l'un à l'autre, ils représentent réellement, par le signe sacramentel, le rapport du Christ à son Eglise ». (Familiaris consortio, 13). De là provient le lien nécessaire entre l'indissolubilité et le mystère, actualisation du sacrifice du Christ, où Il unit à l’Eglise à lui, en l’unissant à son corps et formant « une seule chair ».
« A partir de là, conclut l'auteur, la pratique de l'indissolubilité, qui se traduit par le fait de maintenir le lien entre la vie eucharistique et la vie matrimoniale, est la véritable pastorale féconde. L'alternative qui consisterait à dissocier ces deux dimensions, en éliminant la relation étroite entre l'Eucharistie et la vie conjugale, conduit à de fausses pistes pastorales, qui se révèlent stériles. »
L'histoire, maîtresse de vie, nous enseigne que c'est là le véritable chemin de la Miséricorde, qui comprend le fait de ne pas occulter le sens de la souffrance, c'est-à-dire le fait de ne pas occulter la Croix glorieuse du Seigneur ressuscité qui est scandale pour les enfants et folie pour les autres (CF 1. Co. 1, 23), mais « la folie de Dieu est plus sage que la sagesse des hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que la force des hommes » (1 Co. 1, 25). Les premiers chrétiens se laissaient conduire par le Bon Samaritain, qui leur offrait la rédemption du cœur, guérissant leurs plaies avec l'huile de l’Esprit Saint, et qui les a conduits vers l'auberge : l'Eglise ou le bercail où se trouvent les pâturages qui nous font atteindre la plénitude de vie. Ainsi ont-ils gagné peu à peu le cœur de cette vieille Europe qui aujourd'hui, séduite par d'autres voix et chants de sirènes, se refuse à écouter la voix du Bon Pasteur. »
Mgr Juan Antonio Reig Pla


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