16 novembre, 2015

Le pape François répond à une luthérienne qui demande comment accéder à la communion eucharistique avec son mari catholique : conscience et unité de foi…


Tout serait-il question de conscience ? Et donc de libre examen ? En soi ce blog n’a pas vocation a accueillir le texte qui suit : la traduction de la réponse du pape François à une femme luthérienne qui regrettait de ne pouvoir communier à la même « Cène du Seigneur » que son mari, catholique. Il s’agit d’une question religieuse. Mais des ballons d’essai ont été lâchés dans l’Instrumentum laboris en même temps que ceux sur la communion des divorcés « remariés », ce qui nous rapproche du sujet, et par ailleurs, la réponse du pape qui invite son interlocutrice à chercher elle-même la solution rappelle les ambiguïtés sur le « for interne » dans le rapport final du synode.
La vidéo a été mise en ligne ici sur le blog de Rocco Palma, chroniqueur catholique de Whispers in the Loggia. Il propose une traduction en anglais des propos du pape, par endroits erronée.

Pour accéder à la vidéo, c'est par là.

A cette femme, donc, qui dit sa « douleur » de ne pas pouvoir communier en même temps que son mari, le pape François a fait la réponse suivante. C’était lors de sa visite, ce 15 novembre, à l’église évangélique luthérienne de Rome à l’occasion d’un dialogue économique, en présence notamment du cardinal Kasper et du cardinal Kurt Koch. « Que pouvons-nous faire pour atteindre enfin la communion sur ce point ? », dit-elle.
Pape François : « La question sur le fait de partager la Cène du Seigneur, il n’est pas facile pour moi d’y répondre. Surtout [gloussement] devant un théologien comme le cardinal Kasper. J’ai peur ! » [Rires dans l’assistance, puis applaudissements.] 
« Je pense que le Seigneur nous a dit, lorsqu’il nous a donné ce commandement, “Faites ceci en mémoire de moi”. Et lorsque nous partageons la Cène du Seigneur, nous rappelons et nous imitons, nous faisons la même chose que ce que le Seigneur Jésus-Christ a fait. La Cène du Seigneur y sera : le banquet final dans la Nouvelle Jérusalem. Il y sera. Mais ce sera le dernier. En attendant, je me demande et je ne sais comment répondre : votre question, je la fais mienne, et je me la pose. Partager la Cène du Seigneur : est-ce la fin d’un chemin ou est-ce le viatique pour cheminer ensemble ? Je laisse la question aux théologiens et à ceux qui comprennent. 
« Il est vrai que dans un certain sens, partager signifier qu’il n’y a pas de différences entre  nous, que nous avons la même doctrine – je souligne ce mot, un mot difficile à comprendre. Mais je me demande : mais n’avons-nous pas le même baptême ? Et si nous avons le même baptême, nous devons cheminer ensemble. Vous êtes vous-même le témoignage d’un chemin tout aussi profond, car c’est un chemin conjugal, un vrai chemin familial, d’amour humain et de foi partagée, non ? Nous avons le même baptême. 
« Quand vous vous sentez pécheresse – et moi je me sens si pécheur –, que votre mari se sent pécheur, vous, vous allez devant le Seigneur, vous demandez pardon. Votre mari fait la même chose, et il va aussi devant le prêtre, et il demande l’absolution. Ce sont des remèdes pour maintenir vivant le baptême. Lorsque vous priez ensemble, ce baptême grandit, il devient fort. Lorsque vous enseignez à vos enfants qui est Jésus, pourquoi Jésus est venu, ce qu’a fait Jésus, vous faites la même chose, que ce soit dans la langue luthérienne ou dans la langue catholique. Mais c’est la même chose. 
« La question ? [Ici le pape dessine un point d’interrogation dans l’air avec son index.] La Cène ? Ce sont des questions auxquelles, seulement si l’on est sincère avec soi-même, et avec le peu de lumières théologiques que j’ai, il faut répondre la même chose. Voyez, vous. 
« “Ceci est mon corps, ceci est mon sang, a dit le Seigneur. Faites ceci en mémoire de moi.” Ceci est un viatique qui nous aide à cheminer. 
« J’ai eu une grande amitié avec un évêque épiscopalien, 48 ans, marié, deux enfants. Il y avait en lui cette inquiétude. Une femme catholique, les enfants catholiques, lui, évêque. Le dimanche, il accompagnait sa femme et ses enfants à la messe. Et après il allait faire le culte avec sa communauté. C’est un pas de participation à la Cène du Seigneur. Puis il est allé de l’avant, puis le Seigneur l’a appelé, un homme juste. 
« A votre question, je réponds seulement par une question. Comment puis-je faire avec mon mari pour que la Cène du Seigneur m’accompagne sur ma route ? C’est un problème auquel chacun doit répondre. Mais un pasteur, ami, me disait : “Mais nous croyons que le Seigneur est présent là. Il est présent. Vous, vous croyez que le Seigneur est présent. Quelle est la différence ?” – “Ce sont les explications, les interprétations…” 
La vie est plus grande que les explications, les interprétations. Faites toujours référence au baptême. Une foi, un baptême, un Seigneur ! C’est ce que nous dit Paul ; et à partir de là, tirez les conséquences. 
« Moi, je n’oserais jamais vous donner la permission de faire cette chose parce que ce n’est pas de ma compétence. Un baptême, un Seigneur, une foi : parlez avec le Seigneur, et allez de l’avant. 
« Je n’ose pas, je n’ose pas dire davantage. » [Forts applaudissements.]
La réaction de la salle, les sourires de la femme qui avait posé la question et d’un homme dans l’assistance sur lesquels la caméra vaticane s’attarde semblent indiquer que les paroles du pape ont été comprises comme une approbation.
Savoir ce qu’est l’Eucharistie, selon la doctrine catholique, serait-ce donc une question à laquelle seuls les théologiens sauraient répondre ? La « présence » est-elle la même ? Alors que les luthériens professent la « consubstantiation », et que pour eux le pain et le vin restent du pain et du vin ?
Demander simplement pardon de ses fautes à Dieu aurait-il la même valeur, la même efficacité que la confession au prêtre, et l’absolution que celui-ci donne ?
Suffit-il de répondre à la question de la communion en se fondant sur l’idée que catholiques et luthériens ont « un même baptême, une même foi, un même Seigneur », et enseignent « la même chose » dans des langues différentes ? Subjectivisme de la conscience, confusion quant au contenu de la foi : il est difficile de voir autre chose dans le discours du pape.
J’en ai délibérément gardé certaines expressions maladroites, car elle est caractéristique de la confusion de son discours.
Tony Palmer (au centre) reçu à Sainte-Marthe en juillet dernier
Quant à l’ami « évêque épiscopalien » évoqué par le pape, il me semble impossible qu’il ne s’agisse pas de Tony Palmer, mort accidentellement à l’âge de 48 ans l’an dernier. Celui-ci a été – comme en témoigne Michael Daly, membre de la communauté franciscaine christiano-syncrétiste « non-dénominationnelle » Companions of Jesus – enterré le 6 août 2014 dans la ville anglaise de Bath en l’église catholique de St John the Evangelist en présence « d’évêques et de prêtres [et prêtresses] de la communion des Eglises épiscopaliennes » avec qui Daly a pu constater une « similarité de vues » à propos de « l’unité dans le Corps du Christ ».
Le curé (catholique) de l’église, le chanoine David Ryan, a dit son regret de ne pas pouvoir concélébrer avec ces évêques et pasteurs, expliquant qu’il avait dû demander la permission à son évêque de célébrer la messe de requiem bien que la veuve et les enfants de Palmer fussent catholiques. « L’évêque était d’accords mais il a dit que Tony ne pouvait être enterré en tant qu’évêque parce qu’il n’était pas un évêque catholique romain. Cependant, le pape François a dit qu’il devait et pouvait être enterré en tant qu’évêque – et cela a donc mis fin à ce petit épisode de balivernes ecclésiastiques. »



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