09 septembre, 2014
La presse
argentine y voit une décision non seulement « inédite », mais
« historique ». Le Tribunal supérieur de la justice, juridiction fédérale siégeant à Buenos Aires, a condamné
un juge pénal d’Esquel dans la province de Chubut pour avoir voulu éviter la réalisation
d’un avortement dépénalisé sur une jeune fille de 12 ans. Il a été reconnu
coupable de « faute grave dans l’exercice de ses fonctions » et
condamné à 1.500 pesos argentins d’amende au titre de sa « responsabilité
administrative ».
L’amende n’est pas
considérable – moins de 140 euros – mais la condamnation est d’une grande
portée symbolique.
La décision,
tombée au mois de mai, vient seulement d’être connue des médias alors que le
juge, José Oscar Colabelli, serait sur le point de faire appel devant la Cour
supême de justice de la Nation.
L’affaire
remonte à 2012, date à laquelle une femme découvre que sa fille, 12 ans, est
enceinte de 16 semaines. La grossesse serait consécutive à un viol – c’est
du moins ce qu’affirme cette mère – circonstance qui en Argentine est désormais
de nature à dispenser de peine l’avortement, sans que la preuve du viol ne
doive être apportée.
A l’époque, la
jurisprudence n’était pas encore clairement établie en matière de
dépénalisation de l’avortement et si certains juges décidaient qu’il n’était
pas nécessaire d’obtenir un jugement favorable au cas par cas, d’autres
jugeaient sur le fond. En l’occurrence, la mère de l’adolescente avait saisi la
justice et le ministère public, la « fiscal general » Maria Bottini, estimant
que l’avortement devait être considéré comme « non punissable »,
avait requis le prélèvement de « matériel biologique » sur le corps
de la jeune fille (ou plutôt sur celui de l’enfant avorté, en réalité…) pour
que l’examen de l’ADN puisse permettre l’arrestation du violeur.
Le juge
Colabelli avait refusé le prélèvement de l’ADN, seule question dont il était
saisi, en disant que son autorisation aurait constitué
« implicitement » une autorisation « d’interruption de la
grossesse, c’est-à-dire un avortement ».
L’affaire
devait finir devant deux autres juges qui décidèrent de ne pas s’exprimer quant
à l’avortement non punissable, en déclarant qu’il n’était pas nécessaire
d’obtenir leur autorisation pour le pratiquer. Ils ordonnèrent en revanche le
prélèvement de matériel génétique. L’histoire ne dit pas si le violeur a été
pris…
En revanche, ce
sont des mouvements féministes argentins qui ont porté plainte contre le juge
Colabelli en saisissant le Conseil de la magistrature : le Comité
d’Amérique latine pour la défense des droits de la femme, la Fondation Madre
Luna, et la Maison de la femme (Casa de la Mujer) de Puerto Madryn demandaient
sa révocation. Le conseiller instructeur conclut au classement sans suite, mais
son avis ne fut pas retenu et le magistrat fut renvoyé devant le Tribunal
supérieur.
Celui-ci a donc
retenu la culpabilité du juge : tout en reconnaissant que l’indépendance
des magistrats est un « pilier de la République » argentine, il a
jugé que nul ne peut se prévaloir d’une « immunité à l’égard de la
loi » et doivent reconnaître les « limites de leurs pouvoirs ».
Colabelli en somme, pouvait avoir son opinion sur l’avortement dépénalisé, et y
opposer des « objection morales », mais n’ayant pas à juger sur
l’autorisation de celui-ci, il a outrepassé ses compétences, se rendant
coupable d’« arbitraire notoire » et d’« exercice abusif du pouvoir
dont il est investi ».
Le jugement
ajoute que la loi punit le retardement de l’opération : Colabelli a donc
mal agi en « obligeant » la demanderesse à se rendre devant deux
autres juges « qui finalement, ont tout remis dans l’ordre ».
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