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03 mai, 2020

Le Haut comité de la fraternité humaine appelle à une journée de jeûne et de prière le 14 mai contre le COVID-19, soutenu par le pape François et Antonio Guterres

Voilà, nous y sommes. A la faveur de la crise du COVID-19, un appel à une journée interreligieuse mondiale de jeûne et de prière vient d’être lancée par le Haut comité de la fraternité humaine en direction de tous les croyants de toutes les religions. L’appel a été approuvé ce dimanche de mai à la fois par le pape François et par le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Si ce n’est pas la grande religion mondiale en acte cela commence à y ressembler furieusement.

Le Haut comité a été mis en place en août 2019 à la suite de la signature de la Déclaration d’Abu Dhabi par le pape François et le grand imam d’Al-Azhar Ahmad al-Tayeb, déclaration qui avait déjà posé de nombreuses question du fait de son assertion selon laquelle « le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains ». Il posait de nombreuses autres difficultés que j’évoquais ici dans une analyse critique.

La première réalisation en cours dudit Haut comité constitué dans les émirats Arabes unis avec le concours du Vatican est la construction de la Maison de la Famille Abrahamique, lieu de culte multi-religieux sur l’île de Saadiyat à Abu Dhabi où trois «  temples » cubiques construits exactement sur le même modèle en termes de volume et d’orientation feront voisiner sur un pied d’égalité une église chrétienne, une synagogue et une mosquée.

Le 14 mai prochain marquera une nouvelle étape de cette entreprise de fraternité universelle qui emprunte son vocabulaire à la maçonnerie et qui, au nom du bien de l’humanité dans une crise sanitaire qui a déjà viré à la dictature  sanitaire, prétend gommer les différences entre les différentes religions. On nous avait bien dit que nous avancions vers la nouvelle civilisation de l’empathie…

C’est la version espagnole du bulletin d’information officiel du Vatican qui donnait samedi le plus de détails sur cette journée inter-religieuse qui semble devoir remplacer avantageusement – du point de vue des mondialistes de la spiritualité globale – du pacte mondial pour l’éducation que le pape François devait lancer ce jour-là et qui a dû être reporté au mois d’octobre pour cause de coronavirus. Est-ce pour cela que ce jour du 14 mai a été choisi ? On peut le supposer, mais sans certitude. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que la veille nous aurons fêté Notre Dame de Fatima. Qu’elle nous vienne en aide…

L’appel du Haut comité pour la fraternité humaine se réduit un court communiqué apellant à une prière à Dieu pour l’humanité – mais surtout pas au Dieu Un et Trine que nous adorons en vérité.

Le voici :

Prière pour l’humanité 
Frères qui croyez en Dieu, le Créateur ! Frères en humanité, partout ! 
Aujourd’hui, le monde est confronté à un danger imminent qui menace la vie de millions de personnes dans le monde entier, en raison de la propagation rapide du coronavirus « Covid-19 ». Tout en affirmant notre conviction quant l’importance du rôle de la médecine et de la recherche scientifique dans la lutte contre cette pandémie, nous n’oublions pas de nous tourner vers Dieu, le Créateur, dans cette grande crise. Nous invitons tous les peuples, partout dans le monde, à se tourner vers Lui par la prière, la supplication et les bonnes œuvres, chacun à sa place et selon sa religion, sa croyance ou sa doctrine, afin que Dieu élimine cette pandémie, nous aide à sortir de cette affliction, inspire aux scientifiques la découverte d’un médicament qui y mettra fin, sauve le monde des conséquences sanitaires, économiques et humaines dues à la propagation de cette dangereuse pandémie. 
Pour atteindre les objectifs du Document de la fraternité humaine, le Comité suprême propose que le jeudi 14 mai prochain soit une journée de prière et de supplication pour l’humanité. Le Comité appelle tous les dirigeants religieux et les peuples du monde entier à répondre à cet appel humanitaire et à se tourner d’une seule voix vers le Tout-Puissant pour préserver l’humanité, l’aider à surmonter la pandémie et à rétablir la sécurité, la stabilité, la santé et le développement, afin de rendre notre monde, après la fin de cette pandémie, plus humain et plus fraternel que jamais.
Oui, c’est cela qui est recherché : non point un monde qui se repente du mal et qui s’unisse dans la vérité sous le doux règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, mais un nouveau monde, rendu solidaire par l’ennemi invisible et priant ensemble n’importe quelle divinité. Nul n’est exclu. On peut croire n’importe quoi. Que vous soyez sataniste, islamiste ou adorateur de l’oignon, cet appel s’adresse à vous.

La presse émiratie donnait ce dimanche quelque précisions sur l’appel du Haut comité de la fraternité humaine. Le 14 mai devra être consacré « au jeûne, aux œuvres de miséricorde, aux prières et aux supplications pour le bien de toute l’humanité »  et pour la fin de la pandémie. Cela tombe bien, c’est en plein ramadan. On notera que Gulf News signale simplement que le Haut comité a été établi par le cheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyan, prince héritier d’Abou-Dhabi et vice-commandeur suprême des forces armées des Emirats arabes unis.

Pour mémoire, le Haut comité comprend neuf membres, parmi lesquels le cardinal Miguel Angel Ayuso Guixot, préside du conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, et Mgr Yoannis Lahzi Gaid,  l’un des secrétaires personnels du pape François.

La première personnalité à avoir approuvé l’appel est Ahmed Al-Tayeb, qui a fait savoir  par le biais d’un message sur Facebook son soutien à l’initiative. « Je me félicite du noble appel humanitaire lancé par le comité pour inviter les gens du monde entier à prier, à supplier pour le bien de toute l’humanité et à faire le bien au nom d’Allah le Tout-Puissant, afin d’ôter cette pandémie qui nous frappe et qui frappe le monde entier. »

On dirait qu’Allah ne se laisse pas supplanter…

Le pape François s’est rapidement aligné ce dimanche 3 mai en apportant à son tour un soutien sans réserve, au cours de l’audience globale virtuelle qu’il à donnée à midi depuis la bibliothèque du palais apostolique du Vatican, rapporte America Magazine, la puissante revue des jésuites des États-Unis.

Il a donc réitéré l’appel à la journée de prière inter-religieuse. François a déclaré : « Souvenez-vous, le 14 mai, tous les croyants ensemble, croyants des différentes traditions [religieuses], de prier, de jeûner, et de faire des œuvres de charité. » Et d’expliquer : « Puisque la prière est une valeur universelle, j’ai accepté la proposition. »

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres – ancien président de l’internationale socialiste – a indiqué ce dimanche qu’il apportait lui aussi son soutien au Haut comité par le biais d’un tweet publié le soir. « En des temps difficiles, nous devons être solidaires pour la paix, l’humanité et la solidarité. Je me joins à Sa Sainteté le Pape François (@Pontifex) et au Grand Imam d’Al Azhar Sheikh Ahmed Al Tayeb dans leur soutien à la Prière pour l’humanité ce 14 mai – un moment de réflexion, d’espoir et de foi. »

Inutile de faire un dessin. Mais je peux vous proposer une image…




P.S. Je n’évoque pas dans cet article les multiples questions qui se posent sur la dangerosité réelle du COVID-19 et sur la « nécessité » du confinement, ses buts et ses leviers, ni la vraie question religieuse qui se pose alors que nous sommes si nombreux, catholiques, à être privés de messe et de sacrements depuis de longues semaines.



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10 février, 2019

Analyse critique du Document d'Abou Dhabi signé par le pape François et l'imam Al-Tayeb d'Al-Azhar

Le Document d’Abou Dhabi sur la Fraternité humaine, pour la paix mondiale et la coexistence commune signée par le pape François pose nombre de questions qui ont été largement soulevées dans la presse française, notamment à propos de cette phrase :

« Le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains. »

L’intrusion des « diversités de religion » dans ce catalogue du vouloir divin a suscité de justes réserves, et même des indignations : comment peut-on dire que Dieu a « voulu » l’erreur, et encore, en mettant cela sur le même plan que sa volonté de créer la différence des sexes ?

S’il ne manque pas de commentateurs qui tentent de sauver le propos en expliquant, soit qu’il s’agit en réalité de la manière dont Dieu « permet » l’erreur et le mal, soit qu’il y soit fait référence au plan où la diversité des religions témoigne du désir naturel de l’homme de connaître Dieu, ces interprétations semblent bien téméraires.

Il suffit de lire la suite du document : « Cette Sagesse divine est l’origine dont découle le droit à la liberté de croyance et à la liberté d’être différents. C’est pourquoi on condamne le fait de contraindre les gens à adhérer à une certaine religion ou à une certaine culture, comme aussi le fait d’imposer un style de civilisation que les autres n’acceptent pas. »

Une fois de plus il y a un monde entre la « liberté d’être différents » et le prétendu droit à l’erreur qui se profile ici : un droit qui n’existe pas. Il s’agit d’une possibilité tolérée afin que l’homme puisse librement adhérer au vrai et au bien : qu’il puisse librement aimer Dieu, Dieu-Trinité qui est le vrai Dieu, en somme.

On ne « condamne » donc pas « le fait de contraindre les gens à adhérer à une certaine religion » parce que Dieu a voulu la diversité des religions, mais parce que Dieu veut que l’homme adhère à lui par un libre acte de la volonté.

Diane Montagna cite dans LifeSiteNews le commentaire d’un Dominicain à propos de la phrase sur la diversité des religions : pour lui, le passage controversé « est faux dans son sens obvie, et il est en réalité hérétique ».
« Les différentes religions disent des choses incompatibles à propos de qui est Dieu et comment il veut être adoré. Elles ne peuvent donc toutes être vraies. Donc Dieu, qui est vérité, ne peut vouloir toutes les religions », a expliqué ce théologien qui a préféré garder l’anonymat : « Dieu permet aux religions non catholiques d’exister, mais permettre une chose n’est pas une manière de la vouloir, c’est une manière de ne pas vouloir l’empêcher. Ainsi Dieu permet que de nombreuses personnes innocentes soient tuées, mais Il ne le veut pas. Nous ne parlerions pas par exemple de la volonté permissive de Dieu de voir les Juifs être gazés, par exemple. (…) Même la diversité des langues, si elle fut à l’origine une punition, a été voulue et causée par Dieu ? Mais la diversité des religions est due au péché et ainsi, elle n’est ni voulue ni causée par Dieu. Nous pouvons dire qu’elle “tombe sous le coup de sa providence” mais cela est vrai de tout, même les pires crimes. »
Le même Dominicain a souligné l’usage problématique du mot « foi » dans le document, appliqué à tous les croyants, car il s’agit de la « vertu par laquelle Dieu nous  amène à l’assentiment vis-à-vis de ce qu’Il a révélé à travers les prophètes de l’Ancien Testament et les apôtres du Nouveau, et par-dessus tout à travers son Fils. Les personnes qui croient en des religions non chrétiennes ne le font pas par la foi, comme le souligne Dominus Iesus 7, mais par quelque opinion humaine. »

Eh oui : quand le pape signe solennellement un document, ès-qualités, il le fait en tant que chef des catholiques et gardien de la doctrine, et les mots doivent correspondre à leur sens précis, sous peine d’en laisser abâtardir la signification.

C’est là pourtant l’économie de tout le document d’Abou Dhabi, qui met les croyants et les croyances sur le même plan, au nom d’une « fraternité » onze fois citée mais privée de la seule chose qui puisse la causer et la justifier : la présence d’un Père.

Vu que ce texte évoque les relations entre les catholiques et les musulmans – et plus exactement entre l’Eglise catholique et « Al-Azhar », l’université islamique du Caire comme représentant de l’islam, qui lui n’est pas nommé – cette absence du Père n’a rien d’étonnant. L’islam considère l’adoration de la Sainte Trinité comme une activité d’« associateurs » – une abomination – et pour lui qualifier Dieu de Père est en soi un blasphème.

Certes le pape François a mentionné Dieu, Père de tous les hommes,  lors de sa conférence de presse dans l’avion du retour. Mais cela ne pouvait figurer dans le document.

La fraternité, ici, c’est la « coexistence commune » (mais que cela veut-il donc dire ? – « pacifique », on aurait compris !) et une volonté d’en finir avec l’effusion du sang des innocents. Et aussi, en passant, l’appel à la justice sociale, à l’arrêt de la « dégradation environnementale », où « les valeurs de la paix, de la justice, du bien, de la beauté, de la fraternité humaine et de la coexistence commune » sont présentées comme « ancre de salut ».

Et non plus Jésus-Christ, notre unique Salut…

Les deux signataires renvoient dos à dos les extrémismes et fondamentalismes pour mieux vanter la tolérance et la fraternité : « L’histoire affirme que l’extrémisme religieux et national, ainsi que l’intolérance, ont produit dans le monde, aussi bien en Occident qu’en Orient, ce que l’on pourrait appeler les signaux d’une “troisième guerre mondiale par morceaux” ». Manière de rejeter la responsabilité des malheurs actuels pareillement sur certains chrétiens et certains musulmans, sans s’autoriser le moindre regard de comparaison et de critique sur le contenu de leurs deux religions.

Et comme décidément nous sommes en politique – une politique qui fleure le discours habituel de l’ONU – le document dénonce « l’injustice et l’absence d’une distribution équitable des ressources naturelles dont bénéficie seulement une minorité de riches », ce qui soit dit en passant ne manque pas de sel vu que le texte a été signé dans l’une des richissimes monarchies pétrolières du Proche Orient.

Oui, le texte rappelle l’importance de la famille, dénonce l’avortement et l’euthanasie : on peut en effet se retrouver avec des non-catholiques au service de la loi naturelle et du bien commun. Mais la notion de famille est bien différente en islam et dans le christianisme, tout comme l’avortement qui est toléré pour les musulmanes pour éviter le scandale ou pendant les premières semaines de grossesse…

Ecoutez ceci :
« Nous déclarons – fermement – que les religions n’incitent jamais à la guerre et ne sollicitent pas des sentiments de haine, d’hostilité, d’extrémisme, ni n’invitent à la violence ou à l’effusion de sang. Ces malheurs sont le fruit de la déviation des enseignements religieux, de l’usage politique des religions et aussi des interprétations de groupes d’hommes de religion qui ont abusé – à certaines phases de l’histoire – de l’influence du sentiment religieux sur les cœurs des hommes pour les conduire à accomplir ce qui n’a rien à voir avec la vérité de la religion, à des fins politiques et économiques mondaines et aveugles. »
La manière dont Mahomet a fondé l’islam et présidé à sa première expansion était-elle donc une première « déviation » – au demeurant conforme aux textes de l’islam, eux-mêmes déjà déviants ?

On lit aussi : « En effet, Dieu, le Tout-Puissant, n’a besoin d’être défendu par personne et ne veut pas que Son nom soit utilisé pour terroriser les gens. » Et pourtant, les pays de charia condamnent de mort l’apostat.

Une fois de plus, l’ironie du propos mérite d’être souligné : le même Al-Tayeb, imam d’Al-Azhar, appelait en 2015 à « tuer, crucifier et amputer les mains et les pieds » des « terroristes » de l’Etat islamique, « conformément au Coran ». Mémoire sélective, décidément.

Le site hispanophone Infovaticana de son côté, citant le spécialiste du Proche-Orient Raymond Ibrahim, affirme même que l’imam Al-Tayeb est coutumier du double langage. Le site rapporte les propos que celui-ci est accusé d’avoir tenus au cours de sa propre émission télévisée lors du dernier ramadan : « Les docteurs de l’islam et les imams des quatre écoles de jurisprudence considèrent que l’apostasie est un crime et sont d’accord pour dire que l’apostat doit renoncer à son apostasie ou être exécuté. »

S’il est vrai que le document d’Abou Dhabi affirme la « liberté de croyance » de chacun, il n’y est nullement question de la conversion – et surtout pas de la conversion de l’islam au christianisme qui constitue précisément, selon le Coran, une apostasie.

L’imam, de l’université islamique du Caire, et le pape, chef de l’Eglise universelle fondée par Jésus-Christ, le Verbe de Dieu, ont aussi vanté la citoyenneté :

« Le concept de citoyenneté se base sur l’égalité des droits et des devoirs à l’ombre de laquelle tous jouissent de la justice. C’est pourquoi il est nécessaire de s’engager à établir dans nos sociétés le concept de la pleine citoyenneté et à renoncer à l’usage discriminatoire du terme minorités, qui porte avec lui les germes du sentiment d’isolement et de l’infériorité ; il prépare le terrain aux hostilités et à la discorde et prive certains citoyens des conquêtes et des droits religieux et civils, en les discriminant. »

Il faut comprendre ces mots dans le contexte où les emploie l’imam Al-Tayeb. Rapportant en janvier 2017 ses propos, un journaliste de Radio Vatican expliquait : « Le cheikh Ahmed Al Tayeb est revenu sur le concept de la dhimma, la protection que l’Etat musulman accordait aux minorités non-musulmanes à l’époque médiévale. » Une protection qui passait par la soumission…

Radio Vatican poursuivait : « La dhimma impliquait que les non-musulmans devaient s’acquitter d’un impôt (la jizya) en contrepartie d’une protection des autorités civiles. Ce qui revenait, de fait, à instaurer une inégalité administrative entre les citoyens. Mais selon le grand imam, appliquer la dhimma aujourd’hui, dans un contexte profondément différent, constituerait une “forme d’injustice et un manque de raisonnement scientifique”. Pour le cheikh Al Tayeb, tous les citoyens sont égaux, et les chrétiens, précise-t-il, “ne peuvent être considérés comme une minorité, un terme chargé de connotations négatives”. »

Où l’on voit que la déclaration d’Abou Dhabi ne sort pas du néant, où l’on retrouve des expressions propres aux deux signataires – ainsi des mots « troisième guerre mondiale par morceaux » cités plus haut qui avaient été prononcés par le pape François et  qui sont ici appliqués à « l’extrémisme religieux et national, ainsi que l’intolérance ».

Ce vocabulaire a pour particularité de renvoyer dos à dos tous les « extrémismes », réels ou imaginaires, comme je le notais plus haut. Il désigne de manière suffisamment claire pour qu’on puisse y faire référence les réactions populaires (pour ne pas dire « populistes ») que l’on constate dans des pays d’Occident face à l’arrivée massive de migrants musulmans.

Ou pour le dire autrement : en recherchant la « diffusion de la culture de la tolérance » et la protection de tous les lieux de culte et de tous les croyants, il s’agit de mettre toutes les religions sur un pied d’égalité – et pas seulement sur le plan politique.

Qu’une entente se fasse pour en finir avec la persécution violente des chrétiens au Proche-Orient – dans des pays, soit dit en passant, évangélisés au temps des premiers chrétiens et où ils sont chez eux depuis des temps immémoriaux – qui pourrait s’en plaindre ? Et si pratiquement, cela leur vaut un peu plus de libertés et de droits, on ne peut qu’applaudir.

Mais cela ne dispense pas d’essayer de comprendre ce qui se passe. De percevoir, notamment, que c’est un accord à deux faces, « équilibré » si on veut, qui revendique aussi des droits pour les « minorités » – qu’on ne devrait donc  plus appeler ainsi – musulmanes en Occident. De comprendre, aussi, que le relativisme de la phrase « Le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains » affleure à plusieurs reprises dans le document.

Par exemple, ici :
« La relation entre Occident et Orient est une indiscutable et réciproque nécessité, qui ne peut pas être substituée ni non plus délaissée, afin que tous les deux puissent s’enrichir réciproquement de la civilisation de l’autre, par l’échange et le dialogue des cultures. L’Occident pourrait trouver dans la civilisation de l’Orient des remèdes pour certaines de ses maladies spirituelles et religieuses causées par la domination du matérialisme. Et l’Orient pourrait trouver dans la civilisation de l’Occident beaucoup d’éléments qui pourraient l’aider à se sauver de la faiblesse, de la division, du conflit et du déclin scientifique, technique et culturel. »
Tantôt « l’Eglise catholique et Al-Azhar », tantôt « Al-Azhar et l’Eglise catholique » – il faut bien ménager les susceptibilités – s’engagent à travailler à la mise en œuvre du document qui est présenté en réalité comme feuille de route pour les Etats et les politiques du monde entier :
« A cette fin, l’Eglise catholique et Al-Azhar, par leur coopération commune, déclarent et promettent de porter ce Document aux Autorités, aux Leaders influents, aux hommes de religion du monde entier, aux organisations régionales et internationales compétentes, aux organisations de la société civile, aux institutions religieuses et aux Leaders de la pensée ; et de s’engager à la diffusion des principes de cette Déclaration à tous les niveaux régionaux et internationaux, en préconisant de les traduire en politiques, en décisions, en textes législatifs, en programmes d’étude et matériaux de communication. 
« Al-Azhar et l’Eglise Catholique demandent que ce Document devienne objet de recherche et de réflexion dans toutes les écoles, dans les universités et dans les instituts d’éducation et de formation, afin de contribuer à créer de nouvelles générations qui portent le bien et la paix et défendent partout le droit des opprimés et des derniers. »
Une fois de plus, il s’agit de modifier les esprits et les cœurs pour arriver à la « fraternité » et à la « tolérance » universelles, tout cela « dans le but d’atteindre une paix universelle dont puissent jouir tous les hommes en cette vie ».

Ce vocabulaire ne détonnerait pas en loge et il coïncide parfaitement avec les documents internationaux, onusiens ou de l’Unesco, dans lesquels les religions traditionnelles et les différences nationales sont présentées comme les facteurs de perturbation de la paix et de l’harmonie entre les hommes. On est en réalité très loin de la phrase de Jésus-Christ : « Ne pensez pas que Je sois venu apporter la paix sur la terre ; Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. »

Jésus est venu arracher le monde aux ténèbres, notamment aux ténèbres des fausses religions, et Il a aussi prévenu ses disciples qu’ils devaient tous prendre leur croix pour le suivre. Prêcher la vérité et la servir expose à l’incompréhension et à la persécution, voire au martyre. Et en dernière analyse, la seule vraie paix est celle qui accompagne l’adhésion à la vérité. La paix sur cette terre est un bien auquel on peut aspirer, mais point au prix de la vérité…

Le fait d’un accord avec l’islam appelle d’autres questions, et notamment celle de la sincérité islamique ; puisque le Coran recommande et justifie la « taqiyya » ou la dissimulation de sa propre foi pour sauver sa peau, ou encore, selon des exégètes musulmans remontant au Xe siècle pour faciliter la conquête par la dissimulation stratégique, l’apparence de loyauté à l’égard des non musulmans.

Mais il y a aussi la question de la représentativité d’Al-Azhar, haut-lieu du sunnisme mais n’ayant pas autorité universelle sur les sunnites – et ne parlons même pas des chiites.

Plus encore que tout cela, le Document sur la Fraternité humaine témoigne d’une restructuration de l’islam en cours (sincère ou non, c’est une autre histoire). La tendance est nette aujourd’hui : il s’agit de vider l’islam de ses aspérités, de ses aspects incompatibles avec la modernité, de le rendre acceptable en le faisant renoncer à ce qu’il est et à réinterpréter le coran, ce qui est en soi impossible en islam puisqu’il s’agit du livré « incréé » exprimant – même dans ses contradictions internes – la parole d’Allah.

Cette marche vers la restructuration, on la note dans les discours du président al-Sissi en Egypte comme dans ceux d’Al-Tayeb, dans les modernisations en cours en Arabie saoudite à la déclaration conjointe de 1.829 théologiens islamiques au Pakistan au printemps dernier.

C’est une restructuration qui vise à rendre l’islam compatible avec le relativisme actuel, une démarche dont on peut raisonnablement dire que la religion catholique la subit aussi, avec l’idée qu’on peut croire ce qu’on veut, pourvu qu’on n’ait pas la prétention de se dire dans la vérité. Tous doivent alors se soumettre ensemble aux Lumières – ce n’est pas un hasard si les mots et les concepts de liberté, égalité, fraternité sont omniprésents dans le document – et se fondre dans une spiritualité globale présentée comme la religiosité commune capable d’assurer la paix.

On ne peut comprendre le Document d’Abou Dhabi en dehors de ce contexte, d’une série de démarches dont les rencontres précédentes entre le pape François et l’imam Al-Tayeb ne sont que des épisodes qui s’insèrent dans un ensemble qui mobilise des institutions internationales, des responsables d’Etat et des représentants de religions du monde entier.

Pas plus tard qu’en octobre dernier, Astana – la capitale du Kazakhstan – accueillait de telles personnalités (l’Eglise catholique était représentée par le cardinal Coccopalmerio), avec Al-Tayeb soi-même et quelques autres muftis de la Ligue Arabe ou de Russie. Ils se sont tous retrouvés dans la « Pyramide de la Paix » où une table ronde signifie la mise sur un pied d’égalité de toutes les religions, le tout parmi une lourde pléthore de symboles maçonniques.

J’ai consacré à cette rencontre une chronique que vous trouverez ici. Cette réunion éclaire d’une lumière singulière – et à mon sens inquiétante – l’accord auquel sont parvenus le pape François et l’imam Al-Tayeb. Et explique aussi le recours à la phrase « controversée » du Document d’Abou Dhabi sur la diversité des religions « voulue » par Dieu : c’en est en réalité la phrase pivot, l’affirmation inévitable, le fondement sur lequel tout le reste est construit.


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