27 avril, 2016
Le
théologien hétérodoxe suisse Hans Küng a exprimé
sa satisfaction devant l'Exhortation apostolique Amoris laetitia du pape François, ajoutant que le pape lui-même
avait répondu à sa demande d'ouvrir le débat sur la doctrine catholique de
l'infaillibilité pontificale. La lettre du pape, qui contiendrait des ajouts
manuscrits, n'a pas été présentée à la presse par Hans Küng par respect pour la
« confidentialité » de cette correspondance.
Il a écrit dans une déclaration
publiée par plusieurs médias internationaux qu'il « n'aurait pas pu
prévoir le grand espace de liberté que le pape François allait ouvrir dans son
exhortation apostolique post synodale Amoris laetitia. »
Pour Hans Küng, c'est d'emblée,
dans l'introduction, que le pape François ouvre les portes en déclarant que «
tous les débats doctrinaux, moraux ou pastoraux ne doivent pas être résolus par
des interventions du magistère ». Le pape, écrit Küng, « s'oppose
clairement à une “morale bureaucratique froide” et il s'oppose à ce que les
évêques continuent de se comporter comme les “contrôleurs de la grâce”. Il
considère que l'Eucharistie n'est pas une récompense pour les parfaits mais un
“aliment pour les faibles”. Il cite fréquemment les déclarations du synode des
évêques et des conférences épiscopales nationales, il ne veut pas continuer
d'être le seul porte-parole de l'Eglise », écrit le théologien plusieurs
fois condamné.
Il poursuit : « Tel est le nouvel
esprit que j'ai toujours espéré trouver de la part du magistère. Je suis
convaincu de ce que, enfin, le dogme de l'infaillibilité lui-même, question
fondamentale et décisive au sein de l'Eglise catholique, pourra être débattu
avec un esprit libre, ouvert, et loin de tout préjugé. Je suis profondément
reconnaissant au pape François de nous offrir cette possibilité. »
Le père Küng espère que les
évêques, « les théologiennes et les théologiens » fassent leur cet
esprit.
Il affirme que son appel au pape
François, publié le 9 mars 2016, a ainsi reçu, au lendemain de Pâques, par le
biais de la nonciature à Berlin, une réponse personnelle datée du dimanche des
Rameaux (le 20 mars). Il dit toute sa reconnaissance de voir que sa question
n'est pas « restée dans le vide », et que le pape n’ait pas confié la
rédaction de la réponse un secrétaire, voire au cardinal secrétaire d'État.
Küng se glorifie de ce que le pape s'adresse à lui avec les mots manuscrits :
« Chers confrère ». Il estime, en somme, avoir été pris au sérieux en appelant
au dialogue théologique parce que l'Eglise du XXIe siècle, « semper reformanda », doit pouvoir approfondir un
« dialogue constructif avec les autres Eglises chrétiennes et avec la
société postmoderne ».
« Le pape François ne pose aucune
limite. De cette manière, il répond à mon désir d'ouvrir un débat libre sur le
dogme de l'infaillibilité. Personnellement, j'en conclus que ce nouvel espace
de liberté doit être utilisé pour avancer dans la clarification des
déclarations dogmatiques controversées au sein de l'Eglise catholique et dans
les autres Eglises chrétiennes », écrit Küng.
On arrive ici à une situation
paradoxale. D'un côté, certaines affirmations de l'Exhortation post-synodale,
appuyées sur des citation tronquées à l'occasion, offrent aux théologiens
hétérodoxes comme lui des motifs de réjouissance puisqu'il y voit une occasion
de contester l'enseignement multiséculaire de l'Eglise, chose qu'il a beaucoup
faite tout au long de sa vie – mais cette fois avec l'autorité du souverain
pontife. A telle enseigne qu'il lui est interdit d'enseigner la théologie dans
le cadre catholique officiel.
De l'autre, il relativise cette
même autorité pontificale qui lui donne et lui reconnaît cette liberté de
discussion.
Mais quoi qu'il en soit, si les
citations et l'esprit général de la lettre que Hans Küng dit avoir reçue du
pape François sont telles qu'il les décrit, les partisans d'une « modernisation
» de la morale, et partant, de la doctrine de l'Eglise, peuvent en effet se
frotter les mains. Cela justifierait à tout le moins l'interprétation non
conforme à la tradition de l'Eglise qu'ils en font à grand renfort d'écho
médiatique – chose que le catholique ne peut se permettre, quand bien même le
texte de l’Exhortation serait trompeur, ambigu ou erroné.
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