Il y a des jours où l’on n’en
croit pas trop ses yeux. La Grande chambre de la Cour de justice (qui fait partie de la Cour de justice de l'UE) s’est prononcée aujourd’hui sur des questions préjudicielles posées par
les Pays-Bas à propos de demandes d’asile présentées par des personnes
s’affirmant homosexuelles, en risque de « persécution » dans leur
pays d’origine. Epineux dossiers : que peut-on demander, ou non, à de
telles personnes, pour étayer leur demande ; quels types de preuves
peut-on accepter ?
Les questions préjudicielles du
Conseil d’Etat des Pays-Bas visaient à connaître l’avis de la Cour avant de
régler les dossiers des demandeurs A, B et C.
La réponse, je vous la donne tout
de suite : il n’est pas question de soumettre les homosexuels à un
interrogatoire pour qu’ils détaillent leurs pratiques sexuelles. Les autorités
doivent s’abstenir de tout interrogatoire « fondés sur la seule base de
notions stéréotypées concernant des homosexuels » (par exemple,
faisaient-ils partie d’un groupe homosexuel dans leur pays d’origine) parce que
chaque être humain est unique…
Encore un peu et il sera
discriminatoire de mettre en doute l’homosexualité de celui qui, ayant tout du
comportement de l’« hétéro », s’annonce « gay » pour obtenir
l’asile dans les pays qui évitent les stéréotypes de genre… Bon, trêve de
plaisanterie, cela ne va pas jusque-là : il s’agit d’obtenir une sorte de
conviction fondée sur les éléments fournis dans laquelle le doute bénéficie à
l’intéressé, étant entendu que celui-ci peut par culture ou par son histoire
personnelle éprouver des difficultés à parler de son « orientation
sexuelle ».
Et quand le demandeur d’asile
propose de se soumettre à des « tests » d’homosexualité ou même de se
livrer à un acte homosexuel pour prouver qu’il dit vrai ? Les autorités
néerlandaises avaient rejeté l’offre du demandeur « A » en ce
sens ; la Cour de justice leur donne raison sur ce point.
On ne saurait davantage accepter
l’offre de preuve présentée par le demandeur « C » qui avait
carrément remis aux autorités « un enregistrement vidéo d’actes intimes
avec une personne du même sexe ». La Cour a estimé qu'e le relevé d’une
telle « preuve » porterait atteinte à la dignité humaine, aurait un
effet incitatif à l’égard d’autres demandeurs en leur imposant de facto de telles preuves, et au
demeurant ne prouverait rien. En tout cas, pas l’orientation sexuelle du
demandeur…
C’était toute la difficulté du
dossier B, à qui le Secrétaire d’Etat avait refusé l’asile au motif que la
« crédibilité de l’orientation sexuelle alléguée par ce dernier n’était
pas établie ». La Cour de justice a répondu que le seul fait que B n’ait pas allégué
son orientation sexuelle lors d’une première demande infructueuse ne justifiait
pas une appréciation de manque de crédibilité lorsqu’il s’en est souvenu par la
suite lors d’une nouvelle demande.
Il ressort de tout cela que la
preuve objective de l’homosexualité est bien difficile à faire, même avec la
meilleure volonté du monde : stéréotypes interdits, incertitude même face
à des actes homosexuels, équilibre délicat entre le respect de la vie privée et
le rassemblement de faits favorables à la crédibilité de l’« orientation
sexuelle ».
Le texte complet de la réponse de
la Cour de justice est par là.
Bonne chance !
PS. Une première version de cet article faisait une référence erronée à la Cour européenne des droits de l'homme qui statue pour les pays membres du Conseil de l'Europe. Bien évidemment les règles communes du droit d'asile relèvent de l'Union européenne et cette décision concerne les 28 pays de l'Union. Je devais être hébétée par la lecture de la décision…
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