14 décembre, 2014

Argentine : l’Etat demande pardon pour ne pas avoir procuré l’avortement à une jeune handicapée mentale

Des représentants de l’Etat fédéral argentin et de la province de Buenos Aires ont officiellement demandé pardon à une jeune femme aujourd’hui âgée de 27 ans qui était tombée enceinte à la suite d’un viol il y a 8 ans, et qui n’avait pas obtenu l’avortement dépénalisé. Cet avortement n’aurait pas été punissable en effet en tant que la jeune femme était déficiente mentale et avait violée, aux termes du code pénal national argentin. Sa mère et sa sœur avaient fait le tour des hôpitaux et des juridictions de leur région pour obtenir cet avortement, en vain.
« Au nom de l’Etat, je demande pardon pour l’horreur et pour l’erreur de cette affaire », a déclaré Carlos Pisoni, sous-secrétaire à la Promotion des droits humains, lors de la cérémonie de vendredi après-midi. Il était accompagné de Maria Grass, présidente du Conseil national des Femmes.
La jeune femme, Micaela, avait été violée par son oncle en 2006, à 19 ans, mais avec un âge mental de 10 ans. Elle était déjà enceinte de 14 semaines (semaines de gestation) lorsque ses proches sollicitèrent pour elle l’avortement à l’hôpital Saint Martin de la Plata, qui refusa. Dans la foulée, un juge des mineurs, Ines Siro, devait interdire que l’avortement fût pratiqué. On conseilla à la mère, Vicenta, que l’enfant à naître fût donné pour l’adoption.
La mère de Micaela, illettrée, domestique, obtint alors l’aide d’organisations féministes qui entamèrent une procédure judiciaire. Elles menèrent le cas jusqu’à la Cour suprême de l’Argentine qui se prononça en faveur de l’avortement, signalant que dans les cas dépénalisés par la loi il n’était pas nécessaire d’obtenir une autorisation judiciaire préalable. En fait, les associations féministes avaient aidé Micaela à obtenir un avortement « privé »… Elles l’ont accompagnée dans sa demande d’indemnisation qui a culminé avec une résolution du Comité des droits de l’homme de l’ONU : il y a trois ans, celui-ci a qualifié l’entrave à l’avortement de Micaela comme une violation de ses droits humains et a ordonné à l’Argentine de lui offrir des « mesures de réparation comprenant une indemnisation adéquate », et de « prendre des mesures pour éviter que de telles violations aient lieu à l’avenir ».
Lors de la cérémonie… appelons-la « pénitentielle », l’Etat argentin et les autorités de Buenos Aires ont entouré la jeune femme de prévenances et de respect. Elle peint depuis un an : une exposition de ses œuvres a été organisée dans l’auditorium de l’annexe de la Chambre des députés à Buenos Aires et bien sûr, tout a été vendu.
Mais ça, c’est l’anecdote. Sur le fond, Micaela a non seulement reçu des excuses formelles : en août, la coordinatrice des affaires juridiques internationales de la secrétairerie des droits humains de la Nation, Ana Oberlin, et le sous-secrétaire aux droits humains de la province de Buenos Aires s’étaient déjà engagés à offrir à la jeune femme une couverture santé, l’insertion dans le monde du travail, des bourses pour son instruction, une maison et une réparation pécuniaire. Pour faire bonne mesure, la décision du comité de l’ONU sera publiée dans des journaux à tirage national et provincial.
Vicenta, la mère de Micaela, sait lire et écrire désormais et s’est transformée en militante de l’avortement « légal, sûr et gratuit ».
Il semblerait que l’oncle de Micaela qui l’avait violée vive à quelques centaines de mètres de la maison de la jeune femme – n’est-ce pas un bien plus grand scandale ?


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