24 novembre, 2014

La conférence interdite sur l'avortement à Oxford : texte intégral

Riposte catholique signalait il y a quelques jours qu'un débat sur l'avortement a été annulé à l'université d'Oxford parce que… l'avortement ne saurait être sujet à débat et que les deux journalistes protagonistes, l'un athée, l'autre catholique, étaient des hommes. Qui n'ont dont par définition pas droit à la parole, qu'ils soient pour ou contre. Le journal britannique Catholic Herald vient de publier le texte que Tim Stanley, le catholique, aurait présenté. Sans être opposé à l'avortement dans tous les cas, celui-ci répond positivement à la question posée dans le cadre du débat : « Cette chambre considère que la culture de l’avortement en Grande-Bretagne nous est tous dommageable. »

L'événement était organisé par les Oxford Students for Life (les étudiants pro-vie d'Oxford) qui n'ont pas réussi à trouver un lieu de débat après que des pressions et des intimidations des « pro-choix » de « Women's Campaign »eurent conduit les autorités universitaires en interdire la tenue au Blue Boar Lecture Theatre de Christ Church. Neil Addison, directeur du Thomas More Legal Centre, a fait observer que l'annulation du débat contrevient à la loi sur l'éducation qui garantit la liberté d'expression dans les universités.

Tim Stanley, censuré.
Voici ma traduction intégrale de la conférence interdite de Tim Stanley. – J.S.

Je ne suis pas là ce soir pour débattre de la question de savoir si l’avortement doit être, ou non, légalisé ; si donc quelqu’un veut me demander ce qu’il faut faire par rapport à l’avortement en cas d’inceste de viol, merci de ne pas perdre votre temps. La plupart des gens admettent que l’avortement puisse être dans certaines circonstances une nécessité tragique, et qu’il n’est pas près de disparaître. Non : je suis ici pour débattre d’un point précis : oui ou non la culture de l’avortement fait-elle du mal à la Grande-Bretagne. 
Je définis la culture de l’avortement comme une culture où l’avortement est si fréquent qu’il commence à apparaître comme une forme habituelle de contraception, comme le suggèrent les statistiques ; où l’opinion est largement partagée selon laquelle il s’agit d’un droit, qu’il n’est associé à aucun risque, et que de fait il représente une sorte libération pour les femmes qui y ont accès. Dans une culture de l’avortement, le débat même sur l’avortement serait controversé, voire impossible. Les tentatives pour empêcher cette discussion raisonnable suggèrent qu’une telle culture existe bien. 
Mais je pense que la culture de l’avortement aggrave en réalité certaines injustices au sein de notre société. Quiconque a véritablement le souci de la liberté et des droits des femmes – c’est-à-dire chacun de nous – doit être prêt a revoir les données sur les conséquences de l’avortement à la demandet. Et comment le silence à propos de ces effets fait du tort à certains groupes minoritaires. 
D’abord, les chiffres. Les statistiques de l’avortement en 2013 rendent compte d’une réalité inquiétante. Il y en a eu, cette année-là, 185.331. Seul un pourcent été lié à un risque de voir naître un enfant handicapé. 99,84 % d’entre eux ont été pratiqué en conformité avec la loi sur l’avortement de 1967 qui les justifie en cas de risque pour la santé mentale de la femme, une condition qu’il est notamment notoirement facile de contourner. Vincent Argent, naguère directeur médical du British Pregnancy Advisory Service, à publiquement reconnu cette année que les médecins signent fréquemment des formulaires d’avortement à l’avance, sans rencontrer la femme. Il vaut la peine d’être notée, soit dit en passant, que 64 % des avortements ont lieu dans le secteur privé, financé par le service national de la santé (NHS). Il y a de l’argent à gagner. 
Regardez ces chiffres de plus près, et vous trouverez des choses intéressantes en ce qui concerne la classe et la race, qui suggèrent que l’avortement est plus fréquent parmi certains groupes. Cela est connu en ce qui concerne la société américaine : les premières cliniques d’avortement légales étaient majoritairement situées dans des zones à dominante noire, et en 2012 les données ont montré que dans la ville de New York les femmes noires ont subi davantage d’avortements qu’elles n’ont donné naissance. Au Mississippi, les Afro-Américains représentent quelque 37 % de la population, mais 75 % des avortements. Ces chiffres ne sont pas aussi dramatiques au Royaume-Uni parce que notre population est plus homogène sur le plan démographique. Mais réfléchissez à ceci : les « Noirs ou les Britanniques noirs » ne composent que 3,3 % de la population, mais 9 % des avortements sont pratiqués sur cette population. 
Environ 37 % de toutes les femmes qui ont avorté en 2013 avaient déjà subi au moins un avortement auparavant ; un chiffre en augmentation par rapport au 32 % de 2003, et à peu près une femme sur 7 ayant subi un avortement se trouvait effectivement au sein d’une relation. Ces données suggèrent que l’avortement pourrait bien être utilisé par certaines personnes comme une forme de contraception. Cela est extraordinaire, étant donné que notre société est saturée de message sur le safe sex et que l’industrie de l’avortement assure que la procédure est sûre, légale, et rare. 
Pourquoi donc a-t-on recours à l’avortement de cette manière ? L’une des explications pourrait se trouver dans une étude Joseph Rowntree de 2004, notant que les jeunes filles avec peu de perspectives scolaires choisissaient de garder leur bébé, tandis que celles qui avaient l’intention d’aller à l’université et de trouver du travail avaient plus de chances de recourir à l’avortement. En d’autres termes, certains groupes de femmes ont des relations fréquentes et non protégées et tombent enceintes malgré des décennies d’éducation, et ce qu’elles font ensuite relève d’un choix qui n’est pas nécessairement dicté par la volonté personnelle mais par l’économie. 
Vous pourriez dire : « C’est une bonne chose, puisque cela signifie que les femmes exercent le contrôle sur leur propre corps et qu’elles contrôlent également leur avenir économique. » Mais posez la question à l’envers. Cela veut dire aussi que certains groupes négligent toute l’information dispensée à propos de la contraception et des relations, tombant enceintes et revenant à la clinique encore et encore comme si cela n’était pas du tout différent de la pilule. Et cela signifie, deuxièmement, que les décisions sur le fait d’élever un enfant sont moins déterminées par un choix personnel authentique que par la pression culturelle. Cela suggère que les femmes ne se voient pas offrir une alternative sérieuse à l’avortement, il ne reçois aucun soutien de famille ou de la gouvernance, mais que les messages culturels qui les touchent ne parle que de la terreur et de la pression liées à l’éducation des enfants. Vous pourriez trouver quelques éléments de ce message dans la politique conservatrice d’arrêt de versemetn des allocations familiales, ce qui à mon avis va plutôt contre leur image favorable à la famille. 
Puisque nous parlons de la pression de la culture, parlons aussi de la « disponibilité ». L’avortement à la demande alimente l’idée selon laquelle nous avons tous droit à une entière autonomie et à être libérés de toute responsabilité à l’égard d’autrui. C’est une bonne nouvelle pour les forts, elle est mauvaise pour les vulnérables. 
Pensez maintenant à cette étrange hypocrisie. Nous vivons dans une société où les droits des personnes handicapées nous importent beaucoup – ainsi que le montre l’opposition aux réformes gouvernementales à propos des subventions en leur faveur – et nous nous disons toujours qu’ils ont droit à l’entière citoyenneté. Mais nous disons également aux femmes enceintes que si leurs enfants sont handicapés, elles ont alors un droit absolu à avorter. Les résultats sont assez inquiétants. Neuf bébés sur 10 porteurs d’un diagnostic de spina bifida sont avortés. La proportion est à peu près la même pour les enfants trisomiques. De fait une étude de 2009 a montré que chaque jour trois bébés sont avortés pour trisomie. 
Je le répète : je ne dis pas que les femmes ne doivent pas être libres prendre cette décision. Tout ce que je dis, c’est que dans une culture de l’avortement, il y a une pression favorable pour l’avortement, qui apparaît comme une option d’une facilité mythique. Peter Elliott, président de la Fondation sur la recherche sur la trisomie 21, qui a un fils de 24 ans, David, atteint de trisomie 21, a dit de cette étude de 2009 : « Pourquoi les avortements sont-ils si nombreux si ce n’est parce qu’on a donné l’impression que la situation était effrayante et qu’elle justifiait l’avortement ? Je ne crois pas que ce choix est présenté aux parents de manière véridique : ces enfants ont une vie bonne et sont en réalité considérés comme une bénédiction pour les parents et non comme une malédiction. Je ne pense pas que ces parents qui ont recours à l’avortement en sachent vraiment beaucoup sur la trisomie. » 
Il est en outre parfaitement raisonnable qu’une culture qui considère la vie comme jetable a un bout du cycle de la vie puisse la considérer comme tout aussi jetable à d’autres moments de cycle. Ce point de vue a été exprimée avec brio dans un article du Journal of Medical Ethics par Alberto Giubilini et Francesca Minerva, qui soutenaient que les nouveau-nés ne sont pas de vraies personnes et n’ont pas un droit moral à la vie : après tout ils ne sont pas, tout comme l’embryon dans le sein maternel, entièrement autonomes par rapport à leurs parents. Ils ont soutenu que les enfants et les parents doivent être en mesure de faire tuer leur bébé s’il s’avère qu’il est handicapé à la naissance. 
Il est parfaitement naturel d’étendre cette logique qui à l’euthanasie, qui a été légalisée dans le Benelux et qui est aujourd’hui en discussion sérieuse au Royaume-Uni. Le Dr Joseph Fletcher, l’un des parrains de la bioéthique moderne et partisan connu à la fois du droit à l’avortement et à l’euthanasie se rappelait jadis avec émotion le temps où lui et l’égérie du planning familial Margaret Sanger rejoignaient l’Euthanasia Society of America, en vue de « relier les deux causes pour ainsi dire : le droit d’être sélectif à propos de la parentalité et le droit d’être sélectif par rapport à la vie ». Fletcher précisait : « Nous avons ajouté le contrôle de la mort au contrôle des naissances comme une partie de l’éthique du style de vie de notre société. » Il avançait que la vie n’a véritablement pas de valeur à moins d’être d’une certaine qualité, un argument qui a été renforcée par Richard Dawkins lorsque celui-ci a dit, à propos d’un enfant trisomique : « Avortez-le et recommencez – il serait immoral de le faire naître dans ce monde. » 
Le Dr Fletcher, soit dit en passant, en aurait été d’accord. Il a dit jadis qu’il « n’y a aucune raison de se sentir coupable d’éliminer un enfant trisomique, que ce soit en l’éliminant au sens de le cacher dans un sanatorium, ou d’une manière létale plus responsable. C’est triste, oui. Terrible. Mais cela ne comporte aucune culpabilité. La véritable culpabilité il n’existe qu’en relation à une offense à l’égard d’une personne, et un trisomique n’est pas une personne. » C’est une attitude horrifiante, pourriez-vous penser, mais elle n’est pas tellement étrange si vous tenez compte de la grande violence que représente l’avortement par rapport à notre conception même de la personnalité. 
La plus grande ironie de ce phénomène est bien que l’avortement devait donner une plus grande autonomie aux femmes, mais nous avons aujourd’hui des éléments montrant qu’il était utilisé Angleterre pour mettre fin à des grossesses pour la seule raison que le fœtus était femelle. En d’autres termes, l’avortement été utilisée de manière à valider l’idée médiévale selon laquelle les filles valent moins que les garçons. Heureusement, cet abus devrait être officiellement et explicitement mis hors-la-loi pour la première fois. 
Tous ces problèmes sont d’autant plus troublants que nous n’en discutons plus. Cela reflète la façon dont les sociétés capitalistes modernes traitent les questions relatives à la pauvreté, à la souffrance, aux abus, etc. Elles les mettent hors du champ de vision en utilisant un jargon médical ou une phraséologie politique destinée à occulter toute une série de problèmes qui nécessiteraient qu’on en discute de manière beaucoup plus claire.Je n’ai pas toujours été pro-vie. Je le suis devenu lorsque mes recherches historiques sur le mouvement conservateur américain m’ont contraint, à mon corps défendant, à lire des textes pro-vie. 
J’ai été horrifié de découvrir à quel point l’avortement est sordide. A quel point il peut être douloureux. Il y a des preuves montrant ses effets psychologiques à long terme. Par exemple, les recherches menées par le Pr Priscilla Coleman publiées dans le British Journal of Psychology affirment que « l’avortement est associé avec des risque modérés à élevé de problème psychologique faisant suite à la procédure. Les femmes qui ont subi un avortement ont un risque augmenté de 81 % d’avoir des problèmes de santé mentale, tandis que 10 % de l’incidence des problèmes de santé mentale ont un lien direct avec l’avortement ». 
Pourquoi ne le savais-je pas ? Parce que, tandis que l’avortement provoque des traumatismes dans notre société, nous réglons le problème en l’ignorant. Cela est tout à fait dans la logique qui fait que nous ignorons les taux de suicide épouvantablement élevés en prison ; que nous ignorons le niveau de soins déplorable dans les maisons pour personnes âgées ; que nous ignorons les abus et les viols d’enfant dans les services spécialisés pour l’enfance. Et voici ce qu’il y a de doublement pervers dans la culture de l’avortement : nous avons ont effectivement les vannes à quelque chose, et puis nous avons refusé de parler de sa réalité. L’avortement est au centre même de l’état thérapeutique : l’état qui anesthésie la douleur avec des solutions simplistes plutôt que de s’intéresser à leurs causes complexes. 
Et tout ce que je vous demande aujourd’hui, c’est que nous en parlions sérieusement. Merci de m’avoir écouté.

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© leblogdejeannesmits



1 commentaire:

Babar a dit…

La loi sur l'IVG est la loi la plus machiste qui ait jamais été votée.
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L'IVG se pratique principalement lorsque l'homme refuse d'assumer sa responsabilité de père. Il force la femme à subir le traumatisme durable de l'IVG, pour le libérer lui de sa propre responsabilité. L'IVG est le moyen cynique qu'a trouvé l'homme pour instrumentaliser à loisir le corps de la femme à sa volonté sexuelle. La femme doit souffrir dans son corps et l'enfant doit mourir, afin que l'homme se sente tout-puissant.
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Le droit que veut instaurer cette loi votée par des hommes, est le droit des hommes à refuser leur responsabilité de père. Ils instrumentalisent le corps de la femme pour que celle-ci ne puisse plus les obliger à assumer ces responsabilités. C'est une loi faite par et pour des hommes, sur le dos des femmes, seules à subir ce traumatisme durable de l'IVG.
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Cette loi sur l'IVG instrumentalise le corps de la femme, comme il ne l'a jamais été dans l'Histoire. Tout d'abord comme objet sexuel pour satisfaire sans limites les pulsions de l'homme. Ensuite, comme objet du traumatisme terrible que constitue l'IVG. L'homme s'en lave les mains, la femme seule doit assumer durablement les conséquences des pulsions sexuelles de l'homme.

 
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