07 mars, 2011

La Terri Schiavo indienne aura la vie sauve… mais l'Inde ouvre la porte à l'euthanasie

La Cour suprême de New Delhi a décidé d'approuver ce qu'elle appelle « l'euthanasie passive » à la faveur du cas de la femme de 62 ans, Aruna Ramachandra Shanbaug, qui se trouve depuis 37 ans dans un « état végétatif persistant », mais celle-ci ne sera pas privée de nourriture et d'hydratation jusqu'à en mourir, au motif que la personne demandant le « débranchement » n'était pas recevable à formuler cette demande.

La demande avait été introduite devant les juges par une amie de la patiente, Pinki Virani, qui se trouve être journaliste et militante de la cause du « droit de mourir dans la dignité ». Elle n'avait aucunement qualité pour agir, ont estimé les juges (l'histoire ne dit même pas si elle connaissait l'infirmière avant l'agression sauvage qui l'a laissée aveugle et très diminuée après avoir été étranglée par un garçon de salle et sodomisée).

S'opposant à l'avis de l'avocat général qui s'était opposé à tout arrêt des soins de « maintien en vie » en vue de faire mourir un patient, les deux juges siégeant dans l'affaire ont édicté des principes plus généraux selon lesquels une personne incapable d'exprimer sa propre volonté devrait pouvoir être débranchée à la demande de ses proches ou, à défaut de pouvoir les consulter, d'un ami ou groupe d'amis proches ou des médecins traitants, qui devraient trancher au mieux des intérêts du malade.

Constatant le « niveau éthique médiocre » de la société et la progression du mercantilisme et de la corruption, les juges ont dit la prudence qui s'imposait dans ces cas où la possibilité d'hériter du malade ou de tirer un autre bénéfice de sa mort pouvait même conduire à fabriquer de faux dossier de maladie incurable et terminale.

En fait d'« euthanasie passive », il faut préciser que ce n'est pas tout à fait cela qui est ainsi justifié par les juges contre l'avis de l'avocat général, en attendant qu'une loi soit éventuellement votée. Priver des soins ordinaires que sont l'alimentation et l'hydratation, avec pour issue inéluctable, et en l'occurrence, recherchée, la mort, constitue une euthanasie à part entière, même si elle est obtenue par omission.

Les juges ne sont pas allés jusqu'à signer l'arrêt de mort d'Aruna Shanbaug, parce qu'ils ont recherché dans cette affaire qui avait véritablement été son prochain, en l'absence de ses parents, décédés, et de sa famille qui s'en est désintéressée dès qu'elle eut été victime d'une agression sexuelle particulièrement répugnante :

« Non, ce sont les employés de l'hôpital KEM, qui l'ont extraordinairement soigné jour et nuit pendant de si longues années, qui ont véritablement été ses amis proches, et non Mme Pinki Virani qui s'est contentée de lui rendre quelques visites seulement et qui a écrit un livre sur son cas. Il appartient donc au personnel de l'hôpital de prendre une telle décision. Et le personnel de l'hôpital KEM a clairement exprimé sa volonté qu'il soit permis à Aruna Shabbaug de vivre. »
 A l'hôpital de Mumbai où Aruna vit depuis de si longues années, les infirmières ont accueilli la nouvelle du jugement avec des cris de joie, décidées qu'elles étaient de se mettre en grève si la Cour suprême décidait d'approuver la mort de la patiente qu'elles aiment. Daily News and Analysis, journal en ligne indien, rapporte qu'une infirmière était en train de donner des cristaux de sucre à Aruna au moment où l'information est tombée : elle l'a racontée à la Aruna qui a crié « Aaah ! » en l'apprenant.

Aruna Shanbaug, avant son agression
Pendant 35 ans, les infirmières de l'hôpital ont pris soin de leur ancienne collègue, l'ont nourrie et massée, passant la voir toutes les deux heures ; elles sont capables de dire ses goûts, lui passent de la musique hindoue chaque matin. Le doyen de l'hôpital a dit combien il lui était attachée, ne manquant pas de la visiter chaque semaine.

Un ex-doyen, le Dr Pradnya Pal, a déclaré pour sa part : « Je sens qu'elle a fait du bon travail dans sa vie antérieure pour qu'elle reçoive aujourd'hui tant d'amour des infirmières et des autres. Je ne crois pas que nous devons perturber le cours naturel des événements de sa vie, mort comprise. Cependant, je prie chaque jour pour que Dieu la délivre. »

En attendant, Aruna Shanbaug aide ses proches à donner le meilleur d'elles-mêmes. Qui osera dire que sa vie est indigne et ne vaut pas d'être vécue ?

Post précédent consacrés à cette affaire : ici.


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