05 août, 2015
Les protocoles de fin de vie
destinées à remplacer le très controversé « Liverpool Care Pathway »
au Royaume-Uni, interdit à la suite d’une enquête parlementaire, sont encore
plus dangereux et pourraient accélérer la mort de nombreux patients, a averti
le Pr Patrick Pullicino, professeur de neuroscience clinique à l’université de
Kent. Les nouvelles directives portent sur l’identification du moment où la
mort est imminente et où l’on peut mettre en place l’arrêt de la nourriture et
de l’hydratation associé à une sédation profonde.
Selon le Pr Pullicino, qui avait
été l’un des premiers à alerter l’opinion sur les dangers des pratiques de la National Health Service (NHS), estime
que les nouvelles directives du Service national de la santé britannique sont
un encouragement à guetter les signes, incertains, d’une mort imminente, et à
prendre des mesures qui auraient pour effet d’accélérer la mort de patients
encore plus nombreux que dans le cadre du « Liverpool Care Pathway ».
Ce sont les témoignages à propos
de patients privés d’eau et tentant désespérément de se désaltérer en suçant
des éponges qui ont provoqué la désapprobation officielle de ce protocole l’en
dernier. La semaine dernière, l’Institut national d’excellence de la santé et
des soins (NICE) a publié des directives sur les soins en fin de vie à
l’intention du personnel des hôpitaux.
Les soignants sont invités à
identifier des « signes » et des « changements » tels
l’agitation ou la fatigue, laissant penser que le patient arrive en fin de vie,
et permettant la mise en place d’un protocole individualisé qui peut comprendre
le retrait de l’hydratation. Ces signes, avertit le Pr Pullicino, ne constituent pas des indices fiables
permettant de prédire la mort imminente, et il ne faudrait pas prendre des
décisions de cette importance parce que le patient va moins bien.
« Le diagnostic de la mort
imminente était le problème principal du “Liverpool Care Pathway” et sous ce
rapport le document NICE n’est pas mieux. Il comprend une liste d’éléments
digne d’un livre de cuisine – ils peuvent bien suggérer que la mort soit proche
mais ils sont totalement inaptes à permettre un diagnostic et ne sont pas basés
sur des indices fiables. Nous sommes de nouveau dans le régime du LCP pour ce
qui est du risque d’exposer des patients qui ne sont pas mourants à des
traitements inappropriés et potentiellement mortels », a-t-il déclaré dans
une tribune publiée par The
Daily Telegraph.
Le protocole de Liverpool avait
été mis hors-la-loi à la suite du rapport de la baronne Neuberger, qui avait
conclu que « les patients doivent recevoir le soutien de l’hydratation et
l’alimentation tant qu’il n’existe pas une forte raison pour les en
priver ». Les nouvelles directives précisent que les patients mourants
capables de boire doivent recevoir de l’eau s’ils la recherchent. Mais elles
ajoutent qu’il faut leur dire que « la survenue de la mort aura peu de
chances d’être hâtée par le fait de ne pas recevoir une hydratation
cliniquement assistée », comme un goutte-à-goutte.
Cela « est totalement
faux », s’insurge le Pr Pullicino : l’absence d’hydratation tue
quiconque ne peut boire par ses propres moyens. Les directives NICE sont un
« désastre en termes de désinformation, de distorsion et
d’ambiguïté ».
Lui-même a eu le cas d’un patient
qui a survécu 14 mois après avoir été libéré du protocole de Liverpool :
pour Pullicino, les patients doivent recevoir une hydratation et une
alimentation adéquates quel que soit leur pronostic.
« La déshydratation
constituait le mécanisme central des morts dans le cadre du protocole de
Liverpool. Et bien que ce dernier ait été abandonné, je suis encore fréquemment
témoin de cas de déshydratation sévère chez des patients âgés dans les
hôpitaux. Tant que la norme – surveillée
par la Commission de qualité des soins – n’obligera pas les hôpitaux à
fournir aux patients une alimentation et une hydratation conforme à leurs
besoins physiologiques, à tout moment et indépendamment de leur pronostic, les
soins de fin de vie demeureront létaux », affirme-t-il.
Les nouvelles directives sont
actuellement en phase de consultations publiques au Royaume-Uni : les
déclarations du Pr Pullicino visent donc à peser sur l’opinion et à
alerter aussi bien le public que les soignants. Il n’hésite pas à dire que l’un
des aspects les plus dangereux des directives NICE est de permettre aux
infirmiers à faire des « prescriptions anticipées » qui les autorise
à donner aux patients des sédatifs et des antalgiques sans intervention du
médecin : cette pratique propre également au protocole de Liverpool a
accéléré de nombreux décès, selon le neurologue.
Il assure qu’encore aujourd’hui
des hôpitaux adoptent les pratiques théoriquement interdites et fait état des
témoignages de personnes qui n’ont pas réussi à obtenir des « soins
actifs » pour leurs proches au motif que ceux-ci avaient été jugés proches
de la mort par les soignants.
Chassez l’« euthanasie
lente » par la porte, elle revient par la fenêtre, en somme. C’est dès
2007 que j’écrivais ici
à quel point cette euthanasie par omission était en train de s’imposer, dans
une fausse opposition à l’euthanasie par piqûre létale, en jouant sur l’ambiguïté
de certaines formes de sédation qui peuvent être parfaitement justifiées lorsqu’un
patient est véritablement à l’agonie mais qui provoquent la mort – lentement
mais sûrement – lorsqu’il ne l’est pas.
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