28 mai, 2015
Ce n’est pas moi qui le dis, mais
le vaticaniste anglophone Edward Pentin, généralement bien informé. Il a rendu
compte dans le National
Catholic Register de la rencontre confidentielle qui a eu lieu lundi à
Rome autour du cardinal Reinhard Marx, ou du moins de ce que l’on peut en
savoir. L’objectif ? Il est simple : il s’agit de promouvoir les
« innovations pastorales » mises en route par le cardinal Kasper et
qui se sont invitées au synode extraordinaire sur la famille en octobre
dernier. Organisée de manière confidentielle, discrète ou secrète, selon le
point de vue, la réunion d’un jour a eu lieu à l’Université pontificale
grégorienne. Le Rhin se jette une nouvelle fois dans le Tibre…
Voici ce qu’en dit Pentin. La
rencontre a rassemblé une cinquantaine de participants : des théologiens,
des évêques et même des représentants des médias, à l’invitation des présidents
des conférences épiscopales d’Allemagne, de Suisse et de France, soit le
cardinal Marx, Mgr Markus Büchel et Mgr Georges Pontier, archevêque de
Marseille. Tout cela, on le sait, en revanche, la réunion s’est tenue à huis-clos
et l’un des thèmes clefs, selon des participants qui ont tout de même parlé,
était de déterminer comment
l’Eglise peut mieux accueillir les personnes se trouvant au sein
d’unions stables de même sexe. Il semblerait que « personne » ne se
soit opposé à la reconnaissance par l’Eglise de ces unions comme étant valides.
Incise.
— S’il y avait des représentants
des médias, la rencontre ne peut pas avoir été confidentielle et discrète, et
encore moins secrète !, direz-vous.
Mais si, justement. Un journaliste
sait se taire, c’est même une de ses principales et paradoxales qualités. Il
sait quoi dire, et jusqu’où. Il semble, s’il faut en croire Edward Pentin, ou
plutôt un observateur qu’il cite, que ces représentants des médias soient
importants dans le dispositif, leur rôle étant de promouvoir les thèmes
soulevés et leur traitement, conformément aux choix de ce Rhineland Group qui pivote autour de l’épiscopat allemand, dans les
semaines qui précéderont le synode sur la famille à l’automne prochain. Pour la
France, des journalistes de La Croix et d’I-Media
étaient présents selon The New Catholic
Register qui affirme être en possession de la liste complète des
participants.
Quoi qu’il en soit la rencontre
aura été à la fois une opération discrète et une opération de communication.
S’agit-il de préparer les esprits à une tentative massive de modification de
l’enseignement multi-séculaire – et surtout certain ! – de l’Eglise
catholique ?
Outre le nouveau regard sur les
unions homosexuelles, les participants ont évoqué, selon Pentin, la nécessité
de « développer » l’enseignement de l’Eglise sur la sexualité
humaine, afin de remplacer la « théologie du corps » de saint
Jean-Paul II par une « théologie de l’amour ». Sur l’outrecuidance
de ce discours je vous renvoie au blog
d’Yves Daoudal, qui cite le communiqué des évêques allemands sur ce point,
publié par leur « conférence » à l’issue de la réunion : « Un
second temps a pris en compte les données d’une théologie de l’amour,
réfléchissant notamment à la sexualité comme langage de l’amour et don précieux
de Dieu. Cette théologie est en attente de propositions nouvelles, qui noue un
dialogue intense entre la théologie morale traditionnelle et les meilleurs
apports de l’anthropologie contemporaine et des sciences humaines. »
Comme si le monument de la
théologie du corps n’avait pas existé…
Mais poursuivons avec Pentin.
« Un prêtre suisse a mis en avant « l’importance de la libido
humaine » ; un autre participant, parlant de la communion pour les
divorcés remariés, demande : « Comment pouvons-nous la refuser, comme
si c’était une punition pour les gens qui ont eu un échec et qui ont trouvé un
nouveau partenaire avec qui commencer une nouvelle vie ? »
Selon La Stampa, Anne-Marie Pelletier, docteur en science des religions,
lauréate du Prix Ratzinger en 2014, a salué le dialogue qui a eu lieu entre
théologiens et évêques comme un « vrai signe des temps ».
L’Eglise doit entrer « dans une dynamique d’écoute mutuelle »,
a-t-elle dit selon le quotidien italien, où le magistère continuera de guider
les consciences mais ne pourra le faire de manière efficace qu’en se faisant
« l’écho des paroles des baptisés ». Et d’ajouter que la réunion
avait « prix le risque de la nouveauté, dans la fidélité au Christ ».
Un autre participant cité par La Stampa
a déclaré, selon celui-ci, que le synode serait un « échec » qu’il
continuait simplement d’affirmer ce que l’Eglise a toujours enseigné.
« Fidélité au
Christ » ? On peine à y croire.
Cette nouvelle
« écoute » de l’Eglise, réclamée par les évêques de Suisse, et
d’Allemagne est revendiquée à l’heure où les laïcs de ces pays ont répondu
massivement aux questionnaires dressés dans la foulée des Lineamenta du synode en réclamant une adaptation de l’enseignement
de l’Eglise à la réalité du monde sécularisé.
Edward Pentin rapporte que le
cardinal Reinhard Marx est sorti de la réunion en insistant sur le fait qu’elle
n’était pas « secrète », mais pressé de questions sur le manque de
publicité qui lui avait été donnée, il s’est irrité, affirmant qu’il était là
de manière « privée » et qu’il avait tous les droits de s’y rendre
comme il voulait.
Personne ne se trompe en tout cas
sur les grands objectifs de la rencontre, discrète ou pas, puisque le cardinal
Marx ne cache pas sa volonté de voir modifier l’approche de l’Eglise vis-à-vis
des homosexuels : dimanche dernier, jour de la Pentecôte, son homélie
appelait à une « culture de l’accueil » de la part de l’Eglise à
l’égard des homosexuels : « Ce ne sont pas les différences qui
comptent, mais ce qui nous unit. »
Parmi les participants, Edward
Pentin évoque la présence du chef de la conférence épiscopale suisse, Mgr
Büchel de Sankt-Gallen qui préconise l’ordination des femmes. Mgr Pontier,
également présent, ne brille pas par la rigueur de ses déclarations. Le Père
jésuite Hans Langendörfer, secrétaire général de la conférence épiscopale
d’Allemagne, a été la cheville ouvrière de lois du travail allemandes qui
permettent aux divorcés remariés et aux couples homosexuels de travailler au
sein d’institutions catholiques.
Une mention spéciale pour le P.
Eberhard Schockendorff, théologien moral : les catholiques allemands de
tournure plus traditionnelle y voient le « cerveau » des attaques
contre l’enseignement certain de l’Eglise au sein de l’épiscopat allemand. Il
est connu comme critique de Humanae vitae
et comme soutien du clergé homosexuel, ainsi que de tous ceux qui demandent une
modification de l’éthique sexuelle. Dès 2010, il donnait une interview où il
rendait hommage à la permanence et à la solidarité que l’on constate au sein de
certaines unions homosexuelles, d’une réelle « valeur éthique »,
disait-il. Toute évaluation des actes homosexuels « doit être reléguée au
siège arrière » parce que les fidèles se distancient toujours davantage de
la « morale sexuelle catholique » qui leur paraît « irréaliste
et hostile », disait-il. Le pape et les évêques « doivent prendre cela
au sérieux et ne pas rejeter ces idées comme laxistes », disait-il. Sans
surprise, il propose de « libérer » la théologie morale de la « loi
naturelle » et que la conscience doit s’appuyer sur « l’expérience de
vie des fidèles ».
Il est partisan de l’accès des
divorcés remariés à la communion au motif que cela « ne remet pas
sérieusement en cause l’indissolubilité du mariage », ce qui est le signe
soit d’un ramollissement cérébral soit d’une totale absence de foi en la
présence réelle de Notre Seigneur dans l’Eucharistie…
Edward Pentin cite encore parmi
les présents Marco Impagliazzo, président de la communauté laïque Sant’Egidio,
le père jésuite Andreas Battlogg, professeur de philosophie et de théologie, rédacteur
en chef du journal de gauche Zimmen der
Zeit, et le salésien Mgr Markus Graulich, auditeur prélat de la Rote
romaine, l’un des rares représentants officiels de la Curie à prendre part à ce
qu’il faut bien appeler cet exercice subversif.
On voit bien où tendait la
rencontre, quels étaient ses objectifs, quelle est sa stratégie de présence
médiatique. Pourquoi le demi-secret ? C’est Jean-Marie Guénois du Figaro qui a le premier annoncé le
rendez-vous : ce « fuitage »
a-t-il été délibérément organisé ou l’affaire a-t-elle échappé des mains des
organisateurs ?
Ils peuvent se vanter en tout cas
d’avoir remis au centre de la discussion des questions qui sont closes depuis
longtemps. Qui se lèvera pour résister ?
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1 commentaire:
Si, comme vous l’écrivez,
l'Objectif : faire basculer le synode vers l’acceptation des unions homosexuelles
ce serait plus qu'une fracture dans l’église du Christ, il y aurait un océan entre Rome et Écône.
Comment la FSSPX pourrait-elle accepter la reconnaissance de cette déviance sexuelle ?
Une « innovation pastorale » ? Comment peut-on voir dans une telle reconnaissance une innovation ? Comment des ecclésiastiques peuvent-ils penser que ce sera une innovation ? Ont-ils un intérêt dans cette affaire ? (je sais je pousse un peu)
Et ils ont fait cette réunion dans l’université Grégorienne ! Mdr !
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