18 août, 2014

Polémique autour de l'avortement refusé en Irlande

On assiste en Irlande à une nouvelle campagne médiatique autour de la loi sur l'avortement, déclenchée par l'affaire que j'avais évoquée ici. La grande presse avait commencé très fort en titrant sur « une femme forcée de donner naissance par césarienne après s'être vu refuser un avortement ». Si les services de santé avaient bien obtenu par voie judiciaire qu'elle mette fin à une grève de la faim, c'est avec son accord que la césarienne a été pratiquée, à près de 25 semaines de grossesse.
La naissance de ce tout-petit a provoqué une salve d'articles expliquant que la jeune femme n'avait pas obtenu ses droits aux termes de la nouvelle loi qui dépénalise l'avortement en cas de risque pour la vie de la femme, y compris le risque de suicide. Et déjà, des voix s'élèvent pour dire la loi mal ficelée, défectueuse, insuffisante, et certains réclament un changement de la Constitution irlandaise. Parce que la vie d'un enfant a été sauvée…

La jeune femme en question, affirme la presse maintenant que certains éléments ont filtré, est « très vulnérable », immigrée – et vraisemblablement immigrée clandestine, puisqu'on nous explique qu'elle ne pouvait en raison de son statut faire un voyage vers l'étranger pour y obtenir l'avortement qu'elle avait demandé dès 8 semaines de grossesse au motif qu'elle avait des pensées suicidaires. On ajoute qu'elle avait été « violée » : une circonstance qui peut aider à établir la réalité de ses pensées suicidaires.

L'« avantage » de ce motif est qu'il ne repose sur aucune donnée objective, contrairement aux problèmes de santé physique. Son invocation à ce stade précoce laisse imaginer que la jeune femme a dû recevoir quelque conseil en ce sens de la part de partisans de l'avortement.

C'est à la suite de ce premier refus que la jeune femme a menacé d'entamer une grève de la faim. Puis elle a de nouveau invoqué son état suicidaire pour tenter d'obtenir l'avortement quand même, passant devant la commission réglementaire de deux psychiatres et un obstétricien pour obtenir leur accord. C'est l'obstétricien qui s'est opposé à la procédure. La réaction des médias est tout ce qu'il y a de plus prévisible : voilà la loi dénoncée pour avoir associé un non-psychiatre, et qui plus est un médecin dont le travail est de mettre les enfants au monde, aux spécialistes seuls capables d'évaluer l'état mental d'une femme. Le dernier rapport de l'agence des droits de l'homme de l'ONU sur l'Irlande a déjà dénoncé la loi actuelle au motif que l'obligation faite aux femmes invoquant leur état suicidaire de passer devant un panel d'experts – leur nombre peut monter jusqu'à sept – est une « torture mentale ».

Les « pro-choix » (comme ils se désignent eux-mêmes) ont exprimé ces critiques depuis l'adoption de la loi de 2013 sur la « protection de la vie durant la grossesse » qui a autorisé la suppression de la vie des enfants à naître dans les hôpitaux irlandais à la suite de pressions de l'Union européenne, de la Cour européenne des droits de l'homme et de l'ONU.

Le fait que la femme soit immigrée et maîtrise mal l'anglais, selon la presse, ajoute à la « gravité » du cas tel que le voient les partisans de l'avortement légal : ils accusent le système irlandais de ne pas donner pleinement accès à leurs droits aux femmes d'origine étrangère, pauvres ou membres des « communautés itinérantes ». 

On a décidément l'impression que le lobby de la mort prépare son dossier… De fait, les « Avocats pro-choix » d'Irlande avaient déjà saisi la Commission de l'ONU sur le statut des femmes du dossier de la loi, pointant ses « insuffisances ».

L'insuffisance dans ce cas, on l'aura compris, est démontrée par la naissance d'un bébé viable, qui a survécu et qui est désormais sous la tutelle de l'Etat.

Le tout nouvel évêque d'Elphin, Mgr Kevin Doran, a osé tenir un autre discours, affirmant dimanche soir que la décision de faire naître l'enfant par césarienne en s'appuyant sur la nouvelle loi d'avortement n'était véritablement « pas éthique ». Il a été mis au monde « de manière inopportune alors qu'aucune raison physique ne le justifiait », a-t-il déclaré à l'Irish Independent.

« Oter ainsi un enfant du sein de sa mère de cette façon n'était vraiment pas conforme à l'éthique et il n'y a aucune autre manière de le dire. C'était bien mieux, et de loin, de l'enlever du sein de sa mère pour le sauver plutôt que de l'avorter, mais cela n'est pas naturel », a-t-il ajouté, tout en saluant le fait que les « forces » entourant le panel d'experts poussent dans le sens de l'avortement. Du fait de sa grande prématurité, le bébé est exposé à des risques de problèmes de santé importants.

En face, on crée encore davantage de tension en assurant que la loi actuelle va aussi loin qu'elle peut aller, compte tenu de la Constitution irlandaise dont le 8e amendement, connu sous le nom d'article 40.3.3, donne des droits constitutionnels égaux à la mère et à son enfant à naître. Cet article est sous le feu de la critique du comité de l'ONU pour les droits de l'homme.

A la faveur du fait divers qui, pour une fois, n'aura pas fini dans la tragédie, le ministre irlandais pour l'Egalité et la Culture, Aodhan O Riordain, a déclaré qu'il était temps de réunir la Convention constitutionnelle afin d'envisager la tenue d'un nouveau référendum pour que « la position constitutionnelle sur l'avortement change ». Un référendum qui est également réclamé par de nombreux députés de gauche.

C'est déjà sous le prétexte d'un cas tragique – la mort d'une jeune femme, Savita Halappanavar, à la suite d'une septicémie lors d'une fausse couche – que l'Irlande a modifié sa loi pour autoriser l'avortement en certaines circonstances. L'exploitation, de manifestations en pressions internationales, avait été exemplaire de l'efficacité de l'agit-prop, alors même que le décès de la jeune mère était consécutif à des fautes de diagnostic et de soins et que l'Irlande peut s'enorgueillir d'un taux de mortalité maternelle parmi les plus bas au monde.

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