16 décembre, 2013
Hilary White a publié jeudi dernier sur LifeSite un article remarquable sur les causes de la dissolution de la famille aujourd'hui. Je vous en propose la traduction intégrale.
De quand date le début de la
révolution sexuelle ? Voilà une question à laquelle on aurait tendance à
vouloir répondre sans réfléchir. La plupart évoqueraient le début ou le milieu
des années 1960. La publication de ce bouquin par Germaine Greer,
ou bien l’invention et la commercialisation de la pilule, c’est ça ?
Mais si on leur
donnait le temps d’y penser un peu, la plupart rectifieraient sans doute leur
réponse en soulignant que les racines de la révolution sexuelle remontent sans
doute à plus loin. Peut-être aux temps où Germaine Greer et d’autres féministes
académiques développaient leurs idées à l’université, et où le Dr Pincus
travaillait sur son mémoire de sciences. Tout le monde où presque, cependant,
s’accorderait pour dire qu’au moment où Paul VI a publié sa célèbre
encyclique Humanae Vitae sur le
contrôle artificiel des naissances en 1968, personne n’avait levé ce lièvre
depuis bien longtemps et on avait même oublié qu’il y avait un problème.
Mais comment
les vannes se sont-elles ouvertes au départ ? Comment les mœurs sexuelles
de tout une civilisation ont-elles pu aussi radicalement modifiées en l’espace
d’une seule génération ? Y a-t-il eu un « proto-péché » qui a
tout déclenché ? Qu’est-ce qui a permis à ces choses de s’installer après
tout ces siècles où l’ensemble de la chrétienté, depuis la chute de l’Empire
romain, a établi sa vie quotidienne et les fondements de sa politique sur le
socle du mariage, de la procréation et de l’éducation des enfants ?
Même un bref
retour sur l’histoire montre que la frénésie de désordres sexuels tellement
caractéristiques de notre temps n’a pas commencé au XXe siècle, loin s’en faut.
Les premiers pas légaux à entamer la destruction que nous constatons aujourd’hui
consistent en l’assouplissement des lois sur le divorce au XIXe siècle.
Sans le bastion légal du mariage indissoluble, les arcboutants qui tiennent
tout en place en ce qui concerne la famille ont été détériorés un à un, avant
d’être totalement mis de côté. Et l’Eglise avait mis en garde contre cela
depuis un bon moment.
Le pape
Léon XIII, l’une des hautes figures de l’histoire catholique, a publié
l’encyclique Arcanum divinae sapientia (« Le
mystérieux dessein de la sagesse divine ») sur le mariage en 1880, la
quatrième d’une série impressionnante qui allait atteindre un total de 85. Les
papes ne choisissent pas les thèmes de leurs encycliques au hasard, et il
apparaît clairement, du seul fait de sa parution au début du pontificat, que
Léon XIII était gravement inquiet à propos de l’état du mariage, faisant
le lien entre ses qualités nourricières et protectrices avec la dignité
inhérente aux femmes.
Le paragraphe
29 peut peut-être nous donner une indication sur l’origine de la catastrophe
sociale que nous vivons aujourd’hui. Léon XIII a clairement assimilé la
protection de la famille avec celle des femmes comme celle des enfants – et aussi
celle de l’Etat. Il écrit : « Il est à peine besoin de dire tout ce
que le divorce renferme de conséquences funestes. »
La suite du
paragraphe m’a immédiatement fait penser aux mises en gardes qu’allait faire
près de 90 ans plus tard Paul VI à propos de la contraception
artificielle. Léon XIII affirme, sur le divorce :
« Il rend
les contrats de mariage révocables ; il amoindrit l'affection
mutuelle ; il fournit de dangereux stimulants à l'infidélité ; il
compromet la conservation et l'éducation des enfants ; il offre une
occasion de dissolution à la société familiale ; il sème des germes de
discorde entre les familles ; il dégrade et ravale la dignité de la femme,
qui court le danger d'être abandonnée après avoir servi aux passions de
l'homme.
« Or il
n'y a rien de plus puissant pour détruire les familles et briser la force des
Etats que la corruption des mœurs. Il n'y a donc rien de plus contraire à la
prospérité des familles et des Etats que le divorce. »
A considérer
les racines de la révolution sexuelle, on se retrouve en train de remonter un
chemin de petits cailloux semés à travers le temps. On admet généralement que
cette révolution a été déclenchée par un concours de facteurs, mais la plupart
estiment que le plus important d’entre eux aura été la contraception hormonale.
On admet généralement que la pilule a été inventée entre 1951 et 1957 par le Dr
Gregory Pincus, une connaissance de Margaret Sanger qui l’avait aidé à trouver
des financements pour sa recherche.
Margaret
Sanger, fondatrice de l’organisation qui allait faire le tour du monde sous le
nom du Planning Familial International (Planned Parenthood International) était
elle-même une raciste et eugéniste notoire : elle a commencé son œuvre en
1916 et n’a jamais dissimulé, dans ses écrits, le fait que cela faisait partie
de son programme eugénique (ses écrits devaient inspirer plus tard Hitler et le
programme eugénique allemand dont il fut à l’origine dès avant la Seconde
Guerre mondiale).
En remontant
plus loin encore, on s’aperçoit que la révolution sexuelle, en tant que
bouleversement social et moral qui allait aboutir à saper, puis à mettre en
miettes les bastions de la famille traditionnelle, faisait partie des
objectifs-clef exposés dans les écrits marxistes, et ce dès les travaux
d’Engels qui décrivit les maux de la « famille monogame ». Son livre
sur ce thème, L’origine de la famille, de
la propriété privée et de l’Etat, toujours disponible, toujours utilisé
dans les universités, a été imprimé en 1884.
Engels voyait
dans le mariage et dans la famille un instrument d’oppression, et ses écrits
laissent clairement voir les germes du féminisme moderne anti-famille. Que le
féminisme universitaire, une idéologie qui gouverne une grande partie du monde
occidental, soit un produit du marxisme n’est un secret pour personne – si l’on
fait exception des gens de la rue. Mais au même moment où Engels prétendait
écrire d’après l’expérience des siècles, l’Eglise tirait d’autres leçons du
passé.
Léon XIII
se tournait lui aussi vers le monde antique pour avertir de ce qui adviendrait,
particulièrement pour les femmes, si le monde chrétien devait régresser vers
les mœurs des Romains de l’Antiquité qui pouvaient quasiment divorcer sur un
coup de tête. Les nations, disait-il, « oublièrent plus ou moins la notion
et la véritable origine du mariage ». « La polygamie, la polyandrie,
le divorce furent cause que le lien nuptial se relâcha considérablement »,
avec pour résultat l’état « misérable » de la femme, « abaissée
à ce point d'humiliation qu'elle était en quelque sorte considérée comme un
simple instrument destiné à assouvir la passion ou à produire des enfants ».
L’Eglise,
poursuivait Léon XIII, avait restauré le mariage tel qu’il fut voulu à
l’origine par Dieu, et le défendait face aux empiètements de princes et d’Etats
avides de pouvoir. Mais au temps de Léon XIII, l’« ennemi juré du
genre humain », le diable, avait suscité « des hommes qui (…)
méprisent ou méconnaissent tout à fait la restauration opérée et la perfection
introduite dans le mariage ».
Il y eut des
hommes « en notre temps » pour « modifier de fond en comble la
nature du mariage ». De tels esprits, « imbus des opinions d'une
fausse philosophie et livrés à des habitudes corrompues, (…) ont avant tout
l'horreur de la soumission et de l'obéissance. Ils travaillent donc avec
acharnement à amener, non seulement les individus, mais encore les familles et
toute la société humaine, à mépriser orgueilleusement la souveraineté de Dieu. »
Etant donné nos
confrontations actuelles avec l’hypersécularisation, il est intéressant de
noter également que Léon XIII voyait dans les attaques contre le mariage
une manière d’affirmer l’autorité de l’Etat laïque, en dernière analyse, contre
celle de l’Eglise. Et même, il y a des passages où les mises en garde de
l’encyclique nous semblent avoir un air déprimant de déjà vu :
« Or, la
source et l'origine de la famille et de la société humaine tout entière se
trouvent dans le mariage. Ils ne peuvent donc souffrir en aucune façon qu'il
soit soumis à la juridiction de l'Eglise. Bien plus, ils s'efforcent de le
dépouiller de toute sainteté et de le faire entrer dans la petite sphère de ces
choses instituées par l'autorité humaine, régies et administrées par le droit
civil. En conséquence, ils attribuent aux chefs de l'Etat et refusent à
l'Eglise tout droit sur les mariages ; ils affirment qu'elle n'a exercé
autrefois un pouvoir de ce genre qua par concession des princes, ou par
usurpation. Ils ajoutent qu'il est temps désormais que les chefs d'Etat
revendiquent énergiquement leurs droits et se mettent à régler librement tout
ce qui concerne la matière du mariage. De là est venu ce qu'on appelle
vulgairement le mariage civil. »
Léon XIII
ne précise pas de quels Etats il est question, mais à son époque, la
Grande-Bretagne était déjà sous le régime du « Matrimonial Causes
Act » (loi des causes matrimoniales) de 1857 qui enlevait la compétence
des cas de divorce aux tribunaux ecclésiastiques pour les donner aux tribunaux
civils et qui avait fait du mariage une matière de droit contractuel, et non
plus une reconnaissance par l’Etat d’un sacrement fondé sur la religion. A
l’époque, il avait été contesté au Parlement par certains membres qui
craignaient d’y voir une usurpation des droits et de l’autorité de l’Eglise
d’Angleterre établie.
Avant
l’existence de cette loi, ceux qui voulaient obtenir le divorce devaient
prouver l’autre coupable d’adultère, et le divorce n’était accordé qu’en tant
qu’annulation ou d’un acte spécifique du Parlement. Après l’entrée en vigueur
de la loi de 1857, la loi allait être peu à peu amendée pour en arriver au
point où, en 1973, les habitants d’Angleterre et du Pays-de-Galles purent
divorcer pour cause d’adultère ou « comportement déraisonnable » qui
peut être constitué par à peu près n’importe quoi, depuis l’alcoolisme
chronique jusqu’au fait d’avoir des vies sociales séparées. Selon le Daily Mail, la Grande-Bretagne affichait
le plus important taux de divorce de l’Union européenne. Depuis lors, les
démographes ont noté un ralentissement des divorces, mais c’est surtout parce
que de moins en moins de gens prennent la peine de se marier au départ.
« Le
mariage, qui tend à la propagation du genre humain, a aussi pour objet de
rendre la vie des époux meilleure et plus heureuse », écrivait
Léon XIII en 1880. Et d’ajouter : « Les Etats peuvent attendre
de tels mariages une race et des générations de citoyens qui, animés de
sentiments honnêtes et élevés dans le respect et l'amour de Dieu, se
considéreront comme obligés d'obéir à ceux qui commandent justement et
légitimement, d'aimer leur prochain et de ne léser personne. »
Il y a deux
étés, des « jeunes » ont fait des émeutes partout en Grande-Bretagne,
vandalisant des magasins, brûlant des maisons et des bureaux dans quatre
grandes villes. L’incident, qui fit la une des médias du monde entier, a,
bizarrement, été presque complètement oublié. A l’époque, les médias britanniques
– fortement orientés à gauche – ont accusé le manque de services sociaux.
Mais un homme, travailleur social dans les zones sensibles des villes
britanniques, a carrément accusé la destruction de la famille. Les gamins qui
jetaient des poubelles à travers les vitrines des magasins n’avaient jamais
connu de père et avaient été élevés par l’Etat.
Il est
difficile d’imaginer une meilleure légende pour les photos des adolescents
rigolant et riant pendant qu’ils pillaient les magasins que la condamnation et
l’avertissement de Léon XIII à propos du divorce : « Il n'y a
rien de plus puissant pour détruire les familles et briser la force des Etats
que la corruption des mœurs. »
« Vraiment,
il est à peine besoin de dire tout ce que le divorce renferme de conséquences
funestes. »
Vraiment.
Hilary White
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1 commentaire:
C'est évidant qu'en détruisant la famille on détruit du même coup la société...
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