25 février, 2012

Exclusif : traduction française du discours de Benoît XVI à l'Académie pontificale pour la vie, 25 février 2012

Le Pape rappelle que la procréation artificielle n'est pas digne de l'homme.


Benoît XVI s'adressait tout à l'heure aux participants à l'assemblée annuelle de l'Académie pontificale pour la vie, dont le thème était : Diagnostic et thérapie de l'infertilité. Je vous propose ici en avant-première ma traduction de ce texte autant philosophique et spirituel que moral, et qui tombe à pic en France alors que l'on célèbre médiatiquement, avec une unanimité que rien ne vient troubler dans la presse « convenable », les 30 ans de la naissance du premier « bébé-éprouvette » français, Amandine, « obtention » du Pr René Frydman. Invité partout, celui-ci raconte son émerveillement devant la naissance de cet être humain « fabriqué » par lui dans un tube en verre – non sans lâcher que deux grossesses démarrées par lui de la même manière « n'avaient pu être menées à terme » (mais pourquoi ?, comment ?).

Benoît XVI rappelle rapidement le principe qu'il avait clairement exposé – en tant que cardinal Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi – dans Donum vitae : c'est l'acte conjugal qui est le « lieu » de la fécondation et de la procréation. Et il s'attarde surtout de manière plus générale et plus profonde sur la responsabilité des scientifiques qui se doivent de respecter le Vrai et le Bien en acceptant le « dialogue avec la foi ».

Voici l'essentiel de ce texte.
Le thème choisi par vous cette année, « diagnostic et thérapie de l’infertilité », outre qu’il a une grande importance humaine et sociale, possède une particulière valeur scientifique et exprime la possibilité concrète d’un dialogue fécond entre la dimension éthique et la recherche biomédicale. Face au problème de l’infertilité des couples, vous avez en effet choisi de rappeler et de prendre en compte avec attention la dimension morale, cherchant les voies d’une évaluation diagnostique correcte et d’une thérapie qui puisse corriger la cause de l’infertilité. Cette approche est motivée par le désir non seulement de donner un enfant au couple, mais de rendre aux époux leur fertilité et toute la dignité d’être responsables de leurs propres choix procréatifs, pour être collaborateurs de Dieu par la génération d’un nouvel être humain. La recherche d’un diagnostic et d’une thérapie représente l’approche scientifiquement la plus correcte des problèmes de l’infertilité, et aussi celle qui est la plus respectueuse de l’humanité intégrale des sujets concernés. En effet, l’union de l’homme et de la femme cette communauté de vie et d’amour qu’est le mariage constitue le seul « lieu » digne pour appeler à l’existence un nouvel être humain, qui est toujours un don. 
 C’est mon souhait, par conséquent, d’encourager l’honnêteté intellectuelle de votre travail, expression d’une science qui maintient en éveil son esprit de recherche de la vérité, au service du bien authentique de l’homme, et qui évite le risque d’être une pratique simplement utilitariste. La dignité humaine et chrétienne de la procréation, en effet, ne consiste pas en un « produit » mais en son lien avec l’acte conjugal, expression de l’amour des conjoints, de leur union non seulement biologique mais aussi spirituelle. 
 L’instruction Donum vitae nous rappelle, à ce propos, que « par sa structure intime, l’acte conjugal, unissant les époux par un  lien très profond, les rend aptes à la génération de nouvelles vies, selon les lois inscrites dans l’être même de l’homme et de la femme » (n°126). Les désirs légitimes de procréer du couple qui se trouve dans une situation d’infertilité doivent donc trouver, avec l’aide de la science, une réponse qui respecte pleinement leur dignité de personnes et d’époux. L’humilité et la précision avec laquelle vous approfondissez cette problématique, considérée par certains de vos collègues comme désuète par rapport à la fascination de la technologie de la fécondation artificielle, méritent encouragements et soutien. A l’occasion du dixième anniversaire de l’encyclique Fides et Ratio, je rappelais comment « le gain facile ou, pire encore, l’arrogance de vouloir se substituer au Créateur jouent, parfois, un rôle déterminant. C’est là une forme d’hybris de la raison, qui peut revêtir des caractéristiques dangereuses pour l’humanité elle-même » (Discours aux participants du congrès international de l’université pontificale du Latran, 18 octobre 2008). En effet, le scientisme et la logique du profit semblent aujourd’hui dominer le champ de l’infertilité et de la procréation humaine, ce conduisant même à limiter bien d’autres aires de recherche. 
 L’Eglise prête une grande attention aux souffrances des couples infertiles, elle s’en préoccupe et, précisément à cause de cela, encourage la recherche médicale. La science n’est pas à l’heure actuelle en mesure de répondre aux désirs de tant de couples… J’aimerais donc rappeler aux époux qui vivent une situation d’infertilité, que ce n’est pas pour autant que leur vocation matrimoniale est frustrée. Les époux, par leur vocation baptismale et matrimoniale, sont toujours appelés à coopérer avec Dieu dans la création d’une humanité nouvelle. La vocation à l’amour est en effet une vocation au don de soi et c’est là une possibilité qu’aucune condition organique ne peut empêcher. Là, donc, où la science ne trouve pas de réponse, la réponse qui donne la lumière vient du Christ. 
 Je voudrais vous encourager tous, vous qui vous êtes réunis pour ces journées d’étude et qui parfois travaillez dans un contexte médico-scientifique où la dimension de la vérité est occultée : continuez sur ce chemin où vous vous êtes engagés, d’une science intellectuellement honnête et habitée par la recherche continuelle du bien de l’homme. Dans votre parcours intellectuel, ne laissez pas de côté le dialogue avec la foi. Je vous répète cet appel expresse et pressant de l’encyclique Deus caritas est : « Pour pouvoir agir de manière droite, la raison doit constamment être purifiée, car son aveuglement éthique, découlant de la tentation de l’intérêt et du pouvoir qui l’éblouissent, est un danger qu’on ne peut jamais totalement éliminer. (…) La foi permet à la raison de mieux accomplir sa tâche et de mieux voir ce qui lui est propre » (n° 28). D’ailleurs la matrice culturelle elle-même créée par le christianisme – qui s’enracine dans l’affirmation de l’existence de la Vérité et de l’intelligibilité du réel à la lumière de la Vérité Suprême – a rendu possible dans l’Europe du Moyen-Age le développement du savoir scientifique moderne, un savoir qui dans les cultures précédentes n’existait qu’en germe. 
 Eminents scientifiques, vous tous membres de l’Académie soucieux de promouvoir la vie et la dignité de la personne humaine, ayez toujours présent à l’esprit le rôle que vous jouez dans la société et l’influence que vous avez sur la formation de l’opinion publique. Mon prédécesseur, le bienheureux Jean-Paul II rappelait que les scientifiques, « précisément parce qu’ils savent davantage, sont appelés à servir davantage » (Discours à l’Académie pontificale des sciences, 11 novembre 2002). Les gens ont confiance en vous, pensant que vous servez la vérité, ils ont confiance en votre engagement de soutenir celui qui a besoin de réconfort et d’espérance. Ne cédez plus à la tentation de vous occuper du bien de la personne en le réduisant à un simple problème technique ! L’indifférence de la conscience par rapport au vrai et au bien constitue une dangereuse menace pour un authentique progrès scientifique. 
 J’aimerais conclure en renouvelant le souhait formulé par le Concile Vatican II en s’adressant aux penseurs et aux scientifiques : « Heureux sont ceux qui, possédant la vérité, continuent de chercher, pour la renouveler, pour l’approfondir, pour la donner aux autres » (Message aux hommes de la pensée et de la science, 8 décembre 1965).
Benoît XVI, 25 février 2012

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© leblogdejeannesmits pour la traduction.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bravo à Jeanne Smits qui a souvent une longueur d'avance pour traduire des documents inédits.
Ce qui serait formidable c'est d'avoir certaines délibérations de ce colloque, en particulier sur l'analyse des cause d'infertilité sur un plan épidémiologique: mariage tardifs, stress professionnels, contraception prolongée depuis l'adolescence, avortements précédents, etc...
Bravo encore...

 
[]