22 janvier, 2022

Mgr Arthur Roche dénonce l’« individualisme » et le « relativisme » des fidèles de la messe traditionnelle

Mgr Arthur Roche, l’archevêque anglais nommé l’an dernier par le pape François à la tête de la Congrégation pour le Culte divin, vient d’ajouter un peu plus d’huile sur le feu des guerres liturgiques qu’il contribue à entretenir depuis son entrée en fonction. Dans un entretien accordé à Catholic News Service – l’agence de presse de la conférence des évêques des Etats-Unis – l’auteur des méchantes Responsa au sujet des questions posées par « des évêques » sur la mise en œuvre de Traditionis custodes accuse les fidèles de la liturgie traditionnelle de l’Eglise d’« individualisme » et de « relativisme ». C’est clair, il ne veut voir qu’une seule tête. Au passage, il accrédite l’idée selon laquelle la lex credendi de l’Eglise catholique a bel et bien été modifiée par la liturgie « post-conciliaire » ; s’il n’y avait pas de différence à cet égard entre la messe « de saint Pie V » et le Novus ordo, pourquoi faire un tel foin ?

En outre, il ose prétendre que la majorité des évêques soutiennent pleinement Traditionis custodes – ce qui est démenti ne serait-ce que par le fait qu’un grand nombre d’entre eux ne l’ont pas pleinement mis en œuvre à ce jour dans toute sa brutalité. A ce sujet je vous invite d’ailleurs à lire, ou à relire, « La face cachée de l’histoire de Traditionis custodes », où Diane Montagna relève quelques-unes des manipulations qui ont servi à démanteler l’œuvre du pape Benoît XVI en faveur du rétablissement du droit de cité de la messe traditionnelle.

Catholic News Service n’a pas publié une retranscription complète de son interview avec Mgr Roche, se contentant de rapporter certain de ses propos. Comme celui-ci, à propos des « passions » qui seraient à l’œuvre dans la tourmente actuelle :

« L’Eucharistie est au cœur de ce que nous sommes en tant que catholiques ; c'est la chose à laquelle nous apportons tout ce qui est en nous et dans laquelle nous puisons tout ce qui nous soutient et nous aide à rendre témoignage au Christ dans le monde dans lequel nous vivons », a-t-il déclaré le 21 janvier lors d'une interview dans son bureau, selon CNS.

La messe reflète également ce que l'Église est et croit, a-t-il ajouté, de sorte que le rite utilisé ne se réduit pas à une question de préférence ou de sensibilité personnelle, rapporte CNS en style indirect.

Et voici donc ses accusations à l’égard de ceux qui préfèrent le rite traditionnel, présentés en quelque sorte comme refusant de faire partie du Corps du Christ :

« Je pense que l'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui est que nous vivons dans un monde très individualiste, un monde très relativiste, où la préférence individuelle se place au-dessus du bien commun et de l’expression commune. Je pense que c’est une chose très dangereuse, et c’est une chose qu’en tant que chrétiens, nous devons vraiment prendre très au sérieux. »

Un peu comme les récalcitrants face au vaccin COVID, voilà les fidèles du rite traditionnel accusés de ne pas jouer le jeu communautaire, ce qui justifie évidemment aux yeux de Roche de les considérer comme des catholiques de seconde zone. Ils sont dangereux. Contaminants, peut-être ? Contagieux ?

Quoi qu’il en soit, l’affirmation ne manque pas de sel, puisque justement dans le rite traditionnel le prêtre s’efface devant le Christ et son sacrifice, tandis que dans le nouveau rite, il est beaucoup plus visible, imprimant sa marque individuelle sur la liturgie, y compris à l’occasion au moyen d’une insupportable « créativité »…

Mgr Roche a fait référence au cours de sa conversation avec CNS aux Actes des Apôtres (2:42), qui décrivent ce que signifie pour les chrétiens l’appartenance à l’Eglise : « Ils persévéraient dans la doctrine des Apôtres, dans la communion de la fraction du pain, et dans les prières. »

Il a souligné que ces quatre éléments impliquent de reconnaître l'autorité dont jouissent les évêques en communion avec le pape pour gouverner l’Eglise, de construire l’unité au sein de l’Eglise, de célébrer l’Eucharistie ensemble et de prier les uns à côté des autres. Ces quatre éléments vont ensemble, a-t-il dit, assurant qu’ils contredisent « ce qui est relativiste, ce qui est individualiste au sein de nos communautés aujourd'hui ».

Voilà donc la volonté de prier comme l’Eglise l’a fait depuis des siècles taxée d’individualisme, alors que les changements majeurs apportés par l’aggiornamento liturgique avec ses célébrations diverses et même disparates d’un pays à l’autre, voire d’un prêtre à l’autre seraient marqués du sceau du respect de la tradition apostolique.

Sans doute Mgr Roche a-t-il raison de dire, de manière finalement très traditionnelle – à ceci près qu’il évoque une messe profondément remaniée, soigneusement modifiée en un temps record par la volonté de quelques-uns dont les nouveautés, à ses yeux, doivent s’imposer sans partage au point de gommer la messe latine d’antan :

« Ce n’est pas la messe du pape, ce n’est pas ma messe, ce n’est pas votre messe. C’est la messe de l’Eglise. C’est la manière dont l’Eglise a décidé que nous nous exprimons en tant que communauté dans le cadre du culte, et la manière dont nous nous imprégnons des livres de la liturgie de la doctrine de l’Eglise. »

CNS affirme que selon Roche, les différences entre les messes avant et après Vatican II ne se limitent pas à l'utilisation du latin, du chant, du silence et de la direction vers laquelle le prêtre est tourné. Je cite encore CNS : « La promotion de la liturgie d’avant Vatican II comme étant en quelque sorte plus sainte ou plus priante que la liturgie actuelle “n’est pas fondamentalement un problème liturgique, c’est un problème ecclésial”, a déclaré l'archevêque. La messe actuelle, avec une sélection plus riche de prières et de lectures de l'Écriture, reflète et renforce la compréhension que l'Église a d’elle-même en tant que peuple de Dieu. »

Cette compréhension, ne l’avait-elle pas avant le concile Vatican II ? Tel semble bien être l’avis de Mgr Roche, qui a encore déclaré :

« Ce qui nous a été donné par le concile, qui a classé et concrétisé l’enseignement de l’Église sur elle-même et sa compréhension du rôle des baptisés et de l’importance de l'Eucharistie et de la vie sacramentelle de l’Église, n’est pas sans importance pour l’avenir de l’Église. »

Selon CNS, il a également déclaré que les évêques réunis lors du Concile Vatican II, sous l’inspiration de l’Esprit Saint, ont dit : « C’est la direction dans laquelle nous avançons. » L'important dans l'Eglise étant sans doute « d’avancer », pour entrer dans les fameux « processus » du pape François… « Traditionis Custodes est vraiment un appel à prendre très, très au sérieux l’unité de l'Église, notre être ensemble pour la célébration de la fraction du pain et la prière », a insisté Mgr Roche.

Avec le nouvel Ordo, a-t-on vraiment atteint ine conscience plus profonde de l’Eucharistie et de la vie sacramentelle ? Bien sûr ! Les églises sont pleines, la pratique religieuse est au sommet, les confessionnaux ne se sont pas vidés, les jeunes se marient avant de vivre ensemble, les familles ont le souci de baptiser leurs tout-petits, les jeunes connaissent la doctrine de leur foi, les vocations sacerdotales fleurissent, et le pape François n’a pas bruyamment désapprouvé les prêtres qui avaient osé organiser l’accès aux sacrements pendant les confinements COVID !

Quant à la fracture, à la division que met en place Traditionis custodes là où Summorum pontificum œuvrait à la paix à l’intérieure de l’Eglise, Mgr Roche la nie, accusant les seuls fidèles de la messe qui a sanctifié tant de générations de rupture et de désunion.

Balayant « beaucoup de fanfaronnades sur les blogs », Mgr Roche s’est dit convaincu que la majorité des évêques de rite latin et la majorité des catholiques de rite latin dans le monde comprennent l’importance de prier et de célébrer l’Eucharistie avec la même messe. Il affirme même selon CNS que grâce à ses contacts réguliers avec les évêques et les conférences épiscopales, il sait que la plupart des évêques ont « accueilli à bras ouverts le rappel du pape au concile et à l’unité de l'Église et qu’ils sont très favorables à ce que dit le Saint-Père ».

« Évidemment, les gens ont des préférences, a déclaré l'archevêque. Mais les catholiques doivent examiner plus profondément ce qu'ils expriment lorsqu'ils manifestent ces préférences. “Lorsque les gens disent : ‘Eh bien, je vais à la messe du Père Untel’, eh bien le Père Untel n’est que l’agent. C’est le Christ qui est actif dans la messe, c’est le prêtre qui agit in persona Christi – la personne du Christ, le chef de l’Eglise » a-t-il dit.

Mais s’il croit cela est vrai, pourquoi justifier de l’avoir mis tellement au second plan derrière le célébrant ? Pourquoi applaudir parce qu’on a largement gommé la sacralité de la messe et son caractère sacrificiel ? 

Cela semble décidément un système : déployer habilement, en les dénaturant, les arguments de ceux qui veulent simplement sauvegarder le trésor de la liturgie traditionnelle qui plaît à Dieu, et qui les nourrit spirituellement comme elle a nourri d’innombrables générations de chrétiens. Ainsi Mgr Roche déclare :

« Lorsque nous allons à la messe, même si la musique n’est pas celle que nous choisirions personnellement – et encore une fois, c’est l’individualisme qui entre ici en jeu – nous devons nous rendre compte du fait que nous nous tenons aux côtés du Christ sur sa croix, qui redonne tout au Père à travers cette Eucharistie. »

J’aimerais savoir comment on peut dire de telles choses sans rire en pensant aux « messes guitare », aux « messes chansonnettes », au « messes des jeunes » et aux « messes des vieux » (pardon, ce n’est pas gentil de désigner ainsi les messes du dimanche dans les campagnes déchristianisées où l’on ne voit que quelques têtes blanches)…

Mais Roche s’obstine :

« La messe rend présent tout ce que le Christ a fait pour notre salut ; pas simplement pour, vous savez, le salut de Jim ou de Mary, mais pour notre salut. Nous sommes l’Église. Nous ne sommes pas des individus. Nous appartenons à un corps qui se définit par les enseignements du Christ que nous avons reçus dans la fidélité, et que nous devrions, dans la fidélité, également mettre en œuvre afin de créer cette unité et de créer cette harmonie. »

C’est donc ça. Le salut collectif. Le collectivisme de la Rédemption. C’est en tout cas au nom de cette fusion dans la masse que l’actuel préfet de la Congrégation pour le culte divin désigne les fidèles de la messe traditionnelle par laquelle ils espèrent que leur âme personnelle sera sauvée comme des infidèles.


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