La face cachée de l'histoire de “Traditionis custodes”
Je vous propose ci-dessous ma traduction intégrale d’une conférence donnée la semaine dernière par ma consœur Diane Montagna, journaliste américaine à Rome très bien informée, sur la genèse de Traditionis custodes. Elle est d’une lecture passionnante, montrant quel a été le rôle de certains cardinaux (Parolin, Ouellet, Versaldi, Stella notamment…) pour orienter les décisions du pape François contre le maintien de Summorum pontificum et contre la messe traditionnelle elle-même.
La face cachée de l’histoire de Traditionis Custodes
« Conformément à l’initiative de mon vénéré prédécesseur Benoît XVI d’inviter les évêques à évaluer l’application du Motu proprio Summorum Pontificum trois ans après sa publication, la Congrégation pour la doctrine de la foi a procédé à une consultation détaillée des évêques en 2020. Les résultats ont été soigneusement examinés à la lumière de l’expérience qui a mûri au cours de ces années. »
« Après avoir pris en considération les souhaits exprimés par l’épiscopat et après avoir entendu l’avis de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, je désire maintenant, avec cette Lettre apostolique, pousser toujours plus loin la recherche constante de la communion ecclésiale. Par conséquent, j’ai jugé opportun d’établir ce qui suit : »
« J’ai chargé la Congrégation pour la Doctrine de la Foi de faire circuler un questionnaire aux évêques concernant la mise en œuvre du Motu proprio Summorum Pontificum. Les réponses révèlent une situation qui me préoccupe et m’attriste et me persuade de la nécessité d’intervenir. Malheureusement, l’objectif pastoral de mes Prédécesseurs, qui avaient voulu “faire tout ce qui était possible pour que tous ceux qui avaient vraiment le désir de l’unité trouvent la possibilité de rester dans cette unité ou de la redécouvrir”, a souvent été gravement négligé. L’occasion offerte par saint Jean-Paul II et, avec encore plus de magnanimité, par Benoît XVI, destinée à retrouver l’unité d’un corps ecclésial aux sensibilités liturgiques diverses, a été exploitée pour élargir les fossés, renforcer les divergences et encourager les désaccords qui blessent l’Église, bloquent son chemin et l’exposent au péril de la division. »
« Pour défendre l’unité du Corps du Christ, je suis contraint de révoquer la faculté accordée par mes prédécesseurs. L’usage déformé qui a été fait de cette faculté est contraire aux intentions qui ont conduit à accorder la liberté de célébrer la messe avec le Missale Romanum de 1962. »
« En réponse à vos demandes, je prends la ferme décision d’abroger toutes les normes, instructions, permissions et coutumes qui précèdent le présent Motu proprio, et je déclare que les livres liturgiques promulgués par les saints Pontifes Paul VI et Jean-Paul II, conformément aux décrets du Concile Vatican II, constituent la seule expression [unica] de la lex orandi du Rite romain. »
• Dans un sens négatif, [la FE] peut favoriser un sentiment de supériorité parmi les fidèles, mais depuis que ce rite est plus largement utilisé, ce sentiment a diminué (Un évêque d’Angleterre, réponse à la question 3).• Je ne vois pas d’aspects négatifs à l’utilisation de la FE en tant que telle. S’il y a des aspects négatifs, ils sont dus à l’attitude négative de ceux qui ont des opinions tranchées dans un sens ou dans l’autre à l’égard de cette forme de célébration. Lorsque c’est l’idéologie, et non le bien pastoral de l’Eglise, qui guide le discernement sur l’usage de la FE, alors viennent les conflits et les divisions. Je le répète : c’est quelque chose d’extrinsèque à l’usage de la Messe elle-même (Un évêque des Etats-Unis, réponse à la question 3).• Il peut y avoir une tendance parmi certains fidèles à voir cela [la FE] comme la seule « vraie » Messe, mais je pense que cela vient du fait que ces personnes ont été considérées comme « bizarres » ou marginalisées. Si vous essayez de la « régulariser » autant que possible, alors ces personnes se sentent prises en charge et guidées pastoralement, et elles peuvent être très fidèles et loyales (un évêque d’Angleterre, réponse à la question 3).
• Les aspects [de la FE] en eux-mêmes ne sont que positifs : c’est un grand cadeau pour tous de pouvoir connaître et assister à la célébration dans la forme extraordinaire. Les aspects négatifs ne sont présents que dans la mesure où ces célébrations sont célébrées et/ou suivies par des personnes déséquilibrées ou idéologisées (Un évêque d’Italie, réponse à la question 3).• La division et la discorde ne proviennent pas de l’utilisation de la FE, mais de la perception qu’ont les gens de ceux qui y participent. On attribue aux gens des motivations et des tendances qui ne sont pas du tout avérées (un évêque des États-Unis, réponse à la question 3).
• Parfois, la forme a été appliquée non pas pour le bien des âmes, mais pour satisfaire les goûts personnels du prêtre (un évêque d’Italie, réponse à la question 4).
• L’offre actuelle de messes et de célébrations dans la FE répond aux besoins pastoraux des fidèles. Les conflits initiaux concernant l’établissement de messes dans la FE ont été résolus pacifiquement au cours des dernières années (Rapport conjoint de la Conférence épiscopale allemande, réponse à la question 1).• La FE offre aux fidèles un contexte pour croître en sainteté à travers une célébration eucharistique qui approfondit leur communion avec le Christ et avec les autres d’une manière qui correspond à leur sensibilité. On peut faire une déclaration similaire à propos d’autres personnes qui grandissent spirituellement et ecclésialement à travers des formes de célébration plus contemporaines (Un évêque des Etats-Unis, réponse à la question 3).• L’attrait exercé par la FE est autant une réaction à une célébration peu satisfaisante de la FO qu’un désir spécifique d’une liturgie latine (un évêque des Etats-Unis, réponse à la question 9).
• Ce mouvement attire de nombreuses jeunes familles qui sont à l’aise avec cette liturgie et avec les activités qui sont proposées autour d’elle. Je pense qu’une telle diversité est bonne dans l’Eglise, et que le nombre décroissant de pratiquants ne doit pas générer à tout prix une uniformité des propositions. Cette forme liturgique est nourrissante pour beaucoup. Il y a un sens du sacré qui plaît et qui oriente vers Dieu (Un évêque de France, réponse à la question 3).• Nous avons observé que ces familles participent à de nombreux événements diocésains destinés aux jeunes et aux vocations dans une proportion bien plus importante que tout autre groupe (un évêque des Etats-Unis, réponse à la question 9).• Les messes FE dans notre diocèse attirent bien des familles dévouées. Alors que certains parents font l’école à la maison, d’autres inscrivent leurs enfants dans les écoles catholiques locales. Ces familles adhèrent à de nombreux principes promus par Vatican II, notamment la nécessité de cultiver l’Église domestique et l’appel universel à la sainteté (Un évêque des États-Unis, réponse à la question 3).• Un nombre significatif de jeunes fervents se sentent nourris – pas exclusivement – par la FE. La présence paisible de la FE permet à certains jeunes (typiques, au demeurant, de leur génération) qui ressentent un appel au sacerdoce de faire confiance au diocèse (Un évêque de France, réponse à la question 8).
• La FE, sous la direction prudente de l’Ordinaire, a permis à davantage de catholiques de pouvoir prier selon leur désir, et a dissipé les conflits du passé. Sa présence tranquille ne devrait pas être perturbée (un évêque d’Angleterre, réponse à la question 9).• L’aspect le plus positif de l’utilisation de la FE est qu’il n’y a plus de « clan » revendiquant la « vraie Messe ». Le mystère eucharistique a été libéré d’une scission idéologique très dommageable. Cela a été tout à l’avantage de la perception de l’unité de l’Église réalisée autour de l’Eucharistie (Un évêque de France, réponse à la question 3).• Je verrais comme un avantage pour l’ensemble de l’Église que le Saint-Siège continue à soutenir les catholiques fidèles qui sont attachés à la FE du Rite romain. Même de manière générale, favoriser les vraies différences de pensée et d’expression est un bénéfice pour l’Église universelle. Avoir une section qui lui est consacrée dans la CDF est utile, lorsque des développements ou des clarifications liturgiques sont nécessaires. En accord avec les normes universelles, notre Archidiocèse a également entrepris d’établir un dialogue avec les dirigeants locaux et nationaux de la FSSPX. Je crois que cette démarche positive a été facilitée par l’existence de Summorum Pontificum et des communautés que ce Motu proprio a favorisées (Un évêque des Etats-Unis, réponse à la question 9).• Je crois que beaucoup de ceux qui s’étaient sentis séparés de l’Église et avaient rejoint des communautés extra-ecclésiales se sont sentis accueillis de nouveau dans la structure de l’Église grâce à Summorum Pontificum (un évêque des États-Unis, réponse à la question 3).
• J’ai moi-même célébré des ordinations presbytérales dans la FE alors que ce n’était pas ma forme habituelle, et j’ai pu en apprécier la richesse, la beauté et la profondeur liturgique (un évêque de France, réponse à la question 3).• Il ne serait pas difficile de dire que s’ils étaient interrogés, près de 100% de ceux qui fréquentent la FE croient en la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie, alors que des chiffres radicalement inférieurs ont été montrés pour les catholiques qui vont principalement à l’OF (un évêque des États-Unis, réponse à la question 3).
• Bien que la FE ne soit pas largement suivie, elle influence l’OF dans un sens très sain, que je résumerais comme étant celui d’"une plus grande dévotion [révérence]" (un évêque des États-Unis, réponse à la question 9).• La FO et la FE représentent deux conceptions différentes de l’Eucharistie, de l’ecclésiologie, du sacerdoce baptismal et du sacrement de l’Ordre (pour ne mentionner que les différences théologiques les plus évidentes). Tenter d’adopter des éléments de la FE ne ferait qu’envoyer des signaux incohérents aux fidèles (Un évêque du Japon, réponse à la question 5).• Deux curés de paroisse qui avaient appris la FE ont ensuite introduit la célébration ad orientem pour certaines ou toutes leurs messes, ce qui a été bien accueilli par leurs fidèles, bien catéchisés au préalable. En outre, pour certains de nos prêtres, il y a eu un plus grand soin de l’hostie consacrée, à la fois par la réintroduction et l’utilisation habituelle du plateau de communion et par un plus grand soin du prêtre lui-même à l’autel (Un évêque des Caraïbes, réponse à la question 5).
• La pratique [du MPSP] telle qu’elle a été mise en œuvre jusqu’à présent a fait ses preuves, et pour des raisons pastorales, elle ne devrait pas être modifiée (Rapport conjoint de la Conférence épiscopale allemande, réponse à la question 9).• Je crains que sans la FE, de nombreuses âmes quitteraient l’Eglise (Un évêque des Etats-Unis, réponse à la question 3).• Les mouvements ecclésiaux [tels que ceux liés à la FE] ont un grand potentiel pour renouveler l’Eglise (...). En même temps, les mouvements ecclésiaux peuvent aussi s’égarer et faire cavalier seul, créant presque une Église parallèle et tombant dans une attitude élitiste qui ne voit qu’eux comme « vrais catholiques ». Cela se produit lorsqu’ils sont laissés seuls. En d’autres termes, ils ne peuvent renouveler l’Église que si la hiérarchie s’implique avec eux, en leur permettant de se développer selon l’Esprit mais aussi en maintenant la communion avec l’Église. Lorsque les membres de ces mouvements se sentent contestés ou ignorés par leurs pasteurs, alors ils se retirent et deviennent rancuniers, mais lorsqu’ils sentent que leurs pasteurs sont parmi eux et les guident, alors ils deviennent un précieux moyen d’évangélisation (Un évêque des États-Unis, réponse à la question 9).• Je pense que c’est la meilleure approche à utiliser concernant l’utilisation de l’EF : l’école de Gamaliel : « Si cette activité est d’origine humaine, elle sera détruite, mais si elle vient de Dieu, vous ne pourrez pas les vaincre ; ne vous trouvez pas en train de lutter contre Dieu » (Actes 5:38-39) (idem).• Demander aux prêtres qui célèbrent dans la FE d’apprendre à célébrer dans la FO et de le faire dans de grands rassemblements autour de l’évêque, et aussi d’être capables de rendre service dans les paroisses (Un évêque de France, réponse à la question 9).• Je dois affirmer, en toute conscience, qu’une remise en question des choix effectués est plus nécessaire et urgente que jamais (Un évêque d’Italie, réponse à la question 9).• J’ai l’impression que toute intervention explicite pourrait causer plus de mal que de bien : si la ligne du Motu proprio est confirmée, les réactions perplexes du clergé trouveront une nouvelle intensité ; si la ligne du Motu proprio est refusée, les réactions de dissidence et de ressentiment des amoureux de l’ancien rite trouveront une nouvelle intensité (Un évêque italien, réponse à la question 9).• Je ne crois pas qu’il soit opportun de l’abroger ou de le limiter avec de nouvelles normes, afin de ne pas créer des oppositions et de nouveaux conflits, conduisant au sentiment d’un manque de respect pour les minorités et leurs sensibilités (Un évêque d’Italie, réponse à la question 9).
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