17 décembre, 2021

Saint-Pierre de Rome comme Notre-Dame de Paris ? François lance la Fondation Fratelli Tutti pour en faire un centre de promotion de ses idées globalistes

Le pape François a lancé mercredi la Fondation Fratelli Tutti, rattachée à la basilique Saint-Pierre de Rome, en signant un chirographe – un décret papal limité à la Curie romaine – qui établit officiellement cette nouvelle entité visant à encourager « la fraternité et le dialogue » parmi les pèlerins et les touristes visitant le Vatican.

Le document a été signé le 8 décembre, fête de l’Immaculée Conception, et communiqué une semaine plus tard à la Salle de presse du Vatican, en même temps que la nouvelle de la nomination de son président, le cardinal Mauro Gambetti, archiprêtre de la basilique, vicaire général pour l’État du Vatican et président de la Fabrique de Saint-Pierre. C’est en cette dernière qualité, à la tête de l’institution chargée de la conservation et de l’entretien de la basilique, qu’il a désormais les coudées franches pour l’animation culturelle et spirituelle de la basilique elle-même et de la place Saint-Pierre, dans l’« étreinte » de la colonnade du Bernin, selon l’expression reprise par le chirographe.

Il faut préciser que le cardinal Gambetti est l’initiateur de la nouvelle Fondation ; il a présenté son projet au monde en octobre dernier (voir la photo ci-dessus) le décrivant comme un « rêve » né à Assise avant même que Fratelli Tutti ne fût écrit, mais ajoutant que l’encyclique est « la vision à laquelle nous devons aspirer au niveau global ».

L’exemple de Notre-Dame de Paris vient immédiatement à l’esprit : le projet de rénovation de notre bien-aimée cathédrale prévoit la création d’un « parcours de découverte » pour les personnes de toutes religions, qui passera par des chapelles latérales consacrées aux cinq continents et aux messages de l’Ancien et du Nouveau Testament… pour aboutir à Laudato si’.  La rénovation de Notre-Dame prévoit l’installation de bancs avec des systèmes d’éclairage modernes, des éléments d’« art contemporain » et des projections de musique et de lumière dans les chapelles latérales, afin de « créer les conditions d’une expérience » susceptibles, paraît-il, de séduire les nombreux visiteurs non catholiques de la cathédrale.

La transformation de Notre-Dame cherche à rompre clairement avec la liturgie traditionnelle, comme l’a d’ailleurs indiqué son concepteur, le Père Gilles Drouin, fervent promoteur de Traditionis Custodes, dans des interviews qui rejettent la conception tridentine de l’aménagement des églises comme autant de « salles de spectacle », comme il dit, favorisant au contraire une « participation active » qui estompe les limites entre le prêtre et l’assistance.

Aucun détail pratique sur les changements ou les « animations » à venir n’a encore été donné en ce qui concerne Saint-Pierre, mais un parallèle peut certainement être établi avec le cardinal Gambetti, ce Franciscain de 52 ans doté du chapeau rouge l’an dernier par le pape François. Gambetti est l’homme qui a banni la messe traditionnelle de la nef et des chapelles latérales de Saint-Pierre, reléguant les prêtres et les groupes individuels dans la crypte et insistant pour que les messes dans cette basilique au cœur de la chrétienté soient en langue vernaculaire, de préférence en italien, et concélébrées.

Il est certainement tout désigné pour présider la nouvelle Fondation Fratelli Tutti sur la base de l’encyclique éponyme du pape François, qui a déjà porté des « fruits » telle la déclaration relativiste d’Abu Dhabi proclamant que la « diversité des religions » est une « sage volonté divine ».

La manière dont tout cela va se jouer dans et autour de la Basilique Saint-Pierre, où les catholiques vénèrent tout de même la tombe de saint Pierre, ce roc sur lequel l’Église a été bâtie, est déjà perceptible dans les quelques éléments des statuts de la Fondation qui ont été cités par les médias italiens. Les mots clefs sont « humanisme », « construction d’alliances sociales » et, bien sûr, « ponts », création d’« événements », de « parcours », d’« expériences » et d’« exercices spirituels », sans oublier la « promotion du dialogue avec les cultures et les autres religions sur la base des thèmes de la dernière encyclique du pape ».

Dans le communiqué publié mercredi par le Saint-Siège, le discours est encore plus révélateur : dix « objectifs » sont cités en détail et ils méritent certainement une mention complète. Voici ma traduction de la quasi-totalité de ce communiqué :

*

Les domaines de mission de la Fondation sont les suivants :

1. soutenir et concevoir des parcours d’art et de foi ;

2. investir dans la formation culturelle et spirituelle à travers des événements, des expériences, des parcours et des exercices spirituels ;

3. promouvoir le dialogue avec les cultures et les autres religions sur les thèmes des dernières encycliques du Souverain Pontife, afin de construire une « alliance sociale ».

Les buts de la Fondation sont repris à l’article 3 des statuts :

La Fondation a des buts de solidarité, de formation, de diffusion de l’art et en particulier de l’art sacré ; elle promeut la synodalité, la culture de la fraternité et le dialogue. A cette fin, la Fondation :

I. promeut une formation holistique, attentive aux niveaux spirituel et culturel, à la dimension communautaire et à l’engagement de servir dans le monde ;

II. encourage les touristes à vivre l’expérience du pèlerin à travers des itinéraires spirituels, culturels et artistiques dans la Basilique Saint-Pierre et dans les espaces mis à disposition pour la Fabrique de Saint-Pierre ;

III. organise des itinéraires, des événements et des expériences pour promouvoir la fraternité et l’amitié sociale entre les Églises, les différentes religions et entre les croyants et les non-croyants ;

IV. promeut la culture de la paix dans les différents domaines de la vie, de la dimension personnelle à la dimension sociale et politique ;

V. promeut de « nouvelles rencontres » nourries par le dialogue social, par le sens du pardon social, par la purification de la mémoire, par la promotion de la justice réparatrice comme alternative à la vengeance sociale ;

VI. nourrit les initiatives visant à favoriser le développement d’un humanisme fraternel, à travers la promotion des principes de liberté, d’égalité et de fraternité, conditions pour construire un « amour universel » qui reconnaît et protège la dignité des personnes ;

VII. encourage les projets pour le soin de la création, la protection des ressources environnementales, la solidarité internationale et la responsabilité sociale ;

VIII. promeut l’alliance sociale, l’entrepreneuriat responsable, l’investissement social, les formes humaines et durables de travail ; l’écologie intégrale, le développement durable, la transition écologique, la santé et la recherche scientifique et technologique, à la lumière des principes de la Doctrine sociale de l’Église ;

IX. soutient la communication responsable, la véracité des sources, la crédibilité et la fiabilité des personnes engagées dans la construction de ponts ;

X. assume, dans l’étreinte symbolique de la colonnade de la basilique Saint-Pierre, les personnes les plus faibles, l’étranger et le marginal, les frontières culturelles et sociales, pour relire les souffrances du monde et proposer des solutions à la lumière de l’Évangile et du Magistère pontifical.

Pour mener à bien ses activités, la Fondation sera présidée par le Cardinal Mauro Gambetti, par un Conseil d’administration de neuf membres, par un Auditeur unique et par un Secrétaire général. Les futurs organes directeurs de la Fondation seront : le Conseil Général composé de membres des Dicastères du Vatican auxquels se rapportent les thèmes de mission de la Fondation, et le Comité de Durabilité dans lequel sont représentés les bienfaiteurs de la Fondation.



Dieu, la Sainte Trinité, Notre Seigneur Jésus-Christ et sa Mère bien-aimée sont totalement absents de ce catalogue de « valeurs » politiquement correctes, parmi lesquelles les préoccupations écologistes et la « fraternité entre croyants et non-croyants » sont bien sûr au premier rang.

La mention « liberté, égalité et fraternité » dans l’objectif VI, présentées comme constituant la condition sine qua non du « respect de la dignité humaine » ainsi que le clin d’œil à « l’humanisme fraternel », ont des connotations maçonniques évidentes. Copie conforme de la devise de la République, Liberté, Égalité, Fraternité, ces mots renvoient à la Révolution française qui ne laissait « pas de liberté aux ennemis de la Liberté » et entendait par là le droit de penser et de faire ce que l’on voulait, sans tenir compte du droit supérieur de la vérité et de la loi divine.

L’« Égalité » devait dégénérer rapidement en collectivisme, socialisme ou communisme – ces fils de la Révolution –, et en renversement des hiérarchies naturelles, tandis que la « Fraternité » n’est pas tant un désir d’amour et d’amitié véritables entre les êtres humains qu’un rejet de la paternité et de son autorité d’origine divine.

Ce sont des mots qui, correctement compris, désignent des biens, mais pris ensemble et absolutisés, non seulement se contredisent, mais sont à la racine de la « Terreur » révolutionnaire et – par exemple – du génocide de la Vendée officiellement ordonné et dirigé par le pouvoir révolutionnaire.

L’objectif V mérite une mention spéciale. Lui qui «  promeut de nouvelles rencontres nourries par le dialogue social, par le sens du pardon social, par la purification de la mémoire, par la promotion de la justice réparatrice comme alternative à la vengeance sociale » renvoie assez clairement à une vision dialectique où la société, ou certains éléments de la société, sont perçus comme institutionnellement coupables d’injustices subies par ceux que l’on invite donc à pratiquer le « pardon social » – mais à condition que les coupables payent. Les exemples de cette approche ne manquent pas aujourd’hui ; on pense à la culpabilisation de l’homme blanc qui doit fléchir le genou devant les « racisés » pour exprimer sa honte et son remords pour des faits qu’il n’a jamais commis, ou encore au devoir imposé aux « pays riches » de payer pour les « dommages climatiques » qu’ils auraient infligés aux « pays les plus pauvres ».

Le chirographe du Pape est lui aussi dépourvu de toute référence catholique évidente, se contentant de faire référence à la « religion » et à la « spiritualité » :

*

J’ai appris avec satisfaction que la Fabrique de Saint-Pierre, ainsi que certains fidèles, souhaitent s’associer pour créer une Fondation de la Religion et du Culte destinée à collaborer à la diffusion des principes énoncés dans ma récente encyclique Fratelli tutti, afin d’encourager les initiatives liées à la spiritualité, à l’art, à l’éducation et au dialogue avec le monde, autour de la Basilique Saint-Pierre et dans l’étreinte de sa colonnade.

J’accède donc volontiers à la demande qui m’a été exprimée de créer dans l’État de la Cité du Vatican une fondation autonome aux fins susmentionnées.
En vertu de mon pouvoir apostolique dans l’Église et de ma souveraineté dans la Cité du Vatican, j’institue la Fondation Fratelli tutti comme personne juridique canonique publique et comme personne juridique civile ayant son siège dans l’État de la Cité du Vatican.

La Fondation sera régie par les lois canoniques, en particulier par les normes spéciales qui régissent les Organes du Saint-Siège, par les normes civiles en vigueur dans l’État de la Cité du Vatican, et par les statuts ci-joint que j’approuve par cette même occasion.

Du Vatican, le 8 décembre 2021

FRANÇOIS

 *

Les premières initiatives publiques de la Fondation devraient être lancées au début de l’année prochaine. Le cardinal Gambetti a accordé une interview à Vatican News en octobre dernier, dans laquelle il a déclaré que la nouvelle Fondation sera un « polyèdre » (encore un mots fétiche du pape François) composé de formation et dialogue, art sacré et économie, jeunes et startups. Tous y seront les bienvenus « pour trouver la direction d’un chemin commun vers l’avenir... en harmonie avec le magistère du pape François », a-t-il déclaré.

Une grande partie de son interview est constituée de variations et de répétitions autour de ce thème de la « route commune ». Mais au-delà de la Novlangue, il y a un objectif politique clair qui a des relents de spiritualité et de gouvernance mondiales. Comme le dit Gambetti :

*

Nous avons déjà en tête, probablement au début de l’année prochaine, quelques initiatives liées au double thème de l’art et de la spiritualité, qui sont les premières et aussi les plus simples à activer. Mais nous pensons aussi à quelque chose sur la formation, et il est probable que nous commencerons par les jeunes, bien que cela ne soit pas encore décidé parce que nous devons bien l’étudier. Quoi qu’il en soit, l’idée est d’organiser quelques semaines de rencontres résidentielles pour permettre aux gens de se réunir, de partager, de réfléchir à certaines questions et d’essayer ensuite de faire émerger quelque chose de nouveau ou une nouvelle façon de faire. Par exemple, si nous pensons aux jeunes, il pourrait s’agir d’une startup dans un certain segment de l’économie, de la mobilité, des questions climatiques et environnementales. Ou si nous nous tournons vers le monde de l’entreprise, en réunissant des personnes qui ont des rôles de direction, ou en tout cas des rôles importants, nous pourrions nous pencher sur le thème des nouveaux modèles de développement.

Vous pencherez-vous également sur la politique ?

Nous pourrions également réfléchir à de nouvelles façons de faire de la politique, qui sont peut-être un peu fatiguées ou étouffées par les problèmes qui existent, des problèmes qui sont évidemment réels et auxquels il faut s’attaquer. Mais parallèlement à cette fatigue, nous devons aussi regarder au-delà, vers l’avenir. Si nous ne nous aidons pas mutuellement à imaginer l’avenir, ou une société dans laquelle nous souhaitons vivre, et pas seulement voir les autres la vivre, peut-être que la politique en particulier perdra un peu de sa propre vocation.


Tout cela semble bien ambitieux pour une Fondation centrée sur une Basilique et une Place – mais tellement en phase avec les objectifs de la pseudo « élite » mondiale qu’elle peut espérer son soutien.


© leblogdejeannesmits pour les traductions.

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