02 février, 2020

Le cardinal Woelki, très critique à l’égard de la première réunion du chemin synodal en Allemagne

“Toutes mes craintes sont avérées”


Rainer Maria cardinal Woelki, archevêque de Cologne, a commenté la première réunion de l’assemblée synodale qui s’est ouverte le 30 janvier à Francfort en Allemagne, au micro d’Ingo Brüggenjürgen sur DomRadio.de. Il s’était déjà désolidarisé de l’orientation progressiste, pour ne pas dire révolutionnaire du “chemin synodal” sur lequel s’est engagée l’Eglise catholique en Allemagne à l’initiative du cardinal Reinhard Marx. Il témoigne notamment du refus d’écouter les voix discordantes qu’il a pu constater.

 Je vous propose ci-dessous ma traduction de l’entretien. Il se passe de commentaires. – J.S.

*

DOMRADIO.DE : Monsieur le Cardinal, d’emblée, vous n’étiez pas forcément l’un des plus grands défenseurs du chemin synodal. Comment avez-vous vécu l’assemblée synodale ici à Francfort ?

Rainer Maria Cardinal Woelki, archevêque de Cologne : En fait, toutes mes craintes sont avérées. J’ai dit très clairement que j’étais très inquiet de voir mis en place ici un quasi parlement d’Eglise protestante, en raison de la manière dont cet événement a été constitué et organisé. Pour moi, c’est bien cela qui s’est produit. Les exigences essentielles ecclésiologiques qui se rapportent à la nature de l’Église catholique sont – à mon avis – ignorées dans de nombreux discours. C’est déjà l’image qui s'est formée très clairement lorsque les évêques et les laïcs sont tous entrés ensemble, exprimant ainsi que tous y sont égaux. Et cela n’a en fait rien à voir avec ce qu’est et ce que pense l’Église catholique.

DOMRADIO.DE : Cela se confirme-t-il aussi dans la disposition des places, qui est alphabétique ?

Woelki : Cela ne me dérange pas en soi. Cependant, cela rend évidente la remise en en question de la constitution hiérarchique de l’Eglise, telle qu’elle a été une nouvelle fois affirmée lors du Concile Vatican II et exprimée également dans Lumen Gentium. La relation organique entre personnes consacrées et non consacrées et la diversité des tâches qui s’y expriment sont en effet également remises en question et relativisées par la disposition des sièges et par de nombreux autres petits signes. Je considère cela comme extrêmement préoccupant.

DOMRADIO.DE : Mais vous avez écouté de manière très attentive et vous avez également participé aux discussions. Qu’avez-vous appris de nouveau ?

Woelki : J’ai appris qu’il est difficile d'écouter – pas seulement pour moi, mais pour beaucoup d’autres aussi. J’ai également appris que le respect mutuel qui est exigé n’est pas non plus facile. Car j’ai observé que l’on peut déjà sentir comment l’attention diminue lorsque certaines personnes s’approchent du micro et expriment une position différente. Voilà autre chose que nous devrons certainement apprendre pour l’avenir : nous ne devons pas nous contenter de mettre en avant des mots, sans les vivre réellement.

Et j’ai appris qu’il est également important de parler du pouvoir dans l’Eglise. Car il est apparu clairement que le pouvoir était également exercé ici, dans notre assemblée synodale, en ce sens que tous les intervenants n’ont pas eu le droit de s’exprimer. Toutes les demandes d’intervention qui avaient été soumises par écrit au préalable n’ont pas été dûment prises en considération.

DOMRADIO.DE : Il est également très important pour vous qu’il s’agisse d’un processus spirituel. Est-ce cela qui imprègne cette assemblée telle que vous la vivez ?

Woelki : Je crois que cela se fait naturellement au cours des offices religieux et aussi à travers ce qu’on a appelé les « pauses », ces temps de prière consciente qui ont été établis dans le programme. Mais je crois qu’un processus spirituel se caractérise avant tout par le fait que lorsque nous faisons nos discours, nos textes et nos documents, nous devons entendre toujours et encore ce que le Seigneur veut nous dire – et pas seulement ce que nous croyons. Le Seigneur parle à travers la Parole de l’Ecriture, mais Il parle aussi à travers la foi et l’enseignement de l’Eglise.

Deux mille ans plus tard, nous ne sommes pas ceux qui mettent en place ou réinventent l’Eglise : au contraire, nous nous inscrivons dans une longue tradition. La foi, telle qu’elle a été définie lors des Conciles et aussi par ses origines apostoliques, ne peut pas être en quelque sorte démolie ou réinventée ici. Il y a des conditions à respecter. Cela aussi fait partie d’un processus spirituel que de le percevoir et d’y réfléchir en profondeur, et de ne pas rejeter cela comme du vieux café – parce que, peut-être, je ne le comprendrais pas. Il s’agit tout d’abord de faire un effort pour comprendre ce que sont la foi et l’enseignement de l’Eglise, puis, à partir de là, de réfléchir aux questions qui nous sont posées aujourd’hui en l’an 2020, et ensuite de donner des réponses à partir de cette foi de l’Eglise et de l’Evangile.

(DR)


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