Mgr Pio Vito Pinto
Mgr Pio Vito Pinto, doyen de la Rote
romaine, l’un des deux tribunaux ordinaires du Saint-Siège – compétent
notamment pour juger en appel les affaires de nullités de mariage –, a réagi
avec violence à la décision des « quatre cardinaux » de porter devant
le public les cinq « dubia » ou questions sur
Amoris laetitia qu’ils avaient soumises au pape François sans
recevoir de réponse. C’est lors d’une
conférence
qu’il a donnée à Madrid, lundi, à l’université ecclésiastique Saint-Damase qu'il
a accusé ces princes de l’Eglise d’avoir causé un grave scandale du fait de
cette publication, ajoutant qu'ils pourraient perdre le cardinalat,
rapporte Infocatolica.
IMPORTANT – Mise à jour : deux jours après la publication de ces informations par le site hispanophone ReligionConfidencial, celui-ci a fait un rectificatif, Mgr Vito Pinto s'étant plaint de ce qu'on lui faisait dire le contraire de ce qu'il avait dit. Je reproduis et commente le rectificatif ici. Je laisse mon article originel en l'état ci-dessous, car il reste largement d'actualité.
Il s’agit des cardinaux Walter
Brandmüller, Raymond Burke, Carlo Caffarra et Joachim Meisner qui ont demandé que la clarté
soit faite sur des ambiguïtés de l'exhortation apostolique en matière de
morale conjugale et même des normes morales tout court, notamment à la suite
d’interprétations évidemment hétérodoxes de la part de certains évêques.
En réponse à des questions de Religion
Confidencial, le doyen de la Rote a déclaré que les quatre cardinaux, tout
comme quelques autres personnes qui à l’intérieur de l’Eglise mettent en doute
la réforme du Pape François et son Exhortation apostolique Amoris laetitia, ne font rien d'autre que de remettre en question «
deux synodes des évêques sur le mariage et la famille ; pas un synode mais deux
!, l’un ordinaire et l’autre extraordinaire. » « On n’a pas le droit
de douter de l’action du Saint Esprit », a-t-il martelé.
« Quelle Eglise défendent donc ses
cardinaux ? Le pape est fidèle à la doctrine du Christ. Ce qu’ils ont fait
constitue un scandale très grave qui pourrait même conduire le Saint-Père à
leur retirer le chapeau cardinalice comme cela s’est déjà fait à quelqu’autre
moment de l’histoire », a affirmé Pio Vito : « Cela ne veut pas dire
que le pape leur enlève leur dignité de cardinal, mais il pourrait le
faire. »
Voilà donc une menace des plus
claires qui suscite deux réflexions. La première porte sur la notion de
scandale : dans le vocabulaire de l’Eglise, il s'agit de pousser ou d'inciter
quelqu’un à mal agir, de le mettre en danger de pécher. Or c’est précisément la
critique qui peut être adressée, non aux cardinaux, mais à Amoris laetitia : l’Exhortation justifie des actes jusqu’ici
considérés comme très graves, avec l'approbation au moins implicite du Pape
François qui a félicité une interprétation en ce sens de la part de certains
évêques argentins et qui ne réagit ni ne fait réagir lorsque d’autres diocèses
ou évêques adoptent des positions encore plus hétérodoxes.
Mais s’il faut en croire Pio Vito,
le « scandale » viendrait ici de la publication de ces simples questions et
même de ces questions simples auxquelles le pape n'a pas jugé bon de répondre.
Le scandale résiderait dans une sorte de mise en doute de l’action du Saint
Esprit qui couvrirait comme par magie tous les actes, tous les dits et non-dits
qui ont entouré les deux synodes, même là où l’Exhortation a contredit les
points adoptés par ces derniers ou pris en compte des points votés avec une
majorité insuffisante.
Deuxième réflexion : à l’évidence,
les cardinaux Brandmüller, Burke, Caffarra et Meisner ont agi sans mettre en
cause l’autorité du pape, faisant au contraire appel à elle, et ce pour le bien
de l’Eglise. On peut d’ailleurs difficilement croire qu’ils tiennent plus à
leur chapeau de cardinal qu’à la vérité qu’ils demandent d’entendre. Ils ont
même, on peut en être certain, d’emblée accepté la persécution plus ou moins
ouverte que cela pourrait leur valoir.
Au cours de sa conférence, Mgr Pio
Vito a déclaré que le pape n’a pas répondu directement à ces quatre cardinaux,
« mais indirectement, il leur a dit qu'il ne voit que du blanc ou du noir,
alors que dans l’Eglise il y a des nuances de couleurs ».
Le doyen de la Rote faisait
référence à une interview donnée par le quasi porte-parole du pape, le P.
Antonio Spadaro, à L’Avvenire à la suite de la publication de la lettre
sur les Dubia. Il déclarait : « Certains – je pense à certaines réponses
à Amoris Laetitia – persistent à ne voir que le blanc ou le noir, alors
qu’il faut plutôt discerner dans le flux de la vie (…) Certains types de
rigorisme découlent du désir de cacher son propre mécontentement sous l’armure.
»
Religion Confidencial a
également demandé à Mgr Pio Vito s’il ne valait pas mieux tendre la main aux
divorcés remariés en leur concédant la nullité matrimoniale, pour qu’ils puissent
se marier à l’Eglise et ainsi recevoir l’eucharistie, plutôt que de recevoir la
communion en étant unis seulement par un acte civil.
« La réforme de la procédure
matrimoniale du Pape François veut toucher davantage de gens. Le pourcentage de
personnes qui demandent la nullité matrimoniale est très petit. Le pape a dit
que la communion n’est pas seulement pour les bons catholiques. François dit :
comment atteindre les personnes les plus exclues ? Beaucoup de gens, avec la
réforme du pas, pourront demander la nullité, mais d’autres, non », a-t-il dit.
C’est à ce moment-là qu’il a insisté
sur ce qu'il appelle la clef du pontificat de François, citant le n° 4 de la Bulle
que le pape a écrite à l’occasion du Jubilé de la miséricorde : « Les
paroles riches de sens que saint Jean XXIII a prononcées à l’ouverture du
Concile pour montrer le chemin à parcourir reviennent en mémoire :
“Aujourd’hui, l’Epouse du Christ, l’Église, préfère recourir au remède de la
miséricorde plutôt que de brandir les armes de la sévérité… L’Eglise
catholique, en brandissant le flambeau de la vérité religieuse, veut se montrer
la mère très aimante de tous, bienveillante, patiente, pleine d’indulgence et
de bonté à l’égard de ses fils séparés. »
Mais la vraie miséricorde ne peut
être séparée de la vérité et ce n’est pas faire miséricorde que de dire que ce
qui est mal est bien.
Si l’on comprend bien les paroles
de Mgr Vito Pinto, il s’agit bien de proposer une solution aux personnes qui ne
pourraient pas obtenir une nullité, pour facile que cela semble devoir devenir.
En cas de déclaration de nullité, la question de l'accès aux sacrements ne pose
en effet aucune difficulté.
Réaffirmant que le pape François
ne cherche en rien à modifier la théologie du mariage, Pio Vito a répété que le
message central du Pape François consiste à vouloir toucher toutes ces
personnes qui se sont senties, ou qui se sentent, mises à l’écart ou blessés
par elle. Il a également signalé qu’aujourd’hui, beaucoup de gens communient
sans de manière indiscriminée. « Une religieuse m’a dit qu’il y a des
personnes divorcées ou qui vivent ensemble et qui communient. Alors que doit
faire l’Eglise : dire toi oui, et toi non ? Le pape François veut une Eglise
très proche du peuple. »
Autrement dit, l’Eglise ne doit
plus dire non.
Les catholiques que nous sommes
n’avons-nous plus le droit de poser des questions ?
Mais à quand la condamnation formelle de tous ceux
d’entre nous qui le faisons ?
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2 commentaires:
La carotte et le bâton, acceptez d’avancer vers la carotte ou recevez le bâton !
Le 2e reforme dans toute sa splendeur.
Cela devient dur d'être "catholique". Comme Port-Royaliste, je pleurs sur les ruines de la Sainte Eglise... Pascal écrivait : Le Christ est à l'agonie jusqu'à la fin des temps... il ne faut pas dormir pendant ce temps là...
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