02 décembre, 2016

Le rectificatif des propos de Mgr Pio Vito Pinto sur le pape et la possible destitution des cardinaux auteurs des “dubia” à propos d’“Amoris laetitia”

Il aura fallu plus de 48 heures pour que le site espagnol ReligionConfidenciaI apporte un rectificatif au propos du doyen de la Rote romaine, Mgr Pio Vito Pinto, annonçant que le pape FrançoisLpourrait priver les quatre cardinaux auteurs des « dubia » sur Amoris laetitia de leur cardinalat parce que, faute de réponses à leurs questions, ils avaient porté celles-ci à la connaissance du public. Cette « rectification » publiée jeudi affirme que le site avait mal retranscrit la réponse de Mgr Vito Pinto lors d’un entretien en marge d’un colloque universitaire de droit canonique sur le discernement et les nullités du mariage à l’université Saint-Damase de Madrid. « La phrase, extraite d’un entretien réalisé par RC où Mgr Vito répondait en italien, n’est pas correcte. En vérifiant l’enregistrement, on constate que ce qu’il affirme, c’est que le pape François n’est pas un pape d'un autre temps, où l’on prenait en effet ce type de mesure, et qu’il n’allait pas leur retirer la dignité cardinalice ».

La nouvelle avait fait le tour de nombreux sites d’information dans le monde, notamment ici sur ce blog.

Il m'appartient donc de rectifier à mon tour et de reprendre le propos de Mgr Vito Pinto tel que ReligionConfidencial le rapporte désormais. Interrogé sur les cardinaux Brandmüller, Burke, Caffarra et Meisner, il a déclaré :

« Quelle est cette Eglise que défendent ces cardinaux ? Le pape est fidèle à la doctrine du Christ. Ce qu’ils ont fait est un scandale très grave. » Il a ajouté que, néanmoins, le pape François n’est pas un pape du passé qui pourrait leur enlever la barrette cardinalice, comme l’a fait Pie XI avec le célèbre théologien jésuite français Louis Billot – (qui au demeurant, avait démissionné de manière spontanée, avant de voir sa démission acceptée plusieurs jours plus tard par Pie XI, en raison de la condamnation par ce dernier de l’Action française). « François ne le fera pas », a-t-il précisé.

Voilà qui nous éloigne assez des propos retranscrits dans un premier temps ; il n’est certes pas inouï qu’une erreur de traduction involontaire ou même volontaire ait pu changer le sens de la réponse à un entretien.

On notera quand même que le rectificatif conserve l’idée selon laquelle le prétendu « scandale » causé par la publication d’une demande de clarification des ambiguïtés d’Amoris laetitia est jugé par Mgr Pio Vito Pinto, qui est précisément un juge de haut rang dans l’Eglise, comme pouvant mériter une telle sanction. Et si elle ne tombe pas, c’est simplement parce que le pape François n’est pas « un pape d'un autre âge ». Comme si on pouvait imaginer qu’un pape d’un autre âge puisse laisser tournebouler à ce point la doctrine catholique du mariage par certains évêques, et même l’approuver, ainsi que François l’a fait avec les évêques du Grand Buenos Aires…

Quoi qu’il en soit, le canoniste américain Edward Peters note que les 11 canons du code de droit canonique abordant la question de la destitution d’un cardinal sont généralement considérées comme limitatifs. Les cardinaux possèdent un certain nombre de droits en droit canonique : ils ne peuvent se voir retirer leur chapeau que pour une « raison grave » ou pour avoir commis un « crime canonique ». Encore cette procédure est-elle définie par la loi : l’existence du crime doit être prouvée, ou la « raison grave » établie.

De crime canonique, il ne peut y en avoir dans cette affaire, ce qui « ne laisse que la possibilité que François considère le fait qu’un cardinal pose des questions sur son document Amoris constitue une “raison grave” permettant d’éliminer quatre cardinaux de cet office (et dans le même temps, en éliminant deux électeurs actuellement habilités à voter lors du prochain conclave) », écrit Peters.
Même si le pape le faisait, les cardinaux auraient encore le droit de se défendre devant le tribunal ecclésiastique compétent, explique-t-il encore.

Commentant le rectificatif publié par ReligionConfidencial, Peters ajoute : « Il semblerait que Pinto voulait dire que d’AUTRES papes pourraient destituer des cardinaux mais que François n’en fait pas partie. Hein ? Soit les papes, tous les papes peuvent destituer des cardinaux de leur office, ou alors ils ne peuvent pas. (Je tiens qu’ils le peuvent, je pensais que Pinto tenait cela aussi). Ou bien les papes, tous les papes, sont moralement tenus de respecter la procédure lors de telles destitutions, ou alors ils ne le sont pas (je tiens qu’ils le sont, je ne saurais dire si Pinto le pensait aussi). »

 Et de noter que dans les nations gouvernées par le droit coutumier il est très mal vu et très rare que des juges « interfèrent dans les controverses politiques ou sociales qui virevoltent autour d’eux », raison pour laquelle, selon Peters, la controverse déclenchée par les propos de Pinto ont été les plus « intenses » parmi les catholiques issus de ces nations, « où la vue d’un juge parlant ainsi est étrangère à nos sensibilités à propos des juges et de la justice ».

Il faut en effet retenir de l’intervention de Pinto qu'il juge en soi possible que les quatre cardinaux puissent encourir une telle sanction pour simplement avoir publié des questions posées et restées sans réponse. Mais Mgr Pinto est allé plus loin, comme nous le verrons dans un autre article de ce blog.

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