01 mai, 2016
Deux cas d’euthanasie jugés non
conformes aux exigences de la loi néerlandaise aux termes du rapport annuel des
commissions régionales de contrôle de l'euthanasie, publié la semaine dernière ne
feront l'objet d'aucune poursuite pénale. Dans les deux cas, il s'agissait
de médecins de la clinique de fin de vie qui n'avaient pas respecté les critères
supposés stricts de la loi de 2002 par laquelle les Pays-Bas sont devenus le
premier pays à légaliser l'euthanasie. Le non-respect de la loi trouve ici une
sorte de justification a posteriori.
La légalisation de l'euthanasie
s'est faite aux Pays-Bas sous forme de dépénalisation conditionnelle. Tout
médecin qui met fin à la vie d'un patient doit soigneusement consigner tous les
détails relatifs à la prise de décision et à sa mise en œuvre, puis signaler
son acte à une commission régionale de contrôle. Celle-ci évalue l'ensemble du
processus, puis émet son jugement : conforme ou non conforme. Dans ce dernier
cas, le dossier est transmis à l'Inspection des services de santé (IGZ) ainsi
qu'au ministère public. A partir de ce moment-là, la mise à mort peut être
considérée comme un homicide volontaire, et faire l'objet de poursuites et de
sanctions. Mais celles-ci ne sont pas automatiques.
Dans l'immense majorité des cas,
les décisions d'euthanasie sont jugées conformes à la loi, quitte à faire
dériver l'appréciation des critères comme on l'a vu aux Pays-Bas au fil des
ans. Dans les rares cas depuis 2002 où au contraire, une commission a émis une
critique ou une réserve suffisante pour juger un acte d'euthanasie non conforme
à la loi, les poursuites n'arrivent jamais. C'est à se demander à quoi servent
les « critères de minutie » que les médecins sont censés respecter.
La clinique de fin de vie a été
érigée aux Pays-Bas pour répondre aux demandes d'euthanasie qui ne sont pas
honorées par les médecins de famille pour diverses raisons : objection de
conscience, désaccord avec le patient sur l'importance de ses souffrances,
sentiment du médecin que les critères de la loi ne sont pas remplis en
l'espèce. Ce sont donc dans l'ensemble des cas limites ou supposés extrêmement
« urgents » qui sont traités par la clinique de fin de vie qui
possède des équipes volantes de médecins euthanasieurs et offre également des
conseils aux médecins confrontés à des demandes d'euthanasie.
Dans les deux cas jugés non
conformes au cours de l'année 2015, les médecins de la clinique de fin de vie
ont manifestement eu la main un peu trop leste, mais la justice est prête à
passer l'éponge, après que l’Inspection des services de santé et le ministère
public se sont penchés sur les dossiers.
Le premier cas était celui d'une
femme âgée qui souffrait de dépressions répétées depuis plusieurs dizaines
d'années. La clinique de fin de vie à accédé à sa demande de mort sans prendre
la peine de consulter un psychiatre indépendant, extérieur à l'institution, et
seule alors que les directives de l'association néerlandaise pour la
psychiatrie et l'association de médecins KNMG l'exigent.
L'exigence est édictée par le fait
qu'il est extrêmement difficile de déterminer si le désir de mort d'un patient
en psychiatrie est sincère et durable : l'avis d'un expert indépendant est dès
lors jugé primordial. La clinique de fin de vie a décidé de passer outre parce
que la patiente avait eu de mauvaises expériences avec des psychiatres ; elle a
jugé suffisant un entretien avec un médecin gériatre. Pour la commission
régionale de contrôle des euthanasies, ce type de spécialistes n'est pas
compétent pour juger d'une demande d'euthanasie.
L'inspection des services de santé
et le ministère public néerlandais, au contraire, ont bien voulu prendre en
compte la consultation du gériatre dans la mesure où les diverses personnes
impliquées dans le dossier étaient persuadées que la patiente voulait vraiment
mourir. zx quoi s'est ajouté le fait que la clinique de fin de vie a promis d'agir
autrement à l'avenir. Il suffit donc de protester : « Je ne
recommencerai pas, Monsieur… »
C'est le même type de raisonnement
qui a évité au deuxième médecin de se retrouver dans le box des accusés. Lui
qui avait « aidé à mourir » une femme très âgée qui n'était plus en mesure
d'exprimer sa volonté a fait savoir qu'il avait appris sa leçon et qu'il
n'agirait plus ainsi à l'avenir. Il continuera de tuer, mais en restant dans
les clous. L’homicide qui lave plus blanc ?
En l'occurrence, ce médecin avait
précisé dans son rapport qu'il n'était pas persuadé de ce que sa patiente
souffrît de manière intolérable, chose qu'il a répétée lors d'auditions devant
la commission de contrôle. Il devait plus tard affirmer devant l'inspection des
services de santé que sa déclaration antérieure avait été incomplète. En
l'occurrence, la très vieille dame avait signé un testament de fin de vie
assurant que si elle devait être prise en charge dans une institution de soins,
elle préférerait mourir. C'est cette déclaration qui a justifié l'euthanasie,
bien qu'elle ait été rédigée vingt ans auparavant, sans jamais faire l'objet
d'une réactualisation écrite.
Il subsistait donc pour le moins
un doute sur la volonté réelle de cette vieille dame dont on peut supposer
qu'elle était atteinte d'une forme de maladie dégénérative, imposant son
placement dans un établissement de soins.
Tant l'inspection des services de
santé que le procureur ont refusé de donner suite aux critiques émises par la
commission de contrôle de l'euthanasie sur le caractère très ancien de la
demande d'euthanasie de cette personne. Au mois de janvier dernier,
postérieurement aux faits, une directive commune publiée par l'association de
médecins KNMG, le ministère de la justice et le ministère de la santé publique,
a précisé que le testament de fin de vie ne doit pas être « trop
daté ».
Mais — mot d'ordre ou consensus
tacite — le non-respect de cette disposition de bon sens (si l'on veut bien
entrer dans la logique de la loi), aujourd’hui couchée sur le papier,
n'entraîne pas de conséquences pénales. L'an dernier, dans une affaire un peu
similaire mais moins spectaculaire quant à l'ancienneté du testament de fin de
vie, un cas jugé non conforme par la commission régionale avait lui aussi été
blanchi devant la justice, alors que la patiente, victime de la maladie de
Huntington et quasiment incapable de communiquer, avait fait une déclaration de
demande d'euthanasie six ans plus tôt, sans jamais la réactualiser.
Dans la pratique, tout se passe
comme si les médecins euthanasieurs avaient toujours raison, quelles que soient
la lettre de la loi et les directives des autorités sanitaires.
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