08 avril, 2016

Exhortation “Amoris laetitia” : premières impressions

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Un texte très long, très bavard, et recelant beaucoup ambiguïtés par la multiplication de considérations casuistiques : voilà ma première impression de l’exhortation post-synodalesur la famille rendue publique ce vendredi à 12 heures. Une analyse approfondie – qui prendra du temps vu les 246 pages que compte la version française d’Amoris laetitia – permettra me semble-t-il de constater que bien des aspects inquiétants du rapport final y sont maintenus. Celui-ci est d’ailleurs largement cité. Mais des pans entiers de la question de la crise de la famille semble tragiquement absents.
Il en va ainsi de la contraception, évoquée surtout en tant que pratique imposée par les pouvoirs publics et non dans sa dimension omniprésente dans le monde occidental et ailleurs, y compris parmi la majorité des époux catholiques. Humanae vitae, trop brièvement cité, avait pourtant prophétiquement annoncé la destruction de la famille et l’effondrement de l’ordre social et du respect de la femme par cette pratique contraire aux lois de Dieu… mais peut-on encore parler des lois de Dieu ? Ne serait-il pas temps de dire le lien qui existe entre contraception et divorce ?
C’est particulièrement sur la question des divorcés « remariés » et de leur « intégration » dans l’Eglise, comme sur celle des éléments positifs à chercher dans les unions de fait, que le document suit, mais de manière ambiguë, les recommandations sur une plus grande ouverture. Le chapitre 8 sème la confusion et disqualifie au moins en apparence le discours trop « doctrinal ».
La question se pose même : va-t-on pouvoir se contenter de réclamer une lecture conforme à la tradition, comme l’a déjà fait le cardinal Brandmuller ? Ou se battre pied à pied contre le texte lui-même ? C’est une question dont il serait imprudent de faire l’économie.
Dès le paragraphe 3 le ton est donné :
« Bien entendu, dans l’Église une unité de doctrine et de praxis est nécessaire, mais cela n’empêche pas que subsistent différentes interprétations de certains aspects de la doctrine ou certaines conclusions qui en dérivent. »
C’est ce dont rêvaient les partisans de la communion pour les divorcés « remariés » après avoir constaté que la doctrine ne serait pas changée.
Le pape François « ne recommande pas une lecture générale hâtive » du document. La journaliste que je suis – et non la théologienne, je ne veux parler qu’à mon modeste niveau de compétence – se permettra tout de même de livrer des impressions immédiates. Il y a de belles choses, forcément. Des citations magnifiques. Des considérations patelines auxquelles le pape nous a habitués. Par moments on a davantage l’impression de la prédication d’une retraite avec de nombreuses considérations concrètes ?
Quelques tartes à la crème sur la « société patriarcale » et les « discriminations à l’égard des femmes » ; il y a aussi l’appel à ne pas tomber « dans le piège de nous épuiser en lamentations auto-défensives, au lieu de réveiller une créativité missionnaire » ;  rejet clair en revanche de l’idéologie du genre, mais enfin Jean-Paul II l’a fait définitivement, et de quelle façon !
Le 8e chapitre est le plus contestable. Il présente des considérations qui relèvent de l’accompagnement spirituel personnel et se situe dans cette logique présentée de manière ambiguë. « La route de l’Église est celle de ne condamner personne éternellement ; de répandre la miséricorde de Dieu sur toutes les personnes qui la demandent d’un cœur sincère » : rien à dire. Mais plus loin François écrit : « Personne ne peut être condamné pour toujours, parce que ce n’est pas la logique de l’Évangile ! » J’ai dû mal le lire.
Il est indirectement suggéré (§297) que les personnes en situation matrimoniale irrégulière puissent faire le catéchisme, voire « prêcher » pourvu qu’elles ne fassent pas « ostentation d’un péché objectif comme si ce péché faisait partie de l’idéal chrétien ».
Le pape met en garde contre « les affirmations trop rigides » de la doctrine : alors qu’il est là pour enseigner la doctrine et que le confesseur est là pour l’appliquer avec discernement. Pas de « recettes simples », dit le pape. Demander à des divorcés remariés de vivre comme frère et sœur ? « Risqué », répond la note 329 citant Gaudium et spes.
Il faut « discerner » si les exclusions liturgiques, pastorales, éducatives « peuvent être dépassées ».
La question de la communion des divorcés remaries est clairement ouverte et laissée à l’interprétation subjective dans la note 336. On retrouve dans le §300 la question du for interne, avec un appel à éviter la « double morale » mais un manque d’affirmation des règles d’accès à l’Eucharistie considérée comme médicament et non comme incorporation au Christ avec tout ce que cela suppose.
D’où l’insistance sur les « circonstances atténuantes » dans le paragraphe suivant :
« Il n’est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une certaine situation dite “irrégulière” vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante. Les limites n’ont pas à voir unique­ment avec une éventuelle méconnaissance de la norme. Un sujet, même connaissant bien la norme, peut avoir une grande difficulté à saisir les “valeurs comprises dans la norme”. »
Et § 305 : « Par conséquent, un Pasteur ne peut se sentir satisfait en appliquant seulement les lois morales à ceux qui vivent des situations ‘‘irrégulières’’, comme si elles étaient des pierres qui sont lancées à la vie des personnes. C’est le cas des cœurs fermés, qui se cachent ordinairement derrière les enseignements de l’Église « pour s’asseoir sur la cathèdre de Moïse et juger, quelquefois avec supériorité et superficialité, les cas difficiles et les familles blessées ».
Le souci pastoral du pape François ne fait pas de doute. Il est question du salut certes, mais ici tout semble devenir acceptable comme chemin de salut.
Le Christ n’a pas appelé Marie-Magdeleine, comme l’écrit François, à une « vie plus digne », mais à une conversion radicale !

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