En tant qu’ancien membre de la
commission régionale de contrôle de l’euthanasie aux Pays-Bas, Theo Boer a
assisté aux premières loges à la réalité de la mise à mort de ceux qui
souffrent. Le spécialiste d’éthique médicale a d’ailleurs quitté ce poste en
raison de ses interrogations croissantes à propos d’une pratique de plus en
plus banalisée. Aujourd’hui, il estime que le recours à l’euthanasie devrait
céder la place au suicide assisté : avec davantage de gestes mortels
assumés par les patients eux-mêmes, il y aurait moins de pression sur les
médecins, estime-t-il.
A l’heure actuelle, aux Pays-Bas,
aussi bien le suicide assisté que l’euthanasie sont autorisés par la loi sous
réserve du respect de conditions posées par la loi ; mais c’est
l’euthanasie – l’administration d’une injection létale par le médecin – qui est
de très loin la plus fréquente parmi les personnes qui demandent (ou ont
demandé) à mourir : pas moins de 96 %.
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Theo Boer et les affres de la conscience |
Le suicide assisté, où le patient
ingère lui-même un « médicament », ou plutôt un poison mortel,
devrait remplacer une bonne part de ces euthanasies, hormis les cas où le
candidat serait incapable de boire lui-même la potion.
Le premier avantage de ce
basculement vers davantage de suicides assistés et moins d’euthanasies serait,
selon Theo Boer, de permettre une meilleure certitude quant à la volonté réelle
du patient : du moins est-on sûr que le patient qui avale lui-même la
boisson mortelle désire vraiment arrêter de vivre. En outre, on éviterait ainsi
nombre de gestes qui ne seraient pas « nécessaires » : le
patient qui procède ainsi serait plus conscient de la portée de son acte.
Mais on devine que l’autre avantage
mis en avant par Theo Boer est à son sens le plus important. Il assure que de
nombreux médecins préfèrent la procédure du suicide assisté. Des médecins s’en
sont ouverts auprès de lui : « Le fait que le patient fait la chose
lui-même me soulage car dans ce cas de figure ce n’est pas moi qui tue
quelqu’un », disent-ils selon Boer. Et ce même si le médecin est censé
rester avec le patient « jusqu’à la fin » ; même si la boisson
létale met plusieurs heures à agir.
Boire une potion létale en
présence du médecin est considéré légalement comme un « suicide
assisté » ; mais en cas de problème ou de contestation, le régime
légal est plus léger. La peine encourue est trois fois moins lourde que pour
une euthanasie. En prenant les choses entre leurs propres mains, les malades
contribuent ainsi à ne pas faire porter le poids de leur décision au médecin –
et ils le font davantage encore lorsqu’ils choisissent ce que Boer appelle la
« voie autonome ». Le patient organise dans ce cas son propre décès,
soit en cessant délibérément de boire et de manger en vue de mourir, soit en
thésaurisant des médicaments pour obtenir une dose létale.
Theo Boer faisait ces remarques
mercredi soir devant la « ChristenUnie », une organisation
protestante.
Il s’est ému à cette occasion de l’augmentation
régulière du nombre d’euthanasiés (quelque 15 % d’année en année) et de l’élargissement
continuel des justifications de l’euthanasie. Aujourd’hui on fait campagne aux
Pays-Bas pour le droit à l’euthanasie pour ceux qui estiment leur vie « accomplie ».
La chose est inquiétante, estime Boer.
« Parlons-en : il faut
réfléchir au fait de savoir s’il ne faut pas savoir accepter la vieillesse,
avec se vulnérabilité », affirme aujourd’hui Theo Boer.
Mais il est déjà bien tard.
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