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Anna témoigne de la réalite du syndrome post-IVG |
C’était la première fois qu’« Anna »,
13 ans, « sortait » – avec un garçon de 18 ans. Elle vivait en
Irlande du Nord – c’était il y a plus de 40 ans. La soirée se termina par
un viol, et Anna se retrouva enceinte. Ce viol, elle devait longtemps se le
reprocher… Elle s’en croyait coupable, parce qu’elle avait innocemment suivi ce
jeune homme « populaire » à l’école et dans son quartier, fière
d’avoir été remarquée par lui. Ses parents, presbytériens rigides qui
laissaient pourtant Anna faire à peu près ce qu’elle voulait, ne voulaient pas
vivre avec la honte d’avoir une « fille-mère ». Ce sont eux qui ont
organisé le voyage à Liverpool. Anna n’a pas eu d’autre choix que cet
avortement – particulièrement cruel, puisque l’infirmière, elle s’en souvient
encore aujourd’hui, allait lui décrire dans le détail ce qui allait arriver au
tout-petit qu’elle portait. Aujourd’hui, Anna témoigne de la réalité du
syndrome post-IVG qui l’a poursuivi pendant plus de trente ans. Elle est contre
l’avortement. Résolument contre. Même en cas de viol.
La conscience d’avoir laissé
détruire violemment l’enfant qu’elle portait a aussi détruit Anna… Il était
entendu que le sujet était tabou. Elle ne devait pas en parler. Encore moins
parler de sa souffrance. Le secret devint vite beaucoup trop lourd à
porter : la douleur ne la lâchait pas, elle se réfugia dans l’alcool.
Le syndrome post-avortement, une réalité –même quand l'IVG fait suite à un viol
Il lui a fallu attendre 36 ans
avant de retrouver « le droit d’être heureuse ». Anna a participé
alors, il y a six ans, à une session chrétienne de conseil post-avortement,
« Surrendering the Secret » (« lâcher le secret »), qui lui
a permis pour la première fois de se sentir réellement guérie.
Anna a longtemps vécu avec la
douleur de son secret, avant de retrouver la paix intime du cœur. Pourquoi en
parler en public aujourd’hui ? Les récentes discussions à l’Assemblée de
l’Irlande-du-Nord sur la légalisation de l’avortement en cas d’anomalie fœtale
fatale, de viol ou d’inceste, ont réveillé une nouvelle fois les souvenirs de
celle qui est aujourd’hui femme d’affaires à Belfast. Sans révéler son vrai nom
– elle est aujourd’hui mariée et heureuse, avec deux jeunes enfants qu’elle
veut protéger – elle veut dire la vérité aux « milliers de femmes »
qui souffrent, elle en est persuadée, d’un traumatisme similaire.
La souffrance et le traumatisme
sont liés à l’avortement lui-même, quelle qu’en soit la raison quelle que soit
la manière dont il est procuré, assure Anna. « Au cours de ces 36 ans
avant d’obtenir ma guérison le viol n’a joué aucun rôle, pas plus que le voyage
en bateau vers l’Angleterre ne m’a traumatisée – c’était le fait que mon
bébé m’avait été enlevé. J’étais hantée par le souvenir à chaque anniversaire
de l’avortement – je pensais à l’âge qu’il aurait eu. Aujourd’hui, je suis
persuadée que c’était un garçon, je l’ai appelé Michael. »
« Rien, pas même le fait
d’avoir des enfants plus tard, ne pourra jamais remplacer ce bébé qu’on m’a
enlevé », raconte-t-elle.
Telle est l’omerta autour de
l’avortement et des souffrances qu’il engendre que les deux psyschologues
consultées par Anna n’ont pas su identifier son traumatisme. Anne n’avait-elle
pas tout pour être heureuse : une carrière brillante, une belle maison,
une voiture de belle cylindrée, des vacances exotiques ?
L'Irlande du Nord a dit “non” à l'avortement pour viol :
“Les femmes n'ont pas besoin d'un autre acte de violence”
Il est intéressant de noter
qu’Anna n’en veut nullement à l’infirmière qui lui a parlé de ce qui allait
vraiment se passer. Embarquée par sa mère à quelques jours seulement de la
découverte de sa grossesse, Anna ne savait pas ce qui allait lui arriver, ni
pourquoi : elle avait seulement conscience qu’elle portait une personne
vivante dans ses entrailles. Arrivée à la clinique, c’est au moment où elle
attendait seule dans un couloir que cette infirmière est venue lui dire que son
bébé allait être déchiqueté, aspiré, mis dans un sachet et jeté à la poubelle.
« Avec le recul, je me rends compte maintenant qu’elle a été la seule à
jamais avoir été honnête à mon égard. »
L’avortement passé, l’adolescente
s’est trouvée dans un grand dortoir avec d’autres femmes. « Je me sentais
très seule. Elles se racontaient leur deuxième, troisième ou quatrième
avortement. L’une d’elles m’a dit : “Ne t’en fais pas, je viens d’avoir le
quatrième.” C’était horrible », raconte Anna.
De retour à la maison, plus
personne ne parla jamais à Anna de l’avortement. Très vite, ses résultats
scolaires, jusque-là excellents, dégringolèrent. Elle commença à boire au cours
de son adolescence – elle ne réussit à cesser d’abuser de l’alcool qu’après sa
session biblique.
Ce qui a libéré Anna, c’est la
vérité. C’est de comprendre pourquoi elle n’arrivait pas à souffrir avec sa
famille et ses amis lors d’autres décès parce qu’elle n’avait pas pu porter le
deuil de son propre enfant. « Cette tristesse ne me quitte jamais. Je
n’avais pas pleuré la mort de mon bébé avorté et l’une des plus belles choses
que j’ai vues lors de cette session, ce sont ces femmes qui pleuraient leur
enfant. Je n’avais jamais pu pleurer mon fils. On ne me l’avait pas permis…
C’est un grand soulagement de pouvoir pleurer cette mort. »
Aujourd’hui, on parle librement de
l’avortement, note Anna. « C’est partout dans les médias, mais les
femmes pleurent à l’intérieur. Elles souffrent gravement de ses conséquences
qui ont des répercussions sur leur qualité de vie. Après la session, je me suis
sentie de nouveau entière, libérée de mon secret. »
Mais l’avortement après un
viol ? Ce n’est pas une « solution miracle », répond Anna.
« L’expérience de l’avortement vous hantera toute votre vie. Si une femme
se trouve enceinte à la suite d’un viol, elle a vraiment besoin d’être
entourée. Elle a besoin de compassion, elle a besoin de conseils, elle a besoin
d’être très soutenue. Elle n’a pas besoin d’un nouvel acte de violence :
l’avortement. »
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