17 octobre, 2015

Pour l'histoire : l'intervention du cardinal Reinhard Marx en faveur de la communion aux divorcés remariés au synode

Au synode, cette semaine, le cardinal allemand Reinhard Marx a porté plus loin que jamais la revendication de donner aux divorcés remariés l'accès à la communion. Le cardinal Kasper s'est lui tenu en retrait, prononçant un court texte sur la miséricorde. Le cardinal Marx est clair : la proposition vaut pour des personnes dont le mariage précédent n'a pas été déclaré nul et n'a pas à l'être ; elle doit être ouverte dans des cas particuliers à des personnes remariées civilement.

Dans le même temps il démonte l'enseignement de l'Eglise sur la contraception – une affaire de conscience lorsque l'ouverture à la vie est en « conflit » avec la sauvegarde de la famille ; sur le caractère peccamineux de l'acte sexuel en dehors du mariage légitime ; sur la réalité de l'adultère du second mariage civil ; sur la désignation d'une situation de péché grave qui « exclut » celui qui est ainsi montré du doigt.

J'ai traduit ce texte à partir de la traduction anglaise donnée ici par le bloggueur néerlandais Mark de Vries sur son blog In caelo et terra. Le texte allemand original est par là.

On notera dans le texte du cardinal Marx la référence au tristement célèbre synode de l'ombre qui s'est tenu en mai dernier et où les interventions prônaient l'ouverture aux divorcés « remariés » et même l'abandon de la notion subjective de péché pour les relations homosexuelles.

Le cardinal Reinhard Marx fait partie du « G9 » nommé par le pape François peu après son élection à la chaire de Pierre. – J.S.


Il y a 50 ans de deuxième Concile Vatican II a de nouveau fait de l'Évangile une source d'inspiration pour la vie des individus et de la société. Il en va de même pour l'Évangile de la famille du pape François. Dans la Constitution pastorale Gaudium et spes le Concile a développé une doctrine du mariage qui a été davantage approfondi par les papes après le Concile. Même s’il n’a pas répondu à toutes les questions qui nous préoccupent aujourd'hui il a posé des fondations théologiques qui nous aident à répondre à nos questions actuelles.
Mgr Reinhard Marx avait une réputation
de conservatisme avant d'être fait cardinal
Le Concile considère le mariage comme une « communauté profonde de vie et d’amour » (Gaudium et spes 48) et développe la doctrine du mariage dans le contexte d'une théologie de l'amour. L'amour entre un homme et une femme « va d’une personne vers une autre personne en vertu d’un sentiment volontaire, cet amour enveloppe le bien de la personne tout entière ; il peut donc enrichir d’une dignité particulière les expressions du corps et de la vie psychique et les valoriser comme les éléments et les signes spécifiques de l’amitié conjugale. » Cet amour « imprègne toute leur vie ; bien plus, il s’achève lui-même et grandit par son généreux exercice » (GS, 49). Le concile met l'accent sur le fait que cet amour entre l'homme et la femme requiert le cadre institutionnel et légal du mariage, afin de se développer et d’être gardé en permanence aussi bien dans les jours donc dans les jours mauvais. Ce n'est pas en dernier lieu que l'institution du mariage sert le bien-être des enfants (GS, 50). »
A l'aide de cette théologie de l'amour et aussi de la théologie de l'Alliance, dont on ne peut parler que très rapidement ici, le concile a réussi à rendre de nouveau compréhensible la sacramentalité du mariage. L'amour conjugal devient d'une image de l'amour du Christ pour son Eglise et le lieu où l'amour du Christ devient tangible. C'est aussi pour exprimer ce lien entre le divin et l'humain de manière verbale, que le Concile parle de l'alliance du mariage. Enfin, la fidélité indissoluble est un signe efficace de l'amour du Christ en ce monde.
A la fin, le Concile voit la sexualité humaine comme une expression d'amour et suggère qu'une nouvelle direction soit prise pour l'éthique sexuelle. « Cette affection a sa manière particulière de s’exprimer et de s’accomplir par l’œuvre propre du mariage. En conséquence, les actes qui réalisent l’union intime et chaste des époux sont des actes honnêtes et dignes. Vécus d’une manière vraiment humaine, ils signifient et favorisent le don réciproque par lequel les époux s’enrichissent tous les deux dans la joie et la reconnaissance (GS, 49). » A cette richesse appartiennent sans doute aussi, mais pas seulement, la conception et l'éducation des enfants. Car les Pères conciliaires mettent expressément l'accent sur le fait que le mariage sans enfant « comme communauté et communion de toute la vie, demeure, et il garde sa valeur et son indissolubilité (GS, 50). »
Il appartient à ce Synode des évêques d'approfondir et de développer cette théologie respectivement de l'amour et de l'Alliance, dont le concile a établi les aspects fondamentaux, mais qui n'est pas encore totalement reflétée dans le droit canonique, en tenant compte des défis actuels dans la pastorale du mariage et de la famille. J'aimerais m'arrêter sur deux défis : le conseil et le préparation au mariage, et la question d'une attitude raisonnable à l'égard des fidèles dont le mariage a échoué et de ceux, pas peu nombreux, qui ont divorcé et qui sont civilement remariés.
Ce n'est pas par hasard que le concile parle de la croissance dans l'amour. Cela est vrai en ce qui concerne la vie commune dans le mariage, mais ce l’est aussi pour le temps de préparation du mariage. Il faut développer un soin pastoral qui montre plus clairement qu’à ce jour, la dimension de cheminement propre au fait d’être chrétien, également en ce qui concerne le mariage et la famille. Nous sommes tous appelés à la sainteté (cf. Lumen gentium, 39), mais le chemin vers la sainteté ne finira qu’au Dernier jour, lorsque nous nous tiendrons devant le siège de jugement du Christ. Ce chemin n'est pas toujours droit et il ne conduit pas toujours directement vers le but recherché. En d'autres termes, le chemin de la vie des époux a des moments de sentiments intenses et des temps de déception, de projets communs réussi, et de plans qui échouent, des temps de rapprochement et des temps d'éloignement.
Souvent les difficultés et les crises, lorsqu'elles sont surmontées ensemble, sont celles qui renforcent et consolident le lien conjugal. Le conseil et la préparation au mariage offerts par l’Eglise ne peuvent pas être déterminés par un perfectionnisme moraliste. Il ne doit pas être un programme du « tout ou rien ». Ce qui est plus important, c’est que nous voyions les différentes situations de vie et les expériences des gens d'une manière différenciée. Nous devons moins regarder ce qui n'a pas encore été accompli dans la vie, ou peut-être ce qui a complètement échoué, et regarder davantage ce qui a déjà été accompli. Généralement les gens ne sont pas motivés à progresser sur le chemin vers la sainteté par le doigt accusateur, mais par la main tendue. Nous avons besoin d'un soin pastoral qui mette en valeur les expériences des gens qui se trouvent au sein de relations aimantes, et qui sache éveiller un désir spirituel. Le sacrement du mariage doit en premier lieu être proclamé en tant que don qui enrichit et affermit le mariage et la vie de famille, et moins comme un idéal qui ne peut être atteint par les moyens humains. Aussi indispensable qu’est la fidélité tout au long de la vie pour le développement de l'amour, ainsi la sacramentalité du mariage ne doit pas être réduite à son indissolubilité. C'est une relation globale qui se développe.
Le moment où l'on reçoit le sacrement du mariage est en effet le début du chemin. Le sacrement n’a pas seulement lieu au moment du mariage, où les deux époux expriment leur amour mutuel et leur fidélité, mais se développe dans le chemin qu'ils prennent ensemble. Il est de la responsabilité des époux de donner une forme à la vie commune dans le mariage. Le soin pastoral de l'Eglise peut et doit soutenir les époux, mais doit respecter leur responsabilité. Nous devons donner davantage de place aux consciences des époux dans la proclamation et dans le soin pastoral. Il est certainement du devoir de l'Eglise de former les consciences des fidèles, mais le jugement de la conscience des gens ne peut pas être remplacé. Cela est particulièrement vrai dans les situations où les époux doivent prendre des décisions dans un conflit de valeurs, par exemple lorsque l'ouverture à la conception d'enfants et la préservation du mariage et de la vie de famille sont en conflit.
Mais le soin pastoral positif et encourageant ne peut pas empêcher tous les mariages d'échouer, il ne peut pas empêcher que des époux mettent fin à leur alliance de vie et d'amour et se séparent. La nouvelle procédure de déclaration de nullité d'un mariage ne peut pas couvrir tous les cas convenablement. Souvent la fin d'un mariage n'est ni le résultat de l'immaturité humaine ni d'un manque de volonté de se marier. S'occuper des fidèles dans les mariages dont les mariages ont échoué et qui, bien souvent, se sont engagés dans un nouveau mariage civil après un divorce civil, demeure ainsi un problème pastoral aigu dans de nombreuses parties du monde. Pour de nombreux fidèles, y compris ceux dont les mariages sont intacts, c'est une question de crédibilité de l'Eglise. Je sais cela par le biais de beaucoup de conversation et de lettres.
Heureusement, les papes Jean-Paul II et Benoît XVI n'ont pas laissé de doute sur le fait que les fidèles divorcés et remarié civilement font aussi partie de l'Eglise, et ils les ont invités de manière répétée à prendre une part active dans la vie de l'Église. Il est donc de notre devoir de développer une pastorale accueillante en direction de ses fidèles et de les impliquer toujours davantage dans la vie des communautés. À leur égard l'Église doit témoigner de l'amour du Christ, qui s'applique en premier lieu à ceux qui ont failli dans leurs intentions et leurs efforts. Car ce ne sont pas ceux qui sont en bonne santé qui ont besoin du médecin, ce sont les malades. C'est la mission de l'Eglise de guérir les plaies causées par l'échec d'un mariage et la séparation des époux, et de montrer que Dieu est avec eux, également dans ces temps difficiles. Pouvons-nous vraiment guérir sans permettre le sacrement de la réconciliation ?
 En ce qui concerne les divorcés remariés civilement qui prennent une part active à la vie de la communauté, de nombreux fidèles demandent pourquoi l'Église leur refuse, sans exception, la participation à la communion sacramentelle. Ils sont nombreux dans nos communautés à ne pas comprendre comment l'on peut être en pleine communauté avec l'Eglise et en même temps exclu des sacrements de confession et de l'Eucharistie. Le fait que les divorcés remariés civilement vivent objectivement dans un état d'adultère et sont en tant que tels en contradiction avec ce qui est emblématiquement présent dans l’Eucharistie, la fidélité du Christ à son Eglise, est donné comme raison. Mais cette réponse fait-elle justice à la situation de ces personnes ? Et est-elle contraignante théologiquement-sacramentallement ? Des personnes qui sont considérées comme étant en situation de péché grave peuvent-elles vraiment avoir le sentiment de nous appartenir complètement ?
A la Conférence des évêques d'Allemagne nous nous sommes nous aussi occupés intensément ces dernières années de la théologie et du ministère pastoral du mariage et de la famille. Nous avons pris la demande du Saint-Père au sérieux ; nous avons réfléchi à ce thème, nous en avons discuté et nous l’avons approfondi pendant le temps qui a séparé les deux synodes. La Conférence des évêques d'Allemagne à organisé une journée d'étude à ce sujet, avec les conférences des évêques de France et de Suisse en mai 2015, dont les contributions ont également été publiées. Dans les facultés de théologie également, on s’est occupé de ces sujets et on en a débattu selon des perspectives bibliques, théologiques, exégétique, canoniques et théologiques-pastorales. En outre il y a eu des conversations avec des théologiens et des publications. Nous avons compris que le travail théologique à ce propos doit continuer à l'avenir.
Au sujet des fidèles divorcé et remariés civilement les évêques allemands ont eux-mêmes publié en juin de l'année dernière d'autres considérations et des questions que j'aimerais exposer brièvement.
Celui qui après l'échec d'un mariage est entré dans un nouveau mariage civil, où souvent des enfants naissent, a une responsabilité morale à légal à l'égard du nouveau partenaire et des enfants, à laquelle il ne peut renoncer sans encourir une nouvelle culpabilité. Même si le rétablissement de la relation antérieure est possible, ce qui n'est généralement pas le cas, la personne se trouve dans un dilemme moral objectif, sans issue théologiquement et morale claire. Le conseil de s'abstenir des actes sexuels dans la nouvelle relation paraît déraisonnable pour  beaucoup. Il y a aussi la question de savoir si les actes sexuels peuvent être jugés isolément du contexte de la vie. Pouvons-nous juger les actes sexuels d'un second mariage civil comme constituant sans aucune exception des adultères ? Indépendamment de la prise en compte de cette situation particulière ?
Du point de vue théologique sacramentel il faut considérer deux choses. Pouvons-nous dans tous les cas et avec une conscience tranquille, exclure les fidèles qui sont divorcés remariés civilement du sacrement de réconciliation ? Pouvons-nous leur refuser la réconciliation avec Dieu et l'expérience sacramentelle de la miséricorde de Dieu même lorsqu'ils regrettent sincèrement leur culpabilité par rapport à l'échec du mariage ? En ce qui concerne la question de permettre l'accès à la communion sacramentelle, il faut considérer que l’Eucharistie ne rend pas seulement présente l'alliance du Christ avec son église, mais qu'elle la renouvelle toujours et raffermit les fidèles sur leur chemin vers la sainteté. Les deux principes de l'accès à l'Eucharistie, à savoir le témoignage de l'unité de l'Eglise et la participation au moyen de la grâce, peuvent parfois être en conflit l’un avec l’autre. Dans la déclaration Unitatis redintegratio, le concile affirme : [la communicatio in sacris] « est, la plupart du temps, interdite du point de vue de l’expression de l’unité ; la grâce à procurer la recommande quelquefois. »
Au-delà de l’œcuménisme cette déclaration est également d'une importance pastorale fondamentale. Dans sa lettre apostolique Evangelii gaudium le Saint-Père ajoute, faisant référence aux enseignements des Pères de l'Église, ajoute : « L’Eucharistie, même si elle constitue la plénitude de la vie sacramentelle, n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles. Ces convictions ont aussi des conséquences pastorales que nous sommes appelés à considérer avec prudence et audace (N° 47). »
À partir des fondations théologiques établies par le Concile Vatican II nous devons sérieusement envisager la possibilité – fondée sur le cas individuels et non de manière générale – de permettre à des fidèles divorcés et remariés civilement de recevoir les sacrements de confession et de communion, lorsque la vie dans la dans le mariage canoniquement valide a définitivement échoué et que ce mariage ne peut pas être annulé, que tous les engagements à l'égard de ce mariage sont réglés, qu'il y a un regret par rapport à la culpabilité quant à la fin de cette vie commune conjugale et qu'il y a une volonté honnête de vivre le second mariage civil dans la foi et d'élever les enfants dans la foi.

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