Au synode, cette semaine, le cardinal allemand Reinhard Marx a porté plus loin que jamais la revendication de donner aux divorcés remariés l'accès à la communion. Le cardinal Kasper s'est lui tenu en retrait, prononçant un court texte sur la miséricorde. Le cardinal Marx est clair : la proposition vaut pour des personnes dont le mariage précédent n'a pas été déclaré nul et n'a pas à l'être ; elle doit être ouverte dans des cas particuliers à des personnes remariées civilement.
Dans le même temps il démonte l'enseignement de l'Eglise sur la contraception – une affaire de conscience lorsque l'ouverture à la vie est en « conflit » avec la sauvegarde de la famille ; sur le caractère peccamineux de l'acte sexuel en dehors du mariage légitime ; sur la réalité de l'adultère du second mariage civil ; sur la désignation d'une situation de péché grave qui « exclut » celui qui est ainsi montré du doigt.
On notera dans le texte du cardinal Marx la référence au tristement célèbre synode de l'ombre qui s'est tenu en mai dernier et où les interventions prônaient l'ouverture aux divorcés « remariés » et même l'abandon de la notion subjective de péché pour les relations homosexuelles.
Le cardinal Reinhard Marx fait partie du « G9 » nommé par le pape François peu après son élection à la chaire de Pierre. – J.S.
Il y a 50 ans de deuxième Concile
Vatican II a de nouveau fait de l'Évangile une source d'inspiration pour la vie
des individus et de la société. Il en va de même pour l'Évangile de la famille du pape François. Dans la Constitution
pastorale Gaudium et spes le Concile
a développé une doctrine du mariage qui a été davantage approfondi par les
papes après le Concile. Même s’il n’a pas répondu à toutes les questions qui
nous préoccupent aujourd'hui il a posé des fondations théologiques qui nous
aident à répondre à nos questions actuelles.
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Mgr Reinhard Marx avait une réputation de conservatisme avant d'être fait cardinal |
Le Concile considère le mariage
comme une « communauté profonde de vie et d’amour » (Gaudium et spes 48) et développe la
doctrine du mariage dans le contexte d'une théologie de l'amour. L'amour entre
un homme et une femme « va d’une personne vers une autre personne en vertu
d’un sentiment volontaire, cet amour enveloppe le bien de la personne tout
entière ; il peut donc enrichir d’une dignité particulière les expressions du
corps et de la vie psychique et les valoriser comme les éléments et les signes
spécifiques de l’amitié conjugale. » Cet amour « imprègne toute leur
vie ; bien plus, il s’achève lui-même et grandit par son généreux
exercice » (GS, 49). Le concile
met l'accent sur le fait que cet amour entre l'homme et la femme requiert le
cadre institutionnel et légal du mariage, afin de se développer et d’être gardé
en permanence aussi bien dans les jours donc dans les jours mauvais. Ce n'est
pas en dernier lieu que l'institution du mariage sert le bien-être des enfants
(GS, 50). »
A l'aide de cette théologie de
l'amour et aussi de la théologie de l'Alliance, dont on ne peut parler que très
rapidement ici, le concile a réussi à rendre de nouveau compréhensible la
sacramentalité du mariage. L'amour conjugal devient d'une image de l'amour du
Christ pour son Eglise et le lieu où l'amour du Christ devient tangible. C'est
aussi pour exprimer ce lien entre le divin et l'humain de manière verbale, que
le Concile parle de l'alliance du mariage. Enfin, la fidélité indissoluble est
un signe efficace de l'amour du Christ en ce monde.
A la fin, le Concile voit la
sexualité humaine comme une expression d'amour et suggère qu'une nouvelle
direction soit prise pour l'éthique sexuelle. « Cette affection a sa manière
particulière de s’exprimer et de s’accomplir par l’œuvre propre du mariage. En
conséquence, les actes qui réalisent l’union intime et chaste des époux sont
des actes honnêtes et dignes. Vécus d’une manière vraiment humaine, ils
signifient et favorisent le don réciproque par lequel les époux s’enrichissent
tous les deux dans la joie et la reconnaissance (GS, 49). » A cette richesse appartiennent sans doute aussi,
mais pas seulement, la conception et l'éducation des enfants. Car les Pères
conciliaires mettent expressément l'accent sur le fait que le mariage sans
enfant « comme communauté et communion de toute la vie, demeure, et il
garde sa valeur et son indissolubilité (GS, 50). »
Il appartient à ce Synode des
évêques d'approfondir et de développer cette théologie respectivement de
l'amour et de l'Alliance, dont le concile a établi les aspects fondamentaux,
mais qui n'est pas encore totalement reflétée dans le droit canonique, en
tenant compte des défis actuels dans la pastorale du mariage et de la famille.
J'aimerais m'arrêter sur deux défis : le conseil et le préparation au
mariage, et la question d'une attitude raisonnable à l'égard des fidèles dont
le mariage a échoué et de ceux, pas peu nombreux, qui ont divorcé et qui
sont civilement remariés.
Ce n'est pas par hasard que le
concile parle de la croissance dans l'amour. Cela est vrai en ce qui concerne
la vie commune dans le mariage, mais ce l’est aussi pour le temps de
préparation du mariage. Il faut développer un soin pastoral qui montre plus
clairement qu’à ce jour, la dimension de cheminement propre au fait d’être
chrétien, également en ce qui concerne le mariage et la famille. Nous sommes
tous appelés à la sainteté (cf. Lumen
gentium, 39), mais le chemin vers la sainteté ne finira qu’au Dernier jour,
lorsque nous nous tiendrons devant le siège de jugement du Christ. Ce chemin
n'est pas toujours droit et il ne conduit pas toujours directement vers le but
recherché. En d'autres termes, le chemin de la vie des époux a des moments de
sentiments intenses et des temps de déception, de projets communs réussi,
et de plans qui échouent, des temps de rapprochement et des temps d'éloignement.
Souvent les difficultés et les
crises, lorsqu'elles sont surmontées ensemble, sont celles qui renforcent et
consolident le lien conjugal. Le conseil et la préparation au mariage offerts par
l’Eglise ne peuvent pas être déterminés par un perfectionnisme moraliste. Il ne
doit pas être un programme du « tout ou rien ». Ce qui est plus
important, c’est que nous voyions les différentes situations de vie et les
expériences des gens d'une manière différenciée. Nous devons moins regarder ce
qui n'a pas encore été accompli dans la vie, ou peut-être ce qui a complètement
échoué, et regarder davantage ce qui a déjà été accompli. Généralement les gens
ne sont pas motivés à progresser sur le chemin vers la sainteté par le doigt
accusateur, mais par la main tendue. Nous avons besoin d'un soin pastoral qui
mette en valeur les expériences des gens qui se trouvent au sein de relations
aimantes, et qui sache éveiller un désir spirituel. Le sacrement du mariage
doit en premier lieu être proclamé en tant que don qui enrichit et affermit le
mariage et la vie de famille, et moins comme un idéal qui ne peut être atteint
par les moyens humains. Aussi indispensable qu’est la fidélité tout au long de
la vie pour le développement de l'amour, ainsi la sacramentalité du mariage ne
doit pas être réduite à son indissolubilité. C'est une relation globale qui se
développe.
Le moment où l'on reçoit le
sacrement du mariage est en effet le début du chemin. Le sacrement n’a pas
seulement lieu au moment du mariage, où les deux époux expriment leur amour
mutuel et leur fidélité, mais se développe dans le chemin qu'ils prennent
ensemble. Il est de la responsabilité des époux de donner une forme à la vie
commune dans le mariage. Le soin pastoral de l'Eglise peut et doit soutenir les
époux, mais doit respecter leur responsabilité. Nous devons donner davantage de
place aux consciences des époux dans la proclamation et dans le soin pastoral.
Il est certainement du devoir de l'Eglise de former les consciences des
fidèles, mais le jugement de la conscience des gens ne peut pas être remplacé.
Cela est particulièrement vrai dans les situations où les époux doivent prendre
des décisions dans un conflit de valeurs, par exemple lorsque l'ouverture à la
conception d'enfants et la préservation du mariage et de la vie de famille sont
en conflit.
Mais le soin pastoral positif et
encourageant ne peut pas empêcher tous les mariages d'échouer, il ne peut pas
empêcher que des époux mettent fin à leur alliance de vie et d'amour et se
séparent. La nouvelle procédure de déclaration de nullité d'un mariage ne peut
pas couvrir tous les cas convenablement. Souvent la fin d'un mariage n'est ni
le résultat de l'immaturité humaine ni d'un manque de volonté de se marier.
S'occuper des fidèles dans les mariages dont les mariages ont échoué et qui,
bien souvent, se sont engagés dans un nouveau mariage civil après un divorce
civil, demeure ainsi un problème pastoral aigu dans de nombreuses parties du
monde. Pour de nombreux fidèles, y compris ceux dont les mariages sont
intacts, c'est une question de crédibilité de l'Eglise. Je sais cela par le
biais de beaucoup de conversation et de lettres.
Heureusement, les papes Jean-Paul
II et Benoît XVI n'ont pas laissé de doute sur le fait que les fidèles divorcés
et remarié civilement font aussi partie de l'Eglise, et ils les ont invités de
manière répétée à prendre une part active dans la vie de l'Église. Il est donc
de notre devoir de développer une pastorale accueillante en direction de ses
fidèles et de les impliquer toujours davantage dans la vie des communautés. À
leur égard l'Église doit témoigner de l'amour du Christ, qui s'applique en
premier lieu à ceux qui ont failli dans leurs intentions et leurs efforts. Car
ce ne sont pas ceux qui sont en bonne santé qui ont besoin du médecin, ce sont
les malades. C'est la mission de l'Eglise de guérir les plaies causées par
l'échec d'un mariage et la séparation des époux, et de montrer que Dieu est
avec eux, également dans ces temps difficiles. Pouvons-nous vraiment
guérir sans permettre le sacrement de la réconciliation ?
En ce qui concerne les divorcés
remariés civilement qui prennent une part active à la vie de la communauté,
de nombreux fidèles demandent pourquoi l'Église leur refuse, sans exception, la
participation à la communion sacramentelle. Ils sont nombreux dans nos
communautés à ne pas comprendre comment l'on peut être en pleine communauté
avec l'Eglise et en même temps exclu des sacrements de confession et de
l'Eucharistie. Le fait que les divorcés remariés civilement vivent
objectivement dans un état d'adultère et sont en tant que tels en contradiction
avec ce qui est emblématiquement présent dans l’Eucharistie, la fidélité du
Christ à son Eglise, est donné comme raison. Mais cette réponse fait-elle
justice à la situation de ces personnes ? Et est-elle contraignante
théologiquement-sacramentallement ? Des personnes qui sont considérées
comme étant en situation de péché grave peuvent-elles vraiment avoir le
sentiment de nous appartenir complètement ?
A la Conférence des évêques
d'Allemagne nous nous sommes nous aussi occupés intensément ces dernières
années de la théologie et du ministère pastoral du mariage et de la famille.
Nous avons pris la demande du Saint-Père au sérieux ; nous avons réfléchi
à ce thème, nous en avons discuté et nous l’avons approfondi pendant le temps qui
a séparé les deux synodes. La Conférence des évêques d'Allemagne à organisé une
journée d'étude à ce sujet, avec les conférences des évêques de France et de
Suisse en mai 2015, dont les contributions ont également été publiées. Dans les
facultés de théologie également, on s’est occupé de ces sujets et on en a
débattu selon des perspectives bibliques, théologiques, exégétique,
canoniques et théologiques-pastorales. En outre il y a eu des conversations
avec des théologiens et des publications. Nous avons compris que le travail
théologique à ce propos doit continuer à l'avenir.
Au sujet des fidèles divorcé et
remariés civilement les évêques allemands ont eux-mêmes publié en juin de
l'année dernière d'autres considérations et des questions que j'aimerais
exposer brièvement.
Celui qui après l'échec d'un
mariage est entré dans un nouveau mariage civil, où souvent des enfants naissent,
a une responsabilité morale à légal à l'égard du nouveau partenaire et des
enfants, à laquelle il ne peut renoncer sans encourir une nouvelle culpabilité.
Même si le rétablissement de la relation antérieure est possible, ce qui n'est
généralement pas le cas, la personne se trouve dans un dilemme moral objectif,
sans issue théologiquement et morale claire. Le conseil de s'abstenir des actes
sexuels dans la nouvelle relation paraît déraisonnable pour beaucoup. Il y a aussi la question de
savoir si les actes sexuels peuvent être jugés isolément du contexte de la vie.
Pouvons-nous juger les actes sexuels d'un second mariage civil comme
constituant sans aucune exception des adultères ? Indépendamment de la
prise en compte de cette situation particulière ?
Du point de vue théologique
sacramentel il faut considérer deux choses. Pouvons-nous dans tous les cas et
avec une conscience tranquille, exclure les fidèles qui sont divorcés remariés
civilement du sacrement de réconciliation ? Pouvons-nous leur refuser la
réconciliation avec Dieu et l'expérience sacramentelle de la miséricorde de
Dieu même lorsqu'ils regrettent sincèrement leur culpabilité par rapport à
l'échec du mariage ? En ce qui concerne la question de permettre l'accès à la
communion sacramentelle, il faut considérer que l’Eucharistie ne rend pas
seulement présente l'alliance du Christ avec son église, mais qu'elle la
renouvelle toujours et raffermit les fidèles sur leur chemin vers la sainteté.
Les deux principes de l'accès à l'Eucharistie, à savoir le témoignage de
l'unité de l'Eglise et la participation au moyen de la grâce, peuvent parfois
être en conflit l’un avec l’autre. Dans la déclaration Unitatis redintegratio, le concile affirme : [la communicatio in sacris] « est, la
plupart du temps, interdite du point de vue de l’expression de l’unité ; la
grâce à procurer la recommande quelquefois. »
Au-delà de l’œcuménisme cette
déclaration est également d'une importance pastorale fondamentale. Dans sa
lettre apostolique Evangelii gaudium
le Saint-Père ajoute, faisant référence aux enseignements des Pères de
l'Église, ajoute : « L’Eucharistie, même si elle constitue la
plénitude de la vie sacramentelle, n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais
un généreux remède et un aliment pour les faibles. Ces convictions ont aussi
des conséquences pastorales que nous sommes appelés à considérer avec prudence
et audace (N° 47). »
À partir des fondations
théologiques établies par le Concile Vatican II nous devons sérieusement
envisager la possibilité – fondée sur le cas individuels et non de manière
générale – de permettre à des fidèles divorcés et remariés civilement de recevoir
les sacrements de confession et de communion, lorsque la vie dans la dans le
mariage canoniquement valide a définitivement échoué et que ce mariage ne peut
pas être annulé, que tous les engagements à l'égard de ce mariage sont réglés,
qu'il y a un regret par rapport à la culpabilité quant à la fin de cette vie
commune conjugale et qu'il y a une volonté honnête de vivre le second mariage civil
dans la foi et d'élever les enfants dans la foi.
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