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Arnold Mulder |
Les médias néerlandais s’en sont
émus : le prestigieux hôpital universitaire de Radboud, à Nimègue, a
refusé
de prélever un rein sur un patient qui devait se faire euthanasier bientôt.
Cette nouvelle a été divulguée le 6 février dernier par le quotidien de gauche
De Volkskrant – avec la photo de
l’intéressé, Arnold Mulder, 56 ans – qui notait sur un ton aigre :
« L’homme souffre d’une maladie neurologique mortelle et il veut donner
ses reins après son euthanasie – une procédure qui a déjà été mise en œuvre à
plusieurs reprises. Mais le Radboud, qui s’inscrit dans un environnement
catholique, l’a renvoyé. »
Oui, ces affreux cathos voulaient
empêcher la charité moderne par excellence, le don d’organes, en refusant à
Arnold Mulder de donner un sens à sa mort…
Aussitôt, le RadboudUMC a fait
savoir par une porte-parole la raison de ce refus. Non, ce n’était pas parce
que cet hôpital refuse l’euthanasie que l’affaire n’allait pas pouvoir se
conclure : le Radboud en pratique, sans problème. Ce n’était pas non plus
parce que le Radboud refuse le don d’organes vitaux – il en pratique – ni même
le prélèvement d’organes à la suite d’une euthanasie : la porte-parole a
souligné qu’une telle procédure, qui en est à ses balbutiements aux Pays-Bas –
a déjà eu lieu dans le cadre de l’hôpital universitaire.
La presse s’était indignée pour
rien : ce n’est pas parce que le Radboud est soumis à une organisation de
tutelle confessionnelle (Stichting
Katholieke Universiteit – « fondation université catholique »)
qu’on s’y encombre de règles morales. L’euthanasie est décidément entrée dans
les mœurs…
La réticence des autorités avait
une double origine, a expliqué la porte-parole. Premièrement, les Pays-Bas
n’ont connu à ce jour que 7 prélèvements après euthanasie, et il n’y a pas de
« directives » claires à leur sujet. Deuxièmement : le patient
n’était pas en traitement au Radboud et on a estimé que la question de l’euthanasie
doublée d’un don d’organes est trop délicate, trop complexe pour ne pas exiger
l’existence d’une relation patient-médecin personnelle qui permette d’assurer
que les décisions soient prises de manière « méticuleuse ». « Nous
souhaitons mieux connaître le patient avant de prendre une décision aussi
complexe. » L’hôpital s’est contenté de le renvoyer avec sa demande à
l’hôpital traitant, le Canisius-Wilhelmina Ziekenhuis (CWZ).
Pour la petite histoire, cet autre
hôpital de Nimègue est né en 1974 de la fusion de l’hôpital catholique
Canisius, qui depuis 1850 recevait et soignait les pauvres, et de l’hôpital
Wilhelmina, protestant celui-là, fondé en 1895. L’hôpital se dit chrétien.
Ledit hôpital avait tenu la
demande de Mulder à distance dans un premier temps – notamment parce qu’en
règle générale aux Pays-Bas, l’euthanasie se pratique à domicile, ce qui rend
impossible le prélèvement d’organes qui nécessite un cadre hospitalier. Sous la
pression du malade, des médias, et même indirectement du ministre de la santé,
Edith Schippers, qui a promis de prendre la question à bras-le-corps, le CWZ a
accepté de remplir le vœu du malade.
Il devait être euthanasié ce
dimanche, en présence des siens et notamment de ses trois filles qui ont
soutenu sa demande : cinq minutes pour dire « adieu », puis son
corps devait être transmis à l’équipes de prélèvement. A l’heure d’écrire ces
lignes, il doit être mort.
Arnold Mulder souffre (souffrait)
d’atrophie multisystématisée, une maladie dégénérative du cerveau liée à la
maladie de Parkinson. Il ne pouvait plus taper à la machine. Il avait des
difficultés d’expression. Son médecin traitant tout comme le médecin consulté
en vue d’une euthanasie étaient d’accord : il devait pouvoir mourir avant
que son état ne se dégrade jusqu’à le rendre dépendant.
Un spécialiste d’éthique de
l’hôpital universitaire Erasmus de Rotterdam a fait
savoir que le refus de l’hôpital Radboud était à son avis incompréhensible.
Ce sont précisément les hôpitaux universitaires qui ont compétence pour le
prélèvement d’organes aux Pays-Bas : « C’est compliqué sur le plan
logistique, mais c’est possible. Cela s’est déjà fait, il y a de l’expertise,
c’est justifié sur le plan éthique, en ordre sur le plan juridique et faisable
sur le plan pratique », a souligné Erwin Kompanje. Oui, l’environnement
est plus « froid », c’est plus lourd à vivre pour les proches :
« Mais c’est le choix du patient. Et dans ce cas-là, il appartient à
l’hôpital de coopérer : voulons-nous des organes, ou n’en voulons-nous
pas ? »
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