15 février, 2015

Pays-Bas : don d'organes après euthanasie : un hôpital catholique refuse – mais pas pour les bonnes raisons

Arnold Mulder
Les médias néerlandais s’en sont émus : le prestigieux hôpital universitaire de Radboud, à Nimègue, a refusé de prélever un rein sur un patient qui devait se faire euthanasier bientôt. Cette nouvelle a été divulguée le 6 février dernier par le quotidien de gauche De Volkskrant – avec la photo de l’intéressé, Arnold Mulder, 56 ans – qui notait sur un ton aigre : « L’homme souffre d’une maladie neurologique mortelle et il veut donner ses reins après son euthanasie – une procédure qui a déjà été mise en œuvre à plusieurs reprises. Mais le Radboud, qui s’inscrit dans un environnement catholique, l’a renvoyé. »
Oui, ces affreux cathos voulaient empêcher la charité moderne par excellence, le don d’organes, en refusant à Arnold Mulder de donner un sens à sa mort…
Aussitôt, le RadboudUMC a fait savoir par une porte-parole la raison de ce refus. Non, ce n’était pas parce que cet hôpital refuse l’euthanasie que l’affaire n’allait pas pouvoir se conclure : le Radboud en pratique, sans problème. Ce n’était pas non plus parce que le Radboud refuse le don d’organes vitaux – il en pratique – ni même le prélèvement d’organes à la suite d’une euthanasie : la porte-parole a souligné qu’une telle procédure, qui en est à ses balbutiements aux Pays-Bas – a déjà eu lieu dans le cadre de l’hôpital universitaire.
La presse s’était indignée pour rien : ce n’est pas parce que le Radboud est soumis à une organisation de tutelle confessionnelle (Stichting Katholieke Universiteit – « fondation université catholique ») qu’on s’y encombre de règles morales. L’euthanasie est décidément entrée dans les mœurs…
La réticence des autorités avait une double origine, a expliqué la porte-parole. Premièrement, les Pays-Bas n’ont connu à ce jour que 7 prélèvements après euthanasie, et il n’y a pas de « directives » claires à leur sujet. Deuxièmement : le patient n’était pas en traitement au Radboud et on a estimé que la question de l’euthanasie doublée d’un don d’organes est trop délicate, trop complexe pour ne pas exiger l’existence d’une relation patient-médecin personnelle qui permette d’assurer que les décisions soient prises de manière « méticuleuse ». « Nous souhaitons mieux connaître le patient avant de prendre une décision aussi complexe. » L’hôpital s’est contenté de le renvoyer avec sa demande à l’hôpital traitant, le Canisius-Wilhelmina Ziekenhuis (CWZ).
Pour la petite histoire, cet autre hôpital de Nimègue est né en 1974 de la fusion de l’hôpital catholique Canisius, qui depuis 1850 recevait et soignait les pauvres, et de l’hôpital Wilhelmina, protestant celui-là, fondé en 1895. L’hôpital se dit chrétien.
Ledit hôpital avait tenu la demande de Mulder à distance dans un premier temps – notamment parce qu’en règle générale aux Pays-Bas, l’euthanasie se pratique à domicile, ce qui rend impossible le prélèvement d’organes qui nécessite un cadre hospitalier. Sous la pression du malade, des médias, et même indirectement du ministre de la santé, Edith Schippers, qui a promis de prendre la question à bras-le-corps, le CWZ a accepté de remplir le vœu du malade.
Il devait être euthanasié ce dimanche, en présence des siens et notamment de ses trois filles qui ont soutenu sa demande : cinq minutes pour dire « adieu », puis son corps devait être transmis à l’équipes de prélèvement. A l’heure d’écrire ces lignes, il doit être mort.
Arnold Mulder souffre (souffrait) d’atrophie multisystématisée, une maladie dégénérative du cerveau liée à la maladie de Parkinson. Il ne pouvait plus taper à la machine. Il avait des difficultés d’expression. Son médecin traitant tout comme le médecin consulté en vue d’une euthanasie étaient d’accord : il devait pouvoir mourir avant que son état ne se dégrade jusqu’à le rendre dépendant.
Un spécialiste d’éthique de l’hôpital universitaire Erasmus de Rotterdam a fait savoir que le refus de l’hôpital Radboud était à son avis incompréhensible. Ce sont précisément les hôpitaux universitaires qui ont compétence pour le prélèvement d’organes aux Pays-Bas : « C’est compliqué sur le plan logistique, mais c’est possible. Cela s’est déjà fait, il y a de l’expertise, c’est justifié sur le plan éthique, en ordre sur le plan juridique et faisable sur le plan pratique », a souligné Erwin Kompanje. Oui, l’environnement est plus « froid », c’est plus lourd à vivre pour les proches : « Mais c’est le choix du patient. Et dans ce cas-là, il appartient à l’hôpital de coopérer : voulons-nous des organes, ou n’en voulons-nous pas ? »

• Voulez-vous être tenu au courant des informations originales paraissant sur ce blog ? Abonnez-vous gratuitement à la lettre d'informations. Vous recevrez au maximum un courriel par jour. S'abonner



© leblogdejeannesmits



Aucun commentaire:

 
[]