30 novembre, 2014

J'étais au colloque du lobby de l’euthanasie à l’Assemblée nationale


Véronique Massonneau, élue EELV, tenait colloque jeudi soir dans le grand salon Victor Hugo de l’Assemblée nationale pour présenter sa proposition de loi visant à « assurer aux patients en fin de vie de mourir dans la dignité » : en clair, une loi dépénalisant l’euthanasie. La salle était comble : un public très majoritairement féminin et grisonnant, aux allures de militantes gauchistes parisiennes. Des quatre tables rondes qui ont ponctué l’après-midi, j’ai retiré deux choses principales : pour les parlementaires comme pour l’ADMD, largement représentée, le catholique, c’est l’ennemi. Et, deuxième point : l’intention est clairement d’obtenir une loi, même insatisfaisante à leurs yeux, car il sera toujours temps de la faire évoluer par la suite.
En attendant le rapport Leonetti-Claeys en décembre, et un éventuel texte gouvernemental qui n’arrivera probablement pas avant le printemps, les Verts autour de l’élue de la Vienne entendent profiter de leur niche parlementaire pour présenter la proposition Massonneau à l’Assemblée à la fin du mois de janvier. Quelles sont les chances de leur texte ? Pas très grandes, me semble-t-il, il y a fort à croire que le gouvernement privilégiera le sien. Mais il traduira en tout cas un état d’esprit et mettra la pression. Ce n’est pas un hasard si Claude Bartolone, président PS de l’Assemblée nationale, a honoré la réunion de sa présence et d’un discours complaisant.
Vous raconter l’ensemble de cette après-midi militante ? C’est ce que je vais essayer de faire, en essayant de dégager la logique qui anime les partisans de la « mort choisie » : elle tient en réalité en deux mots, libre arbitre. Laisser les hommes « définir ce qui à leurs yeux constitue leur propre dignité », comme l’a dit Mme Massonneau lors de ses propos introductifs. On pourrait la traduire de manière plus exacte : « Ni Dieu, ni maître. » Si l’euthanasie est aujourd’hui socialement mieux acceptée – s’il faut en croire les sondages – par une partie de la population qui y voit une réponse à des souffrances insupportables, ses théoriciens et promoteurs, eux, disent clairement que l’homme doit être la fin et la mesure de toute chose, parfaitement autonome, affranchi de toutes les pesanteurs et de tous les « paternalismes », qu’ils soient religieux, moraux ou même médicaux. « C’est moi qui décide. »
Cela était résumé à la fin du colloque par Véronique Massonneau qui réclamait un nouveau droit humain universel : « Tous les hommes meurent libres et égaux en droits »…

I.

Ouvrant les débats lors d’une première table ronde intitulée « La France a-t-elle besoin d’une loi sur la fin de vie ? », Jean-Luc Roméro a dit son inquiétude de voir le projet gouvernemental se borner à une « loi Leonetti de gauche ». La crainte des euthanasieurs semble être de voir légaliser la « sédation terminale » irréversible qui plonge le patient dans le coma et le fait mourir – au bout de quelques jours ou de quinze – par arrêt de l’alimentation et de l’hydratation.
« Il faudra nous expliquer la différence entre une sédation terminale et l’euthanasie : il y a des actes, c’est, pour moi, une euthanasie active sauf qu’on ne sait pas à quelle heure la personne meurt », a dit, non sans bon sens, le président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité.
C’est évidemment un point de vue intéressant par rapport à l’affaire Vincent Lambert : on peut dire que c’est un spécialiste qui vient confirmer la nature euthanasique de l’arrêt de la nourriture et de l’hydratation.
On comprend bien que les partisans de la légalisation explicite de l’euthanasie ne sont pas satisfaits de la loi Leonetti : Roméro la qualifie de « loi faite par des médecins pour des médecins ». L’argument de fond ? Il y a déjà des euthanasies en France (il en donne l’évaluation à 4.800) mais décidées 4 fois sur 5 par les médecins. Sur ce plan-là aussi, on ne peut que lui donner raison : la loi Leonetti donne en effet pouvoir de vie et de mort au médecin qui décide seul.
Roméro dit aussi sa colère face au fait que les médecins, « par choix personnel ou religieux », puissent aujourd’hui passer outre à des directives anticipées : « C’est le médecin qui décide de l’obstination déraisonnable, et de la durée de la sédation terminale », déplore-t-il. Hermétique à la notion du « double effet » (qui est un aspect juste de la loi Leonetti), Roméro n’accepte pas que l’on puisse distinguer entre l’intention de soulager une souffrance au risque de hâter la mort et celle de provoquer la mort directement : pour lui tout est euthanasie.
Rappelant qu’en France, avec le plus fort taux de suicide de l’OCDE, 15 % des suicides seulement sont médicamenteux, Jean-Luc Roméro a enfin adopté un argument qui est aujourd’hui très en vogue aux Pays-Bas pour réclamer un élargissement expresse de la loi aux patients souffrant d’affections psychiatriques : il faut donner une autre option aux malades que le « suicide violent ». « Se suicider de cette manière-là, c’est inacceptable. »
Eh oui : aux Pays-Bas, on souligne même que les gens qui se jettent sous le train… perturbent la circulation des trains. Une piqûre létale, c’est plus propre.
Corinne Lepage, ancien ministre de l’environnement, voit dans la résistance à une loi légalisant l’euthanasie différentes « peurs » : « la peur de certains d’être euthanasiés de manière illégale, peur de ceux qui pensent pouvoir être suicidés contre leur volonté ». Peut-on avoir une objection religieuse à l’euthanasie ? Oui ; c’est « très légitime » – « mais on ne doit pas créer une obligation qui s’imposerait à tous ».
L’« écolo de droite » développe à son tour une argumentation qui n’est pas neuve, elle est toujours répétée à propos de l’avortement pour expliquer le refus d’abroger la loi Veil : « Il est choquant que ceux qui ont les moyens puissent aller en Suisse, d’autres non. C’est la dernière des injustices. Si certains recourent au système suisse, c’est qu’on a besoin de quelque chose de comparable ici, au nom d’un humanisme, même si celui-ci peut être interprété différemment. »
(Tiens, pourquoi n’a-t-on pas étendu à la France le secret bancaire qui avait cours en Suisse, alors ?)
Mais l’urgent est de légiférer sur l’euthanasie : « Contrôler et sanctionner pour éviter qu’on tue des personnes qui ne le souhaitent pas. »
Comme pour l’« IVG », la loi, en encadrant la pratique, en développant les soins palliatifs, va à la fois diminuer le nombre d’euthanasies effectivement pratiquées et assurer la sécurité des patients face à des médecins tout-puissants – il fallait y penser !

II.

La deuxième table ronde était consacrée à l’état de l’opinion en France, avec une première intervention de Frédéric Dabi, directeur adjoint de l’IFOP dont le dernier sondage donne « 96 % » des Français favorables à l’euthanasie : une aide active à mourir dans « certains cas » de souffrances insupportables. Si elles sont, par définition, insupportables, comment oser passer pour un sans-cœur en imposant cette peine à autrui ? Dabi décrit l’augmentation de l’acceptation sociale depuis 2001 (+ 8%) et souligne « l’absence de clivage, un consensus très fort : il n’y a pas de famille politique où la tendance ne soit pas majoritaire ». Y compris le FN où la chose est même mieux acceptée qu’à l’AFP.
Si c’est exact, d’où ces hésitations des politiques ? Dabi enfonce le clou : 40 % des électeurs seraient prêts selon les énquêtes qu’il cite à « sanctionner » un candidat pour le seul motif qu’il ne serait pas favorable à la légalisation, en ne votant pas pour lui… A croire que tout le monde n’ajoute pas foi à ces résultats étrangement massifs.
Comment dire… Ce directeur-adjoint d’institut de sondage semblait avoir une opinion personnelle forte sur le sujet.
Rappelons aussi que Mme Laurence Parisot, dont les options politiques et libérales sont fortement affichées, est actionnaire majoritaire de l’IFOP.
Edouard Delruelle, professeur de philosophie politique à Liège et ancien membre du Comité consultatif de bioéthique dont le rapport allait déboucher sur la légalisation de l’euthanasie en Belgique en 2002. Il a montré comment les Belges ont pu s’affranchir de la première position possible – le refus, avec les seules options des soins palliatifs et de la sédation – qu’avec la défaite des partis catholiques écartés des coalitions de gouvernement. Oui, décidément, ce sont les catholiques, les ennemis de l’euthanasie, et ils semblent bien être les seuls à écouter ces militants.
« Il faut une même logique pour les soins palliatifs et l’euthanasie faussement passive (la sédation terminale), et l’euthanasie active : les soins ultimes », affirme-t-il, expliquant la nécessité d’une « objectivation » avec l’accord de deux médecins pour l’euthanasie qui se justifie par une « situation sans issue », « toujours la clause de conscience », une déclaration subséquente de l’euthanasie auprès de la commission compétente.
« Il n’y a pas eu de pente glissante. Même les opposants en Belgique – s’il y en a encore – n’en sont pas à ces arguments », affirme le professeur. Il va jusqu’à dire que la légalisation de l’euthanasie, en libérant les gens de la « peur » et en libérant la parole entre médecins et patients, peut avoir pour effet de faire diminuer ou de retarder la demande de mort. On sait que la possibilité est là, cela suffit.
Pour ce qui est de la pente glissante, je vous propose de faire une recherche sur ce blog sur l’euthanasie en Belgique et aux Pays-Bas : vous serez édifiés…
Muguette Dini, ancienne sénatrice centriste, était là au titre de son appartenance à l’ADMD. Elle devait simplement parler des précédentes propositions et des navettes parlementaires de ces lois dont elle souhaite qu’elles aboutiront à remplacer un jour la loi Leonetti, « un texte pour mourir en souffrant moins ».

III.

Nous voici à la troisième table ronde : « Une loi enfin, une loi comment ? »
Jacqueline Herremans est présidente de l’ADMD Belgique, mais aussi membre de la commission fédérale d’évaluation et de contrôle des euthanasies, et du comité consultatif de bioéthique en Belgique. Parole énergique, mots crus, attitude détendue : cette militante supplie les Français de réussir leur projet. « Tous les jours, nous recevons des demandes d’euthanasie de la part de Français. Ayez une loi qui nous permettra d’écarter 10 % de notre travail à répondre à ces Français ! »
« Notre grande chance en 1999 a été que les partis catholiques aient été rejetés dans l’opposition. Cela a été une période “bénie” (rires) pour les problèmes de société : mariage homo, adoption par des couples de même sexe… »
Jacqueline Herremans, comme Delruelle, insiste sur le meilleur dialogue entre patients et médecins, la fin du « paternalisme » (en Flandres, du moins), le côté rassurant d’avoir une « porte de sortie » qui permet de « profiter d’une qualité de vie le plus longtemps possible ». Et puis des « rituels » s’intallent : « Une dernière fête, parfois accompagnée par des prêtres. » « Les clivages doctrinaux se décident au Vatican, mais les oukazes du Vatican ne sont pas forcément suivis sur le terrain », se félicite l’oratrice.
Elle plaide pour ce « changement de paradigme » : « Le médecin proposait le traitement, disposait parfois ; pour l’euthanasie, c’est le patient qui propose. » « Ces questions – à part quelques villages réfractaires de Gaulois, sont entendues, discutées, débattues. »
Mme Herremans a soulevé la question des euthanasies d’enfants récemment légalisées en Belgique (avec la même majorité, 75 %, que la première loi d’euthanasie il y a une décennie). « Cela a choqué en France, mais nous avons une expérience de 10 ans par rapport aux adultes », assure-t-elle.
Aujourd’hui, en Belgique, la loi d’euthanasie fait qu’« on ne meurt plus seul ». La France doit suivre son exemple, mais Mme Herremans s’inquiète de voir le débat contourner la question de l’euthanasie : « Vous avez déjà le laisser-mourir, je crains que vous n’ayez le faire dormir ! »
François de Rugy, député écologiste, a noté que c’est aux politiques de faire « franchir des caps ». « Le consensus, faut-il y arriver ? Dans la société, il est déjà beaucoup plus large que sur d’autres sujets. Mais l’histoire – la loi Veil nous l’a montré : le consensus vient après. Sur la loi sur “le mariage pour tous” le consensus est beaucoup plus large qu’il y a trois ans, et même depuis son adoption. »
On ne saurait mieux mettre en évidence le rôle de « moteur social » de la loi qui ne répond pas à un état de fait mais contribue très largement à le créer.
Mais… « Il y a des gens qui rendent certains débats virulents. Notamment par cette obsession permanente sur la période du nazisme, genre de référence qui rend le débat impossible. »
L’élue socialiste Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée, a confirmé que Véronique Massonneau, auteur de la proposition de loi, vient d’être nommée rapporteur. Elle a souligné l’existence de « voix discordantes » dans chaque camp : « Dès lors que chacun laissera ses convictions religieuses sur le bord du chemin, cela ira mieux. (…) C’est toujours difficile pour eux de se départir de leurs convictions religieuses… Il y a ceux qui fréquentent Sainte-Clotilde, à côté, ce n’est pas pareil. »
Encore les catholiques ! Sainte-Clotilde, pour ceux des lecteurs de ce blog qui ne connaissent pas la géographie de l’Assemblée nationale, est la paroisse la plus voisine du Palais-Bourbon, où depuis longtemps les élus catholiques sont volontiers accueillis et accompagnés.

IV.

Sans l’ombre d’une pause, nous voici arrivés à la quatrième table ronde : « Quels choix, quelle loi ? »
Bernard Lebeau, professeur de médecine, cancérologue et pneumologue, a vu plus de « 4.000 » patients mourir au fil des ans.
Pour bien parler de la question, il affirme deux a priori. « D’abord, revenir sur les convictions religieuses. J’ai été élevé à Stanislas (rires). On m’a donné de bons sentiments, mais je suis devenu adulte ». Et voilà le médecin devenu exégète : il y a une erreur de traduction des tables de la loi données à Moïse : « Ce n’est pas tu ne tueras pas, mais tu ne commettras pas de meurtre. » Voilà qui, à ses yeux, change tout ! Il faut « aimer l’autre », c’est le premier commandement, primordial, qui va permettre de l’éliminer.
Deuxième a priori : « Ce n’est pas au mari de tuer sa femme, c’est à nous, médecins, de prendre nos responsabilités… Il faut légaliser l’aide à mourir. »
Après les deux a priori, trois principes. Sans surprise, il nomme la liberté, l’égalité et la fraternité : « Avec cela, tous les problèmes sont résolus. »
Puis « quatre pilliers ». Le premier est l’« accompagnement » – des psychologues, peut-être, pour « les proches et les soignants ». Le médecin n’est pas fait pour tuer : peut-être faut-il un nouveau métier de « praticien de fin de vie » ? Il n’osera pas le mot bourreau… Mais il assure que le cocktail lytique était fréquemment utilisé depuis les années 1970 ; que « débrancher un malade c’est de l’euthanasie ». La banalisation affirmée est aussi un moyen de pousser à la roue…
Le deuxième pillier, ce sont les soins palliatifs.
« Mais ça ne résout pas tout : c’est l’insuffisance de la loi Leonetti. Il y a les maladies neurodégénératives (« les 900.000 Français atteints d’Alzheimer »…), les « handicapés majeurs comme Vincent Lambert », « les malades psychiatriques » (on a « l’exemple belge »), « l’enfant » et « le grand vieillard ».
Troisième pillier, donc, légalisation et non dépénalisation : « Il faut étendre la loi aux patients inconscients s’ils ont laissé des directives anticipées, ou accord d’une commission de médecins. » La salle ne paraissait pas particulièrement choquée par le propos…
Quatrième pillier : dans les cas « non-urgents », le Pr Lebeau rêve d’un contrôle a priori par une commission à la fois médicale, juridique et comportant des représentants de la société civile.
Venu du Luxembourg, l’ancien parlementaire européen Jean Huss, vice-président de l’ADMD dans son pays, est venu dire combien les conditions politiques n’étaient pas favorables au départ au vote de la loi en 2009 en raison de la « domination » des catholiques, avec le « parti chrétien social de Juncker, totalement opposé ». C’est en organisant des débats dans la société civile que les choses ont avancé, « souvent face à des oppositions médicales et catholiques, dont les arguments étaient durs et hypocrites, surtout sur l’euthanasie non volontaire.
L’ADMD Luxembourg a pris espoir lorsque Juncker a annoncé, en 2007, qu’il n’y aurait pas de consigne de vote sur la question. L’Eglise mobilise « ses dernières forces » ; il y a même « des lettres du Vatican aux députés » ; il faut venir à bout de l’opposition du Grand Duc qui refuse de signer, une fois le texte adopté, en changeant la Constitution luxembourgeoise.
Ah, ces cathos…
La loi luxembourgeoise est largement calquée sur la loi belge, reposant sur l’élément objectif : l’absence de perspective d’amélioration pour un patient, constatée par le médecin, et l’élément subjectif de la perception d’une souffrance « insupportable ». Il paraît que tout le monde en est content : « Seuls quelques médecins fanatisés du tout palliatifs, catholiques, ont continué d’intimider leurs confrères. » Il y a « peu d’euthanasies » ; « les prévisions alarmistes d’une hécatombe étaient infondées, d’origine purement idéologique ».
Pour conclure, Véronique Massonneau répétait l’argument récurrent : sans loi, il y a des euthanasies « sans l’accord du patient » et même les 3/5 d’entre elles, affirme-t-elle.
Née en Belgique, Mme Massonneau explique son engagement par son expérience personnelle : sa mère, catholique, a choisi la sédation terminale pour mettre fin à ses souffrances, son père, qui ne l’était pas, s’est fait euthanasier. « Ce droit de choisir, j’espère que ce sera un droit de l’homme du XXIe siècle ! »
Et l’euthanasie des enfants ? « Non, pas en France ; pas tout de suite, car c’est un argument qui est utilisé pour décrédibiliser la loi. »
Véronique Massonneau tient à son projet, elle appelle « les Français » à se manifester ; « c’est souvent les anti qu’on entend ».
Répondant à une question de la salle, elle s’est expliquée sur sa tactique. « Il faut faire rencontrer le plus large consensus. Et aller plus loin ensuite. » La loi est un cadre qui peut dériver…
Le Pr Lebeau était du même avis : « Faisons passer la loi comme les Belges ; les enfants suivront. Surtout que les pédiatres font déjà ce qu’il faut, mais surtout ne le dites pas ! »
Comment « aider » le lobby de l’euthanasie ? Mme Massonneau : « Il faut inonder l’Assemblée nationale de pétitions ! Il y a une conscientisation de la population, on en parle, c’est l’important. Vous n’imaginez pas combien les réseaux sociaux nous ont aidé pour le mariage pour tous, à ne rien lâcher ! »

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Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, est venu clore le débat avec un discours au départ essentiellement politique et ne disant donc quasiment rien. On notera qu’il rêve d’un débat « sans attaques ad nominem » (sic), qu’il faut aller dans la direction du « progrès social », qu’il « ne faut pas faire perdurer le mythe d’une société qui n’existe déjà plus » et qui a causé déjà bien des « retards français », sur la dépénalisation de l’avortement par exemple. Il s’est avancé bien davantage en estimant que la demande des Français est « quasi unanime », ils sont « passionnés d’égalité » surtout en fin de vie, « à un moment où les inégalités sont exacerbées et intolérables ». « Elu d’une République laïque, je place haut le respect de la volonté de chaque individu. Faut-il aller plus loin ? Je le pense et je le crois ; et il ne faut pas laisser les médecins décider seuls. (…) C’est un sujet qui mérite un débat noble et digne. » Il faut, assure Bartolone, « des soins palliatifs égaux », le « suicide assisté », et « la légalisation de l’acte dans des cas précis ; pour les inconscients ou ceux qui sont incapables de se suicider, avec le respect de directives anticipées opposables » (c’est-à-dire créant un droit).
Voilà la couleur de ce qui nous attend.
Avec trois grandes lignes sur lesquelles il va falloir travailler ou plutôt continuer de travailler.
• Le passage sous silence de la part du lobby de la « mort choisie » des dérives évidentes dans les pays où l’euthanasie est légale montre qu’il faut au contraire les montrer, les expliquer, les commenter.
• Leurs prises de positions confirment la confusion des genres recherchée : rassembler sous une même logique comme s’ils étaient l’expression d’une même préoccupation et d’une même « bienveillance » les soins palliatifs, les « sédations terminales » qui sont la zone grise entre les soins palliatifs et l’euthanasie, et l’acte létal délibéré qui se manifeste dans l’empoisonnement volontaire pour faire mourir. Il s’agit de bien montrer que tout cela ne relève pas des « soins ultimes », une panoplie où il serait légitime de se servir à volonté, mais que la ligne de partage est ailleurs, avec d’un côté la volonté de soigner et de soulager, et de l’autre l’intention de tuer.
• On ne saurait négliger l’appel à l’action des catholiques ; adversaires redoutables, incontournables obstacles quand il s’agit de s’en prendre à la vie humaine pour des motifs humanistes, ils sont, de l’avis des euthanasieurs, les vrais adversaires qui se dressent face à eux. Ne nous gênons donc pas, même si c’est au prix de quelques noms d’oiseaux. Ils nous trouvent forts ? C’est que nous le sommes !
Mais attention, il y a un grave piège dans ce discours. C’est celui de faire croire que seul un catholique rétrograde peut s’opposer à un bienfait aussi universel que la légalisation de l’euthanasie. C’est aussi une manière de circonscrire l’opposition et d’en réduire la portée. Si les catholiques sont forts pour défendre la vie, c’est qu’ils savent que la loi naturelle n’est pas d’ordre révélé et qu’elle est inscrite dans le cœur de chaque homme. « Tu ne tueras pas » ou « tu ne commettras pas de meurtre » : la formule est en réalité la même et c’est sur ce plan naturel qu’il faudra aussi œuvrer. Sans rougir d’être catholiques, montrer que des non-catholiques rejettent aussi la médecine qui tue.
Cette bataille ne pourra pas non plus faire l'économie d'une réflexion catholique sur la souffrance et la douleur. Sur la condition humaine, tout simplement. 

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