30 septembre, 2014
Le nombre d’euthanasies et
suicides assistés déclarés aux Pays-Bas a augmenté pour la cinquième année
consécutive pour atteindre 4.829 cas en 2013, à comparer avec les 2.636 cas
déclarés en 2009 : un quasi doublement sur la période. La loi néerlandaise
exige que chaque acte soit signalé à l’une des cinq commissions régionales
d’évaluation qui en vérifie la conformité avec les « strictes »
conditions de la loi. L’affaire peut, en cas d’irrégularité, être renvoyée au
ministère public pour d’éventuelles poursuites.
Dans la pratique, jusqu’ici, il
n’y a jamais eu de renvoi devant la justice même en cas d’évaluation
négative : cette année il y en eut cinq – une paille – dont trois pour
défaut d’indépendance par rapport au dossier du deuxième médecin obligatoirement
consulté. Les deux autres affaires ont été jugées non conformes en raison du
non suivi des directives sur l’euthanasie qui imposent une substance précise
pour obtenir le coma avant d’administrer le relaxant musculaire qui entraînera
la mort. Rien de bien grave !
Cela veut dire que dans
99,9 % des cas les spécialistes des commissions ont approuvé les décisions
des médecins de terrain, étant entendu que grâce à une informatisation de la
procédure, allégée qui plus est pour qu’une seule personne soit chargée
d’évaluer les cas les plus courants, les commissions ont pu rattraper leur gros
retard. C’est bien là le premier motif de satisfaction des rédacteurs du
rapport. La paperasserie est en ordre.
On se souviendra cependant des
assurances néerlandaises selon lesquelles les conditions légales pour la
dépénalisation de l’acte d’euthanasie étaient particulièrement sévères et
rigoureuses. Cela n’a pas empêché la rapide explosion du recours à cette
pratique et le rapport lui-même souligne que l’« acceptabilité » de
l’euthanasie va croissant dans la société et, surtout, parmi les médecins qui
la mettent en œuvre, dont il est aussi souligné qu’ils connaissent de mieux en
mieux la loi. Ils hésitent donc moins de passer à l’acte.
La plupart des cas répertoriés en
2013 concernait des malades du cancer souffrant d’importantes douleurs,
« sans perspective » de les voir s’achever autrement que par la
mort : 3.588 des « morts volontaires » ont eu lieu dans ce
cadre.
Mais les chiffres les plus
significatifs sont les suivants, modestes seulement en apparence : 97
personnes souffrant de démence, commençante ou déclarée, ont été
« régulièrement » piquées, ce qui représente une grosse progression
par rapport aux quelques dizaines des années précédentes, ainsi que 42
personnes souffrant de maladies mentales, contre 14 en 2012 et 13 l’année
précédente.
Les médecins néerlandais, qui
passent pour tellement plus sérieux que les Belges dont les euthanasies
extravagantes défraient la chronique, ne sont pas vraiment en reste : ils
acceptent de plus en plus la perte d’autonomie, la peur de souffrir,
l’humiliation, la désespérance comme des motifs valables. Parfois l’euthanasie
vient même mettre un terme à une vie de souffrance provoquée par un traumatisme
d’enfance, et personne n’y trouve à redire – alors qu’il s’agit clairement d’un
échec de la société et de la médecine. A moins que ce ne soit la désespérance
ordinaire d’une société qui a commencé par enterrer Dieu avant de passer à
l’euthanasie des humains ?
Ainsi, en 2013, 251 cas d’euthanasie
sont venus « abréger les souffrances » de personnes âgées souffrant
d’affections multiples et de désagréments divers liés à la vieillesse.
L’euthanasie des personnes
démentes ou en voie de le devenir sont l’un des principaux chevaux de bataille
actuels du lobby de l’euthanasie aux Pays-Bas. En 2010, on en avait éliminé 21
qui n’étaient pas encore trop malades pour exprimer librement leur volonté, en
pleine possession de leurs moyens. A l’époque, l’immense majorité des médecins
n’envisageait pas de tuer une personne incapable de réitérer sa demande
d’euthanasie en raison de l’évolution de sa maladie, alors on anticipait, et la
commission d’évaluation approuvait.
Depuis lors la NVVE, association
pour une fin de vie volontaire, a multiplié les campagnes pour alerter les plus
de 70 sur le fait que leur désir d’euthanasie risquait de ne pas être
entendu : de réunions d’informations en conférences dans les villes de
provinces, elle a « informé » le public afin que les directives
anticipées se multiplient et souligné que dans sa lettre, la loi de 2002 n’interdit pas d’exécuter l’euthanasie sur une personne ayant clairement, avant
de perdre la faculté d’exprimer valablement sa volonté, fait part de ses
dernières volontés. Pendant ces réunions, on invoque les situations « insupportables »
à éviter : devenir incontinent, dépendant, ne plus reconnaître ses
proches…
Le rapport donne les détails de
quelques cas d’euthanasie exécutées selon la loi en 2013.
• Une octogénaire souffrant
d’hallucinations, de raideurs et de la peur de devenir davantage démente. Elle
a été euthanasiée grâce à la clinique de fin de vie.
• Une autre octogénaire craignait
les souffrances futures liées à l’Alzheimer dont elle souffrait. Son euthanasie
a été pratiquée sur la foi de demandes réitérées appuyées par deux vidéos
datant de deux ans en arrière où elle expliquait vouloir être piquée au cas où
son transfert dans un établissement de soins deviendrait inévitable.
• Un couple d’octogénaires
souffrant de diverses « maladies graves » : elle n’arrivait
guère à marcher sur de longues distances et ne pouvait plus participer aux
activités organisées par la maison pour personnes âgées où ils vivaient ;
lui souffrait d’Alzheimer. Il a refusé de partir en maison de soins sans sa
femme et a demandé l’euthanasie le premier. Sa femme a décidé qu’elle voulait
mourir elle aussi parce qu’elle ne pouvait plus s’occuper d’elle-même, qu’elle
avait le souffle court et des difficultés de communications. Ils ont été
euthanasiés ensemble par deux médecins différents, leurs souffrances ayant été
jugées « insupportables » et « sans espoir ».
• Suivant déjà partiellement les
revendications de la NVVE qui voudrait voir l’euthanasie autorisée dès 70 ans
pour ceux qui sont « fatigués de vivre », la commission a validé
l’euthanasie d’un nonagénaire, presque aveugle et presque sourd, qui avait
perdu toute vie sociale et qui avait des « souvenirs traumatiques »
liés à la guerre, ainsi que des insomnies. Sa souffrance a été jugée
« insupportable » parce qu’il ne pouvait plus entrer en relation
significative avec autrui.
• Une trentenaire souffrant de
problèmes post-traumatiques liés à des abus sexuels pendant l’enfance, qui
avait fait plusieurs tentatives de suicide et s’était automutilée de manière répétée
– elle expliquait que c’était « la guerre dans sa tête » et elle
souffrait de cauchemars et de désordres alimentaires », a obtenu l’euthanasie
dès lors que des pyschiatres ont certifié qu’il n’y avait plus aucune voie
thérapeutique possible.
• Une trentenaire souffrant de
troubles bipolaires et de désordres alimetaires a connu le même sort.
Cela fait plusieurs années déjà
que les médias néerlandais se sont fait l’écho d’arguments suscités par le
lobby de l’euthanasie selon lesquels les « suicides illégaux » des
malades mentaux ou des déprimés font désordre, sont gênants et traumatisants :
il faudrait donc les médicaliser (comme l’avortement) pour éviter un surcroît
de souffrance et de troubles. La propagande a été efficace et aujourd’hui bien
des Néerlandais sont persuadés qu’il vaut mieux « aider » ces gens à
mourir plutôt que de prendre le risque qu’ils se jettent sous un train. C’est
douloureux pour eux, et source d’ennuis pour les voyageurs…
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