Le pape François a recommencé.
Jeudi dernier, il a de nouveau reçu le journaliste Eugenio Scalfari – qui se
dit athée et qui publie dans un quotidien de gauche,
La Repubblica – pour un
entretien
à bâtons rompus. Il paraît que l’ambiance fut cordiale et d’ailleurs Scalfari,
qui parle davantage de lui que de son interlocuteur pontifical dans le
compte-rendu
paru
aujourd’hui, avoue affectionner ces rencontres en raison de la
« spontanéité de cet assez étrange successeur de Pierre ». De la
conversation, Scalfari a tiré nombre de « propos » du pape François,
qu’il présente entre guillemets. Mais de mémoire comme la dernière fois.
Le père
Lombardi, porte-parole du Vatican, a déjà publié un rectificatif…
Au cours de l’entretien
qui a duré plus d’une heure, selon Scalfari, le pape François a surtout parlé
de la pédophilie et de la mafia. Sert-il à quelque chose de rapporter les
propos cités par ce journaliste qui travaille sans micro et sans notes ?
Je note les
phrases suivantes :
« L’éducation
comme nous l’entendons semble avoir quasiment déserté les familles. Chacun est
prisonnier de ses propres soucis, souvent pour assurer à la famille un mode de
vie supportable, parfois pour parvenir à un accomplissement personnel, d’autres
fois en raison d’amitiés et d’amours alternatifs. L’éducation considérée comme
obligation principale à l’égard des enfants semble avoir fui les foyers. Ce
phénomène révèle une très grave omission mais nous ne sommes pas encore dans le
mal absolu. » Celui-là, le pape le voit dans « la corruption, le
vice, les turpitudes imposées à l’enfant ».
Scalfari
raconte en effet comment le pape déplore que la pédophilie soit le plus souvent
le fait des plus proches de l’enfant. Le phénomène est-il fréquent et
répandu ?
« Il l’est
bien trop souvent, et il s’accompagne d’autres vices comme la diffusion de la
drogue. »
Et que fait
l’Eglise ?
« L’Eglise
lutte pour que le vice soit écrasé et l’éducation retrouve sa place. Mais même
nous, nous avons cette lèpre chez nous. »
Certains
collaborateurs rassurent le pape en affirmant que la pédophilie n’atteint que
2 % à l’intérieur de l’Eglise. Dans une phrase aux guillemets ouverts,
mais non fermés, Scalfari cite François :
« Ce
chiffre devrait me tranquilliser mais je dois dire qu’il ne le fait pas
complètement. Je pense même qu’il est très grave. Deux pourcent des pédophiles
sont prêtres et même évêques et cardinaux. Et d’autres, encore plus nombreux,
le savent mais se taisent, punissent mais sans donner le motif. Je trouve cet
état de choses insoutenable et c’est mon intention de l'affronter avec toute
la sévérité qu’il requiert.
On notera
l’étrange glissement entre « 2 % de pédophilie à l’intérieur de
l’Eglise » et « 2 % des pédophiles sont prêtres… » Ce n’est
pas la même chose.
Le pape a
aussi, selon Scalfari, parlé de la conscience – on se souviendra que ses
premiers libres entretiens avaient été très peu clairs sur la question. Voici
ce qui Scalfari en a retenu, après avoir « relancé » François en lui
disant que notre conscience est libre et autonome, qu’elle peut en parfaite
bonne foi faire le mal tout en étant convaincue que de ce mal sortira un
bien. Réponse de François, telle que la rapporte le journaliste :
« La
conscience est libre. Si elle choisit le mal parce qu’elle est sûre qu’il fera
descendre un bien du haut des cieux, ces intentions et leurs conséquences
seront prises en compte. Nous, nous ne pouvons en dire davantage parce que nous
n’en savons pas plus. La loi du Seigneur, il appartient au Seigneur de
l’établir et non aux créatures. (…) Il faudrait examiner à fond les livres
sapientiaux de la Bible, et l’Evangile quand il parle de Judas Iscariote. Ce
sont des thèmes de fond de notre théologie. »
Le moins que
l’on puisse dire, c’est que cette réponse rapportée n’est pas limpide. Si les
propos sont exacts, il y a au moins un problème : ce n’est pas la finalité
considérée bonne qui éventuellement justifie l’acte mauvais (si tel est bien le
sens du propos rapporté par Scalfari). Ce qui peut l’excuser, c’est le fait
d’avoir pensé que tel acte était bon dans telle circonstance.
Après des
échanges à propos de la mafia, Scalfari, sur le point de partir, introduit un
nouveau sujet : « Vous, Sainteté, vous travaillez assidument à intégrer la catholicité avec les orthodoxes,
avec les anglicans… Il m’interrompt en continuant : “Avec les vaudois
que je trouve religieux de premier ordre, avec les pentecôtistes et
naturellement avec nos frères hébreux ”. »
Et donc,
puisque nombre de leurs prêtres sont régulièrement mariés, l’Eglise de Rome
va-t-elle changer ?
« Peut-être
ne savez-vous pas que le célibat a été fixé de manière stable au Xe siècle,
c’est-à-dire 900 ans après la mort de Notre Seigneur. L’Eglise catholique
orientale a permis jusqu’à aujourd’hui que ses prêtres se marient. Le problème
existe certainement mais il n’est pas d’une grande importance. Cela demande du
temps, mais il y a des solutions et je les trouverai.
La Repubblica a été obligée de
publier
le rectificatif du P. Lombardi, qui a souligné (il commence à en avoir
l’habitude) qu’on ne peut en aucun cas parler d’une « interview au sens
habituel du terme » :
« La
conversation est cordiale et très intéressante (…). Toutefois, comme cela s’est
déjà produite dans une circonstance analogue, il faut faire remarquer que ce
que Scalfari attribue au pape, rapportant ses propos “entre guillemets”, est le
fruit de sa mémoire de journaliste expérimenté, mais non la transcription
précise d’un enregistrement et encore moins de propos revus par l’intéressé, à
qui ces affirmations sont attribuées. On ne peut ni on ne doit donc parler
d’aucune façon d’une interview au sens habituel du terme, comme si elle
rapportait une série de questions et de réponses qui respectent fidèlement et
certainement la pensée précise de l’interlocuteur.
Si donc on peut
retenir que dans l’ensemble, l’article rapporte le sens et l’esprit de la
conversation entre le Saint-Père et Scalfari, il faut redire avec force ce qui
avait déjà été dit à l’occasion d’une précédente “interview” publiée par La Repubblica : les différentes
expressions citées, dans leur formulation rapportée, ne peuvent être attribuées
avec certitude au pape.
Par exemple et
en particulier, cela vaut pour deux affirmations qui ont beaucoup attiré l’attention
et que l’on ne peut par contre attribuer au pape. Il s’agit de celle disant qu’il
y a des “cardinaux” parmi les pédophiles, et du fait que le pape aurait affirmé
certainement, à propos du célibat : “Les solutions, je les trouverai.”
Dans l’article
publié par La Repubblica ces deux
affirmations sont clairement attribuées au pape, mais – curieusement – les
guillemets sont ouverts au début, mais ils ne sont pas fermés. Il manque tout
simplement les guillemets de fermeture… Oubli, ou reconnaissance explicite de
ce que l’on est en train de faire une manipulation en direction des lecteurs
ingénus. »
Mise au point
assez vive, on le notera ; mais pourquoi donc le pape François a-t-il
recommencé ?
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