03 octobre, 2012
Un nouveau test prénatal de diagnostic de la trisomie 21 à travers le sang maternel, moins invasif que l’amniocentèse puisqu’il se fait sur un prélèvement sanguin de la mère, fait l’objet de premiers essais en France. Les recherches sur cette nouvelle technique qui consiste à isoler l’ADN fœtal circulant dans le sang de la mère sont aujourd’hui en plein essor ; elle a été notamment développée par une équipe de chercheurs de l’Université de Washington et a fait l’objet d’une présentation dans la presse scientifique en juin dernier.
L’ADN sans cellule de l’enfant à naître est récupérable dans le sang de la mère peu de semaines après le début de la grossesse ; son séquençage complet est aujourd’hui possible et doit permettre, théoriquement, le dépistage de plus de 3…000 désordres génétiques dit « mendéliens », faciles à repérer car liés à un défaut sur un seul gène.
En ciblant la trisomie 21 – sachant qu’aujourd’hui 96 % des enfants porteurs de cette anomalie sont éliminés si elle est dépistée avant la naissance – c’est une maladie symbolique qui est visée, comme si l’on voulait tout faire pour éradiquer jusqu’au dernier enfant porteur.
Pourtant ce test sur le sang maternel n’est actuellement pas permis en France, faute d’une autorisation par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ou bien d’un feu vert au niveau européen, a précisé vendredi la patronne de l’Agence de la biomédecine, Emmanuelle Prada-Bordenave.
Depuis l’été, un test basé sur ce principe, le PraenaTest commercialisé par la société Lifecodexx, est autorisé en Suisse et se trouve disponible en Allemagne et en Autriche.
« Les résultats scientifiques publiés dans plusieurs congrès (…) sur des cohortes importantes avec plusieurs milliers de patientes vont dans le sens d’un test efficace et permettent d’envisager une alternative à l’amniocentèse pour le diagnostic », a expliqué la directrice générale de l’Agence de la Biomédecine lors d’une rencontre avec la presse, histoire de préparer le terrain à une légalisation de la technique en France.
Les trois organismes publics français concernés par le dossier – Haute autorité à la santé (HAS), Agence de la biomédecine et ANSM – ont inscrit ce sujet à « leur agenda » et deux « protocoles » d’essais sont actuellement en cours, a-t-elle indiqué lors de la présentation du rapport 2011 de l’Agence. « Des femmes sont testées selon ce protocole et aussi par la méthode habituelle. Ces recherches sont en cours », a expliqué Mme Prada-Bordenave.
La nouvelle technique est présentée comme plus sûre pour le fœtus, les amniocentèses pouvant provoquer des fausses couches, mais elle a l’inconvénient d’être nettement plus coûteuse (environ 1 500 euros par test contre moins de 500 euros pour une amniocentèse). Elle mène aussi plus sûrement à la mort les enfants à naître dont la trisomie 21 est confirmée…
« Ce test sur l’ADN circulant dans le sang maternel peut être envisagé comme outil de diagnostic, mais en aucun cas comme outil de dépistage et cela ne doit pas remplacer l’échographie comme outil indispensable de surveillance de la grossesse », a souligné Mme Prada-Bordenave. A qui veut-on faire croire cela ? On ferait donc le test uniquement pour confirmer une trisomie déjà dépistée ? Dans un premier temps peut-être. Mais dans un premier temps seulement.
La Fondation Jérôme Lejeune, premier financeur de la recherche sur la trisomie en France (les pouvoirs publics misant tout sur « l’élimination »), attachée à la défense de la « vie des personnes handicapées dès la conception », s’est déjà élevée contre les « graves conséquences humaines et éthiques » de la nouvelle technique. La fiabilité du dépistage fait qu’on « n’éliminera plus que des bébés anormaux, mais on les éliminera tous » grâce à un diagnostic précoce à un stade où l’IVG peut être pratiquée, affirme son communiqué.
De fait l’avortement avant la fin de la 12e semaine de gestation se pratique sur simple décision de la femme, sans nécessité de recourir à la procédure plus lourde de l’« IMG » (interruption médicale de grossesse) qui est pourtant possible face au handicap de la trisomie 21.
Aujourd’hui en France, le dépistage précoce de la trisomie 21 concerne près de la moitié des femmes enceintes en France (chiffres de 2011) et se base sur une échographie d’une part et sur une prise de sang afin d’évaluer les marqueurs sériques d’autre part. Ces deux examens non invasifs permettent d’évaluer le risque que le fœtus soit porteur de l’anomalie génétique. Si le risque est considéré comme élevé (plus d’une chance sur 250), un « diagnostic » est proposé (avec insistance) à la femme, avec, selon l’état de la grossesse, une amniocentèse ou bien une biopsie des villosités choriales (pour les grossesses les moins avancées : elle consiste à prélever un petit morceau de placenta). Mais ces deux techniques comportent un risque pour la grossesse – c’est-à-dire de mort pour l’enfant – situé entre 0,5 et 1 % des prélèvements.
Avec la possibilité de séquencer l’ADN de l’enfant à naître à partir d’une simple prise de sang sur la mère, apparaît également le risque de voir du dépistage effectué sans son consentement.
Cet article a paru dans Présent daté du 3 octobre 2012.
Voir aussi :
• La présentation du Praenatest par Pierre-Olivier Arduin dans La Nef d'octobre 2012.
• Et la présentation de la nouvelle technique sur ce blog en juin dernier : ici.
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