21 janvier, 2011

Bientôt une clinique d'euthanasie aux Pays-Bas ?

La clinique des rêves de la NVVE
Ce serait une première mondiale. Et l'association qui propose de créer une telle institution aux Pays-Bas, pour une ouverture projetée en 2012, pense que le monde entier en sera secoué. Son directeur, Petra de Jong, prévoit même des manifestations, des banderoles, des slogans, peut-être même des prières comme il y en eut, se rappelle-t-elle, auprès des premiers avortoirs.

J'en avais déjà parlé au mois d'août (ici) : ce qui était alors à l'état de souhait est en train de se transformer en réalité concrète dont les médias néerlandais parlent massivement.

L'association, c'est la NVVE : Nederlandse vereniging voor een vrijwillig levenseinde (Association néerlandaise pour une fin de vie choisie), qui milite de plus en plus activement pour le droit de mourir non seulement dans les cas prévus par la loi d'euthanasie et selon ses critères précis, mais en cas de démence qui s'installe, d'affections psychiatriques sans espoir de guérison, ou tout simplement pour ceux qui sont « fatigués de vivre » ou qui estiment leur vie « accomplie ».

Et son projet, dans l'état actuel de la loi, ne pose pas de problème juridique de principe. La loi ne dit rien sur l'endroit, ni sur l'identité des médecins qui peuvent délivrer leur accord pour une euthanasie (ils doivent être au moins deux), donc, rien ne s'oppose à une telle ouverture.

Pourquoi une telle clinique ? Parce qu'il existe des personnes – quelque 3.500 par an sur 10.000 demandeurs selon la NVVE – qui n'arrivent pas à faire honorer leur demande d'euthanasie, soit que leur médecin refuse d'y participer pour des raisons de conscience, soit que leur médecin ne juge pas leur demande conforme aux critères de la loi. Que ces critères, ou à tout le moins leurs interprétations, puissent être assez élastiques est pourtant attesté par le fait qu'en 2009, 12 euthanasies aient été jugées conformes par les commissions régionales de suivi alors qu'elles visaient des personnes atteintes de démence au stade précoce (voir ici).

L'étude de « faisabilité » du projet a donné des résultats encourageants, selon l'association. Celle-ci assure avoir trouvé des infirmières, des médecins, et même des hôpitaux disposés à travailler avec elle, et même un conseil de direction d'un hôpital qui était prêt à commencer sur-le-champ. La NVVE cherche désormais un partenaire pour créer la clinique qui pourrait accueillir – et envoyer vers la mort – quelque 1.000 patients par an, en moyenne au bout de trois jours d'hospitalisation, estime Petra de Jong.

Les méthodes employées pourraient être l'injection d'un produit létal (euthanasie), la prise de médicaments à dose létale par le malade lui-même (suicide assisté) ou privation de nourriture et d'eau (euthanasie par omission).

La KNMG (l'équivalent néerlandais de l'Ordre des médecins) a fait savoir son hostilité absolue au le projet, ce qui, sur le papier, semble rassurant. Mais à y voir de plus près (dans l'interview en lien sur cette page, par exemple) on s'aperçoit qu'il ne s'agit pas d'une opposition de principe. C'est le délai de trois jours qui est dénoncé : « Une prise de décision consciencieuse à propos de la mort exige un regard ouvert, non une vision en tunnel dont la seule issue serait la mort », assure la KNMG dans un communiqué. Elle dénonce le projet d'une clinique où l'on n'irait que pour mourir dans des délais très brefs. A quoi la NVVE répond que tout le travail préalable de conversations avec le patient sur son choix et sur les autres possibilités se ferait au préalable, dans un cadre d'hôpital de jour. J'imagine donc que les deux parties finiront par se retrouver. D'autant que Lode Wigersma, directeur de la KNMG, a publiquement reconnu que l'objection de conscience de certains médecins pose un « problème », et que les objecteurs devraient prendre leurs « responsabilités » en dirigeant les demandeurs d'euthanasie vers un confrère plus accommodant…

Il est frappant que les arguments développés par les partisans d'une clinique d'euthanasie soient très semblables à ceux des partisans de l'avortement légal. Ils soulignent la « détresse » de certains malades, vieillards ou malades atteints d'affections dégénératives, le caractère sordide et inhumain des modes de suicides que certains choisissent. Il faut en finir, disent-ils, avec les malades psychiatriques (comme les « borderline », qui se jettent sous des trains, s'immolent par le feu, ou s'étouffent dans des sacs en plastique parce qu'aucun médecin ne veut leur accorder une mort digne entourés de l'amour de leurs proches.

Ces derniers, les « borderline », sont en constante augmentation et représentent 1 à 2 % de la population. Incapables de gérer leurs émotions, sujets aux sautes d'humeurs imprévisibles, apparemment normaux mais victimes d'un sentiment de vide intérieur, ils voient la mort comme la seule solution à leur souffrance. Et si celle-ci était liée au mal-être identifié par Elisabeth Nuyts, (L'école des illusionnistes, voir ici) ?

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