23 octobre, 2010

Et maintenant, la Cour européenne des droits de l’homme impose la « Gay Pride »

D'après une analyse parue dans “Présent” daté de ce samedi.



La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu public, jeudi, son jugement de chambre, susceptible d’appel, dans l’affaire Alekseyev c. Russie, que le greffe résume dans son communiqué de presse sous le titre « Interdictions répétées et injustifiées d’organiser à Moscou des marches pour les droits des homosexuels ».

Les juges de chambre de la CEDH ont décidé à l’unanimité que la Russie avait violé les droits humains du plaignant qui s’était vu par trois fois refuser la possibilité d’organiser une « Gay Pride » dans les rues de Moscou : les juges ont précisé que c’est parce que le motif principal indiqué n’était pas l’équivalent russe des troubles à l’ordre public, mais la désapprobation morale du style de vie homosexuel.

Le requérant, Nikolay Alekseyev, faisait partie, en 2006, 2007 et 2008, des organisateurs de marches visant à « appeler l’attention du public sur la discrimination envers la communauté gay et lesbienne de Russie et à promouvoir la tolérance et le respect des droits de l’homme », par le moyens de marches pour les droits gays.

Outres les décisions de rejet officielles, le maire de Moscou et son équipe déclarèrent à plusieurs reprises dans les médias que  « la municipalité de Moscou n’envisage[rait] pas un seul instant de permettre l’organisation de marches gay ».

La Cour note que les quelque 2 000 participants prévus s’étaient engagés à ne pas s’exhiber à cette occasion par la nudité ou les provocations. Point curieux de l’arrêt puisque, dans le même temps, elle signale que la plupart des pays d’Europe ont leur propre Gay Pride et que ce fait aurait dû être pris en compte par le maire de Moscou. Seulement, pour ce qui est de la nudité, de l’obscénité et de l’esprit antichrétien de ces marches-là, il faut être aveugle pour ne pas les voir…

Cependant, le maire de Moscou n’avait pas vraiment axé son discours et son refus sur ces monstruosités visuelles que je vous souhaite de ne pas avoir vues – à Paris, par exemple.

Et, bonne surprise, le gouvernement qui était donc poursuivi devant la CEDH pour manquement à la protection du citoyen Alekseyev, n’a pas tenté de s’abriter derrière des demi-arguments et des concessions au politiquement correct, comme je l’ai vu faire dans de récentes affaires comme A, B, C contre Irlande (sur le « droit » à l’avortement). Le gouvernement russe est plus franc du collier : ici, il affirme l’absence de droit pour les personnes préférant des types de comportement inacceptables pour la majorité de la population d’en revendiquer la reconnaissance officielle en public, au nom d’ailleurs aussi bien des chrétiens, des juifs et des musulmans de Moscou, et le refus du prosélytisme homosexuel qui pourrait atteindre les « enfants et les adultes fragiles ».

Mais les sept juges de chambre de la CEDH, au nom des droits de la protection de l'orientation sexuelle, ont fait droit à la demande d'Alekseyev, en faisant de l’affichage de l’homosexualité un droit qui risque d’être imposé dans tout le territoire des 47 pays membres du Conseil de l’Europe par le biais de la jurisprudence. La Gay Pride est un droit de… l'homo !

C'est ce qu'on jugé Christos Rozakis (Grèce), président, Nina Vaji? (Croatie), Anatoly Kovler (Russie), Elisabeth Steiner (Autriche), Khanlar Hajiyev (Azerbaïdjan), Dean Spielmann (Luxembourg), Sverre Erik Jebens (Norvège).

Soulignant qu'il est important, « en démocratie », de pouvoir exprimer publiquement son opinion sans craindre d'en être violemment empêcheé, la CEDH note que le risque qu’une manifestation occasionne des troubles ne suffit pas à justifier son interdiction. Ce faisant « on empêcherait la société d’entendre des opinions différentes sur des questions qui heurtent la sensibilité de l’opinion majoritaire, ce qui serait contraire aux principes de la Convention. »

Cela ne manque pas de sel dans la mesure où la CEDH invoque à son secours une jurisprudence contraire : le rejet de la demande des « Médecins pour la vie » (Ärzte für das Leben contre Autriche) qui se plaignaient d’avoir vu disloquer plusieurs manifestations en raison de contre-manifestations violentes…

Quand il s’agit de la Gay Pride, au contraire, la CEDH estime simplement que les pouvoirs publics auraient dû prendre toute mesure pour protéger son parcours.

Mais l'argumentation va plus loin. Pour la Cour, les autorités moscovites, en interdisant les marches, ont en pratique approuvé et soutenu les groupes qui appelaient à perturber les marches pacifiques en violation de la loi et de l’ordre public. Comme le gouvernement russe a également déclaré pour sa défense dans ses observations à la Cour que les manifestations de ce type devaient être interdites par principe car la propagande homosexuelle était incompatible avec les doctrines religieuses et la morale publique et risquait de nuire aux enfants et aux adultes qui y étaient exposés, c’en était trop !

« La Cour souligne qu’il serait incompatible avec les valeurs de la Convention de subordonner à l’acceptation de la majorité l’exercice par les groupes minoritaires du droit de réunion pacifique et de la liberté d’association. Les manifestations de la Gay Pride ont pour objectif de promouvoir le respect des droits de l’homme et la tolérance envers les minorités sexuelles, et non d’exhiber des scènes de nudité ou d’obscénité ou de critiquer la morale publique ou les opinions religieuses », explique le communiqué du greffe.

On demande à voir, quand même. La revendication d’un statut et d’une reconnaissance pour les unions homosexuelles est en soi une critique de la « morale publique », et qu’ont fait les juges sinon critiquer et condamner des prises de position sur le fondement de la critique de la morale publique !

Les juges ont dressé un catalogue de jurisprudence favorable aux homosexuels dont vous apprécierez aisément l’efficacité :

« De plus, s’il n’existe pas de consensus au niveau européen sur les questions de l’adoption par les homosexuels ou du mariage homosexuel, une jurisprudence abondante démontre en revanche l’existence d’un consensus de longue date sur le continent quant aux questions telles que celles de la dépénalisation des relations homosexuelles entre adultes, de l’accès des homosexuels au service dans les forces armées, de la reconnaissance de leurs droits parentaux, de l’égalité en matière fiscale entre homosexuels et hétérosexuels et du droit de reprendre le bail de son partenaire de même sexe décédé. Il est clair également que les autres Etats parties à la Convention reconnaissent le droit à revendiquer ouvertement son homosexualité et à défendre les droits et les libertés des homosexuels, notamment au moyen de réunions publiques pacifiques. La Cour souligne que la société ne peut se positionner sur des questions aussi complexes que celle des droits des homosexuels que par un débat équitable et public, et qu’un tel débat est bénéfique pour la cohésion sociale, car il permet l’expression de tous les points de vue. Un débat ouvert de ce type, dans lequel s’inscrivent précisément les rassemblements que les manifestants ont tenté d’organiser plusieurs fois sans succès, ne peut être remplacé par des chiffres officiels de Moscou exprimant l’avis non éclairé, mais supposément populaire, des autorités. »

Ah, le joli « débat public » ! Où l’une des parties est discréditée d’avance… On pourrait nous rétorquer que Moscou a discrédité d’avance les gays et lesbiennes. Mais enfin cela s’est passé ouvertement, et au nom de principes moraux multi-millénaires. LA CEDH, elle, discrédite sournoisement tous ceux qui ont de ces choses une vision plus traditionnelle.

Retenez aussi ceci :

« Article 14.
« La Cour observe que la principale raison pour laquelle les marches homosexuelles ont été interdites était la désapprobation des autorités à l’égard de manifestations dont elles considéraient qu’elles promouvaient l’homosexualité. En particulier, la Cour ne peut ignorer les opinions personnelles très arrêtées exprimées publiquement par le maire de Moscou ni le lien indéniable entre ces déclarations et les interdictions litigieuses. En conséquence, elle juge que le gouvernement n’a pas justifié de manière compatible avec les exigences de la Convention les interdictions prononcées. M. Alekseyev a donc subi une discrimination fondée sur son orientation sexuelle. Ainsi, il y a eu violation de l’article 14. »

En clair : comme le maire de Moscou a des idées arrêtées sur la question, et que ses idées ne sont pas conformes au pluralisme unilatéralement défini, ses décisions à propos des manifestations homosexuelles sont d’emblée inacceptables, pire même, détestables. L’expression libre et démocratique de certains principes, ainsi que l’action en cohérence avec celle-ci, ne sont donc pas des droits et des libertés défendus par la Convention européenne des droits de l’homme…

Au titre de la « satisfaction équitable », la Cour a condamné la Russie à verser au requérant 12 000 euros pour dommage moral, et 17 510 euros pour frais et dépens.

Source : Présent.

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