22 mars, 2021

La note de la Congrégation pour la Doctrine de la foi sur les unions homosexuelles, et le pape François

Stupeur. Les grands médias dans les pays où le politiquement correct est le plus avancé ont crié à la « douche froide » après la parution d’un Responsum – une réponse à une question posée – sur la possibilité ou non pour l’Eglise de proposer une bénédiction des paires homosexuelles. Sans véritable surprise, la Congrégation pour la Doctrine de la foi a dit « non », étendant d’ailleurs sa réponse à toutes les unions qui impliquent une « pratique sexuelle hors mariage », seul cadre légitime pour l’union qu’en d’autres temps on appelait encore pudiquement « conjugale ».

La « surprise » du Courrier international dont je tire l’expression rapportée ci-dessus n’est pas une nouveauté qui démontrerait à elle seule la gravité des glissements doctrinaux que l’on impute au pape François. Chaque fois que Jean-Paul II rappelait solennellement que l’avortement est un crime qui tue un enfant à naître on avait droit, il y a déjà plusieurs décennies, à ce type de cris d’orfraie journalistiques ; comme si c’était une nouveauté, comme si c’était inattendu. Il faut comprendre que cela leur est totalement étranger.

Si la note a rassuré les milieux plus conservateurs ou traditionnels au sein de l’Eglise, tant ceux-ci s’attendent à tout dans le contexte actuel, et si elle se borne à rappeler l’enseignement pérenne de l’Eglise en matière de morale sexuelle, elle n’en est pas moins ouvertement contestée par des évêques et même, de manière plus subtile, par un cardinal : Kevin Farrell, préfet du dicastère pour les laïcs, la famille et la vie. Et d’aucuns vont jusqu’à dire que le pape François a sans doute consenti de manière un peu hâtive à la publication du texte, voire sous pression, et s’attendent à quelque déclaration plus « ouverte » de sa part, si tant est qu’elle n’a pas déjà eu lieu.

Voici les passages les plus critiqués depuis les milieux progressistes et « LGBT » :

« Pour être cohérent avec la nature des sacramentaux, lorsqu’une bénédiction est invoquée sur certaines relations humaines, il est nécessaire – outre l’intention droite de ceux qui y participent – que ce qui est béni soit objectivement et positivement ordonné à recevoir et à exprimer la grâce, en fonction des desseins de Dieu inscrits dans la Création et pleinement révélés par le Christ Seigneur. Seules les réalités qui sont en elles-mêmes ordonnées à servir ces plans sont donc compatibles avec l’essence de la bénédiction donnée par l’Église.

« Pour cette raison, il n’est pas licite de donner une bénédiction aux relations ou partenariats, même stables, qui impliquent une pratique sexuelle hors mariage (c’est-à-dire hors de l'union indissoluble d’un homme et d’une femme ouverte en soi à la transmission de la vie), comme c’est le cas des unions entre personnes du même sexe. La présence dans ces relations d'éléments positifs, qui en eux-mêmes doivent être appréciés et valorisés, n'est cependant pas de nature à les justifier et à les rendre ainsi légitimement susceptibles d’une bénédiction ecclésiale, puisque ces éléments se trouvent au service d’une union non ordonnée au dessein du Créateur.

« En outre, les bénédictions sur les personnes étant liées aux sacrements, la bénédiction des unions homosexuelles ne peut être considérée comme licite, car elle constituerait en quelque sorte une imitation ou un renvoi analogique à la bénédiction nuptiale invoquée sur l’homme et la femme qui s’unissent dans le sacrement de mariage, étant donné qu’“il n’y a aucun fondement pour assimiler ou établir des analogies, même lointaines, entre les unions homosexuelles et le dessein de Dieu sur le mariage et la famille”. 

« (…) En même temps, l’Église rappelle que Dieu lui-même ne cesse de bénir chacun de ses enfants en pèlerinage dans ce monde, car pour Lui “nous sommes plus importants que tous les péchés que nous pouvons commettre”. Mais Il ne bénit pas et ne peut pas bénir le péché : Il bénit l’homme pécheur, afin que celui-ci reconnaisse qu’il fait partie de son dessein d'amour et se laisse changer par Lui. Car Il “nous prend comme nous sommes, mais ne nous laisse jamais comme nous sommes”. »

Plus loin, le Responsum précise que les « personnes à tendance homosexuelle » qui manifestent le désir de vivre en fidélité aux desseins révélés de Dieu » peuvent recevoir une bénédiction à titre individuel.

Ce fut assez pour « décevoir » certains, comme Mgr Johan Bonny d’Anvers qui est allé jusqu’à se dire « très en colère » à cause de la note de la CDF, qu’il juge incompatible avec ce qui a été mis en avant au cours du deuxième synode sur la famille à Rome en 2015, auquel il avait participé. Et de dénoncer la « qualité théologique défectueuse » des membres de ce « département romain ».

Au lendemain de la parution du Responsum, une soixantaine de prêtres allemands avaient déjà publié une lettre ouverte annonçant leur refus de se conformer aux consignes données par la CDF : ils continueront de bénir les couples homosexuels comme ils le faisaient déjà… En Autriche, pas moins de 350 prêtres ont signé un « appel à la désobéissance 2.0 », protestant avec « véhémence contre la supposition selon laquelle des couples aimants de même sexe ne font pas partie du dessein de Dieu ». « Dans cette affaire, on essaie de saper la réalité de la création au moyen de présomptions dogmatisantes », ajoutaient-ils.

Le cardinal américain Blase Cupich a souligné que la note de la Congrégation pour la Doctrine de la foi ne faisait que répéter l’enseignement traditionnel de l’Eglise sur le sacrement de mariage, ajoutant qu’elle allait pourtant provoquer de la « déception » chez un grand nombre. A ceux qui soutiennent la cause LGBT de « redoubler nos efforts afin d’être créatifs et résilients pour trouver des moyens d’accueillir et d’encourager toutes les personnes LGBTQ dans notre famille de foi », a-t-il déclaré. II faut lire la note « dans le contexte des enseignements du Catéchisme et des déclarations encourageantes du pape François aux personnes LGBTQ quant à leur relation avec l’Eglise », a-t-il insisté, s’arrêtant sur le fait qu’elle souligne « les nombreux éléments positifs » au sein de relations de couples de même sexe « qu’il faut en eux-mêmes valoriser et apprécier ».

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Remarque : l’acronyme LGBT ou LGBTQ (et la suite) est lourdement chargé de sens. Il constitue une proclamation délibérée du choix de vivre de manière contraire aux lois morales et à la loi naturelle, elle-même au demeurant contestée et ridiculisée, et revendique des droits civils et sociaux du fait de ce choix.

D’autres prélats ont réagi dans le même sens, mais le plus emblématique d’entre eux est sans doute le cardinal Kevin Farrell qui a déjà imaginé une manière de « contourner l’interdiction vaticane », pour reprendre l’expression de Michael Haynes sur LifeSite.

Interpellé par un journaliste allemand à propos de la « déception » causée par la note, le cardinal a répondu :

« La vie pastorale de l’Église est ouverte à toutes les personnes. Il est essentiel et très important que nous ouvrions toujours nos bras pour accueillir et accompagner toutes les personnes dans leurs différentes étapes de vie et dans leurs différentes situations de vie. Parfois, nous ne comprenons pas non plus une distinction qui doit être faite, à savoir que lorsque l’Église parle du mariage, elle parle du mariage sacramentel, elle ne parle pas des unions civiles. Elle ne parle pas des autres formes de mariage. Elle parle de la question du mariage sacramentel, et Amoris Laetitia parle de ce mariage sacramentel. »

Et d’insister sur « l’accompagnement de tous », et notamment des « mariages civils » et des « unions civiles » ou « d’autres formes de mariage ».

La nécessaire « distinction » par rapport au sacrement prévaudrait ainsi sur l’affirmation claire de ce qui n’est pas acceptable, non parce que l’Eglise se détournerait des personnes dans ces situations, mais parce que ces situations ne sont plus présentées comme mettant en danger le salut éternel de ceux qui s’y maintiennent.

America Magazine, la revue américaine des Jésuites, va encore plus loin, en assurant depuis le début de la semaine dernière et la publication de la note vaticane que le pape François n’est pas forcément totalement d’accord avec ce qu’elle proclame.

Un podcast mis en ligne dès mercredi dernier donnait la parole au correspondant à Rome de la revue, Gerard O’Connell. Celui-ci a pointé ce qu’il présente comme des anomalies lors de la rédaction et de l’adoption du texte, d’autant que le pape, selon ce cercle où il s’exprime, a plaidé pour la reconnaissance légale des unions civiles homosexuelles dans un récent documentaire.

O’Connell, invoquant sa longue expérience de vaticaniste, a fait remarquer le caractère inhabituel de la formule utilisée : « Le Souverain Pontife François, au cours d'une audience accordée au Secrétaire de cette Congrégation, a été informé du Responsum ad dubium susmentionné, avec la Note explicative annexe, et a consenti à leur publication. »

Ce jugement sur le caractère inhabituel est partagé par d’autres à Rome : selon Gerard O’Connell, cela donne l’impression que le pape s’est d’une certaine façon « distancé » du document, car il ne l’a pas « approuvé » et semble en avoir été simplement « informé », sans l’avoir vu.

O’Connell ajoute que des personnes « à l’intérieur » de la CDF lui ont fait savoir que le document n’avait pas été approuvé au cours d’une assemblée plénière de la CDF. Celle-ci a normalement lieu chaque mois et rassemble « 25 ou 26 personnes » mais n’a pas eu lieu depuis longtemps pour cause de pandémie.

Ainsi, la note a été rédigée par « un très petit groupe de personnes », et a été portée par Mgr Morand chez le pape au moment où celui-ci préparait son voyage en Irak et « avait la tête ailleurs ». Raison pour laquelle il n’est pas question de l’« approbation » du texte par François mais de son consentement à sa publication.

« Il n’y a aucune raison de croire que le pape a rétropédalé par rapport à tout ce qu’il a dit à ce jour », selon O’Connell : « L’ayant connu depuis de longues années, cela ne correspond pas à ses antécédents. » Voilà qui ne cadre pas tout à fait avec certains changements d’avis ou rectifications de François à la suite d’une déclaration particulièrement étonnante… Mais clairement, le lobby « pro-LGBT » veut croire et au besoin imposer dans l’opinion l’idée que le pape n’a pas pu approuver un texte pareil.

« C’est comme si on l’accusait d’avoir deux visages… Ce n’est pas très juste à l’égard du pape et je crois que cette histoire ne s’arrêtera pas là », a conclu le vaticaniste.

En ce dimanche de la Passion, « Cinquième dimanche du carême » dans le Nouvel Ordo, le pape François a selon des sources citées une fois de plus par America Magazine discrètement contredit le document de la CDF ?

C’était au moment de l’Angélus. Le pape François a parlé du devoir des chrétiens d’aider les autres à voir Jésus, disant :
« Nous comprenons dès lors la grande responsabilité qui nous incombe, à nous chrétiens et à nos communautés. Nous aussi, nous devons répondre par le témoignage d’une vie qui se donne dans le service, une vie qui prend sur elle le style de Dieu – proximité, compassion et tendresse – et se donne dans le service. Il s’agit de semer des graines d'amour non pas avec des mots qui s'envolent, mais avec des exemples concrets, simples et courageux, non pas avec des condamnations théoriques, mais avec des gestes d’amour. Ensuite, le Seigneur, avec sa grâce, nous fait porter du fruit, même lorsque le terrain est sec à cause de malentendus, de difficultés ou de persécutions, ou de prétentions au légalisme ou au moralisme clérical. C’est un terrain sec. C’est précisément à ce moment-là, dans l’épreuve et la solitude, alors que la graine meurt, que la vie germe, pour produire des fruits mûrs en son temps. »
Selon « trois sources » anonymes, dont une « haut placée » dans la Curie, citées par America Magazine, ces mots sont venus apporter une réponse à ceux qui avaient considéré le document de la CDF comme moralisateur ou condamnatoire, marqué par le « légalisme » et le « cléricalisme ». La source « haut placée » ajoutait selon la revue que tout « responsum » devrait etre marqué par la « proximité », la « compassion » et la « tendresse » évoquées par le pape. Les interlocuteurs du journal ne seraient « pas étonnées » si le pape revient plus longuement sur le sujet des unions « LGBT » à l’avenir.

A noter : la version française des paroles du pape à l’Angélus, non disponibles sur le site dédié à François mais partiellement rapportées par Vatican News, fait l’impasse sur plusieurs expressions clefs : « non pas avec des condamnations théoriques », « ou de prétentions au légalisme ou au moralisme clérical ». Celles-là même qui dans le vocabulaire pontifical ont depuis le début servi à discréditer ceux qui osent des affirmations claires quant aux exigences morales de l’Eglise.



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