23 octobre, 2020

Réflexions sur le pape, les homosexuels, le réalisateur gay et l'union civile

Branle-bas de combat pour sauver le soldat François : il n'a jamais dit ce qu'on lui fait dire, répètent les cathos convenables. Pourtant… Les déclarations du pape sur le droit des homosexuels à une famille, comprises par la plupart des grands médias comme une justification des « familles homosexuelles », et son appel à « créer des lois de cohabitation civile » pour les homosexuels afin de leur donner un cadre légal, chose qu'il dit avoir défendue à titre personnel, ces paroles du pape sur l'union civile sont réellement siennes.

On nous explique aujourd'hui qu'elles ont été découpées, sorties de leur contexte, remontées, pour un résultat qui a légitimement choqué de nombreux catholiques. Mais en soi, elles disent ce qu'elles disent. Si bien que des rappels de la doctrine pérenne de l'Eglise se sont succédé…

J'ai traduit ici les communiqués de Mgr Viganò et du cardinal Burke, il faut y ajouter les paroles fortes du cardinal Müller et, en guise d'excellent commentaire, l'article de Thibaud Collin dans L'Incorrect. Je publierai très bientôt la traduction de la très forte déclaration de Mgr Athanasius Schneider. 

Tout cela n'est-il donc qu'une tempête dans une tasse de thé, provoquée par la haine recuite de catholiques ringards qui ont sauté sur une occasion de dénoncer ce pape qu'ils exècrent ? Servie, en l'occurrence, par les médias libéraux si prompts à tirer la couverture à eux ?

Première réponse, précise, de Mgr Victor Manuel “Tucho” Fernandez, archevêque de La Plata, Argentine, protégé du pape et l'un des principaux rédacteurs des passages les plus contestables d'Amoris laetitia. Mercredi soir il publiait cette mise au point sur son compte Facebook :

Ce que le Pape a dit sur ce sujet est ce qu'il soutenait aussi quand il était l'archevêque de Buenos Aires. Cela implique deux choses différentes : 
1. Pour lui, l'expression « mariage » a un sens précis et ne s'applique qu'à une union stable entre un homme et une femme ouverte à la transmission de la vie. Cette union est unique, car elle implique la différence entre l'homme et la femme qui s'unissent dans leur leur réciprocité et s'enrichissent de cette différence, naturellement capable d'engendrer la vie. Il y a donc un mot, « mariage », qui ne s'applique qu'à cette réalité. Toute autre union similaire requiert une autre dénomination. 
2. Cependant, Bergoglio a toujours reconnu que, sans appeler cela « mariage », il existe en fait des liens très étroits entre des personnes du même sexe, qui n'impliquent pas nécessairement des relations sexuelles, mais une alliance très intense et stable. Ils se connaissent profondément, partagent le même toit pendant de nombreuses années, prennent soin l'un de l'autre, se sacrifient l'un pour l'autre. Alors il se peut qu'ils préfèrent que dans un cas extrême ou une maladie on ne consulte pas leurs proches mais cette personne qui connaît profondément leurs intentions. Et pour la même raison ils préfèrent que ce soit cette personne qui hérite de tous leurs biens, etc. Cela peut être prévu par la loi et s'appelle « union civile », ou « loi sur la cohabitation civile », pas le mariage.
Bergoglio a toujours eu cette opinion, et il y a même des années, il y a eu une dispute dans l'épiscopat argentin, où Bergoglio défendait cela, mais a perdu. La plupart d'entre eux disaient que cela allait se confondre avec le mariage et préféraient ne pas innover. 

Cela est assez clair : c'est une reconnaissance d'une « alliance » qui peut avoir ce nom d'« alliance » en étant activement homosexuelle. Il me semble que cela va au-delà du simple arrangement juridique que l'on pourrait en effet imaginer d'un point de vue civil et fiscal entre deux personnes, voire plus, qui choisissent de vivre ensemble pour des tas de raisons différentes et dont une législation pourrait reconnaître les intérêts commun.

Ce que l'on sait aujourd'hui, grâce à Il Fatto Quotidiano, c'est que les propos du pape sur l'union civile ont effectivement été publiés par le réalisateur du documentaire Francesco, adoubé mercredi par le pape lui-même et primé jeudi lors d'une cérémonie dans les jardins du Vatican, avaient été censurés (par qui ?)  lorsqu'il les avait tenus devant une journaliste mexicaine qui l'interrogeait l'an dernier. Les autres propos sur le « droit d'être dans une famille », et non « le droit à une famille », faisaient partie du même entretien. Dans celui-ci, le pape affirmait également, au passage, le droit des parents de reconnaître leur enfant « comme homosexuel », comme « homosexuelle », sans doute comme on reconnaît son enfant comme blond ou gaucher…

Je vous propose à la fin de cet article la traduction complète du papier d'Il Fatto Quotidiano. De manière tout à fait intéressante, celui-ci révèle que la Salle de Presse du Vatican est en mode panique. Il y a de quoi… En effet, la montée au créneau de ceux qui dénoncent les propos du pape a finalement la même origine que la mobilisation de ceux qui tentent de les justifier : incompréhension, sentiment de scandale, colère face à un saccage de la doctrine dénoncé ou contesté.

Mais à supposer que les défenseurs de ses propos, parce qu'ils auraient été trafiqués ou mal compris, aient raison, il reste leur effet médiatique, désastreux, qui auraient dû provoquer une clarification immédiate par le pape lui-même – oui, nous en avons assez du damage control habituel des organes de communication du Vatican, cela ne suffit pas. Et je crois que les contorsions pour expliquer que les propos ont été sortis de leur contexte ne suffisent pas non plus.

Ces mises au point, comme celle de la journaliste Iris Bridier pour Boulevard Voltaire, ne me convainquent pas du tout. Elle rappelle que le pape affirme que « mariage » est un « mot historique » que nous ne pouvons changer (alors que c'est une réalité et une volonté divine qu'aucun mot, aucune évolution historique ne peut changer). Nous savons d'expérience que le pape François parle aussi bien dans un sens que dans l'autre, c'est sa marque de fabrique, son côté « péroniste ».

En l'occurrence, le pape a accordé des interviews à Evgueny Afineevsky, réalisateur du documentaire Francesco. Le travail  de ce réalisateur ouvertement homosexuel a été facilité par l'accès aux archives du Vatican, lui permettant notamment d'aller trouver l'ensemble des propos tenus par le pape lors de l'entretien avec la journaliste mexicaine, y compris ceux censurés sur l'union civile. D'ailleurs Afineevsky continue d'affirme que le pape lui a lui-même tenu ces propos par téléphone, par le truchement d'un traducteur.  Le pape l'a béni, lui et son équipe, mercredi lors d'une rencontre privée. Par ailleurs, au lendemain du scandale, le documentaire était primé lors d'une cérémonie à l'intérieur des jardins du Vatican.

Ledit réalisateur, ainsi que le révèle une recherche de moins d'une minute sur internet, a consacré son premier long-métrage de fiction à l'histoire d'une famille juive qui accepte, au bout d'un cheminement, son fils homosexuel, son compagnon et « leurs » enfants. En l'occurrence je refuse de croire à la pure naïveté : soit le pape (ou son entourage) a manqué de discernement… ou bien il a délibérément et en toute connaissance de cause accepté de travailler avec ce militant.

Peut-on affirmer sans plus que les homosexuels ont le droit absolu de rester dans leur famille ? Cela ne relève-t-il pas de la prudence et des circonstances ? S'agit-il de les accueillir avec bienveillance, et de les soutenir et de les aider en tant que fils et filles, ou bien de consentir à ce qu'ils revendiquent leur « style de vie » en acceptant leur partenaire, les enfants qu'ils élèvent, (thème du long-métrage d'Afineevsky), devant des frères et sœurs plus jeunes ? Les choix de chaque famille ne relèvent-ils pas d'abord de l'autorité paternelle et parentale ?

Et ne faut-il pas dire que, dès lors que l'on promeut l'union civile, on crée dans le public l'idée que « l'union homosexuelle » mérite d'être institutionnalisée ? La légalisation de l'union civile a partout abouti à une assimilation plus ou moins complète au mariage.

Pour le dire autrement : en affirmant en tant que catholique, qu'il faut créer des lois de cohabitation civile, on affirme que la revendication de la commission habituelle de péchés mortels ouvre des droits, et même la considération sociale.

Voici pour finir l'article du Fatto Quotidiano.

*


Les déclarations du Pape sur les couples et les droits des homosexuels sont devenues un cas d’école au Saint-Siège. D’abord la demande de ne rien publier venue de ceux qui s’occupent médias du Vatican, puis la suppression d’images de l’interview complète du pape François, dont les déclarations les plus fortes ont disparu – celles qui étaient propres à créer des affrontements internes.

par Francesco Antonio Grana | 22 OCTOBRE 2020

Il y a un vrai mystère au Vatican sur les déclarations du pape François concernant la loi sur les unions civiles y compris entre personnes de même sexe. Dans un courriel de la direction éditoriale du Département de la Communication, que ilfattoquotidiano.it est en mesure de publier intégralement et en exclusivité, figure l’ordre de censurer tout ce qui concerne le documentaire dans lequel Bergoglio énonce son ouverture révolutionnaire. Il est signé par Massimiliano Menichetti, responsable de Radio Vatican-Vatican News et du Centre éditorial multimédia, mais il est clair qu’il répercute les indications de la direction du département du Saint-Siège qui s’occupe des médias :

« Bonjour à tous, en ce qui concerne le tollé provoqué par le film “Francesco” du réalisateur russe Evgeny Afineevsky, pour le moment nous ne publions AUCUNE information, ni radio, ni web. Rien non plus sur le film ni sur la cérémonie de remise des prix qui a eu lieu aujourd’hui au Vatican. Une discussion pour faire face à la crise médiatique en cours. Un communiqué de la Salle de Presse n’est pas exclu. Veuillez me faire remonter, si vous le pouvez, en milieu et en fin de journée, les réactions des auditeurs et des followers. Il n’est pas nécessaire de me faire suivre les commentaires, deux lignes de synthèse suffiront. Merci, Massimiliano Menichetti. »

Malgré cela, avant l’habituelle audience générale du mercredi 21 octobre, le Pape a reçu le directeur et tous ses collaborateurs dans une petite salle adjacente à la salle Paul VI, donnant ainsi sa bénédiction à l’œuvre. Il faut aussi considérer que le documentaire, au lendemain de l’audience avec le pape et de sa présentation au Festival du film de Rome que dirige Antonio Monda, frère du directeur de L’Osservatore Romano Andrea, a reçu, dans les Jardins même du Vatican, le « Kineo Movie for Humanity Award », décerné à une œuvre à dimension sociale et humanitaire.

Mais ce n’est pas tout. En fait, la genèse des déclarations du pape sur les unions civiles a été révélée par le père jésuite Antonio Spadaro, directeur de La Civiltà Cattolica, dans une tentative de faire barrage aux critiques du monde catholique conservateur. Au micro de Tv2000, Spadaro a expliqué que « le réalisateur du film “Francesco” rassemble une série d’interviews qui ont été faites avec le pape François au fil du temps, donnant une grande synthèse de son pontificat et de la valeur de ses voyages. Entre autres, il y a divers passages tirés d’une interview de Valentina Alazraki, une journaliste mexicaine, et dans cette interview, le Pape François parle d’un droit à la protection juridique des couples homosexuels mais sans d’aucune façon toucher à la doctrine ». Le jésuite souligne que « il y a aussi un autre témoignage dans le film où il est dit explicitement que le pape François n’a pas l’intention de changer la doctrine, mais en même temps le pape François est très ouvert aux besoins réels de la vie concrète des gens ». Et il ajoute : « Il n’y a donc rien de nouveau. Il s’agit d’une interview donnée il y a longtemps et que la presse a déjà commentée. Mais en même temps, nous comprenons comment ce film réaffirme l’importance que le pape François accorde aux mots d’écoute et de protection des personnes qui vivent dans des situations de crise ou de difficulté. Ce qui reste et qui est frappant, c’est la capacité d’écoute dont François fait preuve. »

Mais objectivement, il y a une chose qui ne colle pas. Dans l’interview à laquelle le père Spadaro fait référence, publiée le 28 mai 2019, il n’y a aucune trace des déclarations de Bergoglio sur les unions civiles. Les plans de l’interview donnée à la télévision mexicaine et du documentaire réalisé par le réalisateur russe sont les mêmes, et d’ailleurs de nombreuses déclarations sur les homosexuels coïncident, confirmant ainsi la thèse de Spadaro, à savoir qu’il s’agit d’un enregistrement unique datant de 2019. Mais il est évident que certaines coupes ont été faites. Dans l’interview à la télévision mexicaine, répondant à une question sur les personnes vivant en situation irrégulière, le pape dit : « Si nous nous convainquions qu’ils sont enfants de Dieu, cela changerait suffisamment. Ils m’ont posé une question pendant le vol, après je me suis fâché, je me suis fâché parce qu’un journal l’a rapporté, sur l’intégration des personnes d’orientation homosexuelle dans la famille. J’ai dit : les personnes homosexuelles ont le droit d’être dans la famille, les personnes ayant une orientation homosexuelle ont le droit de rester dans la famille, et les parents ont le droit de reconnaître ce fils comme homosexuel, cette fille comme homosexuelle, on ne peut chasser personne de la famille ni lui rendre la vie impossible. Une autre chose que j’ai dite, c’st que lorsque vous voyez des signes chez les garçons qui grandissent, vous devez les envoyer, j’aurais dû dire chez un professionnel, et au lieu de cela le mot qui m’a échappé est psychiatre. Le titre de ce journal était : “Le pape envoie les homosexuels chez le psychiatre.” Ce n’est pas vrai ! Ils m’ont posé la même question et je leur ai répété : ils sont enfants de Dieu, ils ont droit à une famille, et c’est tout. Et j’ai expliqué : j’ai eu tort d’utiliser ce mot, mais je voulais dire ceci. Lorsque vous remarquez quelque chose d’étrange, non, pas étrange, quelque chose qui sort de l’ordinaire, ne prenez pas telle petite parole pour vous échapper du contexte. Ce que j’ai dit, c’est qu’il y a droit à une famille. Et cela ne signifie pas qu’il faut approuver les actes homosexuels, bien au contraire. »

Le journaliste demande alors à Bergoglio : « Vous avez mené toute une bataille sur le mariage des personnes du même sexe en Argentine. Et puis ils disent que vous êtes venu ici, que vous avez été élu pape et que maintenant vous semblez beaucoup plus libéral qu’en Argentine. Vous reeconnaissez-vous dans cette description que font de vous certaines personnes qui vous connaissaient avant, ou est-ce la grâce du Saint-Esprit qui vous a donné davantage ? » Et le Pape de répondre : « La grâce du Saint-Esprit existe, certes. J’ai toujours défendu la doctrine. Et ce qui est curieux, dans la loi sur le mariage homosexuel… C’est incongru de parler de mariage homosexuel. » Aucune trace, au contraire, des mots que Francis a prononcés dans le documentaire sur l’union civile : « Les homosexuels ont le droit d’être dans une famille. Ils sont enfants de Dieu et ont droit à une famille. Personne ne doit être exclu ou rendu malheureux pour cette raison. Ce que nous devons créer, c’est une loi sur les unions civiles. De cette façon, ils sont couverts légalement. Je me suis battu pour cela. »

Cette affaire, celle du Pape censuré sur les unions civiles, rappelle la lettre de Benoît XVI trafiquée par le préfet du département des communications du Saint-Siège de l’époque, Mgr Dario Edoardo Viganò. Une affaire qui a obligé le prélat a démissionner, même si par la suite les SMS entre lui et l’archevêque Georg Gänswein, préfet de la maison pontificale mais surtout secrétaire particulier du pape émérite, ont été publiés, d’où il ressort que l’opération de rendre publique une partie seulement de la lettre de Ratzinger avait été convenue d’abord entre les deux. Et maintenant, qui va expliquer à François pourquoi ses phrases ont été censurées ?




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