Ça y est, c’est confirmé. Le pape
François a bien écrit une lettre aux évêques argentins de la région pastorale
du Grand Buenos Aires, les félicitant pour leur projet de texte
d’accompagnement du chapitre 8, le plus controversé (mais pas le seul…)
d’“Amoris laetitia”. Et il leur a bien dit qu’en proposant des critères pour
permettre l’accès des divorcés remariés à la communion malgré l’absence de
déclaration de nullité de l’union antérieure et l’absence d’engagement de vivre
comme frère et sœur, ils avaient correctement interprété le texte. Cet accès à la communion peut donc dans certains cas être décidé, selon le pape François. L’authentification de
la lettre, privée à l'origine, a eu lieu par un canal quasi officiel et en plusieurs
langues : c'est Radio Vatican, en collaboration avec L’Osservatore Romano, qui
a diffusé la nouvelle cet après-midi. Impossible de croire que cela ait été
fait contre la volonté du pape.
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Mgr Victor Manuel “Tucho” Fernandez |
Ainsi se trouve approuvé par le
pape le premier jet (attribué à Mgr Victor Manuel « Tucho »
Fernandez, auteur d’un livre sur le baiser, Guéris-moi avec ta bouche) d’une série decritères proposés aux évêques argentins, et que même le successeur de François
à Buenos Aires, le cardinal Mario Poli, avait trouvé trop forts de café lors
d’une réunion du clergé de la région la semaine dernière.
La confirmation vaticane n’aura
fait l’effet d’une bombe que sur ceux qui ont imaginé, voulu croire, ou voulu
faire croire qu'une interprétation orthodoxe de l'exhortation apostolique Amoris laetitia était possible, ou à
tout le moins désirée par le pape François.
On comprenait ce qu'ils voulaient dire :
quel que soit le texte du magistère, il nous faut le lire à la lumière de la tradition de toute l'Eglise et l'interpréter en ce sens. Mais
voilà. Le pape François vient de faire ouvertement le contraire. Il a interdit
l'interprétation orthodoxe d’Amoris
laetitia en affirmant que celle présentée aux évêques argentins était la
seule possible : « Il n’y a
pas d’autre interprétation. »
Il a ainsi avalisé l’idée que des
divorcés remariés qui ne pourraient dans les faits prendre l’option de vivre
dans la continence pourraient dans certaines situations accéder à la Pénitence
et à l’Eucharistie, celles-ci étant présentées comme disposant la personne
« à continuer de mûrir et de croître avec la force de la grâce ».
Il s’agit bien d’avaliser des relations
objectivement adultérines et de ne plus les voir comme un obstacle – comme tout
péché mortel – à la réception du Corps, du Sang, de l’Ame et de la Divinité de
Notre-Seigneur. Pire, le projet présenté aux évêques argentins prévoit explicitement de
passer outre au scandale que peut créer une telle décision en affirmant que la
« communauté » est elle-même un « instrument de la
miséricorde » chargée d’accueillir le divorcé remarié en acceptant son
accès à la communion.
A vrai dire, depuis que dans
l’avion qui le ramenait de Rio le pape François a quasiment annoncé des
aménagements pour les divorcés remariés, tout est allé dans le même sens,
depuis la manipulation du premier synode sur la famille, longuement commentée
sur ce blog, jusqu’à la refonte du droit canonique sur la question des
constatations de nullités et à la parution de l’Exhortation apostolique, le
tout accompagné de l’explicite approbation pontificale pour le cardinal Walter
Kasper, promoteur de cette révolution.
Il devient de plus en plus
difficile de nier cette logique : il y avait un objectif, il a été
atteint.
Il devient de plus en plus
difficile d’admettre que le pape François, comme il a pu l’affirmer, ne se
souvenait pas des notes de bas de page d’Amoris
laetitia parlant de l’accès des divorcés remariés aux sacrements, et plus
précisément à l’Eucharistie, et que tout cela n’avait pour lui guère
d’importance.
Que faire maintenant ?
Admettre que l’Eglise a changé, que sa doctrine a suivi la pente glissante de
l’histoire, que Dieu Lui-même aménage sa loi pour la rendre plus acceptable par
notre XXIe siècle apostat ?
Impossible ! Personne, pas
même le pape, ne peut faire que ce qui est, n’est pas.
Il ne l’a d’ailleurs pas proclamé
avec l’autorité de Pierre. Son texte – qui demeure une lettre privée –
n’appartient pas au magistère par sa forme. Ne serait-ce que parce qu’il le
contredit.
Ce qu’il faut noter, en revanche,
c’est la manière dont l’interprétation personnelle du pape, qu’il semble avoir
voulu garder discrète au moins jusqu’à aujourd’hui, a été révélée au public.
Lui a-t-on en quelque sorte forcé la main en révélant ce qui devait rester
confidentiel ? C’est possible. Mais en écrivant sur papier à en-tête une
approbation signée de sa main, il prenait un risque évident. Si évident que les
conséquences prévisibles en étaient peut-être recherchées. Il lui était en tout
état de cause loisible de faire publier un démenti ; c’est le contraire
qui s’est produit. L’affaire est assumée. Au moins allons-nous pouvoir avancer
dans la clarté.
Je n’arrive d’ailleurs pas à ne
pas faire le lien avec
l’homélie prononcée ce lundi matin par le pape à Sainte-Marthe. J’y avais
vu une charge contre les défenseurs de la doctrine traditionnelle de l’Eglise
dès sa lecture, bien avant de découvrir la mise au point de Radio Vatican. Il a
dénoncé, comme « armes puissantes » du diable pour détruire l’Eglise,
« les divisions et l’argent ». Voilà ce qui est arrivé depuis le
début, a déclaré le pape : « Des
divisions idéologiques, théologiques, qui déchirent l’Église. Le diable sème
des jalousies, des ambitions, des idées, mais pour diviser ! Ou il sème de
la cupidité. (…) C’est une guerre sale, celle des divisions, c’est comme un
terrorisme. »
Les
divisions théologiques ? On sait qu’elles ont eu lieu dans l’histoire, et
qu’elles ont même conduit à des schismes. Mais comment faire de la théologie
sans distinguer entre le vrai et le faux ? C’est la recherche du vrai qui
a conduit aux divisions ; au « départ » de ceux qui ne voulaient
pas adhérer au vrai.
Les
divisions idéologiques, théologiques seraient-elles dans l’esprit du pape
François celles fomentées par les défenseurs de la doctrine traditionnelle ?
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