Les médias séculiers et même certains médias
catholiques ont décrit la récente exhortation apostolique post-synodale Amoris laetitia, sur l'amour dans la
famille, comme une révolution au sein de l'Église, comme un changement radical
de l'enseignement et de la pratique de l'Eglise sur le mariage et la famille
tels qu'ils ont existé jusqu’à présent.
Une telle vision du document est à la fois
source d'étonnement et de confusion pour les fidèles, et constitue
potentiellement une source de scandale non seulement pour les fidèles mais pour
d’autres personnes de bonne volonté qui attendent du Christ et son Eglise
qu’ils enseignent et reflètent dans la pratique la vérité concernant le mariage
et son fruit, la vie de famille, la première cellule de la vie de l'Eglise et
de toute société. (…)
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Le cardinal Burke à Rome en janvier 2015 © photo Olivier Figueras |
La seule clef d’interprétation correcte d’Amoris laetitia est
l'enseignement constant de l'Eglise, et sa discipline qui conserve et promeut
cet enseignement. Le pape François dit très clairement, d’emblée, que
l'exhortation apostolique post-synodale n'est pas un acte du magistère (No 3).
La forme même du document le confirme. Il est écrit comme une réflexion du
Saint-Père sur les travaux des deux dernières sessions du Synode des évêques. (…)
Comment donc faut-il recevoir le document
? Avant tout, il doit être reçu avec le profond respect dû Pontife romain
en tant que Vicaire du Christ, ainsi que le définit le Concile oecuménique
Vatican II : « le principe perpétuel et visible et
le fondement de l'unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude
des fidèles » (Lumen Gentium, 23). Certains commentateurs font la confusion entre
ce respect et une obligation supposée de devoir « croire de foi divine et
catholique » (canon 750 § 1) tout ce que contient le document. Mais
l'Église catholique, tout en insistant sur le respect dû à l'office pétrinien
institué par Notre Seigneur lui-même, n'a jamais tenu que chaque déclaration du
successeur de Saint-Pierre doive être reçue comme faisant partie de son
magistère infaillible. (…)
Tout au long de son histoire, l’Eglise a
été très sensible à cette tendance erronée à interpréter chaque parole du pape
comme liant la conscience, ce qui est évidemment absurde. Selon la définition
traditionnelle, le pape a deux corps, le corps qui est le sien en tant que
membre individuel des fidèles, et qui est sujet à la mortalité, et le corps qui
est le sien en tant que Vicaire du Christ sur terre qui, selon la promesse de
notre Seigneur, perdure jusqu'à son retour dans la gloire. Le premier corps est
son corps mortel, le deuxième corps est l'institution divine de l'office de
saint Pierre et de ses successeurs. (…)
Avec la publication d’Amoris laetitia, la tâche des pasteurs et autres enseignants de la
foi est de la présenter à l'intérieur du contexte de l'enseignement et de la
discipline de l'Eglise, afin qu'elle serve à édifier le Corps du Christ dans la
première cellule de la vie, qui est le mariage et la famille. En d'autres
termes, l'Exhortation apostolique post-synodale ne peut être correctement
interprétée, en tant que document non magistériel, qu’en utilisant la clef du
magistère telle qu'elle est décrite dans le catéchisme de l'Église catholique
(85-87). (…)
La nature pastorale de la doctrine se voit
de manière éloquente dans l'enseignement de l'Eglise sur le mariage et la
famille. Le Christ lui-même montre la nature profondément pastorale de la
vérité de la foi dans son enseignement sur le saint mariage dans l'Évangile
(Matthieu, 19, 3-12), où Il enseigne à nouveau la vérité du plan de Dieu sur le
mariage « depuis l'origine ». (…)
Au cours de plus de 40 ans de vie et de
ministère sacerdotal, au cours desquels j'ai servi 21 ans comme évêque, j'ai
connu de nombreux autres couples engagés dans une union irrégulière, dont
moi-même ou l’un de mes confrères prêtres avions la charge pastorale. Alors
même que leur souffrance devait être évidente pour n'importe quelle âme douée
de compassion, j'ai vu toujours plus clairement au fil des ans que le premier
signe de respect et d'amour pour eux est de leur dire la vérité avec amour. De
cette manière, l'enseignement de l'Eglise n'est pas quelque chose qui les
blesse davantage mais qui, en vérité, les libère pour l'amour de Dieu et de
leur prochain. (…)
Au cours des ans, et d'une manière
particulière au cours de ces deux dernières années, j'ai rencontré beaucoup
d'hommes et de femmes qui pour une raison quelconque, sont séparés ou divorcés
de leur époux ou de leur épouse, mais qui vivent dans la fidélité à la vérité
de leur mariage en continuant de prier quotidiennement pour le salut éternel de
leur époux ou de leur épouse, même si celui-ci ou celle-ci là les a abandonnés.
Au cours de nos conversations, ils reconnaisse les souffrances que cela
entraîne, mais par dessus tout ils évoquent la paix profonde qui est la leur en
restant fidèles à leur mariage. (…)
Cardinal Raymond Burke
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1 commentaire:
L’enseignement du Christ est pourtant clair: ne pas répudier - ou en termes plus modernes, ne pas divorcer. La raison en est claire: un divorce est la négation du plan de Dieu sur le mariage, et donc, comme tout ce qui éloigne de Dieu, c’est nécessairement un péché. Il ne s’agit pas d’une loi nouvelle (le divorce est autorisé par la loi juive, et le Christ n’est pas venu pour en changer un iota). Il s’agit d’une révélation du plan de Dieu sur le mariage, qui nous éclaire sur sa nature profonde.
À la suite du Christ, le mariage chrétien ne consiste pas à se mettre en couple, ni à obtenir une reconnaissance sociale, mais avant tout de se donner l’un à l’autre. Le sens spirituel du mariage, éclairé par l’enseignement du Christ, est celui du don de soi, et c’est en cela que le mariage est une voie de sainteté. Et c’est en cela qu’il est indissoluble: se donner entièrement est évidemment incompatible avec l’idée de divorce.
Dans cette optique, il est évident qu’un divorce traduit une négation radicale de ce don de soi, qu’il traduit par lui-même que le couple est dans une situation non conforme à sa vocation, et qu’il ne peut évidemment pas être moralement légitime, quand bien même il serait autorisé par la loi: la réponse morale n’est pas de divorcer, mais avant tout de sauver son couple.
En même temps, l’Eglise aujourd’hui a une attitude incohérente face au divorce, qui est la source même du malaise: si un divorcé veut s’accuser de sa faute en confession, que lui répond-on? Qu’il n’y a pas de faute parce que en réalité il est toujours marié?!? Et donc, pire, que son soi-disant divorce n’existant pas ne peut pas être une faute morale?!? C’est un déni de réalité, et c’est en contradiction directe avec l’enseignement du Christ. Et pour justifier cette négation de l’Evangile on bâtit un échafaudage théologique branlant sur une soi-disant indissolubilité par nature. C’est prendre le problème à l’envers, ce n’est pas parce que le divorce traduit une situation de péché qu’il est par nature impossible: de fait, un mariage peut être irrémédiablement détruit, le divorce existe, et si un divorcé se présente pour se confesser il faudra bien lui manifester le pardon de Dieu: il faut à tout péché miséricorde, et Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse.
Le jour où l’Eglise comprendra qu’il est nécessaire de donner une absolution aux divorcés, reconnaissant à la fois que c’est le divorce qui est moralement répréhensible, mais aussi qu’un mariage peut néanmoins être détruit, il n’y aura plus de problème parce que la miséricorde de Dieu pourra enfin être manifeste : même si le passé est déplorable, l’absolution constate qu’effectivement le mariage est mort, et que le divorcé peut et doit retrouver un nouveau chemin de sainteté – et dans ce cas, rien n’interdit que ce soit encore dans le mariage.
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