23 novembre, 2014

Pays-Bas : vers une institutionnalisation du don d'organes après euthanasie

Ce n’était qu’une question de temps. Les Pays-Bas s’apprêtent à établir un protocole de donation d’organes après euthanasie, ce qui devrait multiplier les possibilités de prélèvement d’organes vitaux sur des personnes ayant choisi le moment de leur mort. En codifiant cette procédure, on entend à la fois aider les candidats à l’euthanasie à donner du « sens » à leur mort, et faciliter une pratique qui reste extrêmement marginale dans le premier pays au monde à avoir légalisé l’euthanasie : on compte 6 cas en 16 ans. (Par exemple : celui-ci.)
Marginale ou pas, la pratique de l’utilisation du corps d’une personne dont la mort a été programmée est évidemment dans la logique de l’euthanasie légale.  C’est tellement évident que personne ne semble se poser de questions « éthiques » sur le don d’organes couplé à une euthanasie : on ne s’inquiète que du « comment ». Il est vrai que la transgression première – qu’un médecin puisse procurer volontairement la mort alors qu’il est censé soigner – fait sauter toutes les barrières, à brève ou à longue échéance.
Ce sont des responsables d’hôpitaux universitaires qui ont établi le protocole : l’Erasmus MC de Rotterdam et l’hôpital académique de Maastricht (MUMC) ont publié des directives nationales qui n’attendent plus que l’accord de la Fondation néerlandaise de la transplantation. Une fois validé, le protocole deviendra contraignant pour l’ensemble des médecins et hôpitaux des Pays-Bas. En attendant les médecins intéressés peuvent déjà s’en servir, s’agissant d’une procédure des plus précises qui fixe les conditions du prélèvement d’organes pas à pas.
Le principal obstacle tient au fait que l’euthanasie est en règle générale pratiquée par le médecin de famille, à domicile, le plus souvent en présence des proches de la victime. Ce contexte ne convient pas du tout à la donation d’organes vitaux : ceux-ci doivent être prélevés dans les minutes qui suivent le constat de la mort, ce qui suppose donc un décès à l’hôpital, et la proximité de l’équipe et de la salle d’opération prêtes pour le prélèvement.
Pour les auteurs des directives, Gert van Dijk, médecin éthicien, et Hanneke Hagenaars, coordinatrice de transplantations de l’hôpital Erasmus, et Jan Bollen du MUMC, l’objectif était donc de surmonter ces difficultés en posant le principe d’une intervention du médecin de famille à l’intérieur des murs de l’hôpital (médecin qui doit dégager par écrit l’hôpital de toute responsabilité juridique), chose que nombre d’hôpitaux n’apprécient guère. Il faut donc les encourager… Le protocole prévoit notamment qu’un médecin hospitalier vérifie la conformité de la procédure d’euthanasie même si c’est le médecin de famille qui donne la mort. Ce médecin hospitalier ne doit pas avoir de lien avec le service de prélèvement des organes.
Par ailleurs, l’euthanasie et le prélèvement d’organes doivent être clairement dissociées, afin d’éviter que le patient ne choisisse l’euthanasie en vue de donner ses organes. Il sera donc exigé que le patient réponde à tous les critères de l’euthanasie légale et que son cas ait même été vu et approuvé par un médecin spécialisé de l’euthanasie, « médecin-SCEN », qui soit valider l’accord donné par le médecin de famille. Ce n’est qu’ensuite que la demande de donner ses organes sera prise en compte, à condition qu’elle émane spontanément du patient et que le médecin de famille s’abstienne absolument d’évoquer le premier cette possibilité avec le patient.
Enfin, la justice doit être prévenue préalablement afin que le constat de la mort puisse être fait immédiatement par un médecin spécialisé chargé lui aussi de vérifier que l’euthanasie a été pratiquée dans les règles.
L’autre inconvénient de la procédure – selon les « éthiciens » et la presse – concerne les proches du patient euthanasié : vu qu’il faut transférer le corps sans tarder, il n’y a pas de temps pour les « adieux ». En pratique ils devront attendre le retour du corps après prélèvement. Mais sans aucun doute la presse saura mettre l’accent sur le courage, la générosité, l’utilité du don d’organes après euthanasie. Jusqu’à ce que tout semble aller de soi.
En 2013, 273 personnes ont effectivement pu donner leurs organes aux Pays-Bas. La même année, observent les auteurs du protocole, il y a eu plus de 4.800 déclarations d’euthanasie. Même si les malades du cancer ne peuvent donner leurs organes – et ils forment le groupe le plus important des euthanasiés – il reste les victimes de sclérose en plaques ou de la maladie de Charcot et autres malades neurologiques dont les organes sont en bon état de marche. « Même si un petit pourcentage (des euthanasiés) choisit la donation d’organes après la mort, cela équivaudra à un doublement des donneurs post-mortem », assure Gert van Dijk.
Exacte ou pas – en fait, les prédictions quant aux effectifs des euthanasiés-donneurs demeurent disparates – l’estimation est par nature optimiste, en ce sens qu’elle correspond à une espérance et à une volonté.

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1 commentaire:

Babar a dit…

Une sorte de collaboration, forcée par la loi, entre des gens qui cherchent à tout prix à faire reculer le moment de leur mort naturelle et des gens qui refusent d'attendre le moment de leur mort naturelle.

 
[]