03 décembre, 2013

Divorcés remariés : la révolte allemande

Maintenant, c’est une révolte ouverte. La question de l’excommunication automatique des catholiques divorcés et remariés civilement a été soulevée par les évêques allemands, qui viennent dans un nouvel épisode du déplorable feuilleton de rejeter la mise au point du préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. S’exprimant ès-qualités dans un article publié sur le site internet de L’Osservatore Romano, celui-ci a rappelé récemment que l’enseignement de l’Eglise sur le sujet n’a pas varié. Et que la question n’est pas susceptible d’être résolue par le sentiment subjectif des intéressés de l’invalidité de leur mariage sacramentel, ni par leur conscience subjective mais non « alignée sur la vérité ».

Mgr Gebhard Fürst
Qu’importe ! Mgr Gebhard Fürst, évêque de Rottenburg et Stuttgart, s’exprimant samedi dernier à la session plénière du Comité central des catholiques allemands (ZdK) – une assemblée de laïcs – a annoncé que, tout en affirmant avec l’Eglise que l’indissolubilité du mariage « n’est pas négociable », les catholiques divorcés remariés pourront recevoir la communion.

L’Eglise « doit prendre en compte la réalité concrète » de nombre de couples et de familles, a déclaré Mgr Fürst, réitérant les directives publiées en octobre par l’archidiocèse de Fribourg annonçant que « dans certaines circonstances » des divorcés remariés pourraient communier en l’absence d’une déclaration de nullité de leur mariage sacramentel. Yves Daoudal notait sur son blog, le 11 octobre, que Mgr Zollitsch, président de la conférence des évêques allemands, avait déclaré que le document avait été diffusé « trop tôt ». « Bref, c’était un ballon d’essai », commentait notre confrère.

Qu’un évêque, assurant parler au nom « des évêques », y revienne maintenant devant un comité du laïcat allemand – qui a déjà été en conflit avec Mgr Müller dans le diocèse de Ratisbonne – est un signe des plus inquiétants.

Mgr Fürst a ainsi déclaré : « Il appartient à l’auto-compréhension de l’Eglise d’aider des personnes qui ont failli dans diverses situations », soulignant que « les attentes, l’impatience et la colère sont grandes » à propos de la question en Allemagne.

Mgr Robert Zollitsch
Voilà qui contredit frontalement la lettre de Mgr Müller, écrite à la suite de l’affaire de Fribourg à Mgr Zollitsch et invoquant des consultations avec le pape François et l’accord explicite de celui-ci, par laquelle les directives étaient dénoncées comme « peu claires dans leur terminologie » et en opposition avec l’enseignement de l’Eglise en ce qu’elles prévoyaient de permettre aux individus en « situation irrégulière » de déterminer eux-mêmes s’ils pouvaient accéder à la sainte Eucharistie. Et de rappeler que la suggestion de « bénir » l’entrée en une union civile, non sacramentelle, avec chant d’entrée, lectures de la Sainte Ecriture et cierges constitue une notion « strictement interdite ». La lettre contenait l’ordre exprès de réécrire les directives.

Peut-être cela a-t-il été fait, dans une certaine mesure. Mais les déclarations de Mgr Fürst indiquent que les points litigieux n’ont pas disparu. Et cela était prévisible depuis que le cardinal Reinhard Marx, de Münich – membre du groupe de prélats choisi par le pape François pour réformer la Curie – eut réagi aux interventions de Mgr Müller en déclarant officiellement, à la suite d’une réunion des évêques de Bavière, qu’elles ne pouvaient « mettre fin aux discussions », car beaucoup de fidèles ne comprennent pas qu’« une deuxième union ne puisse être acceptée par l’Eglise ».

Cardinal Reinhard Marx
L’agence anglophone Catholic News Service rendait compte mercredi d’une interview du porte-parole
du diocèse de Fribourg, Robert Eberle. « Nous avons déjà nos propres directives, et le pape a désormais clairement signalé que certaines choses peuvent être décidées localement », a-t-il déclaré, s’appuyant sur l’esprit d’Evangelii Gaudium et notant qu’à son avis, l’Eglise d’Allemagne « va dans la bonne direction » à propos des catholiques remariés.

Même son de cloche chez Uwe Renz, porte-parole du diocèse de Rottenburg-Stuttgart, qui voit les prises de position des évêques allemands comme « conformes à l’esprit de l’enseignement du pape ». « Notre propre processus de dialogue a montré qu’il s’agit d’un problème majeur à la fois pour les laïcs catholiques et pour les prêtres », a-t-il assuré. « Le pape François a appelé les évêques à exercer un discernement pastoral large et réaliste sur de tels problèmes, et nos évêques veulent que les catholiques divorcés et remariés fassent pleinement partie de la communauté ecclésiale, avec des droits complets. »

Plusieurs autres évêques allemands, comme celui de Trêves, s’étaient engouffrés dans la brèche ouverte, nolens volens, par le pape François dans son entretien impromptu avec la presse dans l’avion qui le ramenait de Rio à Rome après les JMJ en promettant un « soin pastoral plus profond » et en rappelant que l’Eglise orthodoxe admet un remariage. Surtout, il avait évoqué son prédécesseur, le cardinal Quarracino, pour qui « la moitié des mariages sont nuls » faute notamment de compréhension par rapport à l’engagement pour la vie. Et de suggérer que les tribunaux ecclésiastiques ne suffisent pas à cette tâche.

Ce n’est pas en tant que tel une justification du remariage, qui contredirait, et sur un point essentiel, l’enseignement du Christ. Revenir sur un engagement pour la vie qui figure la fidélité du Christ à son Eglise est aussi une profanation…

Mais il est clair que le caractère confus des déclarations papales a ouvert la porte à des prises de position hétérodoxes – malgré des mises en garde formelles et publiques – de la part de ces évêques allemands. Ceux-ci, de plus en viennent à laisser l’union civile qui vient à la suite du mariage religieux apparaître comme une union presque aussi sainte et légitime.

On a fait des schismes pour moins que cela.

Article extrait du n° 7991 de Présent, du samedi 30 novembre 2013

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