20 août, 2013
Le prince Friso des Pays-Bas, 44
ans, deuxième fils de la reine Beatrix et frère du roi régnant,
Willem-
Alexander, est mort la semaine dernière dans la résidence de sa mère, la
Huis ten Bosch à La Haye. Ainsi s’achevait un long « coma » de 18 mois
où le prince était tombé à la suite d’un accident aux sports d’hiver en
Autriche, à Lech, où il avait été victime d’une avalanche le 17 février 2012.
Il était soigné depuis mars 2012
en Angleterre et a été rapatrié aux Pays-Bas le 9 juillet dernier, et y est
mort un mois plus tard. Agatha Christie aurait fait dire à Hercule Poirot ou à
Miss Marple : il est venu aux Pays-Bas pour y mourir.
L’histoire serait plus banale à
première vue, s’il ne s’agissait pas d’un prince de sang royal qui par amour
pour une femme, Mabel Wisse-Smit, a renoncé, pour lui-même et pour sa
descendance, à la succession au trône, son mariage n’ayant pas été approuvé par
le Parlement – car Mabel avait eu jadis une relation avec un baron de la
drogue et le prince avait décidé – naïvement, devait-il juger plus
tard – de ne pas faire la demande d’approbation obligatoire auprès de
la représentation du peuple néerlandais.
Mais l’histoire de la mort du
prince Friso, au-delà de son côté « people », est riche
d’informations et jette un jour cru sur la manière dont aux Pays-Bas on traite
les victimes de coma.
La grande question posée par la
presse néerlandaise ces jours-ci, la voici : a-t-il été euthanasié ?
Le consensus médiatique penche
pour une réponse négative : en cas d’euthanasie, une affaire très encadrée
et programmée, il eût été improbable que la famille de Friso ne fût pas là pour
assister à ses derniers instants. Or la famille royale était en Grèce au moment
du décès et sa femme Mabel, présente dans le palais royal, y fêtait son
anniversaire la veille.
Un décès « inattendu »,
donc.
Mais des questions restent sans
réponse, en tout cas à mon sens.
L’accident de Lech avait causé
des lésions cérébrales importantes chez le prince qui avait été privé d’oxygène
pendant les 25 minutes passées sous la neige ; il avait fallu une heure
pour le réanimer.
Après deux semaines passées dans
un hôpital autrichien, le prince Friso avait été amené à Londres, son lieu de
résidence, pour y être soigné à l’hôpital Wellington qui réunit d’excellents spécialistes et
offre des soins de pointe pour les personnes en coma. Le transfert vers le
Royaume-Uni n’allait pourtant pas de soi, on s’attendait même à ce qu’il soit
rapatrié aux Pays-Bas. Mais voilà : un patient ayant subi des lésions
cérébrales de la gravité de celles de Friso n’y a pour ainsi dire aucune
chance. Les comateux y sont rapidement privés de soins.
« Si le patient ne se réveille pas, on attend 72 heures. (…) A
défaut de réveil pendant cette période, nous entreprenons un examen
neurologique. Nous appliquons une stimulation électrique sur le pouls, et nous
recherchons une réaction dans le cortex cérébral. Si nous ne voyons aucune
réaction, il est certain que cette personne ne se réveillera jamais. Aux
Pays-Bas, nous cessons alors les soins, après quoi le patient décède. Cette
procédure est moins habituelle à l’étranger », explique
le Dr Gerritsen, spécialiste en soins intensifs.
De fait, seule une trentaine de
personnes en état « végétatif » ou souffrant d’autres types de comas
ou d’états de conscience minimale survivent aujourd’hui aux Pays-Bas en
recevant des soins appropriés.
Décryptons : la
« cessation des soins », comme la qualifie le corps médical
néerlandais, consiste en l’arrêt de tous les soins et non des traitements
médicaux : on cesse donc d’alimenter et d’hydrater le patient jusqu’à ce
que, et même pour que mort s’ensuive. Ce qui constitue une euthanasie lente, et
bien une mise à mort volontaire.
La rapidité et le caractère quasi
systématique de sa mise en œuvre est caractéristique de la médecine des
Pays-Bas, sans qu’on considère la procédure comme une euthanasie, mais c’est
bien dans un contexte où la justification de l’euthanasie se fait de plus en
plus large.
Cela explique qu’après son
accident le prince Friso a été transféré dare-dare à Londres, où l’on avait certes
moins à craindre une solution extrême aussi rapide, mais où en outre on a
l’habitude de prendre en charge de tels problèmes, ce qui n’est plus guère le
cas dans les hôpitaux néerlandais.
Par ailleurs, à l’époque de son accident,
la presse
néerlandophone s’était interrogée sur le fait de savoir s’il ne pouvait pas
être euthanasié purement et simplement. Réponse : pas question. La famille
royale néerlandaise est intimement liée au protestantisme et elle ne pouvait
même pas envisager de choquer de cette manière une part importante de la
population néerlandaise parmi laquelle se trouvent nombre d’opposants à
l’euthanasie pour motifs religieux.
Jusqu’en novembre dernier, le
prince Friso était en état de coma végétatif. C’est alors qu’il a montré
quelques signes de réveil, réagissant par exemple à un baiser de sa femme Mabel
qui, selon son habitude quotidienne, était venue à son chevet. Depuis la fin de
2012, selon un communiqué de la famille royale, il était en état de conscience
minimale (ou pauci-relationnel, tel Vincent Lambert). Un état qui n’évoluait
pas, cependant.
C’est au début de juillet de
cette année, après que des rumeurs dans la presse néerlandaise et allemande
eurent fait état de « réflexions » parmi ses proches sur la possible
euthanasie du prince, que Friso fut transféré vers le palais de sa mère aux
Pays-Bas. Un communiqué de la maison royale expliquait
alors que le prince n’avait plus besoin de traitements à l’hôpital Wellington
et que si son état de santé inspirait toujours « l’inquiétude » il
avait été décidé de le ramener chez lui afin que l’on décide au cours de l’été
des possibilités de soins sur le long terme aux Pays-Bas. « Dans les
semaines qui viennent toutes les options seront étudiées avec les
médecins », affirmait ce communiqué du 9 juillet ; le prince serait
soigné à domicile par une équipe comprenant plusieurs neurologues pendant cette
période.
Mais le prince est mort le 12
août « des suites des complications des lésions cérébrales dont il a été
victime », annonçait le même jour un communiqué officiel de la maison
royale.
Un mois après son transfert…
Pourvu de soins pourtant…
On peut trouver étonnant, et
c’est mon cas, que des « complications » surviennent ainsi tout d’un
coup après l’arrivée aux Pays-Bas. Quelles complications ? Une
infection ? Une lésion subite et impossible à traiter ? L’imprécision
du communiqué laisse songeur. Et le délai qu’il a fallu pour que le prince
passe de vie à trépas est lui aussi intéressant : il s’accorde en tout cas
avec un arrêt de l’alimentation de Friso avec hydratation minimale. Vincent Lambert
a vécu ainsi un mois et était au bord de la mort lorsqu’une décision judiciaire
ordonna sa réalimentation.
Si c’est ce qui s’est passé pour
Friso, l’absence des proches peut s’expliquer : c’est elle qui a permis de
couper court aux rumeurs d’euthanasie, et en même temps elle s’inscrirait alors
dans l’idée que le patient en état végétatif ou pauci-relationnel ne possède
pas une telle conscience de ce qui se passe autour de lui pour que la présence
de ceux qu’il aime puisse le réconforter au moment de la mort.
Et ce d’autant que la presse
néerlandaise répète
depuis des mois qu’il est en état de mort cérébrale – un article très
critiqué soulignait même que le fait de le reconnaître permettrait d’utiliser
ses organes pour sauver d’autres vies, Friso étant un donneur idéal…
Mais je n’oserais affirmer ici positivement
que la mort de Friso a été programmée par ce que les médecins néerlandais appellent
« l’arrêt des soins ». Tout au plus peut-on souligner que de leur
point de vue, cela n’aurait rien de choquant.
• Voulez-vous être tenu au courant des informations originales paraissant sur ce blog ? Abonnez-vous gratuitement à la lettre d'informations. Vous recevrez au maximum un courriel par jour. S'abonner
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
1 commentaire:
Bonjour,
Je découvre votre blog avec plaisir.
Ce qui me choque, moi, c'est qu'aujourd'hui il semble naturel aux gens de pratiquer des "sports" d'hiver et de s'y accidenter.
Combien de bras ou jambes cassés triomphants au retour de ces fameux "sports" d'hiver ? Combien d'arrêts de travail ? Tout ça pris en charge par la solidarité nationale et exposé aux pauvres qui travaillent sans jamais prendre de vacances.
Il serait bon de rappeler que si on a "cessé de soigner" ce monsieur, c'est parce que comme tous les pratiquant de "sports" extrêmes, il a pris des risques extrêmes, juste pour le plaisir (donc par esprit de jouissance), au péril de sa vie qui est le bien le plus précieux.
Si je roule à 250 km/h en moto, on me rappelle à juste titre que ma vie est précieuse et que mon âme immortelle aurait à répondre de sa conduite si je me tuais.
Pourquoi cette coupable complaisance en vers ces fumeux "sports" d'hiver ?
Enregistrer un commentaire