02 mai, 2013
Cela se passe aujourd’hui et maintenant, quelque part en
France, en pleine légalité et par application de la loi Leonetti. Un jeune
homme – appelons-le Hervé – dans le coma depuis plusieurs années après avoir
été victime d’un accident de la route, a fait l’objet d’une décision
d’« arrêt de soins ». Non pas des soins d’acharnement,
d’interventions lourdes et pénibles. Non : on lui a supprimé la nourriture,
et réduit de manière drastique la quantité de liquide administrée. De 3 litres
en 24 heures, son hydratation a été ramenée à quelque 100 ml sur la
même période.
Il n’y a qu’une issue possible, c’est l’issue
recherchée : la mort.
En France, aujourd’hui, alors qu’on fait mine de débattre
autour de l’euthanasie, le corps médical peut décider de faire mourir un malade
de faim et de soif, et les proches n’y peuvent rien. Ils ne peuvent que le
regarder partir, la mort dans l’âme, bouleversés de voir que cette mort est
voulue et organisée pour elle-même. C’est la définition de l’euthanasie.
« Euthanasie par omission », en l’occurrence. Mais euthanasie quand
même.
Coma ? Le jeune homme était en effet dans un état de
coma profond après son accident. Puis, doucement, il est remonté au palier du
coma végétatif. Et aujourd’hui, il est au stade du coma
pauci-relationnel : cela veut dire qu’il est incapable de réagir de
manière suivie à des instructions simples mais qu’il possède la conscience de
son environnement, cette conscience fût-elle minimale. En particulier, il suit
ses visiteurs des yeux. Dans ce type de coma, on constate une interaction avec
l’environnement et notamment des réponses aux stimulations verbales, surtout
lorsque la voix entendue est celle d’un membre de la famille. Il a été démontré
par plusieurs études publiées par Neurology
que les patients en état de conscience minimale perçoivent les émotions et la
douleur.
Cela ajoute à l’horreur de la situation. Les médecins qui
ont pris la décision, depuis plusieurs jours déjà, de supprimer l’alimentation
et une grande partie de l’hydratation de Hervé n’ont pas même l’excuse de se
réfugier derrière l’inconscience, réelle ou supposée, d’un malade plongé dans
un coma dépassé, d’un coma profond sans retour.
Et les proches le savent bien, qui voient Hervé perdre des
forces de jour en jour – et pleurer lorsqu’il les entend entrer dans sa chambre
d’hôpital.
Il pleure ? Mais c’est qu’il a de la conjonctivite,
assurent les médecins.
Car il n’y a pas beaucoup de sympathie pour les proches de
la part de ceux qui, « collégialement » comme le veut la loi
Leonetti, ont pris la décision d’arrêter les « soins » d'Hervé –
soins qui ne sont pas extraordinaires, et que nul n’est obligé d’accepter ou de
fournir, mais soins ordinaires :
apporter le minimum pour le confort d’un patient, ce qu’on ne devrait refuser à
aucun être humain qui souffre : un abri, de quoi s’alimenter, de quoi
boire.
Peu importe que cette alimentation soit apportée autrement
que par la bouche, dès lors que cela ne fait pas inutilement souffrir le
patient – qui est par ailleurs en bonne santé.
Les proches… Dans ce cas précis, c’est l’épouse du jeune
homme qui a approuvé, peut-être demandé que la vie de son mari s’arrête là. Les
parents, la famille de Hervé n’ont pas été consultés (la loi Leonetti le
prévoit pourtant). Ils ont été mis devant le fait accompli. Et ont appris
fortuitement que le processus avait déjà été mis en place. C’est la colère, la
tristesse, l’indignation. Ils ont eu beau le faire savoir, le corps médical est
implacable. Leur voix ne compte pour rien.
Et un jeune homme se meurt de mort lente, délibérément tué
dans un hôpital français.
On peut supposer que, catholique, il n’aurait pas voulu de
cette fin et ses larmes le confirment. La loi demande que l’on recherche la
volonté du patient, s’il pouvait l’exprimer. Mais cela n’oblige non plus à
rien.
On s’accorde en général à dire que la loi Leonetti de 2005
est une loi d’« équilibre » et respectueuse de la vie. Très peu de
voix médiatiques se sont élevées – hormis celles de Présent, d’Yves Daoudal – à l’époque de son adoption pour dénoncer
la légalisation de l’euthanasie qui y est discrètement mais réellement
présente.
Le cardinal Vingt-Trois s’était associé au Grand rabbin
David Messas, en 2009, pour le mettre en lumière. C’était déjà tard mais
c’était courageux et juste :
« Le fait de ne
pas entreprendre (ou de ne pas maintenir) pour un malade déterminé, tel ou tel
traitement médical, ne dispense pas du devoir de continuer à prendre soin de
lui. Juifs et catholiques, nous jugeons qu’il est de la plus haute importance
de chercher le moyen et la manière les plus adéquats d’alimenter le malade, en
privilégiant dans toute la mesure du possible la voie naturelle, et en ne
recourant aux voies artificielles qu’en cas de nécessité. Seules des raisons
graves dûment reconnues (non assimilation des nutriments par l’organisme,
souffrance disproportionnée entraînée par l’apport de ceux-ci, mise en danger
du malade du fait de risques d’infection ou de régurgitation) peuvent conduire
dans certains cas à limiter voire suspendre l’apport de nutriments. Une telle
limitation ou abstention ne doit jamais devenir un moyen d’abréger la
vie. »
Le cas d'Hervé rappelle en de nombreux points celui de
Terri Schiavo aux Etats-Unis, qu’on a laissée mourir de faim et de soif parce
que son mari en avait obtenu le droit par voie judiciaire, contre la volonté de
ses proches. Son calvaire et son décès, huit jours avant celui de
Jean-Paul II, avaient profondément remué la société américaine. Le Vatican
avait clairement dénoncé le processus comme une « euthanasie par
omission », aussi répréhensible que n’importe quelle euthanasie dite
« active ».
En France, c’est le silence qui est de mise – car on imagine
que le cas de Hervé est loin d’être isolé. Et si j’ai choisi pour cet homme le
prénom de Hervé, pour protéger son identité et celle de sa famille, c’est en
pensant à Hervé Pierra, resté dans le coma après une tentative de suicide par
pendaison : il est mort dans d’atroces souffrances après une semblable
privation de nourriture. Ses parents et le lobby de l’euthanasie en tirent
argument pour réclamer le « droit de mourir », de mourir vite.
Mais c’est la vie qui mérite d’être protégée et entourée des
meilleurs soins possibles, sans quoi la société humaine devient barbare,
décidant elle-même qui peut vivre et qui doit mourir.
Cet article a été publié dans Présent.
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7 commentaires:
Il y a longtemps que l'euthanasie existe en France. Des dizaines d'années...
Hervé... Ses proches...tristesse
Je mets en lien. Une histoire semblable mentionnée dans LF il y a quelques mois. Merci Jeanne.
La fraternelle des médecins ou la mort en blouse blanche.
Le pouvoir politique va prendre à son compte les idées du monde maçonnique, tout en s’appuyant sur l’autorité du pouvoir médical. C’est ainsi que Pierre Simon-Nahum** affirme :
« Si la société ne cesse de peser sur l’objet même de la médecine, celle-ci en retour façonne tous les jours un peu plus le visage et le destin des sociétés modernes… Cette intervention politique des médecins est rendue toujours plus nécessaire : à ne plus se donner pour seul projet d’assurer la survie des humains mais à se mêler de changer leur condition, donc de bousculer leur morale, les médecins, comme les autres scientifiques, participent désormais très concrètement au pouvoir ».
Note:Plus que jamais,martelez, martelez, martelez sans cesse ces déclarations,il en restera toujours quelque chose.Faites tourner.
1 / **Pierre Simon-Nahum, co-fondateur et vice président du Mouvement Français pour le Planning Familial, ancien président de la “ Fraternelle du Planning Familial ” collaborateur direct de Robert Boulin puis de Simone Veil au Ministère de la santé, et plusieurs fois grand maître de la Grande Loge de France, il fut à l’avant garde du combat pour la légalisation de l’avortement.)
2/**Source:http://notredamedesneiges.over-blog.com/
Nous sommes les parents d’Hervé Pierra. Notre fils est resté plongé pendant 8 ans ½ dans un coma végétatif chronique irréversible, à l’âge de 20 ans, suite à une tentative de suicide par pendaison. Il était figé dans une grande rigidité, paralysé à 100%, inconscient, trachéotomisé et nourri par sonde gastrique. Il s’étouffait chaque jour, depuis le début de son calvaire, dans ses propres glaires, entrainant de récurrentes et éprouvantes régurgitations.
Nous vous soumettons avec humilité, quelques questionnements ou quelques pistes de réflexions pour aider à cheminer dans le débat sociétal sur la fin de vie qui va, prochainement s’instaurer.
Vous trouverez ci-dessous, le lien pour prendre connaissance de la lettre que nous avons adressée aux députés et sénateurs:
http://parents-herve-pierra-fin-de-vie-loi-leonetti-euthanasie.over-blog.com/article-lettre-que-nous-adressons-a-tous-nos-deputes-et-senateurs-concernant-les-etats-vegetatifs-chronique-115497390.html
Bonjour à vous,
Je suis d'accord avec vous sur un point : la loi Léonetti est une mauvaise loi dans la mesure où elle considère la sédation terminale comme un bonne chose pour permettre à un malade en phase terminale de demander l'arrêt des soins, dont l'alimentation et de l'hydratation font partie, ce qui veut dire, effectivement que le malade va mourir de faim et de soif, ce qui est intolérable et que j'assimile à de la torture.
Par contre, pour moi, qu'on accepte de répondre favorablement à la demande d'euthanasie de cette même personne en phase terminale (et seulement à sa demande, pas à la demande de sa famille) ou à la personne qu'elle aura désignée comme personne de confiance si elle n'est plus en état de s'exprimer, est une bonne chose.
Chacun d'entre-nous a le droit de décider de ce qu'il souhaite pour terminer sa vie et quand celle-ci n'est plus que douleur, je pense que la charité chrétienne voudrait qu'on accède à sa demande. Bien sûr, il faut, comme en Belgique, prendre toutes les précautions pour qu'il n'y ait pas de dérives (et en Belgique il n'y en a pas, j'habite à 7 Km de ce pays, ainsi que du Luxembourg) et une commission de contrôle composée de personnes qui sont pour l'euthanasie, mais aussi contre bien sûr n'a, à ce jour, enregistré aucune dérive. Si tel avait été le cas, les opposants se seraient fait un plaisir de les dénoncer.
Donc, oui, je suis pour qu'on aide une personne en difficulté à mourir, qu'elle soit en phase terminale d'une maladie incurable ou dans une situation qui fait que la vie n'a plus aucun sens pour elle, comme l'était Vincent Humbert. Je ne m'octroie pas le droit de décider à la place de quelqu'un d'autre s'il doit vivre ou mourir, chacun de nous ayant un ressenti différent face à la mort, je laisse à chacun le droit de décider pour lui mais par contre, je refuse que quelqu'un d'autre décide pour moi si je dois vivre ou mourir. Cette décision m'appartient, à moi seule.
Bien cordialement,
@ M. Pierra.
Je sais en effet que votre fils a connu des souffrances atroces. Et je comprends que dans une telle situation, un parent puisse en venir à souhaiter la mort de son enfant, avec la douleur que j'imagine. Je suis sûre pourtant qu'il ne faut pas en tirer un droit général à l'euthanasie, une abolition du principe selon lequel l'on ne doit pas attenter à la vie d'un être humain innocent. Je crois que la seule solution est de juger un tel cas particulier comme un cas particulier, où d'ailleurs les médecins ont le devoir de soulager au maximum les souffrances de leur patient : l'ont-ils vraiment fait en l'occurrence ?
En tant que catholique, je ne puis que prier pour que ces souffrances subies puissent avoir ouvert les portes du ciel à votre Hervé. Cela vous paraîtra peut-être idiot ou cruel, mais j'aurai tort de ne pas vous dire ce que j'ai sur le cœur !
Ce serait bien que l'on sache dans quel hôpital il est, pour faire pression sur le directeur de l'hôpital, et les obliger à nourrir ce jeune homme. Il va mourir dans des douleurs atroces ! que peut -on faire en tant que chrétiens ? Notre devoir est de défendre la vie.
j'aimerais bien aller prier pour lui avec d'autres chrétiens à l'hôpital.
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