Euthanasie ou “sédation palliative” ? En Belgique, on ne sait plus trop…
Le nombre de personnes mourant en Belgique au bout d'une « sédation palliative » atteint désormais plus de 14.000 par an, soit 14 % des décès. C'est à la fois un moyen de soulager des souffrances ultimes trop insupportables, et de mettre volontairement fin à la vie par un moyen qui n'obéit pas aux règles de l'euthanasie. Autrement dit, la sédation palliative peut avoir un objectif euthanasique ou non, elle peut être moralement illicite ou non. Mais ce qui apparaît aujourd'hui en Belgique, c'est que le médecin peut exercer à travers elle un pouvoir exorbitant sur la vie et sur les dernières heures de ses malades.
A l'heure où l'on parle en Belgique d'élargir l'euthanasie aux mineurs, aux déments, aux personnes atteintes d'affections psychiatriques, un médecin spécialiste de la sédation estime que le vrai problème est ailleurs. « Il existe hélas de multiples histoires épouvantables de sédations palliatives. Quand les politiques prendront-ils enfin ce problème en compte ? J'aimerais tant que le Sénat mette cela à l'ordre du jour », dit Marc Cosyns. La sédation palliative est la « zone grise » en deçà de l'euthanasie. Celle où aucune loi n'encadre la pratique.
Le cas qui a fait parler la Belgique est celui d'une nommée Nienke. De Standaard relate les derniers jours de cette vieille dame de 90 ans, autrefois gouvernante, accompagnée quotidiennement au cours de son grand âge assombri par un cancer par l'une de ses anciens « enfants » : Gabrielle, 40 ans, passe matin et soir s'occuper d'elle, lui parler, la soutenir, évoquer de vieux souvenirs.
Nienke risque de mourir dans de grandes souffrances : asphyxiée par un œdème pulmonaire. Mais par ailleurs elle va plutôt bien, elle aime la vie même si son médecin traitant atteste que depuis la mort de son mari, elle dit ne plus avoir beaucoup de goût pour elle et qu'elle préfère recevoir une injection létale le moment venu.
Au terme de diverses péripéties et au très grand étonnement de Gabrielle, Nienke va recevoir beaucoup de morphine et des doses de Dormicum, le cocktail de la sédation palliative qui permet d'endormir profondément un patient pour les éviter des douleurs atroces, mais qui va aussi conduire à la mort. Moins vite que l'euthanasie, certes : cela peut durer jusqu'à deux semaines avec l'arrêt de l'alimentation, parfois c'est plus rapide.
Dans le cas de Nienke, celle-ci n'a pas été clairement interrogée sur ce qu'elle voulait. Elle a indiqué à plusieurs reprises qu'elle n'était pas du tout prête à mourir. « Je vais vous donner quelque chose pour vous endormir. – Mais, docteur, je dors très bien ! » Mais le médecin, craignant l'asphyxie, a décidé de prendre les devants. Il insiste. Nienke finit pas acquiescer… mais à quoi ? Il lui fera administrer trois fois de la morphine et des doses de Dormicum, et trouvera que la journée et demie que Nienke aura mis à mourir sont bien longues, il pensait que cela irait plus vite.
Gabrielle sortira l'affaire dans la presse, outrée de voir que « sa » Nienke a été privée de la vie qu'elle voulait encore vivre, et de la mort qu'elle aurait pu choisir en toute connaissance de cause.
Car dans l'histoire, personne n'est vraiment opposé, par principe, à l'euthanasie.
Leur indignation porte sur l'absence de cadre légal. Et en ce sens le débat lancé aujourd'hui est au moins partiellement porté par le lobby de l'euthanasie, qui insiste sur le consentement du patient et dénonce les « départs » qui s'étirent dans des conditions difficiles à supporter sur le plan émotionnel par les proches des malades.
Mais en même temps l'on comprend que les statistiques de l'euthanasie sont plus que floues. Les euthanasies déclarées ne sont que la pointe de l'iceberg. Les « sédations palliatives » en sont souvent la forme atténuée, qui n'engagent pas la responsabilité juridique.
Situation d'autant plus dommageable qu'elle entretient une confusion également autour de la sédation palliative appliquée de manière correcte et sans intention de tuer.
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