Argentine : de la difficulté de tenir bon
Je vous disais ici le combat de deux juges des registres civils argentins, Marta Corvella et Alberto Arias,qui dès l'adoption de la loi instituant le mariage gay avaient annoncé leur intention de ne jamais en célébrer un, pour des motifs religieux. Eh bien, Marta Corvella dont la ténacité semblait déjà douteuse quelques heures avant ses premières déclarations tonitruantes et très médiatisées, vient de se rétracter totalement.
Mieux, elle a d'ores et déjà accepté de célébrer la première union gay dans le ressort du registre civil de General Pico (province de La Pampa) : ce sera le 17 août prochain, entre deux magasiniers âgés respectivement de 61 et 57 ans et qui ont mené 27 ans de vie commune.
On imagine mal les raisons d'un tel revirement mais on en connaît un peu mieux les circonstances : Marta Covella a changé d'avis à la suite d'entretiens avec son pasteur. Je me demandais de quelle dénomination celui-ci pouvait bien être : c'est un évangélique. L'un des deux « fiancés » qui ont déjà été reçus par la juge a fait savoir que c'était une personne « avec beaucoup de cœur », très croyante, qui les a invités à venir prier dans son église (évangélique, je le répète).
Celle qui était prête à mettre sa vie dans la balance pour ne pas « hypothéquer sa vie éternelle » a donc rencontré une interprétation de la Bible plus accommodante...
De son côté le directeur du registre civil de Concordia, Alberto Arias, a déclaré qu'il aimait encore mieux marier Alfredo Astiz, condamné pour crimes contre l'humanité pour son rôle pendant la dictature argentine, qu'un couple d'homosexuels.
« Eh oui… Pourquoi refuserais-je de marier ce pauvre homme ? Ce “pauvre homme” entre guillemets : cet être humain. Pourquoi ne le marierais-je pas ? Si non, je ne peux plus dire le Notre Père : si nous ne pardonnons pas, nous ne le pouvons pas. Pendant combien de temps continuerons-nous d'accuser ? », a-t-il répondu aux questions du journaliste de la radio La Voz de Parana.
Alberto Arias a annoncé qu'il chercherait à bénéficier du droit à l'objection de conscience s'il se trouvait devant une demande émanant d'un couple gay, en laissant un juge suppléant enregistrer le mariage (ou faire le sale boulot ? Mais, a-t-il concédé, si personne d'autre n'était disponible, il serait bien obligé de s'y mettre, parce qu'il doit respecter la loi.
Etrange déclaration, si l'on considère qu'Alberto Arias est le seul avocat canoniste habilité par l'Eglise à intervenir dans les procès canoniques dans la province d'Entre Rios. C'est une autre façon de dire non à une loi morale qui primerait sur la loi civile, la base même du positivisme juridique et l'effet de la dictature du positivisme.
Maintenant il faut bien reconnaître qu'il n'est pas facile de mettre en jeu des années de carrière (dont vingt à la tête du registre civil de Concordia) ni de se retrouver seul face à l'appareil politique. Quelle est la solution ? Peut-être le soutien militant et affirmé des populations civiles et l'appel à la résistance des autorités religieuses. Encore faut-il qu'elles acceptent, et d'agir, et de se mettre en réseau en vue de ces démonstrations de force.
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