Mgr Hermann Glettler, évêque d’Innsbruck (Autriche), a inauguré une installation d’art contemporain au-dessus l’autel principal de l’église Saint-Jean-Népomucène, un joyau baroque du début du XVIIIe siècle devenu église de l’université locale. La « décoration », une photographie agrandie et inversée d’un jeune homme nu, portant des cicatrices et des tatouages, allongé sur un lit, a été placée comme retable au-dessus du tabernacle de l’ancien maître-autel de l’église pour la durée du carême. L’œuvre de la photographe et plasticienne Carmen Brucic a été spécialement choisie par Mgr Glettler et porte le titre Tired (« fatigué »).
Glettler est favorable à la bénédiction des couples de même sexe, et s’est révélé de bien d’autres façons favorable à l’hyper-progressisme au sein de l’Eglise.
En elle-même, cette immense photo (4,5 mètres sur 3) est totalement incongrue au-dessus d’un autel, à défaut d’avoir une quelconque signification religieuse. Mais l’image de ce jeune homme nu, allongé sur le dos dans une attitude d’épuisement, où l’on échappe de peu à la vision de ses organes génitaux, est doublement scandaleuse. Outre son indécence – évidente dans un tel contexte, elle représente une figure de proue de la scène « queer » de Tbilissi, glorifiant ainsi ouvertement un activiste « gay » de Géorgie dont l’image restera jusqu’à la fin du Carême au-dessus du tabernacle qui abrite la Présence Réelle de Notre Seigneur dans l’Eucharistie.
Le jeune homme en question, David Apakidze, 23 ans, est mi-géorgien, mi-ukrainien, ce qui permet de présenter à peu de frais l’installation photographique comme une réflexion sur l’invasion actuelle de l’Ukraine par la Russie. Mais il est plus connu en tant qu’activiste du club Bassiani où les homosexuels géorgiens, les drag queens et autres promoteurs auto-proclamés de la déviance sexuelle avaient trouvé à Tbilisi un « espace sécurisé » pour la musique techno, les rave parties et les performances « LGBTQ ». Le club a été fondé en 2014 accueille régulièrement des performances sulfureuses. En mai 2018, le club a été perquisitionné par la police et fermé. Beaucoup de ses membres ont ensuite rejoint une manifestation publique de plusieurs jours baptisée « rave-o-lution days », où les foules dansaient sans arrêt dans les rues sur de la musique techno. Le club avait pu rouvrir, mais dut fermer à nouveau pendant de nombreux mois en raison des restrictions COVID.
C’est à cette époque, début 2021, qu’Apakidze rejoignait un « collectif artistique queer géorgien » qui se consacre à la « destruction des normes sociales toxiques ».
« Le collectif d’art queer Fungus, basé à Tbilissi, prospère au milieu de l’hostilité. En créant des œuvres audacieuses et une communauté de soutien, ce groupe de 20 artistes crée un espace sûr pour les jeunes homosexuels dans une société qui cherche à les marginaliser. Les champignons se développent dans les endroits humides et sombres », peut-on lire dans le manifeste du groupe. « Il joue un rôle vital dans l’écologie de la biosphère. En décomposant toute matière organique, il crée un sol riche. Une contre-culture prospère de la même manière », explique The Calvert journal, un magazine en ligne « explorant la culture et la créativité contemporaines du Nouvel Orient : Europe de l’Est et Balkans ».
« Fungus », « une base libérale très à gauche », a été créé pour organiser un salon d’art queer en marge de la semaine de la mode Mercedes-Benz de Tbilissi, il y a un an. Le projet a été bloqué par les restrictions COVID, mais le groupe a depuis lors organisé de nombreux événements liés à la « Rave Revolution ».
C’est à la suite de cela que Carmen Brucic, photographe tyrolienne, a été approchée par Mgr Glettler afin qu’elle participe à son exposition d’art
tired? lost? displaced? (
fatigué ? perdu ? déplacé ?) qui consiste à présenter trois « installations » dans autant d’églises d’Innsbruck. L’évêque semble avoir apprécié une exposition qu’elle a montée au Festival de la photo de Tbilissi, en Géorgie, au cours de l’été 2021 : sous le titre
Private Stages, elle dressait le portrait de cinq militants de la « Rave Revolution ».
Apakidze en faisait partie.
Carmen Brucic a choisi de photographier le jeune homme dans toute sa « fragilité », allongé nu sur un lit, adoptant différentes poses. La photo choisie par Mgr Glettler se concentre sur le visage incliné, la poitrine et le bras tendu d’Apakidze d’une manière qui rappelle une crucifixion inversée ; elle montre le mamelon percé de l’activiste, ses multiples tatouages et les cicatrices sur l’intérieur de ses bras, causées par l’automutilation.
L’art contemporain suscite toujours la discussion, car le « discours » sur les installations fait partie intégrante de chaque œuvre. Dans le cas présent, c’est Mgr Glettler qui a ouvert le bal en proclamant que « la photo du jeune homme sur l’image est issue d’une souffrance et d’une agression contre soi-même ». Elle est « l’expression de l’épuisement et de la résistance », a-t-il dit, ajoutant : que « C’est une ambivalence qui nous a intéressés. Le bras forme une sorte de “V” comme pour “victoire”. En ce sens, c’est un symbole de jeûne et de Pâques très fort ! » La plupart de ces propos ont été repris
sur le site du diocèse.
Il ne pouvait ignorer les autres œuvres de Carmen Brucic, sombres et torturées, regorgeant d’images de mort, de déchets et de figures humaines déstructurées. Il ne peut pas non plus avoir manqué la courte vidéo montrant le travail de l’artiste pour le festival de Tbilissi, avec ses images d’hommes transsexuels et la série complète des clichés homo-érotiques de David Apakidze.
Le compte Instagram d’Apakidze montre de nombreuses photos équivoques d’hommes trans, de visages torturés, d’homosexuels qui s’embrassent et de jeunes gens bizarres et inquiétants qui n’ont aucune idée de leur propre dignité. On y trouve la photographie d’une exposition d’art contemporain intitulée « Pilules d’avortement » mise en place – selon l’artiste qu’est aussi David Apakidze - comme « un coin des icônes de la Vierge Marie ; c’est une campagne publicitaire pour les pilules d’avortement ». « L’avortement est un acte sacral par lequel une femme récupère le droit de se reproduire », commente encore Apakidze.
C’est la photo de cet homme qui cache désormais le retable baroque d’une église autrichienne, avec la bénédiction pour le moins troublante de l’évêque local qui a non seulement visité l’œuvre avec Carmen Brucic mardi dernier, avant de l’inaugurer pour le Mercredi des Cendres, mais qui revendique l’entière responsabilité du choix et de la mise en place de cette installation blasphématoire.
Hermann Glettler n’en est pas à son coup d’essai. En janvier 2019, il annonçait qu’il allait «
accueillir une série de séminaires pour les couples divorcés et “remariés”, à l’issue desquels les couples (seraient) autorisés à recevoir la sainte communion en bénéficiant d’une “célébration de réconciliation et de bénédiction” ». Ces séminaires étaient basés sur
Amoris Laetitia, peut-on lire sur le site de la conférence épiscopale autrichienne. « Même si un second mariage ecclésiastique n’est pas possible, a expliqué Glettler, nous voulons assurer à tous les couples qu’ils ont leur place au cœur de l’Église. » « Nous nous réjouissons de ce que des personnes, après des expériences d’échec dans la vie, reprennent courage et osent s’engager dans de nouvelles relations », ajoutait un communiqué du diocèse.
Deux mois plus tard, Glettler autorisait l’installation d’une
« Horloge Jésus » faite d’un corpus renversé aux bras cassés dans la Spitalskirche d’Innsbruck pendant toute la durée du Carême ; il a également autorisé un artiste à installer un échafaudage portant une inscription affirmant : « Tant que Dieu aura une barbe, je serai féministe. »
En 2020, il déclarait que la doctrine de l’Église selon laquelle les femmes ne peuvent pas être ordonnées prêtres
représente une « inégalité » qu’il est « difficile de justifier ».
En mars 2021, Mgr Glettler critiquait le rejet par la Congrégation pour la Doctrine de la foi des
bénédictions pour les couples de même sexe, encourageant au contraire l’Église à les accueillir : « En tant qu’Église, nous aimerions offrir à toutes les personnes qui sont gays, lesbiennes ou peu sûres de leur sexualité un accueil et un foyer spirituel dans l’Église – et pas seulement au moment où elles sont célibataires », déclarait-il dans une interview à Kathpress. Il qualifiait la déclaration de la CDF de « décevante pour tous ceux qui avaient espéré un signe plus clair d’acceptation des couples homosexuels ».
La note de la CDF était une sorte d’« insulte » à leur égard et un signal qui leur disait : « La manière dont vous vivez n’est pas correcte », regrettait encore Mgr Glettler. Il suggérait que ce soient plutôt des membres de la famille de ces couples qui les bénissent, pour couper court au débat de l’interdiction des bénédictions par l’Église.
Hermann Glettler, membre de la communauté de l’Emmanuel, a été nommé évêque d’Innsbruck en 2017 par le pape François, après s’être déjà fait un nom en tant que promoteur et producteur personnel d’art contemporain. En 2017, il a organisé une
exposition de sa collection d’art privée à Graz, en Autriche. Sur son site web personnel, on peut voir le film d’une performance musicale lors de l’exposition Glettler Privat, où l’on voit une image défigurée d’une statue du Sacré-Cœur, un empilement de statues kitsch de Notre-Dame de Fatima et une autre statue de la Vierge de Fatima à côté d’une statuette de fertilité primitive représentant une femme noire.
Il ne semble pas que Mgr Glettler ait jamais été sanctionné pour rien de tout cela, ou qu’il ait été publiquement désavoué par la hiérarchie catholique.
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