25 janvier, 2021

“Spiritus Domini” : Mgr Schneider publie une analyse de « La signification des ministères mineurs dans la Sacrée Liturgie » après l’ouverture du ministère de la Parole et de l’Autel aux femmes

La décision du pape François d’officialiser l’accès des femmes aux « ministères de la Parole et à l’autel » – les fonctions de lecteurs et d’acolytes, y compris, donc, celle de « servantes d’autel » – a été très diversement accueillie. Le Motu proprio
Spiritus Domini vient ainsi modifier le code de droit canonique en institutionnalisant cette pratique qui remonte à Paul VI, tout en réaffirmant – ainsi que l’a fait François dans une lettre au cardinal Ladaria, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, que l’Eglise n’a pas la faculté de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes. 

Cette « ouverture » est-elle conforme à la doctrine de l’Eglise ? Pour Mgr Athanasius Schneider, la réponse est clairement négative, et ce pour des raisons fondamentales qu’il a exposées dans un long texte dont je vous propose ci-dessous la traduction intégrale.

Des débats ont fleuri sur les réseaux sociaux où certains ont tenté de distinguer ce relèverait du sacerdoce proprement dit et ce qui revient au « ministère » et qui n’exigerait pas l’ordination. L’abbé Claude Barthe résume la situation dans une formule lapidaire sur le Forum catholique : « Le pape François, par Spiritus Domini ouvre les ministères institués de lecteur et d'acolyte aux femmes, confirmant les atteintes à la tradition et préparant une institution des diaconesses (à mon avis, sous forme de ministère laïc). »

La Fraternité Saint-Pie X a de son côté rappelé que cette modification allait contre la tradition constante de l’Eglise : « Ce qui reste, c’est un éclatement du rite liturgique entre divers acteurs d’un rang essentiellement différent, introduisant une confusion toujours plus profonde sur la place du prêtre, et laissant rêver les plus radicaux de la possibilité – interdite par la loi divine – de voir un jour le sacerdoce conféré aux femmes. »

L’Union internationale des supérieures générales (UISG) « remercie » au contraire le pape François, ainsi que : « tous ceux, (…) toutes celles qui ont contribué à l’étude et à la recherche pour ce nouveau pas qui voit la participation ministérielle des femmes dans l’Eglise » (sic, oui, c’est du charabia). La suite du communiqué confond « services pastoraux » et réponse « aux besoins de l’évangélisation » et « service la Parole et de l’Autel » proprement dits. Ce que voyant, peut-être faut-il se réjouir de ce que les femmes n’aient obtenu que le « droit » aux fonctions très subalternes ?

Trêve de plaisanterie… L’analyse de Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de Sainte Marie in Astana au Kazakhstan, souligne que la liturgie n’appartient pas en propre à l’homme qui ne peut la définir ou la modifier à sa guise, mais qu’il est tenu à la foi par l’ordonnancement voulu par Dieu et au respect d’une tradition qui remonte en vérité à l’Ancien Testament.

En lisant son texte, vous constaterez qu’il ne s’agit pas de questions secondaires : c’est la nature même du sacerdoce qui est en cause : ce sacerdoce qui est exercé pleinement et parfaitement par le Christ seul, souverain Prêtre, dans tous ses aspects et tous ses degrés, et jusque dans les plus humbles aspects de « ministère » ou de service dans le culte divin.
Une nouvelle fois, Mgr Schneider intervient pour la sauvegarde de l’enseignement pérenne de l’Eglise, notamment face aux innovations « franciscaines ». Voici la traduction de ses propos qui ont d’abord paru en anglais sur le site du New Liturgical Movement, publiée sur mon blog avec l’aimable autorisation de Mgr Schneider.

Voici donc la traduction intégrale de ce texte important, relue et approuvée par Mgr Schneider que je remercie de sa disponibilité.

Si vous souhaitez être averti des prochaines parutions sur ce blog, n’hésitez pas – si ce n'est déjà fait – à vous abonner à ce blog (c’est gratuit). – J.S.


P.S. Je vous signale par ailleurs que le livre d’entretiens de Mgr Schneider, plein de ce souci de la sauvegarde de la doctrine de l’Eglise et de la centralité du Christ, que j’ai eu la joie de traduire, est toujours disponible via ce blog, avec des frais de port pour l’instant non modifiés malgré l’augmentation infligée par La Poste. Les commandes peuvent être faites ici.




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La signification des ministères mineurs
dans la Sacrée Liturgie
par Mgr Athanasius Schneider


1. Le principe de la loi divine dans la liturgie

Au sujet de la nature de la liturgie sacrée, c’est-à-dire du culte divin, Dieu lui-même nous a parlé par sa Sainte Parole, et l’Église l’a expliquée dans son Magistère solennel. Voici le premier aspect fondamental de la liturgie : Dieu lui-même dit aux hommes comment ils doivent L’honorer ; en d’autres termes, c’est Dieu qui donne des normes et des lois concrètes pour le développement, même extérieur, du culte de sa Divine Majesté.

En vérité, l’homme est blessé par le péché originel ; c’est pourquoi il est profondément caractérisé par l’orgueil et l’ignorance, et plus profondément encore par la tentation et la tendance à se mettre à la place de Dieu au centre du culte, c’est-à-dire à pratiquer le culte de lui-même sous ses diverses formes implicites et explicites. La loi et les normes liturgiques sont donc nécessaires à un authentique culte divin. Il faut trouver ces lois et ces normes dans la Révélation divine, dans la parole écrite de Dieu et dans la parole de Dieu transmise par la tradition.

La Révélation Divine nous transmet une législation liturgique riche et détaillée. Un livre entier de l’Ancien Testament est consacré à la loi liturgique, le Livre du Lévitique ; et pour partie, aussi, le Livre de l’Exode. Les normes liturgiques individuelles du culte divin de l’Ancien Testament n’avaient qu’une valeur transitoire, puisque leur but était d’être une figure, tournée vers le culte divin qui allait atteindre sa plénitude dans le Nouveau Testament. Cependant, certains éléments ont valeur permanente : premièrement, le fait même de la nécessité d’une législation liturgique ; deuxièmement, le fait qu’il existe une législation détaillée et riche du culte divin ; et enfin, le fait que le culte divin se déroule selon un ordre hiérarchique. Cet ordre hiérarchique se présente comme concrètement tripartite : grand prêtre-prêtre-lévite ; dans le Nouveau Testament, respectivement : évêque – presbytre – diacre/ministre.

Jésus n’est pas venu pour abolir la loi, mais pour la porter à sa plénitude (cf. Mt 5, 17). Il a dit : « Jusqu’à ce que passent le ciel et la terre, un seul iota ou un seul trait ne disparaîtra pas de la loi, que tout ne soit accompli » (Mt 5, 18). Cela vaut particulièrement pour le culte divin, puisque l’adoration de Dieu constitue le premier commandement du Décalogue (cf. Ex 20, 3-5). La finalité de toute la création est celle-ci : les anges et les hommes et même les créatures irrationnelles doivent louer et adorer la Majesté divine, comme le dit la prière révélée du Sanctus : « Le ciel et la terre sont remplis de votre gloire » (cf. Is 6, 3).

2. Jésus-Christ, adorateur suprême du Père et suprême ministre liturgique

Le premier et le plus parfait adorateur du Père est Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné. Son œuvre de salut avait pour but principal de donner honneur et gloire au Père à la place de l’humanité pécheresse, incapable de rendre à Dieu un culte digne et agréable. Le rétablissement du véritable culte divin et l’expiation vis-à-vis de la Majesté divine, outragée par les innombrables formes de perversion du culte, constituaient le but premier de l’Incarnation et de l’œuvre de Rédemption.

En constituant ses apôtres prêtres véritables de la Nouvelle Alliance, Jésus a laissé son sacerdoce à son Église, et avec lui, le culte public du Nouveau Testament, qui a pour point culminant rituel l’offrande du sacrifice eucharistique. Il a enseigné à ses apôtres, par le Saint Esprit, que le culte de la Nouvelle Alliance allait être l’accomplissement du culte de l’Ancienne Alliance. Ainsi, les apôtres ont transmis leur pouvoir et leur service liturgique en trois degrés, c’est-à-dire en trois ordres hiérarchiques, par analogie avec les trois degrés des ministres du culte de l’Ancienne Alliance.

Celui qui accomplit la liturgie de manière suprême est le Christ (en grec : hó liturgós). Il contient en lui et exerce la totalité du culte divin, jusque dans les plus petites fonctions. Ces paroles du Christ peuvent également être mentionnées à ce propos : « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Lc 22, 27). Le Christ est le ministre ; il est aussi le « diacre » par excellence. Il en va de même pour l’évêque, en tant que possesseur suprême du service liturgique du Christ. L’épiscopat comprend tous les ministères et services du culte public : le ministère du presbytère, le ministère du diaconat, le ministère des ordres mineurs, c’est-à-dire, également, le service des ministres (« enfants de chœur »). Lors de la messe pontificale selon la forme la plus ancienne du rite romain, l’évêque revêt toutes les robes, même celles des ordres inférieurs. En l’absence de tous les ministres inférieurs, l’évêque lui-même remplit toutes les fonctions liturgiques du presbytre, du diacre et même des ordres mineurs, c’est-à-dire des servants d’autel. En l’absence du diacre, le sous-diacre, les titulaires des ordres mineurs ou les servants d’autel peuvent exercer certaines des fonctions du diacre.


3. La tradition des apôtres


La tradition apostolique a vu dans le triple ordre hiérarchique de l’Église l’accomplissement de la typologie du triple ordre hiérarchique du culte divin dans l’Ancienne Alliance. C’est ce dont nous témoigne le pape saint Clément Ier, disciple des Apôtres et troisième successeur de l’apôtre Pierre.

Dans sa Lettre aux Corinthiens, saint Clément présente l’ordre liturgique divinement établi dans l’Ancienne Alliance comme un exemple pour le bon ordre de la hiérarchie et du culte de chaque communauté chrétienne. Parlant de culte divin, il déclare :

« Faisons avec ordre tout ce que Dieu nous a prescrit de faire. Il a voulu qu’à des temps marqués, à des heures, à des moments déterminés, on fît les offices et les oblations avec ordre et décence. Il a même prescrit, d’après sa volonté souveraine, en quel lieu et par qui serait fait tout ce qui tient à son culte, afin que toutes les fonctions remplies avec un cœur pur et droit et selon son désir lui fussent agréables. Le souverain pontife (le grand prêtre) a des fonctions particulières (liturghíai), le prêtre un rang qui lui est propre (diakoníai), les lévites un ministère déterminé, le laïc (ho laikòs ànthropos) des observances qui lui conviennent (laikóis prostágmasin). » (1 Clem 40:1-3.5)

Le pape Clément comprend que les principes de cet ordre divinement établi dans l’ancienne alliance doivent continuer à fonctionner dans la vie de l’Église, le reflet le plus évident de cet ordre devant se trouver dans la vie liturgique, dans le culte public de l’Église. Le saint pape en tire cette conclusion, appliquée à la vie et au culte des chrétiens : « C’est ainsi, mes frères, que chacun de vous doit, dans la place où il se trouve, rendre grâce à Dieu, vivre avec une conscience pure, sans jamais sortir des règles de son ministère, (kanón tes leiturghías) » (1 Clem 41, 1).

Plus loin (cf. 1 Clem 42:1ss.), le pape Clément décrit la hiérarchie de la Nouvelle Alliance, contenue dans le Seigneur Jésus-Christ lui-même et concrétisée dans la mission des apôtres. Cette réalité correspond à l’ordre (táxis) voulu par Dieu. Saint Clément utilise ici précisément les termes par lesquels il avait précédemment décrit l’ordre liturgique et hiérarchique de l’Ancienne Alliance.

Dès les premiers siècles, l’Église savait que le culte divin devait se dérouler selon un ordre établi par Dieu, à l’instar de l’ordre divin établi dans l’Ancienne Alliance. Par conséquent, pour accomplir une tâche dans le cadre du culte public, il était nécessaire d’appartenir à un ordre hiérarchique. De ce fait, le culte chrétien, c’est-à-dire la liturgie eucharistique, était célébré dans un ordre hiérarchique, par des personnes officiellement désignées à cette fin. Pour cette raison, ces agents du culte constituaient un ordre, un ordre sacré, divisé en trois degrés : épiscopat, presbytérat et diaconat, parallèlement aux trois degrés de ministres du culte de l’Ancienne Alliance : grand prêtre, prêtres et lévites. Au premier siècle, saint Clément désignait le service des lévites de l’Ancien Testament par le mot « diakonia » (1 Clem 40:5). Nous pouvons donc reconnaître ici le fondement de l’ancienne tradition ecclésiastique, depuis au moins le cinquième siècle, qui désigne le diacre chrétien par le mot « lévite », par exemple dans les Constitutiones Apostolicae (2, 26:3) et dans les écrits du pape Léon le Grand (cf. Ep. 6:6 ; Ep. 14:4 ; Serm. 59:7 ; 85:2).


4. Le diaconat


Un témoignage très clair et très important de ce parallélisme entre les degrés hiérarchiques de l’Ancienne et de la Nouvelle Alliance se trouve dans les rites d’ordination. Les textes des rites d’ordination remontent à des temps très anciens, comme on le voit dans le cas de la Traditio Apostolica et ensuite des Sacramentaires de l’Église romaine. Ces textes et rites sont restés pratiquement inchangés dans leurs formules essentielles, pendant de nombreux siècles, et ce jusqu’à nos jours. Les préfaces ou prières consécratoires des trois ordres sacramentels se réfèrent à l’ordre hiérarchique et liturgique de l’Ancienne Alliance.

Dans le rite de la consécration épiscopale, l’ancien Pontifical romain prononçait cette affirmation essentielle : « La gloire de Dieu doit être servie par les ordres sacrés » (gloriae Tuae sacris famulantur ordinibus). L’ancien Pontifical établit expressément le parallélisme entre Aaron, le grand prêtre, et l’ordre épiscopal ; dans le nouveau Pontifical, il n’y a qu’une référence générique à ce sujet. Dans l’ordination presbytérale des deux Pontificaux, il est fait explicitement référence aux soixante-dix anciens, aux assistants de Moïse dans le désert. En ce qui concerne le diacre, l’ancien Pontifical dit expressément que les diacres ont le nom et la fonction des lévites de l’Ancien Testament : « quorum [levitarum] et nomen et officium tenetis ». L’ancien Pontifical affirme encore plus clairement : « Soyez élus pour la charge lévitique » (eligimini in levitico officio). Le nouveau Pontifical dans l’oraison d’ordination compare également le diaconat aux lévites.

Dans le culte de l’Ancien Testament, les lévites assuraient toute une série de services liturgiques secondaires d’aide et d’assistance aux prêtres. Les diacres avaient la même tâche, comme en témoignent la foi priante et la pratique liturgique de l’Église dès les premiers siècles. Quiconque n’avait pas reçu une désignation solennelle pour le culte divin ne pouvait remplir aucune fonction liturgique, même si cette fonction était secondaire ou simplement d’assistance. Ces fonctions secondaires et d’assistance étaient exercées par des diacres, les lévites du Nouveau Testament, qui n’étaient pas considérés comme des prêtres. C’est ainsi que l’Église a toujours cru et prié : le diacre est ordonné « non ad sacerdotium, sed ad ministerium » (Traditio Apostolica, 9). La même Traditio Apostolica (du IIe au début du IIIe siècle) le répète : « Le diacre ne reçoit pas l’esprit auquel participe le prêtre, mais l’esprit d’être sous l’autorité de l’évêque » (n. 8).

Le pape Benoît XVI a apporté une clarification doctrinale et canonique concernant le diaconat. Avec le Motu proprio Omnium in Mentem du 26 ~octobre 2009, le souverain pontife a corrigé le texte des canons 1008 et 1009 du Code de droit canonique. Le texte précédent du canon 1008 disait que tous les ministres sacrés qui reçoivent le sacrement des ordres remplissent la fonction d’enseigner, de sanctifier et de gouverner « in persona Christi Capitis ». Dans la nouvelle formulation du même canon, l’expression in persona Christi Capitis et la mention de la triple fonction (tria munera) ont été supprimées. Un troisième paragraphe a été ajouté au canon 1009 :

« Ceux qui sont constitués dans l’ordre de l’épiscopat ou du presbytérat reçoivent la mission et la faculté d’agir en la personne du Christ Tête, mais les diacres sont habilités à servir le peuple de Dieu dans la diaconie de la liturgie, de la Parole et de la charité (vim populo Dei serviendi). »

Le Magistère de l’Église a apporté cette clarification nécessaire pour que le diaconat soit compris tant sur le plan doctrinal que liturgique d’une manière plus conforme à la tradition apostolique et à la grande tradition de l’Église. De fait, saint Thomas d’Aquin a affirmé que le diacre n’a pas le pouvoir d’enseigner, c’est-à-dire qu’il n’a pas le « munus docendi » au sens strict. Il y a une différence entre la nature du sermon de l’évêque ou du prêtre d’une part et celle du diacre d’autre part. Le diacre ne peut prêcher que « per modum catechizantis » ; en revanche, le « modus docendi », l’exposé doctrinal de l’Évangile et de la Foi, appartient à l’évêque et au presbytre, dit saint Thomas (cf. S. Th. III, 67, 1, ad 1).

En ce qui concerne l’ordre hiérarchique de l’Église, le Concile de Trente a établi une distinction claire entre les prêtres et ceux qui sont appelés ministres. Le Concile affirme ainsi : « Outre le sacerdoce, il existe dans l’Église catholique d’autres ordres majeurs et mineurs » (sess. XXIII, can. 2). « Dans l’Église catholique, il y a une hiérarchie établie par disposition divine, et composée d’évêques, de prêtres et de ministres » (ibid., can. 6). Le mot « ministres » inclut certainement les diacres en premier lieu, et il peut être déduit du can. 2 cité que les ordres mineurs sont également inclus dans la hiérarchie, bien qu’ils n’appartiennent pas au sacerdoce ministériel de la même manière que l’épiscopat et le presbytère. Les diacres ne sont pas des « sacrificatores », ils ne sont pas des prêtres, et pour cette raison la grande tradition de l’Église n’a pas considéré les diacres comme des ministres ordinaires des sacrements du baptême et de la distribution de la Sainte Communion.

Toute la tradition de l’Église, tant orientale qu’occidentale, a toujours réitéré le principe suivant : le diacre prépare, assiste, prête son concours à l’action liturgique de l’évêque ou du presbytre (voir, par exemple, Didascalia Apostolorum, 11). Le premier Concile œcuménique de Nicée affirmait déjà sans équivoque cette vérité et cette pratique reçues de la tradition, en disant :

Ce grand et saint Concile a appris que dans certains lieux et villes, les diacres administrent la grâce de la Sainte Communion aux prêtres (gratiam sacrae communionis). Ni les normes canoniques (regula, kanòn) ni la coutume ne permettent à ceux qui n’ont pas le pouvoir d’offrir le sacrifice (potestatem offerendi) de donner le corps du Christ à ceux qui ont le pouvoir d’offrir le sacrifice. (Can. 18)

Le diacre sert, chez l’évêque et les presbytres, le sacerdoce unique et indivisible de la même manière que les lévites servent le grand prêtre et les prêtres mosaïques.


5. Le diaconat et les ordres mineurs


Sans être prêtre, le diacre appartient néanmoins à l’ordre sacramentel et hiérarchique. Ce fait exprime cette vérité : les fonctions liturgiques subordonnées ou inférieures appartiennent aussi au seul vrai prêtre Jésus-Christ, puisque celui-ci, dans l’exercice de son sacerdoce, par le sacrifice de la Croix, est devenu serviteur, ministre, « diacre ». En effet, lors de la dernière Cène, le Christ a dit à ses apôtres, aux prêtres de la Nouvelle Alliance : « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert (ho diakonòn) » (Lc 22, 27), c’est-à-dire comme « diacre ». C’est pour accomplir les services d’assistance pendant la liturgie, c’est-à-dire les fonctions qui ne requièrent pas un pouvoir sacerdotal propre, que par ordonnance divine, une ordination sacramentelle, à savoir le diaconat, a été établie dans l’Église. Les services liturgiques du diaconat, à l’exception de la proclamation de l’Évangile, ont été au fil du temps distribués à d’autres servants d’autel pour lesquels l’Église a créé des ordinations non sacramentelles, en particulier le sous-diaconat, le lectorat et l’acolytat. Par conséquent, le principe selon lequel il est dit que toutes les fonctions liturgiques qui ne requièrent pas un pouvoir sacerdotal propre appartiennent, de par la loi et la nature, au sacerdoce commun des fidèles, n’est pas valable.

De plus, cette affirmation est en contradiction avec le principe établi par la Révélation divine dans l’Ancienne Alliance, dans laquelle Dieu a institué (par Moïse) l’ordre des lévites pour les fonctions inférieures et non sacerdotales, et dans la Nouvelle Alliance, dans laquelle Il a institué (par les apôtres) l’ordre des diacres à cette fin, c’est-à-dire pour les fonctions non sacerdotales dans la liturgie. Le service liturgique du diacre contient également en lui-même les fonctions liturgiques inférieures voire les plus humbles, puisqu’elles expriment la vraie nature de son ordre et de son nom : serviteur, diákonos. Ces fonctions liturgiques inférieures ou plus humbles peuvent consister, par exemple, à apporter des bougies, de l’eau et du vin à l’autel (sous-diacre, acolyte), à lire des leçons (sous-diacre, lecteur), à assister à des exorcismes et à prononcer des prières d’exorcisme (exorciste), à surveiller les portes de l’église et à sonner les cloches (portier). Au temps des apôtres, ce sont les diacres qui accomplissaient tous ces services inférieurs lors du culte divin, mais déjà au deuxième siècle, l’Église, par une sage disposition, utilisant un pouvoir que Dieu lui a conféré, a commencé à réserver aux diacres les fonctions liturgiques supérieures non sacerdotales, et a ouvert, pour ainsi dire, le trésor du diaconat, en distribuant ses richesses, en brisant le diaconat lui-même et en créant ainsi les ordres mineurs (cf. Dom Adrien Gréa, L’Église et sa divine constitution, préface de Louis Bouyer de l’Oratoire, éd. Casterman, Montréal 1965, p. 326).

Pendant longtemps, on a ainsi pu préserver un petit nombre de diacres en multipliant les autres ministres inférieurs. Au cours des premiers siècles, l’Église de Rome, par respect pour la tradition des Apôtres, ne voulait pas dépasser le nombre de sept pour les diacres. Ainsi, à Rome, au IIIe siècle, le pape Corneille écrivait que l’Église romaine comptait sept diacres (cf. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, I, 6:43). Toujours au IVe siècle, un synode provincial, celui de Néocésarée (entre 314 et 325 av. J.-C.), établit la même norme (cf. Mansi II, 544). Dom Adrien Gréa a donné cette explication spirituellement et théologiquement profonde du lien organique entre le diaconat et les autres ordres inférieurs ou mineurs : « Ainsi, à mesure que l’arbre de l’Église prenait un plus grand accroissement, cette branche maîtresse du diaconat, obéissant aux lois d’une divine expansion, s’ouvrit et se divisa en plusieurs rameaux, qui furent l’ordre du sous-diaconat et les autres appelés ordres mineurs » (op. cit., p. 326).

Quelle peut être la raison de l’admirable fécondité du diaconat, pour lequel les ordres inférieurs sont nés ? La réponse selon Dom Gréa réside dans le fait qu’il existe une différence essentielle entre le sacerdoce et le ministère. Nous pouvons voir cette différence essentielle dans le fait que seul le sacerdoce agit in persona Christi Capitis ; le ministère du diaconat, en revanche, ne peut pas le faire, comme l’a rappelé le pape Benoît XVI dans le Motu proprio Omnium in Mentem. Le sacerdoce est simple et, par nature, indivisible. Le sacerdoce ne peut pas être partiellement communiqué, bien qu’il puisse être possédé à des degrés divers. Le sacerdoce est possédé par l’évêque en tant que chef, et par le presbytre en tant que participant. Dans son essence, le sacerdoce ne peut être démembré (cf. Dom Gréa, op. cit., p. 327). Le ministère, en revanche, est pleinement possédé par le diaconat, et il est indéfiniment ouvert au partage, puisque les multiples fonctions des ministres sont toutes orientées vers le sacerdoce, qu’ils doivent servir. La sagesse divine a imprimé le caractère de divisibilité dans le service liturgique qui n’est pas strictement sacerdotal et l’a fondé dans le diaconat sacramentel, laissant toutefois à l’Église la liberté de distribuer, selon les besoins et les circonstances, de manière non sacramentelle, les différentes parties du diaconat qui se trouvent dans les ordres inférieurs ou mineurs, en particulier les ministères du lectorat et de l’acolytat.

Définissant de façon dogmatique la structure de la hiérarchie établie par Dieu, le Concile de Trente a choisi le terme « ministres » à côté des termes « évêque » et « prêtres », en évitant le terme « diacres ». Le Concile a probablement voulu inclure dans le terme « ministres » à la fois le diaconat et les ordres mineurs, afin de dire implicitement que les ordres mineurs font partie du diaconat. C’est la formulation du canon 6 de la session XXIII : « Si quelqu’un dit que dans l’Église catholique il n’y a pas de hiérarchie établie par une disposition divine, composée d’évêques, de prêtres et de ministres, qu’il soit anathème. » On peut donc dire que les ordres inférieurs ou mineurs tels que le lectorat et l’acolyte ont leur racine dans le diaconat par l’institution divine, mais ont été formés et distribués à plusieurs degrés par l’institution ecclésiastique (cf. Dom Gréa, loc. cit.).


6. L’évolution historique des ordres mineurs


Déjà au IIe siècle, la fonction distincte du lecteur se retrouve dans les célébrations liturgiques en tant que catégorie stable de ministres de la liturgie, comme en témoigne Tertullien (cf. Praescr. 41). Avant Tertullien, saint Justin mentionne ceux qui ont l’office de lire la Sainte Écriture au cours de la liturgie eucharistique (cf. 1 Ap 67, 3). Déjà au IIIe siècle, dans l’Église romaine, tous les ordres mineurs et majeurs de la tradition postérieure de l’Église existaient, comme en témoigne une lettre du pape Corneille de l’année 251 : « Dans l’Église romaine, il y a quarante-six presbytres, sept diacres, sept sous-diacres, quarante-deux acolytes, cinquante-deux exorcistes, des conférenciers et des porteurs » (Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, VI, 43, 11).

Il faut tenir compte du fait que cette structure hiérarchique avec ses différents degrés ne pouvait pas être une innovation, mais reflétait une tradition, puisque trois ans plus tard, le pape Étienne Ier écrivait à saint Cyprien de Carthage que dans l’Église romaine il n’y a pas d’innovations, formulant la célèbre expression : « nihil innovetur nisi quod traditum est » (in Cyprien, Ep. 74). Eusèbe de Césarée décrivait par ces mots l’attitude du pape Étienne Ier, qui a certainement aussi caractérisé ses prédécesseurs, les Pontifes romains : « Stephanus nihil adversus traditionem, quae iam inde ab ultimis temporibus obtinuerat, innovandum ratus est » (Etienne a décidé de ne pas approuver les innovations contraires à la tradition, qu’il a reçues des temps plus anciens) (Histoire Ecclésiastique, VII, 3:1).

Dans un domaine aussi important que celui de la structure hiérarchique, l’existence des cinq degrés de ministres inférieurs au diaconat ne pouvait, au milieu du troisième siècle, être une innovation contre la tradition. L’existence pacifique de ces degrés inférieurs au diaconat présupposait donc une tradition plus ou moins longue et devait remonter dans l’Église romaine au moins au deuxième siècle, c’est-à-dire à l’époque post-apostolique immédiate. Selon le témoignage de tous les documents liturgiques ainsi que celui des Pères de l’Église à partir du deuxième siècle, le lecteur et ensuite aussi les autres ministères liturgiques inférieurs (portier, exorciste, acolyte, sous-diacre) appartenaient au clergé et la fonction leur était conférée par une ordination, fût-elle sans imposition des mains. L’Église orientale utilisait et utilise encore deux expressions différentes. Pour les ordinations sacramentelles de l’épiscopat, du presbytère et du diaconat, le mot cheirotenia est utilisé, tandis que pour les ordinations des clercs mineurs (sous-diacres, acolytes, lecteurs), le mot cheirotesia est utilisé. Afin de désigner que les fonctions des ministres inférieurs au diacre sont, d’une certaine manière, contenues dans le ministère du diacre lui-même et proviennent de celui-ci, l’Église a également attribué aux ministres liturgiques inférieurs le terme ordo, le même terme avec lequel sont désignés les ministres hiérarchiques de l’ordre sacramentel, avec cependant la spécification « ordres mineurs » pour les distinguer des trois « ordres majeurs » (diaconat, presbytère, épiscopat) qui ont un caractère sacramentel.


7. La situation actuelle des ordres mineurs

Depuis les premiers siècles, pendant près de mille sept cents ans, l’Église n’a cessé de désigner les ministres liturgiques inférieurs au diaconat, tant dans les livres liturgiques que canoniques, par le terme d’ordines. Cette tradition a duré jusqu’au motu proprio du pape Paul VI, Ministeria Quaedam, de l’année 1972, par lequel les ordres mineurs et le sous-diaconat ont été abolis et, à leur place, les « ministères » de lecteur et d’acolyte ont été créés pour promouvoir la participation active des fidèles laïcs à la liturgie, bien qu’une telle opinion ne trouvât aucun appui concret dans les textes du Concile Vatican II. Ces services de lecteur et d’acolyte ont alors reçu la qualification de « ministères laïcs ». En outre, une revendication s’est répandue selon laquelle le service liturgique de lecteur et d’acolyte serait une expression propre au sacerdoce commun des laïcs. Si l’on s’appuie sur cet argument, aucune raison convaincante ne peut être invoquée pour exclure les femmes du service officiel de lecteur et d’acolyte.

Cet argument ne correspond cependant pas au sensus perennis Ecclesiae, car jusqu’au pape Paul VI, l’Église n’a jamais enseigné que le service liturgique du lecteur et de l’acolyte serait une expression propre au sacerdoce commun des laïcs. La tradition ininterrompue de l’Église universelle a non seulement interdit aux femmes d’accomplir le service liturgique du lectorat et de l’acolytat, mais le droit canonique de l’Église a au contraire interdit aux femmes de recevoir des ordres mineurs ou le ministère du lectorat et de l’acolytat.

Par un geste de grande et claire rupture avec la tradition ininterrompue et universelle de l’Église orientale et occidentale, le pape François, par le motu proprio Spiritus Domini du 10 janvier 2021, a modifié le can. 230 § 1 du Code de droit canonique, permettant l’accès des femmes au ministère institué du lectorat et de l’acolytat. Cependant, cette rupture avec la tradition ininterrompue et universelle de l’Église, édictée par le pape François au niveau du droit, a été réalisée ou tolérée auparavant par ses prédécesseurs, les papes Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI, au niveau de la pratique.

Une autre conséquence logique serait la proposition de demander le diaconat sacramentel pour les femmes. Le fait que le pape Benoît XVI a réaffirmé la doctrine traditionnelle selon laquelle le diacre n’a pas le pouvoir d’agir in persona Christi capitis, n’étant pas ordonné au sacerdoce mais au ministère, a servi d’occasion à certains théologiens de demander que les femmes, sur le fondement de cet argument, puissent accéder au diaconat sacramentel. Ils affirment que, puisque le diacre n’a pas en lui le sacerdoce ministériel, l’interdiction de l’ordination sacerdotale – confirmée définitivement par le pape Jean-Paul II dans le document Ordinatio Sacerdotalis de l’année 1994 – ne s’appliquerait pas, selon eux, au diaconat.

Il faut affirmer qu’une ordination diaconale sacramentelle des femmes serait en contradiction avec toute la tradition de l’Église universelle, tant orientale qu’occidentale, et serait contraire à l’ordre divinement établi de l’Église, puisque le Concile de Trente a défini dogmatiquement la vérité suivante : la hiérarchie divinement établie est composée d’évêques, de prêtres et de ministres, c’est-à-dire au moins aussi de diacres (cf. sess. XXIII, can. 6). De plus, le célèbre liturgiste Aimé Georges Martimort a réfuté au moyen de preuves historiques et théologiques convaincantes la théorie et la revendication de l’existence d’un diaconat sacramentel féminin (cf. Les diaconesses, Essai historique, Roma 1982 ; cf. également Gerhard Ludwig Müller, « Können Frauen die sakramentale Diakonenweihe gültig empfangen ? », in Leo Cardinal Scheffczyk, ed. Diakonat und Diakonissen, St. Ottilien 2002, pp. 67-106).

L’argument théologique selon lequel le service de lecteur et d’acolyte est propre au sacerdoce commun des laïcs contredit le principe déjà divinement établi dans l’Ancien Testament, qui dit : pour effectuer tout service, même plus humble, dans le culte public, il est nécessaire que le ministre reçoive une désignation stable ou sacrée. Les Apôtres ont préservé ce principe en établissant l’ordre des diacres par révélation divine, par analogie avec les lévites de l’Ancien Testament. Ce fait ressort également des allusions du pape Clément Ier, disciple des apôtres (cf. op. cit.). L’Église des premiers siècles, puis la tradition ininterrompue, ont conservé ce principe théologique du culte divin, qui déclare que pour accomplir tout service à l’autel ou dans le culte public, il est nécessaire d’appartenir à l’ordre des ministres, désignés pour de telles fonctions au moyen d’un rite spécial appelé « ordination ».

C’est pourquoi l’Église a commencé, dès le deuxième siècle, à répartir les différentes fonctions liturgiques du diacre, c’est-à-dire du lévite du Nouveau Testament, entre différents ministres ou ordres inférieurs. L’admission au service liturgique sans avoir reçu un ordre mineur a toujours été considérée comme une exception. En remplacement des ordres mineurs, des hommes adultes ou des garçons pouvaient servir à l’autel. Dans ces occurrences, le sexe masculin remplaçait d’une certaine manière l’ordination mineure non sacramentelle, puisque le service diaconal et tous les autres services inférieurs, qui étaient inclus dans le diaconat, n’étaient pas des services sacerdotaux. Le sexe masculin était cependant nécessaire car, en l’absence de l’ordination mineure, c’est le dernier maillon qui reliait les ministres liturgiques ou les vice-ministres inférieurs suppléants au diaconat sur le plan du symbole. En d’autres termes, le sexe masculin des ministres liturgiques inférieurs était lié au principe du service liturgique lévitique, qui à son tour était strictement ordonné au sacerdoce et en même temps subordonné à celui-ci, et réservé au sexe masculin par disposition divine dans l’ancienne alliance.

De fait, Jésus-Christ, qui est le véritable « diacre » et « ministre » de tous les offices de culte public de la Nouvelle Alliance, était mâle. Pour cette raison, la tradition bimillénaire universelle et ininterrompue de l’Église, tant en Orient qu’en Occident, a réservé le ministère du service liturgique public au sexe masculin dans l’ordre sacramentel de l’épiscopat, du presbytère et du diaconat, ainsi que dans les ordres mineurs des ministères inférieurs tels que le lectorat et l’acolytat. Le sexe féminin trouve son modèle de ministère et de service dans la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de l’Église, qui s’est désignée par le mot « servante », ancilla (latin), doúle (grec), l’équivalent du masculin diákonos. Il est significatif que Marie n’ait pas dit « Je suis la diákona du Seigneur », mais « Je suis la servante du Seigneur ».

Le service liturgique des femmes dans la liturgie eucharistique, en tant que lectrice, acolyte et servante à l’autel, était totalement exclu du raisonnement théologique de l’ensemble des traditions de l’Ancien et du Nouveau Testament, ainsi que de la tradition bimillénaire de l’Église en Orient et en Occident (voir l’étude citée de Martimort). Il y avait quelques exceptions dans les cas des monastères féminins cloîtrés, où les moniales pouvaient lire la lecture ; cependant, elles ne faisaient pas la lecture dans le presbytère ou le sanctuaire, mais derrière la grille fermée, par exemple dans certaines chartreuses féminines (voir Martimort, op. cit., pp. 231 et suivantes).

La proclamation de l’Écriture Sainte pendant la célébration eucharistique n’a jamais été confiée par l’Église à des personnes qui n’étaient pas constituées au moins dans les ordres mineurs. Le deuxième concile œcuménique de Nicée a interdit une coutume contraire, en affirmant que « L’ordre (taxis) doit être conservé dans les choses saintes et il plaît à Dieu que les diverses tâches du sacerdoce soient observées avec diligence. Comme certains, ayant reçu la tonsure cléricale depuis l’enfance, sans autre imposition des mains par l’évêque (me cheirotesian labòntas), lisent depuis l’ambon au cours de la liturgie eucharistique (super ambonem irregulariter in collecta legentes ; en grec : en te synaxei) contrairement aux canons sacrés (en grec : a-kanonìstos), nous ordonnons qu’à partir maintenant cela ne soit plus permis » (can. XIV).

Cette norme a toujours été préservée par l’Eglise universelle et spécialement par l’Eglise romaine jusqu’au moment qui a suivi la réforme liturgique après le Concile VaticanII, lorsque les laïcs – c’est-à-dire ceux qui n’étaient pas constitués dans les ordres majeurs ou mineurs – ont été autorisés à lire publiquement la lecture, même lors des messes solennelles, et cela a été progressivement permis même aux femmes. Soucieux de préserver le principe de la grande tradition, qui exigeait que les services liturgiques soient accomplis par les ministres des ordres mineurs, le Concile de Trente a fortement recommandé aux évêques de veiller « à ce que les fonctions des ordres saints, du diaconat à l’ostiariat, qui existent dans l’Église depuis les temps apostoliques, ne soient exercées que par ceux qui sont constitués en de tels ordres » (sess. XXIII, décret de réforme, can. 17). Le Concile a permis que même les hommes mariés puissent être ordonnés comme clercs mineurs : « S’il n’y a pas de clercs célibataires pour exercer le ministère des quatre ordres mineurs, ils peuvent aussi être remplacés par des clercs mariés » (loc. cit.). Dans la liturgie romaine selon la forme la plus ancienne ou extraordinaire, la proclamation de la lecture dans la liturgie eucharistique ne peut être faite que par ceux qui sont constitués soit dans les ordres mineurs, soit dans les ordres majeurs ; en effet, à ce jour, les ordres mineurs sont encore conférés pontificalement dans les communautés qui adhèrent à l’usus antiquior. Cette forme de liturgie romaine conserve ce principe transmis depuis les temps apostoliques et réaffirmé par le second concile de Nicée au VIIIe siècle et par le concile de Trente au XVIe siècle.


8. Le service des ordres mineurs et le sacerdoce du Christ


Jésus-Christ, le seul vrai grand prêtre de Dieu, est en même temps le diacre suprême. On pourrait dire, d’une certaine manière, que le Christ est aussi le sous-diacre suprême, le Christ est l’acolyte et l’exorciste suprême, le Christ est le lecteur et le portier suprême, le Christ est l’enfant de chœur suprême dans la liturgie, puisque toute l’existence du Christ et son opération de salut ont été un service très humble. Son sacerdoce dans le sacerdoce ministériel de l’Église doit donc aussi inclure les fonctions liturgiques inférieures ou les services liturgiques les plus humbles, comme celui du lecteur ou de l’acolyte. Pour cette raison, le diaconat avec ses fonctions fait partie du sacrement de l’ordre et implicitement aussi les degrés liturgiques inférieurs avec leurs fonctions, qui ont toujours été appelées à juste titre ordines, bien que formellement non sacramentelles.

Voici une autre raison théologique pour laquelle l’Église universelle n’a jamais admis les femmes dans la fonction publique liturgique, pas même dans les degrés inférieurs du lectorat ou de l’acolytat. On peut voir dans la vie du Christ comment Il a rempli la fonction de lecteur (quand Il a lu la Sainte Écriture lors du culte à la synagogue, cf. Lc 4, 16). On peut dire que le Christ a exercé la fonction de l’ostariat lorsqu’il a chassé les marchands du temple de Dieu (cf. Jn 2, 15). Le Christ a souvent exercé les fonctions d’exorciste, chassant les esprits impurs. La fonction de sous-diacre ou de diacre était exercée par le Christ, par exemple, pendant la dernière Cène, lorsqu’Il s’est ceint d’un tablier de serviteur et qu’Il a lavé les pieds des apôtres, qui, au cours de la même Cène, ont été constitués par Lui prêtres véritables du Nouveau Testament (cf. Concile de Trente, sess. XXII, chap. 1).

Les services liturgiques humbles et inférieurs font également partie de la grandeur et de la nature du sacerdoce ministériel et du sacrement de l’ordre. Ce serait une erreur, et une idée humaine et mondaine, que d’affirmer que seules les fonctions liturgiques supérieures (annoncer l’Évangile, prononcer les paroles de la consécration) sont propres au sacerdoce ministériel, alors que les fonctions liturgiques inférieures et plus humbles (prononcer la lecture et servir à l’autel) seraient propres au sacerdoce commun des fidèles laïcs. Dans le royaume du Christ, il n’y a pas de discrimination, il n’y a pas de compétition pour avoir plus de pouvoirs dans l’exercice du culte divin ; au contraire, tout se concentre sur la réalité et sur l’exigence d’humilité, conformément au modèle du Christ, l’éternel Grand Prêtre.

Dom Gréa nous a laissé ces admirables réflexions :

« Lorsque l’évêque ou le prêtre remplissent quelque fonction du simple ministère, ils s’en acquittent avec toute la grandeur que leur sacerdoce donne à leur action ; et le chef divin des pontifes, Jésus-Christ lui-même, n’a pas dédaigné d’exercer les actions des ministres inférieurs, les relevant toutes par la sublimité de son pontificat. Prêtre dans la plénitude du sacerdoce qu’il a reçu de son Père (Ps 109, 4 ; He 5, 1-10), il a voulu sanctifier en sa personne les fonctions des ministres. En les exerçant, il les relevait par la dignité de son sacerdoce souverain et descendait à elles sans l’abaisser ni le dégrader. » (Op. cit., p. 109)

Tous les services liturgiques dans le sanctuaire de l’Église représentent le Christ, le « diacre » suprême, et donc, selon le perennis sensus de l’Église et sa tradition ininterrompue, les services liturgiques supérieurs et inférieurs sont accomplis par des personnes de sexe masculin, qui sont constituées dans l’ordre sacramentel de l’épiscopat, du presbytérat et du diaconat, ou dans les ministères inférieurs de l’autel, en particulier du lectorat et de l’acolytat.
Le sacerdoce commun, en revanche, est représenté par les personnes qui, durant la liturgie, sont rassemblées dans la nef de l’église, représentant Marie, la « servante du Seigneur », qui reçoit la Parole et la rend féconde dans le monde. La Sainte Vierge Marie n’aurait jamais voulu remplir, et n’a jamais effectivement rempli, la fonction de lecteur ou d’acolyte dans la liturgie de l’Église primitive. Et elle aurait été très digne d’exercer un tel service, étant toute sainte et immaculée. La participation à la liturgie selon le modèle de Marie est la participation liturgique la plus active et la plus féconde possible de la part du sacerdoce commun et surtout de la femme, puisque « l’Église voit en Marie la plus haute expression du génie féminin » (Jean-Paul II, Lettre aux femmes, 10).

✠ Athanasius Schneider,
évêque auxiliaire de l’archidiocèse de Sainte-Marie à Astana



© leblogdejeannesmits pour cette traduction officielle.


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1 commentaire:

Unknown a dit…

Merci pour ce partage érudit.
Cela ne m'a cependant pas convaincu.
Je suis pourtant très attaché à la beauté de la liturgie.
Là où je vis, très peu d'hommes sont présents à la messe, a contrario des femmes. De fait, elles sont lectrices en servantes d autel.
Encadrer ces pratiques par des règles liturgiques dans un monde dechristiannisé, comme aux premiers temps, me parait nécessaire.
Bravo pour votre blog.

 
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