02 décembre, 2015

Euthanasie par omission : une cour britannique autorise une femme de 50 ans à refuser la dialyse parce qu’elle craint de devenir laide et vieille

Une cour britannique vient d’accorder à une femme de 50 ans qui craint de perdre son « éclat » en vieillissant, le « droit de mourir ». Elle a peur de perdre sa jeunesse et sa beauté… Il ne s’agit pas, techniquement, d’une euthanasie, mais du droit de refuser un soin nécessaire à la survie. La presse néerlandaise – c’est parlant – évoque ce triste fait divers sous le titre « euthanasie ». Et aux Pays-Bas, on s’y connaît. En l’occurrence, il faudrait parler d’« euthanasie par omission »… Au Royaume-Uni, rappelons-le, l’euthanasie demeure hors-la-loi.
La femme, demeurée anonyme, n’est ni malade ni dans les affres d’une souffrance psychologique intolérable. Elle est également, selon le juge MacDonald de la Cour de Protection, capable de prendre des décisions, ne souffrant pas d’« incapacité mentale ».
Personnalité fantasque et égocentrique, « Mme C » a été mariée quatre fois, a multiplié les aventures et consacré sa vie à paraître jeune et à jouir d’un niveau de vie élevée qu’elle était en passe de perdre, faute d’accepter le moindre contrôle de ses dépenses. Apprenant à 49 ans qu’elle souffrait d’un cancer du sein, elle a récusé tout traitement qui puisse entraîner pour elle une impossibilité de porter un bikini ; elle a subi une chirurgie et une chimiothérapie qui l’ont ébranlée, et affirmait que de toute façon la maladie arrivait à la bonne heure…
C’est sa tentative de suicide au paracétamol qui a causé de graves lésions au foie et surtout aux reins : même si les médecins estiment qu’elle a des chances d’être guérie, moyennant une période de dialyses, Mme C ne veut plus de ce traitement actuellement indispensable à sa survie. De manière répétée, ces dernières semaines, elle a refusé les séances, semblant certaine contrairement à ce que pensaient ses médecins qu’elle restera toute sa vie dépendante de ce type de soins et répétant qu’elle préfère mourir.
Ce sont les médecins qui ont saisi la Cour, estimant que son attitude était irrationnelle, et plusieurs personnes, parmi lesquelles un professeur de médecine,  ont témoigné de son déséquilibre, de ses excès, de son « narcissisme » et de son désordre de la personnalité qui l’empêchaient selon elles de prendre une décision « bien pesée ».
Un autre médecin citée par la famille de Mme C, et notamment ses filles, a estimé qu’elle comprenait bien qu’elle sera en mesure de se passer de dialyse dans le courant de 2016 et que sa condition ne pourra, ensuite, que s’améliorer, mais il l’a tout de même jugée victime d’un désordre narcissique qui trouble son fonctionnement mental – sans toutefois l’empêcher de prendre une décision quant à la poursuite de son traitement.
Sa propre fille a soulignée que cette femme vivait pour s’amuser, et craint de devenir « pauvre » et « laide » – c’est-à-dire « vieillir » ; elle-même insiste pour dire que sa qualité de vie ne sera pas suffisante.
Toutes choses qui ont été acceptées par l’« Official Solicitor » – l’équivalent du procureur…
Le juge MacDonald a décidé de ce fait que Mme C a suffisamment de capacités mentales pour prendre une décision concernant les traitements qu’elle désire ou ne désire pas subir, même si celle de refuser la dialyse apparaît comme « manquant de sagesse ». Il reconnaît que le fait de prendre en compte non seulement les craintes plus ou moins fondées de la patiente quant à a durée de son traitement, mais aussi celles relatives à sa beauté, à la perspective de vieillir ou de perdre des biens, au fait de « perdre son éclat » pourront « alarmer et peut-être même horrifier grand nombre de personnes ». La volonté de Mme C pourra même paraître « immorale dans le contexte du caractère sacré revêtu par la vie selon la société en général » (on se demande en passant où vit ce juge…).
Mais il l’a déclarée « souveraine » en ce qui concerne son propre corps et son esprit puisqu’elle est assez lucide pour comprendre ce qu’elle demande.
Le juge précise toutefois que les médecins seront dans leur rôle et même accompliront leur devoir s’ils continuent d’insister auprès de cette femme pour qu’elle accepte les traitements qui peuvent la soigner : le juge MacDonald estime qu’il se borne à reconnaître le droit de Mme C de choisir pour elle-même.
Mais l’affaire consiste-t-elle simplement en un refus de soins ? La dialyse n’est pas aujourd’hui un traitement extraordinaire, surtout dans un pays comme le Royaume-Uni, et il est clair que le refus de soins opposé par cette patiente n’est pas tant dicté par la mise en balance des bénéfices à en attendre et de sa pénibilité mais d’une volonté affirmée d’en finir avec la vie pour des raisons qui n’ont rien à voir.
La peur de ne plus être belle, d’être vue comme une « grand-mère », d’être à charge, de ne plus correspondre à l’image très superficielle que cette femme avait d’elle-même a joué un rôle majeur que le juge, au fond, accepte même s’il ne semble pas l’approuver.
En ce sens la presse néerlandaise a raison : il s’agit bien d’un acte euthanasique qui est ici imposé par la justice britannique puisque Mme C demande une forme d’omission de traitement qui aura pour conséquence sa mort, recherchée en tant que telle.
Autonomie du patient ? Elle a des limites. Ici ces limites ne sont pas reconnues, et le désir de mort de cette femme est finalement considérée comme justifiant tout le reste.

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© leblogdejeannesmits



1 commentaire:

Anonyme a dit…

"le juge MacDonald estime qu’il se borne à reconnaître le droit de Mme C de choisir pour elle-même."

Heureusement !
Bien sûr, les arguments de madame mettent en lumière la superficialité ambiante de notre société de consommation.
Mais dès lors qu'elle n'est pas sous tutelle/curatelle, et qu'elle est donc apte à prendre des décisions la concernant, il serait choquant qu'on la force à suivre un traitement, quel qu'il soit.

En revanche, qu'elle assume ses choix : qu'elle meure toute seule, sans demander l'aide de personne.

Rien à voir avec l'euthanisie, donc.

 
[]