Je sors de la lecture du
rapport
final du synode sur la famille, tel qu’il a été adopté aujourd’hui
paragraphe par paragraphe, par les pères synodaux. On est frappé par son classicisme certain qui contraste fortement avec la teneur des conférences de presse
servies quotidiennement à la Salle de presse du Vatican, où les positions les
plus hétérodoxes ont été amplement présentées par de nombreux invités. Et qui
ont justifié les inquiétudes des catholiques inquiets de voir menacée la
doctrine de l’Eglise sur le mariage et la sexualité. Se sont-ils donc inquiétés
pour rien, cédant à ce que le pape a appelé une « herméneutique de la
conspiration » ? En y regardant de plus près, on constate qu’il a
ouvert les portes à des changements, en des paragraphes qui n’ont été adoptés
que de quelques voix de plus que la majorité requise des deux tiers.
Il n’est pas inintéressant de
noter qu’il a été rédigé non pas par les 10 rapporteurs choisis par le pape,
mais par une armée d’« experts » qui ont recueilli les amendements catalogués
par les 10 et qui ont présenté à
ceux-ci le projet de rapport final afin qu’ils puissent y apporter leurs
derniers amendements.
Le document final, la relatio synodi présente des réflexions
qui embrassent un grand nombre de sujets, depuis l’impossibilité de séparer la
fin unitive et procréative du mariage institué dès l’origine par Dieu, mariage
fidèle et indissoluble, jusqu’à la dénonciation de l’idéologie du genre, le
rappel de liberté éducative des parents, le devoir de respecter la vie, le
constat de l’existence d’une « mentalité abortive et contraceptive »,
la confirmation de l’enseignement de Humanae
vitae, le drame de la dénatalité… Il propose même la re-création de l’« ordo viduarum », l’ordre des
veuves, c’est dire.
On sent là combien un grand nombre
de pères synodaux ont pesé sur la réécriture de l’
Instrumentum laboris porteur de graves omissions et erreurs.
Voice of the family avait
analysé
la grave menace que constituait ce document pour tout l’enseignement de
l’Eglise, notamment dans sa présentation hétérodoxe de
Humanae vitae et dans ses suggestions d’ouverture aux divorcés
remariés.
Ce n’est pas pour autant que le
rapport final est en rupture totale avec ces erreurs. Il ne ferme pas les
portes au subjectivisme et fait avancer de manière plus discrète la volonté de
changement pastoral, en lui obtenant un consensus plus apte à faire taire les
voix les plus critiques.
Sur l’ouverture aux homosexuels,
si présente dans les conférences de presse et certaines déclarations au sein du
synode, le paragraphe 76 ( adopté par 221 voix contre 37) est marqué par la
prudence : il rappelle que les personne ayant cette tendance ne doivent
pas faire l’objet de « discriminations injustes » comme le disait la
Congrégation pour la doctrine de la Foi ; qu’il faut « accompagner
les familles où vivent des personnes ayant des tendances homosexuelles »,
et qu’on ne peut établir « aucune analogie, même lointaine, entre les
unions homosexuelles et le dessein de Dieu sur le mariage et la famille ».
Ces mots avaient été omis dans l’Instrumentum
laboris. Contrairement à l’Instrumentum
laboris, le rapport final ne propose pas de « définir la spécificité
sociale de ces unions affectives » ni n’appelle à « un meilleur
approfondissement humain et culturel, pas seulement biologique, de la
différence sexuelle ».
En revanche, s’il est bien
question de la pression indue exercée par les organisations internationales sur
les Eglises locales et sur certains pays pour « introduire des lois
instituant le “mariage” entre personnes de même sexe », il n’est nullement
question du caractère peccamineux de l’acte homosexuel, du devoir d’aider les
personnes à sortir du style de vie « gay » et du danger de l’activité
homosexuelle, dommageable pour la santé et mortelle pour l’âme.
C’est d’ailleurs une
caractéristique du texte : il ne parle de péché et de pécheurs que de
manière générale, toujours en rapport avec la rédemption mais sans jamais
rappeler que le salut des âmes est mis en cause dans les situations
objectivement désordonnées comme l’union civile ou le remariage après divorce.
Divorce où l’Eglise doit
s’efforcer d’« accompagner », le cas échéant, « ce moment de
souffrance de manière à ce qu’il n’y ait pas d’oppositions ruineuses entre les
conjoints », notamment pour les enfants qui sont « les premières
victimes de la séparation, car ils doivent souffrir le moins possible ».
Mais s’il en est bien question, le
rapport parle davantage d’aider chacun là où il est que de la responsabilité à
l’égard des enfants qui sont littéralement brisés par le divorce de leurs
parents.
Le paragraphe 53 laisse en parlant
des divorcés « remariés » et des personnes unies par un mariage civil
ou les concubins discrètement la place à la décentralisation annoncée par le
pape François il y a huit jours : « Dans la perspective de la
pédagogie divine, l’Eglise se tourne avec amour vers ceux qui participent à sa
vie de manière imparfaite : elle invoque pour eux la grâce de la
conversion, elle les encourage à faire le bien, à prendre soin avec amour l’un
de l’autre et à se mettre au service de la communauté où ils vivent et
travaillent. Il est souhaitable que dans les diocèses des parcours de
discernement et d’implication de ces personnes, pour aider et encourager la
maturation d’un choix conscient et cohérent. » (Lequel ? Le rapport
ne le dit pas.) « Les couples doivent être informés sur la possibilité de
recourir à la procédure de déclaration de nullité du mariage ».
Accueil, accompagnement : ce
sont les mots clefs du document où manque cruellement en revanche le rappel des
fins dernières.
Il est toujours question pour
l’Eglise de « partir de la situation concrète des familles » en
effet, en espérant mener ceux qui le peuvent vers la plénitude du sacrement, en
prônant une meilleure préparation au sacrement du mariage dans tous les cas,
mais sans se demander jamais pourquoi les catholiques dans leur immense
majorité aujourd’hui connaissent si mal les principes de leur foi et sont
d’ailleurs nombreux à pratiquer la contraception. Et les effets néfastes de
celle-ci sur la stabilité des mariages.
Les paragraphes les moins bien
adoptés concernent ceux sur les divorcés remariés. « Accompagnement »
toujours, avec des approches « différenciées » (n° 77), les couples
divorcés « remariés civilement » doivent être « intégrés dans la
communauté chrétiennes selon les divers modes possibles, en évitant toute
occasion de scandale », puisqu’ils peuvent avoir une « joyeuse et
féconde espérance » (n° 84, 187 voix contre 72). « Il faut discerner
quelles formes d’exclusion actuellement pratiquées dans le domaine liturgique,
pastoral, éducatif et institutionnel peuvent être dépassées ».
Le paragraphe 85 a été adopté avec
une majorité d’une seule voix : 178-80, s’appuyant sur des ouvertures
attribuées à saint Jean-Paul II et Benoît XVI : il s’agit
essentiellement de la voie de la « conscience » et de la
reconnaissance que les situations des divorcés remariés sont très diverses. On
y lit (traduction d’Yves Daoudal) : « Tout en soutenant une règle
générale, il faut reconnaître que la responsabilité face à certains actes ou
certaines décisions ne sont pas les mêmes dans tous les cas. Le discernement
pastoral, tout en tenant compte de la conscience bien formée de la personne,
doit assumer ces situations. Les conséquences des actes ne sont pas
nécessairement les mêmes dans tous les cas. »
Le paragraphe clef est le
86 (190 voix contre 64) : Yves Daoudal l’a traduit là encore –
« Le processus d’accompagnement et de discernement oriente ces fidèles
vers la prise de conscience de leur situation devant Dieu. L’entretien avec le
prêtre, au for interne, contribue à la formation d’un jugement correct sur ce
qui fait obstacle à la possibilité d’une plus pleine participation à la vie de
l’Eglise et de mesures qui peuvent la favoriser et la faire grandir. »
La solution du « for
interne » est celle qui
circulait
depuis plusieurs jours et que j’évoquais hier, c’est
celle
que Daoudal appelle la « dernière cartouche du cardinal Kasper ».
Il n’est pas question de communion explicitement mais que veut dire
« pleine participation à la vie de l’Eglise sinon cela… Et il n’est pas
question non plus des doutes émis par Benoît XVI lui-même après réflexion, que
j’évoquais aussi dans mon
dernier
blog sur la question.
Et personne, personne ne pose
jamais la question de savoir comment les divorcés remariés, fussent-ils
persuadés de la nullité de leur premier mariage non déclaré nul selon les
formes, peuvent être considérés comme autre chose que des concubins dans leur
nouvelle union…
Bref, on comprend qu’une
Elisabetta Piqué, dans La Nacion,
parle d’une « victoire virtuelle » du pape François, son ami, « et
de sa vision de l’Eglise fondée sur la miséricorde » puisque la « voie
du discernement » pour les divorcés remariés a été approuvée. « Le
document final a laissé les portes ouvertes au pape pour continuer de construire
une Eglise qui ne condamne pas, mais qui inclut chacun et aide les blessés d’aujourd’hui ».
C’est dans un même esprit que le
cardinal Danneels et Mgr Bonny, favorables aux innovations, ont salué l’esprit
du synode : Danneels a déclaré vendredi que « L’Eglise est un grand
navire qui, lentement, s’oriente vers un autre chemin ». « Nous ne
sommes plus une Eglise qui parle et qui juge, mais qui écoute ».
Un nouveau cap ? Une nouvelle
Eglise, alors. Ce rapport final est à comprendre comme l’élément d’un processus.
Le pape peut d’ailleurs prendre d’autres voies que celles exprimées par les
pères synodaux, choisir un autre équilibre.
On n’a pas fini d’analyser les
propos de ce parti hétérodoxe dans l’Eglise, et qui reste médiatiquement poussé
en avant au sein de l’Eglise elle-même.
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1 commentaire:
Ma foi, que ceux qui veulent faire une autre Église le fassent…! Et qu'ils cessent de vouloir entraîner dans leur naufrage ceux qui veulent tout simplement être membres de l'Église du Christ, toujours fidèle à son époux, qui elle seule a les paroles de la Vie éternelle.
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