30 janvier, 2015
Un couple vivant au nord-est des
Etats-Unis a poursuivi les services de santé et les médecins qui les ont
convaincus d’avorter un enfant parfaitement sain sur la base de diagnostics
erronés. Déjà ancienne, l’affaire vient d’être médiatisée par le Daily
Beast, sous la rubrique « Tragique ». L’avortement ne
serait-il donc tragique que lorsqu’il est « injustifié » ?
Colleen Abbott (le nom a été
modifié) avait 37 ans, et une histoire médicale de trois fausses couches,
lorsqu’elle a conçu un enfant dans le cadre d’une grossesse jugée
« viable » par ses médecins. Déjà mère d’un garçon, elle espérait une
fille. Les premières échographies allaient la combler – mais révéler, en même
temps, ce qui ressemblait à une anomalie dans le cerveau de l’enfant. Vu l’âge
de la mère, on procéda à d’autres examens.
L’amniocentèse ne révéla aucun
« défaut », mais le bébé, fit-on rapidement savoir aux Abbott, était
en réalité un garçon. Nouvelle échographie : l’appareil génital de
l’enfant était « ambigu ». Il était « intersexe ». Et
risquait donc des anomalies hormonales et des dysfonctionnements.
Aussitôt, le couple prit
rendez-vous avec la conseillère génétique. Colleen assure que celle-ci dressa
un tableau dramatique : l’enfant allait faire face au « traumatisme
social » lié à son état, risquait des problèmes de rein et de foie, et
peut-être même une mort précoce. Le choix était simple : avorter – ou
risquer d’avoir un « monstre ». Les Abbott avaient de la chance,
aurait-elle dit, d’être encore dans les délais de l’avortement légal.
Le bébé avait 22 semaines…
Du côté du conseiller, le récit
est un peu différent. Lors du procès qui allait suivre, c’est celui que le jury
a retenu comme le plus vraisemblable, et conforme à « l’éthique
médicale » (sic). Elle assure
avoir dit à Colleen qu’il lui restait deux semaines jusqu’à la fin du délai
légal d’avortement dans son Etat, soit 24 semaines. Et avoir suggéré au couple
d’attendre un diagnostic chromosomique complet, qui était en cours.
Quoi qu’il en soit, Colleen est
entrée à l’hôpital le 16 novembre 2009 pour subir un avortement, après sa
rencontre avec la conseillère génétique. Les médecins ont « arrêté le
cœur » du bébé. Deux jours plus tard, il venait au monde, mort-né. Et sans
le moindre défaut, ainsi que devait le confirmer l’autopsie.
Entre-temps, au lendemain du jour
où les médecins « arrêtèrent le cœur » du bébé, le laboratoire
responsable de l’amniocentèse appela pour dire qu’il y avait eu erreur :
une secrétaire s’était trompée, elle avait tapé les lettres « XY » au
lieu de « XX » dans le champ « genre ».
La procédure engagée par les
Abbott a abouti à la reconnaissance de la négligence du laboratoire, mais non de
l’hôpital, des médecins, et de la conseillère génétique. Et en tout état de
cause, les juges ont refusé d’accorder des dommages pour « avortement
injustifié » et pour la douleur morale subie ; leur décision a été
confirmée par une cour d’appel en février dernier.
Le cas n’est semble-t-il pas si
rare. Quelle est sa fréquence ? On ne peut le savoir, car en général le
bébé avorté n’est pas soumis à autopsie et les parents ne savent pas que le
diagnostic qui les a poussés à l’éliminer était erroné. Le Daily Beast souligne que les tests prénataux sont de plus en
plus nombreux et simples à mettre en œuvre ; aux Etats-Unis, deux femmes
sur trois s’y soumettent et selon les anomalies génétiques, elles sont une
majorité (entre 50 et 90 %) à choisir d’avorter en ce cas. Depuis 2011,
les tests non invasifs – sur simple analyse du sang de la mère – ont envahi le
marché. Leurs résultats sont loin d’être sûrs à 100 %, beaucoup sont
erronés une fois sur deux, mais de nombreuses femmes, comme Colleen Abbott,
prennent la décision d’avorter sur leur base sans subir de tests plus précis.
Et dans la grande majorité des
cas, lorsque des poursuites sont engagées, les tribunaux refusent de dédommager
pour l’avortement d’un enfant sain et « désiré ».
En revanche, les tribunaux américains
offrent de fortes compensations pour les « naissances injustifiées »,
tenant compte des frais auxquels les parents font face du fait de la maladie de
leur enfant : une pratique qui expose les médecins à des risques
considérables et qui les pousse à multiplier tests et diagnostics, et à se
« couvrir » par des comptes-rendus pessimistes.
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